Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’objet de cet amendement est que la contribution additionnelle de 30 % à la charge des employeurs soit exigible dès lors que les rentes servies aux employés au titre de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale excèdent cinq fois le plafond annuel défini à l’article L. 241-3 du même code, et non plus huit fois.

Après réflexion, la commission a décidé d’entendre l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les retraites chapeaux constituent en effet un troisième, voire un quatrième étage de retraite. Au-delà de 182 000 euros de rentes chapeaux annuelles, il n’est pas inopportun de porter le prélèvement patronal au taux de 30 % aujourd’hui applicable aux rentes annuelles supérieures à 291 000 euros.

Néanmoins sans doute convient-il de faire attention à ne pas modifier le droit applicable tous les six mois. Vous avez durci le régime des retraites chapeaux en loi de finances rectificative pour 2012, et ces rémunérations font l’objet d’une législation qui a déjà été modifiée à cinq reprises depuis sa mise en place en 2003. On peut certainement penser que c’est déjà un peu trop. Quoi qu’il en soit, nous souhaitons nous en remettre à la sagesse du Sénat. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 70, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 7 du titre 3 du livre 1 du code de la sécurité sociale est complété par une section 12 ainsi rédigée :

« Section 12

« Contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers

« Art. L. 137-27. – Il est institué, au profit des régimes obligatoires d’assurance maladie et d’assurance vieillesse une contribution de 40 %, à la charge de l’employeur, sur la part de rémunération variable dont le montant excède le plafond annuel défini par l’article L. 241-3, versée sous quelque forme que ce soit aux salariés des prestataires de services visés au livre V du code monétaire et financier. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous avions déjà proposé l’an dernier un amendement du même ordre, qui avait été adopté par notre assemblée, à un taux de 20 %.

Le présent amendement tend à instaurer une contribution de l’ordre de 40 % sur les bonus que perçoivent celles et ceux qu’il est convenu d’appeler les traders.

En 2010, les bonus des traders des plus gros établissements bancaires, tels que la Société générale, le Crédit agricole et Natixis, étaient de 2 milliards d’euros, soit l’équivalent de 150 000 à 291 000 euros par collaborateur. Bien entendu, cela ne tient pas compte de la rémunération. Donc, même si ces bonus sont légèrement moins élevés pour l’année 2011, ils restent importants, leur diminution étant très relative.

Notre amendement, s’il était adopté, permettrait donc de mettre un terme à ce scandale en rendant plus dissuasif le recours à de tels bonus. D’autant, madame la ministre, que l’encadrement de ces bonus pose problème, comme nous l’avions indiqué l’an dernier au précédent gouvernement, à Mme Pécresse plus précisément. Or nous n’avions pas eu de réponse. J’espère que vous pourrez nous apporter des éclaircissements de nature à apaiser cette inquiétude que vous me semblez partager.

Alors que la directive européenne prévoit que les parts fixe et variable de la rémunération totale doivent être « équilibrées », il semble que cette dimension ne figure plus dans l’arrêté du 13 décembre 2010 transposant le droit européen et que le terme « approprié » l’ait remplacé.

Vous comprendrez que ces deux termes ne sous-tendent pas un objectif identique – les mots ont un sens ! – et qu’il nous paraît donc important que l’ensemble du pays puisse respecter a minima l’encadrement de ces bonus.

En tout état de cause, notre amendement est de nature à apporter de nouvelles ressources à la sécurité sociale en taxant ceux qui profitent du système financier. Quoi de plus juste ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à instaurer une contribution patronale supplémentaire sur la part variable de rémunération des traders.

Une disposition similaire avait déjà été présentée par le groupe CRC lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ; elle avait alors été appuyée par le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Comme l’an passé, la commission souhaiterait recueillir l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une réflexion peut effectivement être menée sur l'encadrement des bonus. Il semble néanmoins indispensable de l'accompagner d'une action concertée à l'échelle internationale pour ne pas pénaliser uniquement la place de Paris.

Par ailleurs, des exemples récents, notamment en Grande-Bretagne, montrent que cette mesure est possible et souhaitable et, sous la législature précédente, des projets avaient même émergé ici ou là.

Il reste cependant à définir l'assiette. Plusieurs pistes doivent encore être explorées : une assiette constituée du total des rémunérations dépassant les seuils au-delà desquels il n'y a plus de cotisations chômage et retraite, comme en Grande-Bretagne, ou bien une assiette constituée de la part variable dépassant un pourcentage de la part fixe.

D'autres voies pourraient être explorées, mais comprenez, madame la sénatrice, que cela ne peut pas se faire au détour d'un amendement.

Par ailleurs, nous avons déjà fait beaucoup pour encadrer tous ces éléments de rémunération qui échappent, pour une bonne part, au financement de notre système solidaire de protection sociale, que ce soit en relevant le montant du forfait social, en taxant les stock-options ou – c’est l’objet de deux dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale – en élargissant l'assiette de la taxe sur les salaires et en créant une tranche supplémentaire pour les salaires dépassant 150 000 euros.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Cohen, l'amendement n° 70 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. J'ai entendu les arguments qu’a avancés Mme la ministre ; à partir du moment où une réflexion est engagée sur la mise en œuvre d’une mesure susceptible d’apaiser notre inquiétude, nous retirons notre amendement, madame la présidente.

M. Jean Desessard. J’étais prêt à le voter ! (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 70 est retiré.

Articles additionnels après l'article 20 (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2013
Article 23 (début)

Articles additionnels après l'article 23 bis (appelés par priorité)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en sommes parvenus à l’examen de quatre amendements, appelés par priorité à la demande de la commission des affaires sociales.

Ces quatre amendements font l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- La section VI du chapitre 1er du titre III de la première partie du livre 1er du code général des impôts est complétée par un article 520 E ainsi rédigé :

« Art. 520 E. - I. - Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l’article 1 609 vicies du même code sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l’alimentation humaine, en l’état ou après incorporation dans tous produits.

« II.- Le taux de la taxe additionnelle est fixé à 300 € la tonne. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er janvier 2014, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Les montants obtenus sont arrondis, s’il y a lieu, à la dizaine d’euros supérieure.

« III.- 1. La contribution est due à raison des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires les incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.

« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l’alimentation de leurs clients, les huiles mentionnées au I.

« IV.- Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité entrant dans leur composition.

« V. – Les expéditions vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu’elles sont réalisées directement par les personnes mentionnées au 1 du III.

« Les personnes qui acquièrent auprès d’un redevable de la contribution, qui reçoivent en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou qui importent en provenance de pays tiers des huiles mentionnés au I ou des produits alimentaires incorporant ces huiles qu’elles destinent à une livraison vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou à une exportation vers un pays tiers acquièrent, reçoivent ou importent ces huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles en franchise de la contribution.

« Pour bénéficier du deuxième alinéa du présent V, les intéressés doivent adresser au fournisseur, lorsqu’il est situé en France, et, dans tous les cas, au service des douanes dont ils dépendent une attestation certifiant que les huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles sont destinées à faire l’objet d’une livraison ou d’une exportation mentionnées au même alinéa. Cette attestation comporte l’engagement d’acquitter la contribution au cas où l’huile ou le produit alimentaire ne recevrait pas la destination qui a motivé la franchise. Une copie de l’attestation est conservée à l’appui de la comptabilité des intéressés.

« VI. – La contribution mentionnée au I est acquittée auprès de l’administration des douanes. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, sanctions, garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné à l’article 520 A. Le droit de reprise de l’administration s’exerce dans les mêmes délais. »

II. – Après le 3° de l’article L. 731-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :

« 4° ter Le produit de la contribution mentionnée à l’article 520 E du code général des impôts ; ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, il existe entre nous un clivage important (Exclamations sur les travées de l'UMP.) – peut-être même y en a-t-il d’autres. Il sépare, d'une part, celles et ceux qui, à un moment donné de leur vie, ont côtoyé, de plus ou moins près, les maladies cardio-vasculaires, ont fréquenté le milieu hospitalier, ont été confronté à l’infarctus et savent ce que signifie le mot cholestérol, et, d'autre part, celles et ceux qui, sans avoir jamais dû affronter, jusqu’à présent, de tels problèmes, font néanmoins partie de la population dite « à risques ».

Très sincèrement, mes chers collègues, je vous souhaite de ne jamais devoir faire face à de telles situations.

Vous l’aurez compris, j'appartiens à la première catégorie. À ce titre, je porte une attention particulière à l'alimentation et aux composants alimentaires. C’est ainsi qu’est né cet amendement.

Cette disposition soulève plusieurs questions auxquelles je m’efforcerai de répondre.

Première question : pourquoi l’huile de palme ? Cette dernière est l’huile la plus riche en acides gras saturés, qui représentent 50 % de sa composition, si l’on excepte l’huile de coprah, qui en contient plus de 90 %.

Le caractère nocif pour la santé de ces acides a été démontré par toutes les études possibles et imaginables. Certes, ce n'est pas un poison et l’on ne meurt pas en buvant un verre d’huile de coprah, mais la consommation de cette dernière en quantité importante est nocive pour l’organisme. Pour en être convaincu, il suffit de se reporter aux études de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, selon lesquelles les acides gras saturés sont consommés en excès par la population française – 16 % des apports énergétiques en moyenne, alors que l’apport nutritionnel conseillé est inférieur à 12 %.

L’agence ajoute que, dans l’ensemble de la population, ils contribuent au développement de l’obésité et favorisent les maladies cardiovasculaires.

Deuxième question : quelle est la teneur de cet amendement ?

Pour des motifs de santé publique – et uniquement –, nous avons jugé souhaitable de créer une taxe additionnelle (Exclamations ironiques sur certaines travées de l'UMP.) à la taxe spéciale prévue à l'article L. 1609 vicies du code général des impôts sur les huiles végétales, fluides ou concrètes, effectivement destinées, en état ou après incorporation dans tous les produits alimentaires, à l'alimentation humaine, laquelle est inférieure à 100 euros la tonne.

Cette taxe additionnelle s'appliquerait aux huiles de coprah, de palme et de palmiste, particulièrement nocives pour la santé, et son montant serait fixé à 300 euros la tonne.

Au passage, on remarquera que la taxe ordinaire sur l’huile de palme est deux fois inférieure à la taxe sur l’huile d'olive ; cela étant, je ne vous propose pas aujourd'hui de revoir l'échelle de taxation des huiles !

Si cet amendement est adopté, le montant total de la taxe pesant sur ces huiles sera multiplié par quatre, passant de 100 euros à 400 euros, mais il faut relativiser cette augmentation. Je le répète, l’huile de palme est deux fois moins taxée que l’huile d’olive. En outre, pour mémoire, le cours de la tonne d'huile de palme, sur le marché de Rotterdam, était de 880 dollars en septembre 2012, soit 692 euros, contre 1 100 dollars en mars, soit 866 euros. Vous constaterez ainsi, mes chers collègues, que la taxe proposée est inférieure aux variations des cours de l’huile de palme en l’espace de quelques mois. Il n’y a donc pas péril en la demeure pour les industriels.

Troisième question : quelle est la portée de cet amendement ?

De toute évidence, même si la mesure que nous proposons sera génératrice de nouvelles recettes pour la sécurité sociale – c’est ce qui permet d’ailleurs de l'examiner dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale –, il est bien évident que ce n’est pas le produit de cette taxe, si l’amendement est voté, qui permettra de résorber le déficit de nos comptes sociaux.

Cet amendement est donc un signal fort, un signal-prix adressé avant tout aux industriels. Il s'agit de leur demander de ne plus utiliser d’huile de palme, s’ils le peuvent, dans la préparation de substances destinées à l'alimentation ou, à tout le moins, d’en utiliser une quantité plus faible.

Certains prétendent que nous allons pénaliser les consommateurs.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Affirmer cela, c’est mésestimer le montant de la taxe additionnelle que nous proposons de créer. Nous avons fait le calcul : le surcoût pour un pot de cinq kilogrammes d'une pâte à tartiner d'une marque célèbre serait de 30 centimes.

Mme Nathalie Goulet. Et de 30 kilogrammes sur la balance ! (Sourires.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le cas échéant, l'industriel en question ne serait pas obligé de répercuter cette taxe sur son prix de vente. En l’occurrence, l’objectif n’est pas de dissuader le consommateur en le pénalisant (Marques de scepticisme sur les travées de l’UMP.), contrairement à la logique qui sous-tend les hausses de taxes pesant sur le tabac ou certaines boissons alcooliques : il est d'adresser un signal aux industries agroalimentaires.

On s’apercevra bientôt, d'ailleurs, que le dépôt de cet amendement aura permis de lancer un débat que j’estime profitable pour l'ensemble des consommateurs de notre pays.

Quatrième question : existe-il des substituts à l’huile de palme ?

Je me souviens que, voilà peu, nous avons examiné ici même un texte visant à interdire une substance pour laquelle, disait-on, il n’existait pas de substitut immédiat. Dans le cas d’espèce, nous ne sommes pas confrontés à ce problème puisqu’il est parfaitement possible de remplacer l’huile de palme par de l’huile de tournesol, du beurre de cacao ou bien encore de l’huile de coco.

Mme Catherine Procaccia. Pleine d’acides gras !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais insister sur un autre point.

En 2008 a été signée, dans le cadre du programme national nutrition santé du ministère de la santé, une charte d'engagements volontaires de progrès nutritionnel, aux termes de laquelle trois promesses ont été faites : limiter la quantité de sel, de matières grasses et de sucre ; inciter les consommateurs à manger plus de fruits et de légumes ; améliorer l’information générale des consommateurs.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sans citer son nom, je voudrais détailler devant vous, mes chers collègues, les actions qu’a entreprises un distributeur signataire de cette charte. À l'époque, sur les 4 000 produits référencés dans ses magasins, plus de 500 contenaient de l’huile de palme ; deux ans plus tard, parmi ceux-ci, 434 n'en contenaient plus.

Mme Catherine Procaccia. Donc votre taxe additionnelle ne sert à rien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s'agit aussi bien de pâtes à tarte, de biscuits, de chips, de pain de mie et même de pâte à tartiner. Cela prouve bien qu’il est possible de remplacer, totalement ou partiellement, l’huile de palme dans les produits qui en contiennent.

S’agissant de la pâte à tartiner, le produit le plus emblématique, une marque française – nous devrions nous en réjouir –, s'apprête à mettre sur le marché ce qui pourra être considéré comme la première pâte à tartiner sans huile de palme.

D’ailleurs, mes chers collègues, voici une véritable pâte à tartiner fabriquée avec de l’huile de colza et qui, donc, ne contient pas d’huile de palme. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales montre un pot de pâte à tartiner. – Exclamations amusées.)

M. Jacky Le Menn. Produite dans l’Aisne ? (Sourires.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, pas du tout !

M. Joël Billard. Est-ce que c’est bon ?

Mme Catherine Procaccia. Faites-nous goûter ! (Mêmes mouvements.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela prouve bien qu’il est possible de remplacer l’huile de palme.

Autre exemple, le fabriquant de ce produit met en avant comme argument de vente la mention « sans huile de palme ». (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales montre cette fois un paquet de chips.) L'argument de vente précise, au dos de ce paquet : « depuis 2007, dans un but de qualité, [notre marque] élabore ses chips avec une huile 100 % tournesol. […] L’huile de tournesol est également plus favorable pour l'environnement, car elle ne contribue pas à la déforestation. » (Brouhaha.)

M. Jean-François Husson. On n’est pas au supermarché !

M. Joël Billard. C’est de l’épicerie !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Laissez parler M. le rapporteur général !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il existe donc bien aujourd'hui des produits de substitution, et un certain nombre de producteurs et de distributeurs se sont engagés à vendre des produits qui ne contiennent plus d’huile de palme ou qui en contiennent moins.

Enfin, dernière question, car vous avez sans doute tous étés témoins de l’emballement médiatique qui a fait suite au vote de cet amendement en commission : cette mesure est-elle acceptée ?

Pour répondre à cette question, je donnerai deux indications.

D’une part, je me référerai à une source que personne, à la droite de cet hémicycle, ne contestera, à savoir le journal Le Figaro. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La question posée était donc la suivante : faut-il taxer le Nutella ? 64 % des 12 325 personnes interrogées ont répondu « oui » et 36 % se sont prononcées contre cette mesure.

Un autre journal avait posé une question à peu près similaire : faut-il surtaxer l’huile de palme ? Quelque 69,6 % des personnes sondées se sont déclarées favorables à cette mesure, 30,4 % s’y sont opposées, et 2 253 internautes ont voté.

Mme Catherine Procaccia. Respectez votre temps de parole !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, il est suffisamment rare qu’une proposition visant à instaurer une taxe, en particulier sur des produits de consommation courante, donc sur des aliments, reçoive dans les premières consultations une approbation aussi large des personnes interrogées. Cela montre bien que les dispositions de cet amendement répondent à une préoccupation de l’ensemble de nos concitoyens.

Nous discutons d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, et non d’une loi de santé publique. Néanmoins, nous avons l’habitude – ce n’est pas une nouveauté – de présenter dans ce cadre des mesures qui relèvent de la santé publique.

Aujourd’hui, nous avons tous, au sein de la Haute Assemblée, l’occasion d’adresser un signe à l’industrie agroalimentaire, de lui indiquer que nous sommes soucieux de la santé de nos concitoyens. Je ne doute pas que nous partagions cet objectif, sur quelque travée que nous siégions.

Si nous votons cet amendement, nous marquerons que nous ne nous contentons pas de belles paroles et que nous nous manifestons aussi dans les actes. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. Ronan Kerdraon. Quel plaidoyer !

Mme Catherine Procaccia. Quatorze minutes de temps de parole !

Mme la présidente. L'amendement n° 340, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 23 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ... ainsi rédigée :

« Section...

« Taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les huiles

« Art. L... - I. - Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l'article 1609 vicies du même code sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah effectivement destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits, à l'alimentation humaine.

« II. - Le taux de la taxe additionnelle est fixé par tonne à 300 € en 2013, 500 € en 2014, 700 € en 2015 et 900 € à partir de 2016. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2017. À cet effet, les taux de la taxe additionnelle sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l'année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances.

« III. - 1. La contribution est due à raison des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires les incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.

« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l'alimentation de leurs clients, les huiles mentionnées au I.

« IV. - Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité d'huiles visées au I entrant dans leur composition.

« V. - Les huiles visées au I ou les produits alimentaires les incorporant exportés de France continentale et de Corse, qui font l'objet d'une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou d'une livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A, ne sont pas soumis à la contribution.

« VI. - La contribution est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

« Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d'ordre comptable notamment, nécessaires pour que la contribution ne frappe que les huiles effectivement destinées à l'alimentation humaine, pour qu'elle ne soit perçue qu'une seule fois, et pour qu'elle ne soit pas supportée en cas d'exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A.

« VII. - Le produit de cette taxe est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. L’huile de palme est l’huile végétale la plus consommée au monde, présente dans plusieurs milliers de produits alimentaires de consommation très courante. Elle est privilégiée par les industriels pour son faible coût de production, mais son usage pose aujourd’hui des problèmes sanitaires et environnementaux.

D’une part, la consommation, plus exactement la surconsommation d’acides gras saturés contenus dans l’huile de palme, présente dans des milliers de produits et utilisée à 80 % par l’industrie agroalimentaire, accroît notamment le risque de maladies cardiovasculaires.

D’autre part, la culture industrielle du palmier à huile accapare de plus en plus de territoires, provoquant des défrichements qui modifient la destination forestière des sols et portent gravement atteinte aux possibilités de ressources des populations locales et au maintien des équilibres biologiques dans de nombreuses régions du monde ; je pense à l’Indonésie et à l’Afrique, entre autres.

Nous préférons la taxation à une interdiction pure et simple, car la consommation familiale limitée d’huile de palme ne pose pas les mêmes difficultés en termes sanitaires et environnementaux, et ce produit est bon marché : en France, c’est l’une des huiles les moins taxées, comme vient de le souligner M. le rapporteur général.

Cet amendement tend à créer une taxe additionnelle sur l’huile de palme prévue pour augmenter chaque année jusqu’en 2016. Son premier objet est, comme l’amendement précédent, d’inciter les industriels à substituer d’autres matières grasses à l’huile de palme, ce qui est le plus souvent possible. À cette fin, il convient de supprimer l’avantage concurrentiel de cette huile, uniquement dû au fait que le coût des dégâts sanitaires et environnementaux qu’elle occasionne est externalisé et supporté en aval par la collectivité.

De ce point de vue, la progressivité nous paraît indispensable, car elle permet d’aboutir à une taxation dissuasive, tout en laissant aux industriels le temps de s’adapter aux produits de substitution. Les importations sont également taxées.

La substitution progressive de l’huile de palme par d’autres produits réduira l’assiette, donc le rendement de la taxe, mais avant que la substitution ne se mette en place, les recettes générées permettront de financer des politiques de prévention.

La création d’un fonds de prévention par voie d’amendement étant prohibée par l’article 40 de la Constitution, le présent amendement vise à affecter les recettes de cette taxe à l’assurance maladie, même si, je l’ai souligné dans la discussion générale, nous sommes, conformément aux engagements qui ont été pris, très favorables à une augmentation du budget de 1 % pour développer des actions publiques de prévention et de recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)