Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Favorable.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

En attendant le dépôt de votre sous-amendement, monsieur le rapporteur général, peut-être pourriez-vous nous exposer l’avis de la commission sur les différents amendements en discussion ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme je l’ai indiqué au début de l’examen de cet article, la position de la commission s’appuie sur la directive européenne du 19 octobre 1992 concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, en particulier sur ses articles 4 et 23.

L’article 4 de cette directive, qui concerne les « petites brasseries indépendantes », prévoit, d’une part, que tout ce qui est produit sous licence pour une autre marque doit être inclus dans le calcul des volumes produits et, d’autre part, que les abattements pratiqués sur le prix de base ne peuvent pas être supérieurs à 50 %. En vertu de cet article 4, un certain nombre des amendements en discussion ne peuvent être acceptés.

Selon l’article 23 de la directive, le taux d’accise doit être le même pour tous les produits soumis à l’accise sur l’alcool éthylique, c’est-à-dire ceux qui relèvent de la distillation. Par conséquent, il est impossible d’effectuer un report sur un alcool donné, par exemple la vodka ou le whisky, comme cela est préconisé dans certains amendements, qui, pour cette raison, ne peuvent pas non plus être acceptés.

En d’autres termes, c’est au regard de ces deux articles de la directive que la commission a été « mécaniquement » amenée à émettre un avis défavorable sur un certain nombre des amendements en discussion.

C’est le cas des amendements identiques nos 258 rectifié bis et 362 rectifié bis, qui sont contraires à l’article 23 de la directive et que je qualifierai d’« amendements de type vodka ». (Sourires.)

La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 198 et 274, qui sont contraires à l’article 4 de la directive puisqu’ils prévoient d’exclure du calcul des volumes « les bières brassées sous licence, sous marques de distributeurs, et les bières produites en sous-traitance ».

Les amendements identiques nos 212, 220 rectifié, 255 rectifié et 361 rectifié bis, sont des amendements de type vodka et recueillent à ce titre un avis défavorable.

La commission est défavorable à l’amendement n° 302, qui, prévoyant un abattement de 65 %, est contraire à l’article 4 de la directive.

Je reviendrai sur l’amendement n° 301 rectifié lorsque je présenterai mon sous-amendement.

L’avis est défavorable sur l’amendement n° 206 rectifié, contraire à l’article 4 de la directive. Il en va de même pour l’amendement n° 310 rectifié.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 59 rectifié bis au profit de l’amendement n° 5 de la commission. Les objectifs poursuivis sont en effet voisins.

L’amendement déposé par le groupe socialiste vise à demander au Gouvernement un rapport sur la fiscalité appliquée aux boissons alcoolisées en France et, par comparaison, dans les autres pays européens. Pour sa part, la commission estime que c’est le Parlement qui doit se saisir de ce sujet et produire un rapport incluant l’étude de la fiscalité sur les produits contenant de l’alcool.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur tous les amendements, à l’exception de l’amendement n° 301 rectifié, sur lequel M. le rapporteur général a indiqué qu’il préparait un sous-amendement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’ai bien entendu les arguments des uns et des autres. Cependant, nous devons avoir présent à l’esprit que, si l’on diminue les recettes, il sera beaucoup plus difficile de tenir un certain nombre d’engagements sociaux sur l’ensemble de nos territoires. Par conséquent, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous appelle à examiner avec une très grande attention tout ce qui peut viser à réduire le niveau des recettes dans le cadre de ce PLFSS.

Je voudrais prendre le temps de revenir sur le débat très riche qui s’est tenu sur la fiscalité des bières, en réexpliquant dans le détail la raison pour laquelle cette mesure est proposée par le Gouvernement. Je souhaite décrire clairement et en toute transparence l’ensemble de ses incidences.

Nous pouvons sans doute en convenir, la mesure proposée vise à limiter la consommation d’alcool, particulièrement chez les jeunes. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres en la matière. Avec 30 000 décès environ par an, l’alcool reste la deuxième cause évitable de mortalité par cancers, après le tabac. Et ce chiffre n’inclut pas les décès liés à des accidents de la route, lesquels concernent pourtant aussi des consommateurs d’alcool, souvent jeunes.

Selon l’INSERM, 80 % des jeunes de dix-sept ans ont bu de l’alcool au cours des trente derniers jours et 50 % ont pratiqué le binge drinking, autrement dit l’ivresse rapide, sur la même période.

Alors que la quantité d’alcool pur consommée par habitant sous forme de vin a été presque divisée par trois depuis cinquante ans, celle qui a été consommée sous forme de bière est restée stable, à 2,5 litres par an. La part de la bière dans la quantité d’alcool pur consommée par les Français est passée de moins de 10 % à près de 20 %.

La bière, je tiens à le souligner, constitue le point d’entrée des jeunes dans l’alcool. Elle est la boisson qu’ils consomment le plus fréquemment.

Son très faible coût – je pense à la bière de premier prix vendue en supermarché, qui peut être assez fortement alcoolisée – contribue au maintien d’un accès à l’alcool par cette boisson. Je vous rappelle qu’il est possible de trouver des packs de bière de premier prix à 4,5 degrés d’alcool pour 20 centimes d’euro le demi de 25 centilitres, soit le même prix au litre que l’eau de Contrexéville ou d’Évian. Une pinte de bière à 8 degrés peut être vendue pour 1 euro.

Le prix d’accès à la bière est donc extrêmement faible. Du reste, hors bière discount et campagne promotionnelle, on trouve dans les grandes surfaces le litre de « bière de luxe », mention qui figure sous un certain nombre de grandes marques, ou le litre de bière forte aux alentours de 2 euros. Ainsi, il est possible d’atteindre, avec un produit qui conserve une image largement positive et une qualité tout à fait acceptable, des états d’ébriété dépassés pour 5 à 6 euros.

Cette accessibilité de la bière s’explique en partie par le niveau de taxation français. En effet, pour ce qui concerne les droits d’accises sur la bière, la France se classe au vingt-deuxième rang sur les vingt-sept pays de l’Union européenne : ces droits sont six fois moindres qu’en Irlande, huit fois moindres qu’au Royaume-Uni, et près de douze fois moindres qu’aux Pays-Bas.

Les droits de consommation sur les alcools forts, qui figurent également parmi les boissons privilégiées pour parvenir à une alcoolisation rapide, ont été fortement relevés l’an dernier : de plus de 20 %.

La mesure qui vous est ici proposée a donc, très clairement, une finalité de santé publique.

Au-delà de ses motivations sanitaires, cette disposition produira des effets sur lesquels je tiens à insister eu égard aux propos erronés, parfois relayés par la presse, qui ont été tenus à ce sujet.

Premièrement, le dispositif est identique quel que soit le réseau de distribution. Cela signifie que la hausse ne sera pas plus forte en supermarché qu’au comptoir.

Deuxièmement, l’ampleur de l’augmentation est proportionnelle à la fois au volume et au degré d’alcool de la bière. Les droits d’accises augmenteront de 1,2 centime par demi et par degré d’alcool. Autrement dit, l’augmentation sera de 5 centimes pour un demi de bière à 4,5 degrés. Si, pour un demi ordinaire, la hausse du prix final est finalement plus importante, c’est parce que les acteurs en profiteront pour accroître leurs marges. Ces 5 centimes sont à rapporter au prix d’une bière vendue en grande surface, à savoir 20 centimes pour une bière discount et 50 centimes pour une bière de marque courante.

Pour un consommateur moyen, qui boit 32 litres de bière par an, et qui ne modifiera pas son comportement, l’impact de la mesure sera de 6 euros par an. Même pour un consommateur qui absorberait 100 litres de bière par an, ce qui représente une consommation de 2 litres par semaine, l’impact serait de 20 euros, soit 1,60 euro par mois.

La hausse touchera plus fortement la consommation de volumes importants et/ou de bières plus fortes, ce qui est conforme à l’objectif recherché en termes de santé publique : rendre plus coûteux pour les jeunes l’accès aux produits qu’ils privilégient pour parvenir à une alcoolisation rapide.

La consommation conviviale au comptoir sera peu touchée : pour un demi à 2,50 euros, une hausse de 5 centimes ne représente que 2 % d’augmentation. La dégustation de bière de qualité et de tradition régionale sera également peu concernée. Sur ces bières, aux prix plus élevés, la majoration sera peu significative en proportion du prix.

Les droits d’accises pratiqués en France se situeront ainsi dans la moyenne de l’Union européenne à vingt-sept et resteront très inférieurs à ceux qui sont appliqués dans les pays où la consommation de bière revêt une dimension culturelle plus marquée. Cela veut dire, très concrètement, que ces droits seront encore très loin de ceux des Pays-Bas, du Royaume-Uni ou de l’Irlande.

Un impact sur les prix pour les produits les plus alcoolisés ou les moins chers est une conséquence – je le dis avec une gravité pleinement assumée et même revendiquée – de l’augmentation des droits d’accises. Certains brasseurs estiment cependant qu’ils ne seront pas en mesure de répercuter la hausse sur les prix et qu’ils devront réduire leurs marges. Permettez-moi d’en douter au vu de la structure du marché et de la taille des acteurs, puisque le marché français de la bière connaît, à l’image du marché mondial, une très grande concentration industrielle, trois groupes internationaux – Carlsberg, Heineken et InBev – concentrant 85 % du marché.

Du fait de leur poids, ces grands groupes seront largement en situation de répercuter la hausse des droits dans les prix de vente aux grandes et moyennes surfaces, qui commercialisent 75 % des bières. Au reste, ils sont en bonne santé économique : Heineken a enregistré 800 millions d’euros environ de bénéfices au premier semestre de 2012 et Carlsberg, 1,2 milliard d’euros en 2011.

Le texte issu de l’Assemblée nationale permet d’aboutir à un équilibre satisfaisant puisque l’ensemble des petits brasseurs – brassant tout de même jusqu’à 200 000 hectolitres par an – bénéficiera d’un taux réduit correspondant à 50 % du taux normal, soit l’abattement maximal autorisé par le droit communautaire. La hausse des droits d’accises sera donc plus faible pour les produits concernés. Ainsi, pour une bière comme la Ch’ti, produite dans une brasserie à 45 000 hectolitres par an, la hausse sera plus de deux fois moindre que pour une bière de grande brasserie au même titre d’alcool : sur un demi à 6,4 degrés, moins de 3 centimes d’euros, contre 7 centimes.

Par ailleurs, il me paraît clair que le développement des petits brasseurs relève d’un attrait du consommateur pour la spécificité de leur offre : terroir, goût typé, arôme particulier, image d’authenticité, aspect artisanal et haut niveau de qualité des produits. L’effet de droits d’accises modiques sur les prix de ces produits plus coûteux sera donc très limité.

Il faut rappeler également que la taxation ne portera que sur la consommation française. Les bières produites en France et exportées ne seront pas taxées, à l’inverse des bières étrangères importées, soumises en France aux mêmes prélèvements que les bières produites sur le territoire national.

Enfin, s’agissant de la filière brassicole, il convient de noter que 80 % environ de la production nationale de houblon et de malt est destinée à l’exportation.

Je vous appelle, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de la cohérence, de la responsabilité, de l’intérêt général et du respect du droit communautaire, à faire preuve de responsabilité en la matière.

Je conclurai en disant qu’il n’existe aucun argument rationnel permettant de démontrer, d’une part, que le relèvement des droits d’accises sur les bières proposé dans ce PLFSS ne constitue pas une mesure de santé publique, d’autre part, que son impact tant sur le pouvoir d’achat que sur la filière est disproportionné.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception des amendements nos 5 et 59 rectifié bis, sur lesquels il s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.

Je laisse volontairement de côté la question du sous-amendement à l’amendement n° 301 rectifié, que M. le rapporteur général ne nous a pas encore présenté.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 399, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 301 rectifié

1° Alinéa 5

Remplacer le montant :

2,48 €

par le montant :

3,03 €

2° Alinéa 10

Remplacer le montant :

4,95 €

par le montant :

6,05 €

3° Alinéa 15

Remplacer le montant :

2,48 €

par le montant :

3,03 €

4° Alinéa 20

Remplacer le montant :

2,95 €

par le montant :

3,03 €

5° Alinéa 25

Remplacer le montant :

3,73 €

par le montant :

3,03 €

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le sous-amendement n° 399 à l’amendement n° 301 rectifié vise à introduire une solution de compromis ; il ne satisfera donc personne ! En effet, il déplaira à ceux qui souhaitent, et ils sont nombreux ici, le maintien du texte tel qu’il est proposé par le Gouvernement, mais aussi à ceux qui ne sont prêts à accepter qu’une augmentation très modeste des droits d’accises.

Toutefois, assumant mes responsabilités de rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’ai choisi de vous le présenter, mes chers collègues, dans l’esprit de conciliation qui préside traditionnellement – et, je l’espère, encore aujourd’hui – aux travaux du Sénat.

Nous proposons que les droits d’accises de base, qui étaient de 2,75 euros par hectolitre, soient portés à 6,50 euros par hectolitre, alors que le texte dont nous débattons visait à les fixer à 7,20 euros par hectolitre. La commission se situe donc à mi-parcours entre le texte défendu par le Gouvernement et l’amendement présenté par M. Barbier.

Du point de vue financier, le Gouvernement attendait 480 millions d’euros de la hausse de la fiscalité sur les bières. L’adoption de l’amendement déposé par M. Barbier aurait réduit ce surcroît de recettes de moitié, le ramenant à 240 millions d’euros. Le sous-amendement n° 399 offre une solution médiane, avec une recette nouvelle de 360 millions d’euros.

Pour votre information, mes chers collègues, et parce qu’un tel rappel n’est pas inintéressant dans ce débat, j’aimerais enfin vous indiquer quelle est aujourd'hui la fiscalité sur différents produits, pour 10 grammes d’alcool pur : pour un demi à 5 degrés, elle oscille entre 1,7 et 3,4 centimes d’euro ; pour une coupe de champagne à 12 degrés, elle représente 0,9 centime d’euro ; pour un verre de vin à 12 degrés, 0,4 centime ; pour un verre d’apéritif à 18 degrés, 12,6 centimes ; pour un verre de whisky à 40 degrés, 27,4 centimes d’euros. Je vous laisse imaginer la difficulté à laquelle se trouveraient confrontés celles et ceux qui voudraient établir une fiscalité proportionnelle à la teneur réelle d’alcool dans une boisson !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 301 rectifié et sur le sous-amendement n° 399 ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, puisqu’il a été fait référence à la sagesse de votre assemblée, je tiens à attirer votre attention sur le fait que la sécurité sociale se voit d’ores et déjà amputée, du fait des amendements que vous avez votés, de 820 millions d’euros de recettes.

Or, si cet amendement et ce sous-amendement sont adoptés, cette perte sera encore augmentée de 120 millions d’euros : nous friserons alors le milliard d’euros de recettes en moins pour la sécurité sociale ! Vous comprendrez que, dans de telles circonstances, le Gouvernement ne puisse émettre un avis favorable sur l’amendement n° 301 rectifié, fût-il modifié par le sous-amendement n° 399.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne reviens pas sur le calcul effectué par Mme la ministre, qui est tout à fait exact. Je veux seulement souligner que trois décisions prises aujourd'hui s’annulent.

La réduction de la taxation de la bière dans les conditions suggérées par la commission diminuerait en effet les recettes prévues de 120 millions d’euros. Cependant, le rétablissement de l’article 14, relatif aux carried interests, représente une recette de 80 millions d’euros. Quant à l’amendement sur l’huile de palme, qui vous a valu une longue – trop longue aux yeux de certains – intervention du rapporteur général (Sourires.), il est susceptible de rapporter 40 millions d’euros. Cela fait bien un total de 120 millions d’euros qui viennent compenser la réduction de la taxation de la bière.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix par priorité l’amendement n° 301 rectifié, assorti du sous-amendement n° 399.

La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 399.

Mme Fabienne Keller. Tout en remerciant le rapporteur général de l’important travail qu’il a réalisé dans des délais très courts, je souhaite réagir à la hausse substantielle des taux de fiscalisation de la bière, qui demeurent plus proches des 160 % prévus dans la rédaction initiale que des 80 % sollicités au travers des différents amendements.

Mme la ministre déléguée s’est livrée à une attaque en règle contre la bière, dont la consommation, a-t-elle dit, représente en moyenne l’absorption de 2,5 litres d’alcool pur par an. Or ce volume est bien plus important pour d’autres alcools ! Focaliser l’attention sur la bière revient à méconnaître le sujet plus global, non de la consommation d’alcool, mais de la consommation excessive d’alcool, qui est le véritable problème sur lequel nous pouvons nous rejoindre.

Vous avez également indiqué, madame la ministre, que la production était pour l’essentiel concentrée sur trois grands groupes de brasserie. Pour notre part, nous combattons cette concentration. C’est la raison pour laquelle je regrette que n’ait pas été retenu notre amendement tendant à défendre les brasseries de taille moyenne, ces grosses PME d’Alsace et du nord de la France, au travers de la création d’un seuil de 200 000 hectolitres, non pas global mais en marque propre.

J’ai bien compris le raisonnement du rapporteur général sur l’article 4 de la directive européenne. Néanmoins, nous ne devons pas nous étonner du faible nombre de PME de taille moyenne dans notre pays : elles sont tuées par les effets de seuil contenus dans notre dispositif législatif, coincées qu’elles sont entre les petites entreprises protégées par des seuils bas et les très grandes, qui disposent d’une capacité de négociation avec la grande distribution et peuvent optimiser leur fiscalité grâce à des localisations particulièrement favorables.

Je souhaite enfin plaider, monsieur le rapporteur général, en faveur de taux de fiscalisation plus bas. J’espère que mon argument sera entendu.

Nous sommes tout à fait responsables et conscients des besoins de financement de la sécurité sociale, mais nous déplorons la focalisation sur la bière, qui induit des taux particulièrement élevés.

Pourquoi ne pas prendre en compte d’autres assiettes ? Certaines propositions ont sans doute été maladroites, comme celle qui mettait en avant la vodka. Mais pourquoi ne pas mieux répartir l’effort en taxant les boissons énergisantes, tout aussi dangereuses et systématiquement utilisées en mélange lors des séances de binge drinking ? La consommation excessive de ces produits, je le rappelle, est dangereuse pour la santé.

M. Jacques Mézard. Nous retirons l’amendement n° 310 rectifié, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 310 rectifié est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 399.

Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC s’abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 301 rectifié, modifié.

Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC s’abstient.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 258 rectifié bis et 362 rectifié bis, identiques, 198 et 274, identiques, 212, 220 rectifié, 255 rectifié et 361 rectifié bis, identiques, 302 rectifié et 206 rectifié n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 59 rectifié bis n’a plus d’objet.

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’article.

M. Marc Laménie. Nous voici parvenus au terme de l’examen de l’article 23, qui a suscité de nombreuses interventions sur l’ensemble des travées, généralement de grande qualité. Toutes ont mis en évidence le problème de la consommation excessive d’alcool, qui fait l’objet, comme l’a rappelé Mme la ministre déléguée, d’un combat permanent à tous les niveaux.

Certains de nos collègues ont par ailleurs insisté sur les enjeux économiques en présence. Il a notamment été question de préserver, à côté des grands groupes, les petites brasseries.

Plusieurs d’entre nous ont fait état des dérapages que, malheureusement, nous observons chez les jeunes, qui n’hésitent pas à consommer des mélanges à base de vodka ou d’autres alcools forts. Cet alcoolisme des jeunes est, du reste, tout aussi présent dans nos villes que dans nos campagnes.

Nous sommes un certain nombre ici à représenter des départements ruraux, voire de petites communes. Combien de maires, assistés par les bénévoles des comités des fêtes, renoncent à organiser dans leur commune ne serait-ce que des fêtes patronales, à cause de ces problèmes d’alcoolisme ! Il arrive, hélas, qu’au cours de ces manifestations des jeunes venant d’ailleurs apportent des bouteilles dans les coffres de leurs voitures. Ce problème de société a évidemment aussi des répercussions en termes de sécurité publique.

Alors que nous allons nous prononcer sur le volet « recettes » de la sécurité sociale, nous comprenons tous, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, l’enjeu financier que constitue l’équilibre des comptes publics de la sécurité sociale.

La santé publique, on l’a rappelé sur toutes les travées, représente également une préoccupation particulièrement importante. L’alcoolisme est un véritable fléau et c’est pourquoi il nous faut le combattre de toutes les manières possibles.

Sur cet article, je me rallierai à la position de mon groupe.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de ma grande déception.

Je le dis à titre personnel, mais aussi au nom des sénateurs alsaciens qui ont bien voulu cosigner plusieurs amendements : nous ne pouvons pas voter cet article dans sa rédaction actuelle.

Je regrette, une nouvelle fois, que l’anathème soit ainsi jeté sur une boisson populaire, qui n’est absolument pas nocive en termes de santé publique, contrairement à ce que certains s’acharnent à faire croire.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Cela devient lourd et indécent !

M. André Reichardt. Je ne veux pas refaire le débat, car je vois bien que mon propos en agace certains ; je demande simplement que l’on nous montre quels dégâts sont causés par la bière !

M. Jacky Le Menn. Quand vous voulez !

M. André Reichardt. Ce qui cause des dégâts, ce sont ces mélanges, les « mix », consommés lors de soirées au cours desquelles on fume également. La bière n’y est pour rien et ne justifie pas un tel anathème.

Même si l’augmentation initialement prévue de 160 % de la taxation a été rejetée, nous n’en sommes guère loin. Or une telle augmentation n’est pas convenable.

M. Jacky Le Menn. Elle est très convenable. J’aurais taxé davantage encore !

M. André Reichardt. Je réitère donc ma déception, tout en rendant hommage à M. Barbier et au rapporteur général, qui a manifesté la volonté de trouver une solution, ce qui n’était certes pas facile.

Encore une fois, il n’était ni convenable ni même admissible d’augmenter à ce point les droits d’accises sur cette boisson.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. On ne peut être satisfait de ce débat sur la bière, et ce pour des raisons tant de fond que de forme.

Le Gouvernement, qui proclame en permanence sa volonté de recourir sur tous les sujets à la concertation, a agi en l’espèce sans consulter les principaux acteurs.

Par ailleurs, il faut bien reconnaître qu’il y a une sorte d’hypocrisie : comme on se refuse à taxer le vin, on cherche des taxations de substitution et l’on cible la bière ! Au demeurant, on se garde bien de parler d’autres boissons parce qu’on ne veut pas fâcher : rhum, calvados, cidre, et j’en passe. Des boissons alcoolisées, dont on sait pourtant très bien quels dégâts elles peuvent causer, sont donc relativement épargnées. Il y a une rupture d’égalité puisque c’est un seul produit qui se voit stigmatisé.

Je le dis d’autant plus librement que je suis élue dans un département qui compte une seule petite brasserie, je considère que, sur le fond comme sur la forme, ce débat n’est absolument pas satisfaisant.

J’ajoute que les associations de lutte contre l’alcoolisme attirent notre attention sur le fait que cette fiscalité débridée, désorganisée et mal ciblée est contraire à l’intérêt des personnes victimes de ce fléau et que l’augmentation de la taxation n’aura pas, sur le terrain, les effets qu’elle est supposée avoir.

Telles sont les raisons et de fond et de forme pour lesquelles nous ne voterons pas l’article 23.

Un minimum de concertation préalable aurait sans doute évité ce long débat, de surcroît certainement voué à l’échec puisqu’il semble que la Haute Assemblée, du moins une majorité de ses membres, ait décidé de ne pas voter les recettes inscrites dans ce PLFSS.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Je n’avais pas particulièrement l’intention de prendre la parole, mais l’intervention de M. Reichardt me conduit à le faire.

Si certains d’entre nous ont défendu les brasseurs et demandé qu’une taxation un peu plus raisonnable et mesurée soit appliquée à la bière, je crois tout aussi louable que d’autres aient souhaité taxer davantage celle-ci pour les motifs de santé publique avancés, notamment, par Mme la ministre.

Dans ces conditions, l’amendement de M. le rapporteur général est, comme il l’a très bien dit lui-même, un amendement de compromis : chacun a fait un pas vers l’autre.

Certes, on peut considérer que le verre est à moitié vide ou à moitié plein – c’est le cas de le dire ! – mais, pour ma part, j’estime que le travail réalisé par notre assemblée cet après-midi nous permet une sortie « par le haut ». Ont été pris en compte non seulement les arguments de ceux qui, pour des motifs de santé publique, considéraient qu’il fallait renforcer davantage la taxation, mais aussi les légitimes intérêts des régions concernées et des petits brasseurs locaux.

Ainsi, nous avons fait acte, je le pense, de réalisme et de pragmatisme.