M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord saluer l’auteur de cette proposition de loi, Gérard Miquel, ainsi que son rapporteur, Alain Houpert.

Cette proposition de loi vise effectivement à proroger jusqu’en 2020 un dispositif indispensable au devenir de la filière de valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques.

Elle permet de corriger un défaut de vigilance législative, l’extinction, dès demain, 13 février 2013, des dispositions qui avaient permis de transposer la directive européenne de 2003 étant effectivement prévue en l’état des textes.

La proposition de loi répond donc aux préoccupations et inquiétudes exprimées par les acteurs de cette filière DEEE tels que Eco-systèmes ou les associations Emmaüs et Envie.

J’avais, dès le 19 décembre dernier, indiqué au nom du Gouvernement notre intention de soutenir une disposition législative permettant de proroger ce dispositif.

Comme l’a rappelé Gérard Miquel, un amendement avait été adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 au Sénat, mais, évidemment, le rejet de la première partie n’a pas permis à cet amendement de prospérer.

Je remercie Gérard Miquel d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

Le Gouvernement s’est fixé pour ambition de créer dans les éco-activités et les éco-industries 100 000 emplois en trois ans, autour de plusieurs priorités : le développement de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie, soit un gisement considérable de créations d’emplois ; le développement des énergies renouvelables, dans le cadre de la transition énergétique ; enfin, l’économie circulaire, qui doit être aujourd’hui une grande priorité nationale.

La raréfaction des ressources, la volatilité des prix des matières premières sont autant des causes de la crise économique. Or transformer nos modes de consommation, nos modes de production, passer du « tout jetable » au « tout utile » est l’un des leviers de sortie de la crise.

L’économie circulaire favorise la réduction à la source, la réutilisation, le recyclage, la valorisation des déchets. Elle remet à l’ordre du jour la fameuse formule de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».

Elle est au cœur d’une croissance écologique intensive en emplois, à l’image de cette filière DEEE qui représente 3 556 emplois, dont 1 450 dans l’économie sociale et solidaire.

La nouvelle étape que nous devons franchir dans le domaine de l’économie circulaire va au-delà du recyclage : il s’agit de l’intégration de cette dimension dans l’éco-conception des matériaux et des produits et de la valorisation systématique des déchets, car nos déchets sont des gisements tout à la fois de matières premières, de métaux, des terres rares, mais aussi d’emplois. C’est là un des leviers de ce que j’appelle le « patriotisme écologique ».

Chaque Français doit comprendre que, lorsqu’il se sépare d’un frigidaire ou d’un vieux téléphone portable, il nourrit une filière qui représente des emplois non délocalisables.

La France est aujourd’hui treizième sur vingt-sept en matière de taux de recyclage des déchets. Notre taux de recyclage des déchets ménagers est de 35,6 %, celui de mise en décharge de 34 %, alors que d’autres pays en Europe arrivent à un taux de mise en décharge de 5 %. Nous avons donc devant nous une marge de progression considérable, qui peut nous permettre de créer beaucoup d’activité industrielle.

C’est pourquoi j’ai souhaité que le Gouvernement travaille à un plan stratégique pour l’économie circulaire et proposé à Arnaud Montebourg de s’atteler à cette priorité. Je sais que des réflexions sont aussi en cours au Sénat sur l’obsolescence programmée des produits, je pense notamment aux travaux de Jean-Vincent Placé.

Nous devons mobiliser tous les leviers : leviers des incitations, leviers fiscaux et leviers des normes. L’un des piliers de cette économie circulaire réside dans les filières REP, qui inscrivent dans la réalité le principe pollueur-payeur, ce principe de responsabilité qui nous intéresse aujourd’hui.

La France est au premier rang des pays européens appliquant ce principe. Comme l’a rappelé Gérard Miquel, il existe seize filières de responsabilité élargie des producteurs, dont les quatre dernières sont en cours de déploiement : il s’agit des meubles, des déchets de soins, des déchets diffus particuliers et des bouteilles de gaz.

Parmi ces filières REP, celle de la DEEE présentait la particularité d’avoir instauré un système permettant de traiter les déchets historiques : quatre éco-organismes – Éco-systèmes, Ecologic, ERP et Récylum – sont chargés de gérer la collecte et le traitement de ces déchets électriques. Grâce aux éco-contributions des producteurs, ces éco-organismes ont été financés à hauteur de 200 millions d’euros en 2011.

La date d’extinction de ce dispositif ayant été fixée au 13 février 2013, il convient effectivement au législateur d’intervenir pour remédier à la situation. La proposition de loi de M. Miquel prévoit en ce sens de reporter cette date au 1er janvier 2020. Le rapporteur est également revenu sur les autres améliorations que comporte cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est extrêmement favorable, et ce pour plusieurs raisons.

Celle-ci s’inscrit tout d’abord dans la stratégie de l’économie circulaire que j’évoquais et permet, comme l’indiquait M. Miquel, de lutter contre l’exportation illicite des déchets électriques et électroniques.

Elle donnera également à la filière DEEE la capacité de maintenir ses bonnes performances de recyclage et de retrouver un taux de collecte des déchets croissant pour les prochaines années.

Conforter cette filière revient également à assurer la pérennité des emplois existants. La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui est très attendue par les associations du secteur de l’économie sociale et solidaire. Je rappelle que ce dispositif permet de soutenir des structures telles qu’Emmaüs ou Envie à hauteur de 5,5 millions d’euros par an, soit l’emploi notamment de 460 compagnons d’Emmaüs. De plus, cette filière permet de financer un certain nombre d’emplois d’insertion.

Le report de la date limite s’impose ensuite parce que la filière des équipements électriques et électroniques traite encore plus de 90 % de déchets historiques. Cela reste une charge particulièrement importante pour les acteurs de ce secteur.

J’ajoute que la mise en œuvre de la nouvelle directive européenne sur les déchets d’équipements électriques et électroniques du 24 juillet 2012 va demander d’importants efforts d’adaptation à ces mêmes professionnels. La nouvelle directive prévoit, en effet, d’atteindre en 2019 un taux de collecte de 65 %, ce qui correspond à peu près au doublement du taux actuel.

Pour toutes ces raisons, la filière doit être soutenue, et rapidement, ce qui explique l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte.

Au-delà du vote de cette proposition de loi, je voulais aussi saluer le travail engagé par Gérard Miquel, en tant que nouveau président du Conseil national des déchets, dans le cadre de l’élaboration du prochain plan Déchets 2020. J’ai proposé –  la décision est en cours de discussion –, que ce sujet de la gestion des déchets et de l’économie circulaire figure à l’ordre du jour des priorités de la Conférence environnementale en 2013, qui offrirait ainsi un débouché à l’ensemble des travaux actuellement en cours.

Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que beaucoup d’interventions seront convergentes aujourd’hui et j’espère que ce texte pourra être adopté, comme en commission, à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la part des déchets historiques collectés demeure très élevée – entre 83 % et 96 % – pour les déchets d’équipement électriques et électroniques, dits « DEEE » ; 20 % de ces déchets sont orphelins, leurs producteurs ou importateurs ayant disparu.

Ces déchets, entrés sur le marché après la mise en place, le 13 août 2005, d’une filière de collecte, de recyclage et de valorisation en application de la directive 2002/96/CE, comportent des substances dangereuses pour l’environnement et pour la santé : arsenic, mercure, plomb, cadmium, lithium... Cependant, leur traitement et leur recyclage permettent de récupérer du cuivre, du palladium, de l’argent, de l’or, mais aussi des terres rares.

Le fort développement des nouvelles technologies ainsi que la banalisation et la multiplication des équipements électriques et électroniques qui s’ensuivent rendent nécessaire la réutilisation de ceux des composants qui s’y prêtent afin de réduire l’empreinte écologique de ces matériels. En effet, leur fabrication demande déjà beaucoup d’énergie, d’eau, et de métaux rares que nous importons.

En outre, favoriser le traitement de ces déchets est essentiel : de par le monde, nombreuses sont les entreprises qui envoient leurs déchets dans les pays en développement, où il n’existe pas de réglementation spécifique. Du fait de cette absence de cadre réglementaire, les habitants traitent ces déchets, qui sont toxiques, sans précaution particulière et selon des procédés inadaptés. Pensons aux enfants qui travaillent dans ces décharges…

Pour cette raison, la loi a instauré une éco-contribution répercutée à l’identique du metteur sur le marché au consommateur final, affichée séparément pour les DEEE. Ce mécanisme à vocation transitoire prend fin demain, le 13 février 2013.

Notre collègue Gérard Miquel propose de le proroger jusqu’au 1er janvier 2020, date à partir de laquelle ces déchets historiques ne devraient plus représenter que la moitié des DEEE collectés, en comptant sur une baisse de 5 % par an.

Cette prolongation, proposée sous forme d’amendement au projet de loi de finances pour 2013, avait été adoptée par le Sénat. Les membres du groupe du RDSE avaient également déposé des amendements en ce sens.

Toutefois, cette mesure avait disparu avec le rejet du texte par le Sénat. C’est donc dans l’urgence que nous examinons la présente proposition de loi, conscients que nous ne pouvons prendre le risque de laisser une telle quantité de déchets historiques en l’état et de déstabiliser une filière qui a fait ses preuves.

En effet, l’éco-contribution constitue une aide de grande importance pour la filière et pour les collectivités territoriales, comme l’a illustré dans son rapport notre collègue Alain Houpert.

Le principe de la responsabilité élargie du producteur a contribué à l’apparition de filières créatrices d’emplois : 3 500 emplois créés, dont 1 500 dans l’économie sociale et solidaire.

L’éco-contribution, visible dans le prix des produits, revêt également une forte valeur pédagogique pour l’ensemble de nos concitoyens.

Si la directive de 2003 fixait un objectif de collecte de DEEE de 4 kilogrammes par habitant et par an, la nouvelle directive du 4 juillet 2012 fixe des objectifs encore plus ambitieux : en 2019, la France devra collecter 14 kilogrammes par habitant et par an !

Certes, l’industrie des nouvelles technologies intègre progressivement ces préoccupations environnementales dès le stade de la conception – on trouve maintenant l’indication de l’empreinte écologique de notre téléphone portable sur sa fiche descriptive –, mais la sensibilisation des producteurs, des distributeurs et des consommateurs doit être poursuivie en vue de modifier les comportements.

Au stade de la production, les technologies et les matériaux plus durables doivent être préférés, de façon à réduire l’empreinte écologique des DEEE.

Dans un monde où l’immatériel prend place dans tous nos gestes quotidiens, il convient de prévoir en amont tous les effets que l’usage des nouvelles technologies induit.

Les préoccupations environnementales ne se retrouvent pas uniquement à la fin du cycle de vie de ces équipements, elles s’attachent également à la consommation d’énergie qu’ils engendrent. Nous devons en prendre conscience.

L’obsolescence des produits que nous utilisons ne repose plus sur un défaut de fonctionnement. Elle dépend aujourd’hui de dépassements technologiques successifs. Le progrès est prompt à intégrer les nouvelles fonctionnalités, dont le consommateur est friand.

Nous ne sommes plus dans une économie de la réparation, mais dans une économie du renouvellement constant de nos équipements, donc du rejet, ce qui est dommageable pour l’environnement.

Les industriels le savent et n’hésitent pas à mettre sur le marché de nouveaux modèles à quelques mois d’intervalle, après avoir seulement modifié quelques fonctionnalités. C’est ainsi, par exemple, que certains ordinateurs portables d’un grand fabricant possèdent une carte mère dont tous les composants sont soudés : le défaut d’un seul de ces composants obligera à changer complètement la carte mère.

La baisse des coûts et de la qualité du matériel informatique peut amener des entreprises, soucieuses de gagner du temps, à considérer l’ordinateur comme un simple consommable. Utilisé pendant un an, ou un an et demi, il sera ensuite mis au rebut. Qu’en est-il de la gestion du flux des déchets, mes chers collègues ?

Mais, au-delà de ce problème global concernant l’économie des équipements électriques et électroniques, il nous faut poursuivre nos efforts en matière de gestion des déchets qu’ils génèrent. C’est pourquoi, à l’unanimité de ses membres, le groupe du RDSE ne peut que soutenir cette proposition de loi qui vise à encourager la responsabilité de tous en application du principe pollueur-payeur, principe à valeur constitutionnelle.

Je voudrais saluer le travail de Gérard Miquel, collègue et ami du Lot, précurseur de la collecte sélective dans ce département, et à une époque où il n’en présidait pas encore le conseil général. Les vieux conseillers généraux d’alors n’étaient pas tous très emballés par ses propositions (Sourires.), mais notre collègue a semé quelques graines, qui ont germé : aujourd’hui, notre département est, sinon un modèle, du moins l’un des premiers en matière d’environnement.

Enfin, je voudrais conclure en rappelant que nous sommes tous concernés par l’environnement. Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. (Nouveaux sourires.) Pour le paraphraser, je dirai que l’environnement est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls écologistes ! (Rires. Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Vincent Placé. Nous cherchons justement des renforts, cher collègue ! (Sourires.) Rejoignez-nous !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il va m’être assez facile de m’exprimer sur la présente proposition de loi puisque, voilà quelques semaines, comme plusieurs de mes collègues, notamment Gérard Miquel, auteur de ce texte, j’avais déposé, au nom du groupe écologiste, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative, un amendement allant dans le même sens, lequel avait été adopté avant que la première partie ne soit rejetée par le Sénat.

Cette proposition de prorogation avait donc été, d’une certaine manière, une victime collatérale d’un débat plus général. J’ai cependant le sentiment qu’elle est moins menacée ce soir…

Par ailleurs, je me réjouis que la commission du développement durable ait adopté la présente proposition de loi à l’unanimité de ses membres, preuve que nous savons aussi reconnaître, au-delà de nos divergences, les enjeux, en termes d’emploi, que représente réellement la filière du recyclage des déchets électroniques.

D’autres l’ont indiqué avant moi, la prorogation jusqu’en 2020 du mécanisme d’éco-participation répercutée à l’identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers est vitale pour cette filière industrielle encore jeune, car elle permet de sécuriser son financement.

Sur le plan environnemental, les écologistes soutiennent fortement le mécanisme d’éco-participation, fondé sur le principe « pollueur-payeur », et, par voie de conséquence, la responsabilisation des metteurs sur le marché en matière de collecte et de valorisation des déchets électriques et électroniques ménagers particulièrement polluants, et ce d’autant plus que, outre les DEEE historiques, la consommation croissante de certains produits issues des hautes technologies, comme les smartphones et les tablettes, laisse entrevoir un gisement très important de déchets dans les prochaines années.

Soutenir la filière des DEEE, c’est également lutter contre l’exportation illégale de déchets électroniques. Malgré la convention de Bâle, qui interdit la circulation de déchets dangereux depuis 1992, de nombreux pays industrialisés continuent d’exporter illégalement leurs déchets. Des éco-organismes opérationnels, tels que ceux qui ont été créés en France, constituent les meilleures garanties et les moyens les plus efficaces pour contrôler ces flux de DEEE. La question, importante, du trafic de ce type de déchets illustre l’importance du contrôle des flux, donc des moyens mis à disposition par l’État, notamment le nombre d’agents présents dans les ports. C’est en enjeu majeur.

Autre atout de la filière sur lequel il est essentiel d’insister : sa dimension sociale. La filière génère en effet un grand nombre d’emplois d’insertion, dont a besoin notre pays. Bien que Mme la ministre ait déjà cité les chiffres, je rappellerai que, sur les 3 556 employés de la filière, 650 sont en insertion et 460 sont compagnons d’Emmaüs.

On le constate bien, la prorogation du mécanisme d’éco-participation, qui permet d’en garantir le financement, est un enjeu majeur pour consolider une filière à haute qualité environnementale et à fort gisement d’emplois.

Gérard Miquel l’a souligné, les objectifs européens deviendront de plus en plus ambitieux dans les années qui viennent, avec l’objectif d’une collecte de 14 kilogrammes de DEEE par an et par habitant à l’horizon de 2019, soit un doublement par rapport à la quantité actuelle. Pour que ces objectifs soient respectés, le mécanisme doit être conforté et les éco-organismes devront aussi ajuster leurs barèmes de façon que l’éco-participation soit à la hauteur des coûts.

La rationalité économique rejoint ici l’exigence environnementale, puisque l’enjeu est bien de recycler et de réemployer au maximum les ressources nécessaires à la fabrication des équipements électriques, dont certaines sont coûteuses et vouées à s’épuiser.

Et n’oublions pas non plus l’enjeu véritablement social de la filière. Nous avons tous en mémoire le scandale de l’exploitation du coltan au Congo. Récupérer, recycler, c’est aussi répondre à ce défi.

Je souhaite maintenant revenir sur l’organisation d’autres filières, qu’a évoquée Mme la ministre. Au moment où l’État réduit son budget et les dotations générales qu’il octroie aux collectivités locales, permettre à certaines filières de déchets de s’autofinancer, et donc aux collectivités locales de supporter de moindres coûts, ce qui est un enjeu financier majeur, constituerait un signal fort.

Je note aussi que les associations de consommateurs soutiennent le mécanisme de répercussion à l’identique et d’affichage, en raison de sa transparence et de son caractère anti-inflationniste : dans une enquête réalisée en 2012, l’association CLCV relève que 85 % des consommateurs interrogés sont favorables au maintien de l’affichage du montant de l’éco-contribution de façon séparée du prix du produit.

Je souhaite toutefois attirer votre attention, mes chers collègues, sur les fortes marges de progression qui sont sans aucun doute les nôtres.

Je citerai d’abord le respect de la loi. On observe, en effet, que certains sites de vente en ligne – je me garderai d’en citer – se soustraient à leurs obligations en matière d’affichage de l’éco-participation. Outre qu’elle méprise l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, cette pratique illégale nuit évidemment aux filières, notamment à celles qui se mettent en place.

Mais consolider les filières de recyclage n’est pas suffisant : nous devons simultanément jouer sur l’amont. C’est toute la filière industrielle qui doit aujourd’hui repenser son modèle économique, et ce dès la conception des produits. Les écologistes sont très attachés, par exemple, au développement de l’éco-conception et à l’augmentation de la durée légale de garantie des produits, afin de lutter contre l’obsolescence programmée, c’est-à-dire la désuétude planifiée des produits afin d’obliger à renouveler l’achat. Qui n’a pas eu un smartphone en fin de vie précisément à quelques jours de l’expiration de l’abonnement ?...

Ce sont bien nos modes de production et de consommation dans leur ensemble qu’il faut réinventer, tout en associant systématiquement le consommateur.

Madame la ministre, j’ai noté vos références au développement de l’économie circulaire. Les membres du groupe écologiste constatent avec plaisir que certaines idées progressent aujourd'hui très vite !

Ils attachent donc beaucoup d’importance au fait que le mécanisme d’éco-participation fasse participer le consommateur à la politique de recyclage, en le sensibilisant à son acte de consommation. C’est bien la généralisation de comportements éco-responsables qui permettra d’atteindre les grands objectifs environnementaux que nous défendons.

Bien évidemment, le groupe écologiste soutiendra la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Jean-Vincent Placé. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les DEEE ne me sont pas inconnus. En tant que président d’une communauté de communes, j’exerce cette compétence qui se révèle d’une très grande utilité pour nos concitoyens. Fini le temps des machines à laver ou des postes de télévision dans les fossés ! La collecte des DEEE, sans faire de bruit, à petits pas, a pris sa place dans le tri sélectif des déchets ménagers.

La filière spécifique de gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques, dite « DEEE », a été mise en place en France en 2006, afin de respecter la directive européenne 2002/96/CE dont l’objet est de responsabiliser les producteurs d’équipements électriques et électroniques ménagers sur la fin de vie de leurs produits – éco-conception, collecte des déchets, recyclage...

Cette filière de responsabilité élargie du producteur, opérationnelle depuis le 15 novembre 2006, repose sur des éco-organismes qui gèrent de manière mutualisée et opérationnelle la collecte et le traitement des flux de DEEE pour le compte de leurs adhérents metteurs sur le marché qui leur versent une éco-participation pour chaque équipement vendu.

Cinq flux de DEEE sont répertoriés : les gros électroménagers du froid, les gros électroménagers hors froid, les divers écrans, les petits appareils en mélange, les lampes.

Les déchets sont collectés soit par la distribution dans le cadre du « un pour un », c’est-à-dire la reprise d’un ancien équipement pour un équipement acheté, soit par les collectivités territoriales – via les déchetteries le plus souvent –, soit encore par les opérateurs du réemploi. Il est à noter que cette dernière activité est créatrice de nombre d’emplois dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, comme l’ont déjà indiqué certains de mes collègues.

Permettez-moi de citer quelques chiffres. Selon une étude de l’ADEME de 2010, chaque année, 600 millions d’équipements sont déclarés mis sur le marché, ce qui représente plus de 1,6 million de tonnes – soit 25 kilogrammes par an et par habitant –, dont 80 % sont de type « ménager ». Le gisement annuel des DEEE ménagers est estimé entre 16 kilogrammes et 20 kilogrammes par an et par habitant.

Au mois de décembre 2009, on relevait 3 600 points de collecte des collectivités sous contrat avec un éco-organisme ménager, et 19 500 points de collecte étaient ouverts dans le cadre du « un pour un ». Cette même année, 371 000 tonnes de DEEE ménagers étaient collectées, soit 5,7 kilogrammes par an et par habitant.

La grandeur de ces différents chiffres légitime plus que jamais l’importance des filières de recyclage des déchets.

Pour les DEEE mis sur le marché avant l’instauration de cette filière de responsabilité des producteurs, il a été nécessaire de mettre en place un dispositif de répercussion à l’identique et affichée sur la facture des clients, dispositif qui expire le 13 février de cette année, autrement dit, demain. Or le stock de DEEE historiques à traiter reste très important, puisqu’il représente près de 93 % des collectes effectuées en 2011. Il était donc urgent d’agir ; une adaptation du droit s’imposait.

Gérard Miquel avait anticipé ce problème en déposant un amendement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, mais, le budget ayant été rejeté au Sénat, cette proposition n’a pas pu être reprise à l’Assemblée nationale.

En conséquence, l’objet principal de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est la prorogation, jusqu’au 1er janvier 2020, du mécanisme de répercussion à l’identique de l’éco-participation et de son affichage pour le consommateur final, ainsi que sa mise en cohérence avec la nouvelle filière de responsabilité élargie du producteur, qui concerne les déchets d’ameublement.

Tous les équipements collectés sélectivement intègrent une filière de traitement et sont valorisés ; leur taux de recyclage est compris entre 50 % et 90 % selon les catégories de déchets. Il faudrait sans doute veiller, en amont, à améliorer l’éco-conception des équipements pour diminuer, en aval, le volume de déchets produits et améliorer les taux de recyclage.

Par ailleurs, depuis quelques années, nous le constatons tous, la conception des équipements électroménagers impose un taux de remplacement plus élevé et pousse à une certaine surconsommation. La durée de vie des équipements est aussi moins longue, ce qui amène à parler d’« obsolescence programmée ». Or cette stratégie commerciale devrait nous conduire à nous interroger. Effectivement, elle a un impact négatif sur les volumes de déchets produits et elle pénalise les consommateurs : ils achètent des produits qui durent moins longtemps, tout en assumant financièrement une partie du coût de leur collecte et de leur recyclage.

La mise en place d’une politique globale de réduction, de traitement et de valorisation des déchets permettrait de renforcer les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement. Il faut organiser une société du recyclage et du réemploi. L’ambition est donc de passer du « tout jetable » au « tout utile » et d’opérer une transition de notre société vers des modes de production et de consommation qui favorisent la réduction à la source, la réutilisation, le recyclage et la valorisation des déchets. La démarche doit s’accompagner d’une responsabilisation des producteurs et des distributeurs.

Une telle politique doit favoriser la création d’emplois et de filières de collecte, le stockage et la revente des déchets à des fins de réutilisation comme matières premières. Nous en sommes tous conscients dans cet hémicycle.

Certes, il était urgent d’agir pour renforcer une filière de recyclage en plein développement. À cette fin, la prorogation du mécanisme d’éco-participation permet de garantir les moyens financiers de la filière.

La proposition de loi que nous examinons n’est cependant qu’une réponse très partielle à la problématique de la gestion des déchets, dont les enjeux environnementaux sont majeurs. Nous devons donc rester très ambitieux en la matière et mettre en place une politique volontariste pour réduire les volumes de déchets et assurer leur valorisation.

En conclusion, madame la ministre, le présent texte, certes modeste, apporte néanmoins sa pierre à l’une des grandes causes sur lesquelles vous vous êtes magnifiquement engagée : la réutilisation des déchets. À l’instar de ce qu’il a fait au sein de la commission du développement durable, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)