M. Yves Krattinger. Nous n’avons pas su faire élire suffisamment de femmes dans nos conseils généraux : c’est par là que nous avons beaucoup fauté. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. Il faut bien pécher par quelque chose…

M. Yves Krattinger. Nos concitoyens nous taxent souvent d’archaïsme à ce sujet.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Yves Krattinger. Recourir à la proportionnelle pourrait être une solution pour favoriser la parité, mais il est clair qu’elle rompt le lien entre l’élu et le territoire. La proportionnelle permet également d’assurer la diversité politique,…

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Krattinger. … mais le binôme aussi, tant sa constitution ouvre un vaste champ à la négociation.

Mes chers collègues, nous avons l’occasion d’entrer de plain-pied dans la modernité. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) En 2015, au lendemain des élections cantonales, lorsque les journaux publieront les photographies de toutes les femmes de France appelées à siéger au sein des conseils départementaux, ceux qui auront été à l’origine de cette évolution en seront fiers ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, sur l'article.

M. Éric Doligé. Notre collègue Krattinger le disait à l’instant, nous sommes au fond nombreux à être d’accord.

Pour ma part, je me ferai le porte-parole des présidents de conseil général.

M. Didier Guillaume. De certains d’entre eux !

M. Éric Doligé. Le 6 février dernier, soixante-dix présidents de conseil général, dont une cinquantaine appartenaient à la majorité – je ne citerai pas de noms –, se sont réunis. Je voudrais vous livrer quelques citations des uns et des autres.

M. Bruno Sido. Livrez-nous ce florilège !

M. Éric Doligé. La première est d’un collègue de la façade atlantique, membre de la majorité : « Avec Sarko on pensait avoir atteint le fond, avec Hollande c’est encore pire. (Sourires sur les travées de l'UMP.) La nouvelle organisation détruit la proximité. »

Autre citation : « Le binôme est une machine infernale ; comment peut-on imaginer cela ? »

Mme Gisèle Printz. C’est sans doute un homme qui a dit cela !

M. Éric Doligé. Je poursuis : « Il faut revoir toutes les copies. Ce texte est un danger pour l’existence des départements. Mêmes situations, mêmes angoisses qu’avec Sarko. »

M. Didier Guillaume. Mais il ne s’agissait pas du même texte !

M. Éric Doligé. « Avec la loi Valls, je passe de vingt cantons ruraux à trois. J’admire ceux qui ont pu inventer un truc pareil. C’est lamentable, c’est pire que Sarkozy, on siphonne les départements. » J’en ajoute une dernière : « On vient d’inventer la machine à claques. »

M. Jean Germain. Bref, cinq citations pour soixante-dix présents !

M. Éric Doligé. Chers collègues de la majorité, vous nous avez quelque peu mis en difficulté avec le conseiller territorial : nous savons ce qui s’est passé lors des élections sénatoriales. Vous avez su profiter de la situation, mais vous venez d’inventer « la machine à claques », selon le mot d’un des vôtres. Par décence, je ne citerai pas les auteurs des phrases que je viens de rapporter, mais je pourrais très bien le faire.

En tout état de cause, voilà ce que pensent les présidents de conseil général, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas cela !

M. Vincent Eblé. Je m’inscris en faux !

Mme Gisèle Printz. C’est l’opinion de la droite !

Mme Frédérique Espagnac. C’est trop facile de conclure ainsi !

M. Vincent Eblé. C’est totalement faux ! L’association des départements de France s’est exprimée en faveur de cette réforme !

M. Éric Doligé. Vous avez l’art de tenir, selon les lieux où vous vous trouvez, des discours totalement opposés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Vincent Eblé. Quelle malhonnêteté !

M. Éric Doligé. Permettez-moi d’en donner un autre exemple : lors du débat sur la simplification des normes, nous avons évoqué la question de l’accessibilité. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Vincent Eblé. Ne détournez pas la question ! Parlez de la loi électorale !

M. le président. Mon cher collègue, laissez M. Doligé s’exprimer.

M. Éric Doligé. Je sais bien que cela est très gênant pour vous…

M. Didier Guillaume. Pas du tout !

Mme Frédérique Espagnac. Pas le moins du monde !

M. Éric Doligé. Lors de ce débat, j’avais suggéré que l’on étudie la possibilité d’un report de la mise en œuvre des normes en matière d’accessibilité des lieux publics. Vous vous étiez alors tous exclamés que ma proposition était scandaleuse. Or notre collègue Claire-Lise Campion vient de publier, sur ce sujet, un très bon rapport que je vous invite à lire : elle y indique qu’il faudrait envisager de reporter de quatre à sept ans l’application de la loi.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Doligé. Lisez le rapport de Mme Campion, mon cher collègue : lors du débat sur l’accessibilité, vous avez dit exactement le contraire de ce qui y est écrit ! Il en va de même sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Mme Éliane Assassi. Propos d’apparatchik !

M. Vincent Eblé. Qui êtes-vous pour faire parler les absents ? De quel droit instrumentalisez-vous Mme Campion ? C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l’article.

Mme Muguette Dini. Je voudrais parler de la parité.

Qui a eu cette idée folle du binôme ? Vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, alors présidée par Mme André. Je n’en étais pas membre à cette époque, mais j’avais pu assister à certaines de ses réunions.

L’idée du binôme a d’abord concerné les élections législatives : il était question de regrouper deux circonscriptions législatives pour en faire le ressort d’élection d’un homme et d’une femme. Ensuite, cette idée a resurgi à propos de la création du conseiller territorial.

Je me bats depuis trente ans pour la parité et j’ai beaucoup réfléchi à cette question, avec bien d’autres femmes. À l’époque de la discussion du projet de création du conseiller territorial, j’en étais venue à penser que, plutôt que de chercher à imposer véritablement la parité, nous devions nous plier au texte de la Constitution et nous borner à favoriser son instauration. J’avais alors suggéré la mise en place d’un bulletin paritaire, portant les noms d’un homme et d’une femme : celui ou celle qui obtenait le plus de voix devenait titulaire, l’autre suppléant. Cela n’assurait pas la parité, mais donnait à l’électeur la possibilité de voter comme il le souhaitait.

Mme Muguette Dini. Je suis certaine que, petit à petit, nous serions arrivés à une parité parfaite. Cela étant, cette proposition n’avait pas été retenue.

J’avais, à cette époque, voté contre la création d’un suppléant de l’autre sexe pour les élections cantonales. Cette proposition avait été avancée au nom de la parité, ce qui était absolument scandaleux ! J’avais d’ailleurs suggéré que l’on assassine immédiatement 2 500 conseillers généraux, afin qu’ils soient remplacés par des femmes ! C’était la seule solution, tous les sortants étant des hommes. Cela n’a pas marché, tant pis…

Je reste absolument opposée au scrutin uninominal tel qu’il est aujourd’hui organisé, parce qu’il conduira à perpétuer la situation actuelle, où les conseils généraux ne comptent que 15 % de femmes.

Je suis également contre l’instauration du binôme, qui aurait pour conséquence de détacher l’élu local du territoire. Il est vrai que le binôme permettra d’imposer la parité dans les conseils généraux, mais, comme l’a dit excellemment M. Retailleau, je crains que leur fonctionnement ne devienne extrêmement difficile.

Monsieur le ministre, je ne sais pas ce qu’il aurait fallu faire…

M. Manuel Valls, ministre. Voilà !

Mme Muguette Dini. … – ce n’est pas mon problème, car ce n’est pas moi qui suis au Gouvernement –, mais, je vous le dis, le binôme n’est pas une bonne solution ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, sur l’article.

M. Gérard Miquel. Je souhaite m’adresser à tous ceux de nos collègues qui ont voté la création du conseiller territorial.

M. Didier Guillaume. Une voix seulement de majorité !

M. Gérard Miquel. Pour ma part, je l’ai beaucoup combattue, et je considère que l’instauration du binôme est une bonne chose.

À entendre ses détracteurs, le système proposé par le Gouvernement risquerait de mettre à mal la représentation du monde rural. C’est absolument faux ! Mon département, de caractère rural, aurait dû élire quinze conseillers territoriaux et compter quinze circonscriptions électorales ; aux termes du présent texte, il désignera trente conseillers départementaux, auxquels s’ajouteront six conseillers régionaux : le Lot pourra donc compter sur trente-six élus au total. La représentation de la ruralité ne sera donc pas mise à mal : elle sera au contraire confortée !

Certains font valoir que recourir au scrutin proportionnel permettrait d’instaurer la parité. J’y suis absolument opposé pour ce type d’élections. Tout d’abord, la proportionnelle serait une aubaine pour ceux qui sont incapables de se faire élire au scrutin uninominal. Ensuite, on assisterait au même phénomène qu’avec certains conseillers régionaux, que l’on ne revoit jamais une fois l’élection obtenue ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Je ne veux pas de cela pour mon département.

M. Pierre-Yves Collombat. Si les conseillers régionaux ne servent à rien…

M. Gérard Miquel. Les départements ont un peu plus de deux siècles d’existence. Nous devons moderniser leur image. La mise en place du binôme le permettra, grâce à l’instauration de la parité totale,…

M. Didier Guillaume. Absolument !

M. Gérard Miquel. … sans nuire à la représentation des territoires, au contraire.

M. Gérard Miquel. Je serai heureux d’avoir une collègue avec qui partager les tâches. En outre, élus de territoires plus vastes que ceux des cantons d’aujourd’hui, les conseillers territoriaux auront une véritable vision départementale et seront moins tentés de consacrer leur temps et leur énergie à la défense de petits projets de portée très locale.

Ce texte nous permettra de redorer le blason des départements et d’en faire des collectivités modernes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l’article.

M. Christian Favier. Bien que n’étant pas favorables au mode de scrutin proposé pour l’élection des futurs conseillers départementaux, nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression de l’article 2.

En effet, nous avons préféré déposer des amendements prévoyant un autre mode de scrutin, susceptible de permettre à la fois, nous semble-t-il, d’atteindre les objectifs visés par le Gouvernement et de contribuer au mouvement général en faveur de l’instauration de la représentation proportionnelle, seule à même de refléter la diversité politique de notre pays.

Nous avons pour ambition de permettre le développement tant de la parité que du pluralisme. Ces deux objectifs nous semblent aller de pair : il ne peut y avoir d’avancée dans un seul de ces domaines.

La proposition d’instaurer un binôme paritaire, excluant de fait le pluralisme, pose de nombreux problèmes qui vont être largement débattus. Nous souhaitons insister sur l’un d’entre eux, qui a été maintes fois soulevé par de nombreuses femmes que nous avons rencontrées depuis que ce projet a été rendu public : elles ont le sentiment qu’une femme souhaitant se faire élire devra nécessairement être accompagnée d’un homme. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je vous renvoie aux propos tenus par la présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale.

Mme Sophie Primas. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Elle l’a dit elle-même !

M. Christian Favier. En tout état de cause, ce sentiment est largement répandu et vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte. Il ne se manifestait pas quand il s’agissait de faire progresser la parité en développant le pluralisme par le biais des divers modes de scrutin de liste paritaire mis en place aux échelons municipal, régional et européen : parité et pluralisme vont donc bien de pair !

Nos amendements permettent d’atteindre ce double objectif. Nous espérons que le Gouvernement entendra cet appel.

Au cours de nos débats en première lecture, de nombreux sénateurs et sénatrices ont formulé des propositions intégrant, d’une façon ou d’une autre, une représentation à la proportionnelle, partielle ou totale. Ce principe démocratique progresse donc ; nous nous en félicitons. Il serait temps qu’intervienne une avancée significative dans le cadre de l’examen du présent texte.

Par ailleurs, vous avez dit, monsieur le ministre, que recourir au scrutin proportionnel mettrait à mal la proximité entre élus et territoire. Mais, en l’espèce, il s’agit bien d’élire des conseillers départementaux, qui devront gérer non pas un canton, mais les affaires du département ! Aujourd’hui, un conseil général gère parfois un budget de plus de 1 milliard d’euros et assure la conduite de politiques très importantes, en matière de solidarité, d’insertion, de transports, d’aide aux personnes âgées ou aux personnes handicapés, etc. Le travail et la réflexion doivent donc être menés à cette échelle, et l’élu ne peut se cantonner, si j’ose dire, à son ancrage local. La proximité est importante, mais la première responsabilité d’un élu départemental est de servir le département dans son ensemble, afin notamment de corriger les profondes inégalités sociales et territoriales que l’on observe aussi à cette échelle.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Discussion générale (interruption de la discussion)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Dans la suite des interventions sur l’article 2, la parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir. La suspension du dîner nous a permis d’apprendre une nouvelle importante, dont M. le ministre de l’intérieur, chargé des cultes, a dû prendre connaissance avec beaucoup d’attention.

Mais revenons-en au projet de loi qui nous est soumis.

Un système électoral repose sur deux principes, l’équité et l’efficacité. Depuis quelques années, on y a ajouté un autre paramètre, la parité.

La révision de la Constitution proposée voilà quelques années par Jacques Chirac – je ne suis pas sûr que tous nos collègues siégeant de l’autre côté de l’hémicycle l’aient votée ! – visait non pas à prévoir un partage des responsabilités à parité entre les hommes et les femmes, mais, simplement, à instaurer l’égalité des chances pour l’accès aux mandats.

M. Rémy Pointereau. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. À mes yeux, équité se conjugue avec proximité. Or, contrairement à ce qu’a affirmé tout à l'heure avec force l’un de nos collègues socialistes, qui exerce, par ailleurs, les fonctions de premier vice-président de la Haute Assemblée, la proximité ne sera pas au rendez-vous avec le système que vous nous proposez.

En effet, le nombre de cantons sera divisé par trois dans les zones rurales. L’un de nos collègues indiquait que, avec la création du conseiller territorial, le nombre de cantons serait passé de trente-six à vingt-cinq dans son département.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Non, quinze !

M. Jean-Claude Lenoir. Je me permets de lui faire remarquer que celui-ci comptera dix-huit cantons avec le système proposé par le Gouvernement !

La création de gros cantons dans le monde rural rompt avec l’esprit de proximité entre élus et administrés qui prévaut actuellement.

En ce qui concerne l’équité, il est vrai que le monde rural pèse, aujourd'hui encore, plus lourd que le monde urbain. Mais c’est, après tout, une façon de contrebalancer d’autres forces qui existent dans notre République. Le monde rural a besoin d’être représenté et sécurisé. À cet égard, le système actuel lui est, me semble-t-il, plus favorable.

Parlons maintenant de l’efficacité. Vous avez inventé un système que j’entends fustiger ici. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Le conseiller territorial a été, d’une certaine façon, vilipendé, quelque peu défiguré, contesté, au travers d’un certain nombre de campagnes qui se sont révélées assez fructueuses. Cependant, j’ai noté, cet après-midi, qu’il semblait avoir repris quelques couleurs dans notre assemblée… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. Au contraire, on l’a vilipendé !

M. Jean-Claude Lenoir. En effet, j’ai entendu certains de nos collègues avancer l’idée que, finalement, ce système était meilleur que celui qui nous est aujourd'hui proposé.

M. Pierre-Yves Collombat. C’était « moins pire » !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour être tout à fait sincère, je reconnais que personne n’a défilé, chez moi, pour défendre le conseiller territorial.

M. Philippe Kaltenbach. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais avez-vous entendu beaucoup de personnes dire, y compris dans les cellules de votre parti (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.),…

Mme Éliane Assassi. Les cellules, c’était au parti communiste, et elles ont disparu !

M. Jean-Claude Lenoir. … que le scrutin binominal était « la » solution pour assurer la représentation du monde rural ?

Pour ma part, je n’ai entendu que des brocards contre ce système associant, sur un même territoire, deux personnes qui seront soudées le temps d’une campagne électorale, avant d’être libres, une fois l’élection passée, de défendre des opinions tout à fait divergentes. Ces moqueries émanaient même de personnes ayant voté pour l’actuel Président de la République et partageant, pour l’essentiel, vos vues… Il s’agit d’un système rocambolesque, croquignolesque, qui frise le ridicule : de nombreux Français ne tarderont pas à en être convaincus ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, sur l’article.

M. Michel Boutant. Je regrette l’absence de notre collègue Éric Doligé, car je souhaitais revenir sur son intervention.

M. Jean-Claude Lenoir. Il revient tout de suite !

M. Michel Boutant. Il se trouve que j’étais moi aussi présent à la réunion du 6 février dernier au siège de l’Assemblée des départements de France, rue Duguay-Trouin. M. Doligé a voulu nous faire croire que les propos alors tenus avaient trait au projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Or, les quelques autres collègues présidents de conseil général ici présents peuvent en attester, le président de l’ADF nous avait convoqués pour discuter du premier document de travail remis par Mme la ministre déléguée à la décentralisation, qui appelait effectivement un certain nombre de remarques. Il ne s’agissait nullement du projet de loi qui nous est soumis.

Pour terminer, je dirai un mot au sujet du binôme, dont le fonctionnement serait, selon certains, dont M. Lenoir, voué à être irrémédiablement mauvais.

Nous sommes un certain nombre ici à avoir été élus en binôme. Or, je n’ai pas noté de dysfonctionnements ou de divergences profondes entre ces sénateurs élus dans un même département, dont la situation s’apparente à celle des futurs conseillers départementaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. Mon collègue Michel Boutant m’a « confisqué » une partie de mon intervention…

Voilà déjà longtemps que j’ai appris que tout, dans la vie quotidienne, professionnelle ou politique, est question de présentation.

Je ferai observer qu’il y a, dans cet hémicycle, six ou huit sénateurs qui ont été élus en binômes paritaires sur les mêmes listes, à la proportionnelle,…

M. Jean-Claude Lenoir. Non, un binôme, c’est deux !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’a rien à voir ! C’est la proportionnelle !

M. Claude Domeizel. Il en est de même pour les élections municipales.

M. François Trucy. Ce n’est pas pareil !

M. Claude Domeizel. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, pour lesquelles s’applique la proportionnelle, il arrive que certaines listes n’aient que deux élus, qui sont obligatoirement un homme et une femme.

M. Claude Domeizel. Là aussi, on pourrait parler de binôme. Cette notion n’est donc pas aussi abominable, croquignolesque,…

M. Jean-Claude Lenoir. Je revendique la paternité de cet adjectif !

M. Claude Domeizel. … ridicule que d’aucuns le prétendent !

Peut-être aurait-il fallu, monsieur le ministre, parler non pas de binômes, mais de scrutin de liste à quatre candidats,…

M. Claude Domeizel. … avec élection des deux premiers de la liste arrivée en tête. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Ainsi, on n’aurait pas passé une heure et demie sur le mot « binôme » ! (Mme Anne Emery-Dumas et M. Claude Dilain applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, sur l’article.

M. Gérard Roche. À cette allure, on n’est pas près de voir une fumée blanche s’élever au-dessus du Sénat ! (Sourires.)

Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais on peut, me semble-t-il, aborder le problème sous un autre angle.

Du fait de son histoire et de ses fonctions, le département est une collectivité très particulière ; dans le monde rural, il est la collectivité de proximité par excellence. Pour cette raison, la question du mode d’élection des conseillers appelés à siéger au sein de son assemblée mérite une réflexion approfondie.

Depuis très longtemps, deux tendances s’opposent : les uns sont favorables à la proportionnelle intégrale et à un scrutin de liste, les autres prônent une élection territoriale, uninominale ou binominale.

Personne n’a le monopole de la défense de la ruralité.

Mme Frédérique Espagnac. Vous non plus !

M. Gérard Roche. Les partisans des départements – ils sont nombreux dans cet hémicycle – reconnaissent que trois problèmes se posent : il faut harmoniser le chiffre de la population des cantons, instaurer la parité, mieux répartir les compétences entre région et départements.

Naguère, les promoteurs du conseiller territorial faisaient valoir que la création de ce nouvel élu réglerait le problème de la population des circonscriptions et celui du partage des compétences, les mêmes élus siégeant dans les exécutifs des deux collectivités. Aujourd’hui, le système du scrutin binominal permettra de régler le problème de la parité et celui de la population des circonscriptions, mais pas la question de la répartition des compétences.

Nous sommes donc confrontés à un blocage entre droite et gauche. En vrai centriste, je pense qu’il faut en sortir et avancer, puisque la plupart d’entre nous sont d’accord sur le mode de scrutin à retenir, les partisans de la proportionnelle étant nettement minoritaires dans notre assemblée.

À titre personnel, je serais prêt à m’abstenir, à condition que la marge de variation de la population cantonale par rapport à la moyenne départementale soit portée à 30 % et que le seuil pour le maintien au second tour soit fixé à 12,5 % des inscrits.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l’article.

M. Gérard Bailly. Nous pouvons au moins tomber d’accord sur ce constat : nos concitoyens, surtout les plus jeunes, identifient mal leurs élus et ne sont pas très au fait des compétences des différentes collectivités, même quand ils ont suivi de bonnes études. Ils connaissent bien le maire de leur commune, le député, mais très peu les autres élus. Ce problème d’identification ne risque-t-il pas de s’aggraver encore si deux conseillers territoriaux représentent un même canton, sans parler de leurs suppléants ?

Personnellement, j’attache beaucoup d’importance au lien entre l’élu et son territoire. Aujourd’hui, quand un problème survient sur une route départementale ou au collège, c’est vers le conseiller général que se tournent les citoyens, en tout cas ceux d’âge mûr. Il en va de même en cas de difficulté d’ordre social, en matière de transports scolaires ou de déneigement des routes. Les choses seront-elles aussi claires, demain, quand deux conseillers territoriaux seront élus dans un même canton ? Je n’en suis pas certain.

Par ailleurs, les nouveaux cantons seront plus étendus que ceux que nous connaissons actuellement, surtout en milieu rural. Le lien de proximité entre élus et population s’en trouvera distendu.

Enfin, même quand les deux conseillers départementaux s’entendront bien et s’efforceront d’être présents sur tout le territoire, ne vont-ils pas privilégier les communes les plus importantes, au détriment des petites ? Les parties du territoire les moins peuplées ne seront-elles pas davantage encore délaissées ?

On a fait remarquer que les défenseurs du conseiller territorial n’étaient guère nombreux. Pour ma part, j’ai toujours été très favorable à sa création.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Gérard Bailly. Avec le conseiller territorial, la représentation de mon département au conseil régional aurait été beaucoup plus forte : nous y aurions compté vingt-sept élus, contre neuf aujourd’hui. En outre, pour avoir été pendant treize ans en même temps conseiller général et conseiller régional, je puis vous dire qu’un très grand nombre de dossiers sont instruits en double, dans les deux instances. La création du conseiller territorial aurait permis de clarifier le partage des rôles entre la région et les départements. Le travail des élus en aurait été simplifié et quelques économies de personnel auraient pu être réalisées. C’est pourquoi je continue de défendre le conseiller territorial !

En tant que représentant d’un département rural, je trouve que la marge de population de 20 % par rapport à la moyenne départementale est beaucoup trop étroite et qu’il faudrait la porter au minimum à 30 %. Monsieur le ministre, un tel assouplissement est particulièrement important pour les territoires ruraux ou de montagne : s’il était apporté, nous pourrions peut-être arriver à un accord, même si, sur le fond, le système proposé ne me paraît pas bon ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)