M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec le vote sur l’article 1er, le Sénat va devoir se prononcer sur le cœur même du projet de loi présenté par le Gouvernement. C'est l'article de principe, celui dont tout découle. Disons-le d'emblée, se prononcer sur l’article 1er, c'est un peu se prononcer sur l'ensemble du texte.

On nous annonce – on l’a beaucoup entendu – que la messe est dite, que les Français auraient tranché cette question avec l'élection de François Hollande et qu'au final nous ne sommes là que pour enregistrer la volonté du Gouvernement et du Président de la République. Évidemment, nous rejetons cette vision.

À ce stade des débats, un constat s'impose : nous n'avons pas obtenu toutes les réponses à nos questions. Les sénateurs et sénatrices du groupe UDI-UC avaient déposé des amendements constituant une véritable alternative par rapport au texte du Gouvernement. Il s'agissait de l’union civile comme nouvelle forme de conjugalité.

M. Yves Détraigne. À nos propositions, et aux propositions similaires qui ont été faites par nos collègues de l’UMP, le rapporteur s'est contenté de répondre en substance qu'il ne fallait pas remettre en cause l'économie générale du texte du Gouvernement.

Voilà où nous en sommes : il ne faut pas remettre en cause le travail du Gouvernement ! Alors, je m’interroge : le Sénat abandonne-t-il ses prérogatives ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À quoi sert-il ? Pourquoi faut-il absolument remettre en cause l'institution du mariage s'il est possible au législateur de procéder différemment ?

Nous avons tous reconnu que les couples homosexuels souffraient de nombreuses discriminations, que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Nous avons tous reconnu cette souffrance et nous avons proposé des moyens concrets pour y répondre.

Mais quand serons-nous entendus ? Et à quel moment songerez-vous à nous dire pourquoi il faut remettre si profondément en question l'institution du mariage, institution fondée, je le rappelle, sur l’altérité et la conjugalité en vue de la filiation ?

Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous poser cette question, et j'ai bien peur, madame la garde des sceaux, que vous répondiez à un véritable problème au moyen d'un texte, hélas, inapproprié.

Au surplus, cet article est en fait un cheval de Troie. Nous savons tous ici que l'un des principaux buts de la manœuvre est d'accorder un droit à la filiation, et notamment à l'adoption, aux couples de même sexe, sans parler de la GPA et de la PMA.

Or – cela a été largement évoqué depuis le début de nos débats – nous savons tous que ce droit à l'adoption restera largement fictif. Nous savons tous que la promesse de la réalisation du projet familial, dont vous vous faites les hérauts, restera lettre morte.

Certes, on imagine très bien comment certains dossiers de demande d'adoption seront déposés en haut de la pile, ne serait-ce que pour les photos de presse et pour la communication politique. Mais nous savons tous que votre texte, s'il n'est pas accompagné de la PMA et de la GPA, ne sera qu'une machine à provoquer de la frustration et de la colère.

C’est une raison de plus pour nous opposer avec conviction à ce texte qui appelle mécaniquement d'autres réformes plus profondes de la filiation. Nous refusons d'entrer dans ce processus.

Voilà pourquoi je voterai contre l'article 1er, comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est heureux, pour notre groupe, que nous soyons sur le point d’adopter cet article.

Depuis jeudi dernier, le code civil et Portalis ont beaucoup été cités dans cet hémicycle. Alors souvenons-nous aussi de ce code civil qui introduisait une distinction entre enfants légitimes et illégitimes, de ce code civil qui donnait tous les pouvoirs au chef de famille – l’homme, évidemment.

À la lecture de ces éléments, il apparaît heureusement que le code civil n'est pas immuable, le législateur ayant su le faire évoluer.

Alors, chers collègues, si vous ne souhaitez pas l'évolution proposée avec la création de l'article 143, c'est votre droit, mais rien n'empêche le législateur que nous sommes de voter cette évolution parce que – rappelons-le, y compris en faisant référence à Portalis – jamais ce que doit être la famille n’a été défini dans le code civil dans le sens prévu par certains de vos amendements.

Ont été convoqués Jaurès, les Lumières et même Thorez et Aragon ! N’est-ce pas assez cocasse de citer Aragon, cet enfant illégitime qui a souffert toute sa vie de cette situation, sa mère l'ayant fait passer pour son frère ? (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Heureusement, nous avons depuis fait évoluer le code civil, sans changer la femme, ni l’homme.

Alors, s'il vous plaît, ayons les débats de notre temps, sans faire parler ceux qui sont traversés par d'autres débats que les nôtres.

Permettez-moi, à mon tour, de citer les références qui structurent ma pensée. Ce ne sera pas Marx, comme certains s’y sont essayés en commission, mais Gaston Bachelard, grand épistémologue, dont les lectures ont marqué ma formation.

Dans toute son œuvre, il a démontré qu'il n'y a aucune vérité absolue, que la raison n'est pas immuable et que seule la dialectique – elle manque quelque peu à nos débats depuis jeudi soir – nous fait avancer. Ainsi, comme il l'écrivait, « Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit ».

Alors oui, nous voterons cet article car, je le dis et le redis, l'homme, au fil des décennies, s'est libéré du mariage. Avec cette loi, c'est le mariage qui se libère des règles discriminatoires instaurées par les hommes.

Enfin, nous avons beaucoup entendu parler des enfants. Ils doivent être protégés, c'est notre rôle. Il n'y a pas de droit à l'enfant, en effet. Mais vous ne pouvez pas nier le désir d'enfant, ni même décider qui, dans la société, a le droit ou non d'exprimer ce désir. Bien souvent, ce désir est généreux, mais il peut aussi être destructeur et cela, malheureusement, quelle que soit la nature du couple qui le développe.

En ce début de xxie siècle, nous savons qu'il peut y avoir une distinction entre géniteurs et parents. Cette césure est souvent douloureuse pour toutes les familles. Elle nous renvoie au plus profond de nous-mêmes, dès lors que nous devons expliquer cette distinction à un enfant qui a été désiré, attendu, chéri, protégé, éduqué et que l'on a vu grandir.

Ici encore, vos arguments ne peuvent être retenus : oui, le mensonge familial existe, c’est un fait, mais il n’est pas – et ne sera jamais – le monopole des couples homosexuels. C’est tout le contraire. Mme la ministre le rappelait hier soir, et nous y reviendrons pour les articles suivants.

Enfin, si, comme vous le dites, le mariage n’est fait que pour procréer, allez jusqu’au bout de votre idée : interdisez-le pour ceux dont ce n’est pas le but ou pour ceux qui, après bien des tentatives naturelles, n’y parviennent pas.

Nous vous avons écoutés et entendus longuement depuis jeudi. Honnêtement, vous ne pouvez plus dire qu’il n’y a pas eu de débat. Vous qui, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, avez méprisé l’expression populaire (Protestations sur les travées de l'UMP.),…

M. Jean Bizet. C'est nul !

Mme Cécile Cukierman. …. vous qui, à l’heure de modifier l’article 11 de la Constitution, n’avez pas voulu que les débats de société soient soumis à référendum, vous voudriez vous présenter aujourd'hui comme les défenseurs de l’expression populaire ? Mais on frôle là l’hypocrisie, chers collègues ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Tous les arguments ont été donnés, tous ont été entendus : nous ne sommes pas d’accord. Vous n’avez pas cessé de nous rappeler ceux qui ont battu le pavé ces derniers jours. Mais permettez-moi, avant de voter cet article, de penser à toutes celles et à tous ceux qui ne disent rien mais attendent simplement de pouvoir entrer dans la normalité,…

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Et qui souffrent de ce qu’ils entendent !

Mme Cécile Cukierman. … et ils sont nombreux, y compris pour pouvoir participer avec nous à l’élaboration des réponses aux questions qui se poseront avec cette évolution.

Je conclurai en citant une dernière fois Gaston Bachelard : mes chers collègues, pour être heureux, il faut penser au bonheur des autres !

Nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.

M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette vivement l’absence de considération de la majorité pour nos arguments. Pourrait-elle faire adopter ce texte sans nous consulter qu’elle le ferait – du moins, je le crois ! Nous ne sommes pas entendus et ce sont ainsi plusieurs millions de nos concitoyens qui sont snobés par la majorité et par le Gouvernement.

Je déplore ce manque de sagesse sur la question de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je le déplore d’autant plus que l’ensemble des propositions que nous avons déjà avancées au cours de ce débat auraient permis de régler sans secousses la question de l’union des couples de personnes de même sexe, telle qu’elle nous est posée aujourd'hui,…

M. Jean-Louis Carrère. Quel cinéma !

M. Michel Bécot. … et ce notamment en créant une union civile dont le régime serait comparable à celui du mariage, excepté pour la filiation.

Ce n'est donc pas parce que nous nous soumettons aux réalités biologiques que nous nions les réalités sociales.

Depuis bientôt neuf mois, vous tentez d'accoucher de ce malheureux projet : qu’importent les conséquences, du moment que cela peut faire gagner au Gouvernement quelques points dans les sondages d'opinion… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Il faut avouer que vous pratiquez bien mieux le redressement des sondages que le redressement productif ! Jamais nous ne vous avons vus plus déterminés qu'aujourd'hui et – je le crains – plus jamais ce ne sera le cas.

Quoi qu'il en soit, sans grand espoir quant à l'issue du débat, nous maintiendrons notre position et nous défendrons l'intérêt général, article par article, amendement par amendement, car l'adversité décourage les faibles mais encourage les forts.

M. Philippe Marini. Très bien !

M. Michel Bécot. Oui, avec ce texte nous rejetons les inégalités qu’il introduit.

D’abord, l’inégalité au sein du mariage : l'un, hétérosexuel, est constitué autour de la présomption de paternité, alors que l'autre serait caractérisé par une filiation tenant du virtuel.

Ensuite, les inégalités parmi les couples de personnes de même sexe : la question de la PMA aura hanté les débats, mais nous n'aurons obtenu aucune réponse à ce sujet, on l’a d’ores et déjà compris.

Enfin, les inégalités parmi les enfants adoptés : vous savez que l'adoption d'un enfant est étudiée sur la base d'un dossier composé à partir de la situation des adoptants. Or nombre de pays refusent l'union homosexuelle.

Mais, ce qu'il faut surtout prendre en considération, c'est la crainte exprimée par nombre de Français sur les conséquences d'une telle réforme du droit de la famille, de l'institution du mariage.

C'est un point essentiel qui est, à mon avis, trop largement négligé par le Gouvernement et la majorité. En effet, en fondant le mariage sur le symbole d'une reconnaissance sociale de l'amour entre deux êtres, qu'est-ce qui, demain, nous prémunira contre des dérives fondées sur la liberté sexuelle des individus? Bien sûr, notre droit interdit la pédophilie, le détournement de mineurs, la polygamie, mais il le fait sur la base d’une loi.

Dès lors, comment, au titre du principe d'égalité, pourrions-nous tenir longtemps face à des revendications légitimes, dès lors que chacun affirme être consentant, d’individus qui disent s'aimer ? Là encore, je désespère de recevoir une réponse... Malheureusement, je crains qu'aucune personne favorable à cette proposition n'en ait.

Néanmoins, puisque certains mettent en avant le fait que le Conseil constitutionnel rappelle qu'il ne souhaite pas se substituer au législateur, je crois important de signaler que, pour autant, le premier est susceptible de censurer le second lorsqu'il porte atteinte aux principes défendus par la Constitution.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous considérons que le mariage, dont l'altérité sexuelle constitue un critère essentiel depuis 1804, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, nous regrettons l'adoption de l’article 1er, article qui constitue le cœur du présent projet de loi

Voilà pourquoi je ne voterai pas cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret, pour explication de vote.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous en sommes aujourd'hui au quatrième jour de débat et il pourrait apparaître redondant d’intervenir encore sur l’article 1er.

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes des experts en redondance !

Mme Hélène Masson-Maret. Pourtant, cet article 1er déchaîne les passions. On pourrait penser à plus d’émotion que de raison, mais les conséquences gravissimes de cet article méritent qu’on le commente et le recommente.

M. Bruno Sido. Absolument !

Mme Hélène Masson-Maret. Personnellement, je voudrais remercier mes collègues, parce que leurs exposés m’ont confortée dans une décision qui n’était peut-être pas aussi fermement tranchée qu’elle ne l’est aujourd'hui.

Si nous sommes réunis, c’est bien pour essayer de nous convaincre les uns et les autres,…

M. Jean-Louis Carrère. Mais bien sûr !...

Mme Hélène Masson-Maret. … sinon nous serions malhonnêtes : la parole n’est pas inutile, cher collègue ! Il ne s’agit pas de joutes oratoires, il s’agit de l’avenir de la société et de celui de l’enfant, parce que, au cœur de la famille, c’est bien l’enfant qui prime.

Je voudrais que nous en revenions à une réflexion sur l’enfant.

Mme Christiane Demontès. Comme la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale !

Mme Hélène Masson-Maret. Il serait caricatural, et je ne veux pas entrer dans ce débat, de faire un raccourci en disant que le mariage de deux personnes de même sexe, c’est la prise en compte de l’adulte revendiquant à juste titre le droit à l’enfant, mais peut-être un peu moins la prise en compte de l’enfant. Je sais que les auteurs de ce projet défendront toujours qu’en leur âme et conscience ils se sont intéressés à l’enfant. Mais précisément, revenons à l’enfant quelques instants.

Je suis persuadée, car j’ai des exemples autour de moi, que des parents de même sexe peuvent composer un couple remarquable et donner à un enfant tout l’amour et l’éducation dont il a besoin. Nous pouvons l’affirmer aujourd'hui parce que nous en avons des exemples. Alors, où se situe le problème ? C’est là que j’aimerais que nous ayons une réflexion en commun.

Aujourd'hui, les quelques modèles que nous connaissons de parents de même sexe sont généralement exemplaires, parce qu’ils sont constitués de couples extrêmement motivés qui veulent témoigner de la réussite de la famille qu’ils ont constituée.

Mme Hélène Masson-Maret. Leur parcours a rarement été simple, aussi bien aux yeux de la société que dans les difficultés qu’ils ont rencontrées pour avoir un enfant, quelle que soit la manière dont ils y sont arrivés.

Mais de quoi est fait l’avenir ? C’est cela qui nous intéresse ! Si le mariage entre personnes de même sexe se banalise, nous retrouvons dans les couples de parents de même sexe les mêmes problèmes que dans les couples hétérosexuels,…

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Absolument ! Ni plus, ni moins !

Mme Hélène Masson-Maret. … avec leur lot de parents remarquables et leur lot de parents dont la société voit malheureusement tous les jours les manquements, ce qui rend nécessaires des interventions pour préserver l’enfant. La seule différence, c’est que la banalisation n’exigera plus de ces parents, aujourd’hui remarquables, qu’ils soient des modèles (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et ils seront plus nombreux.

M. Jean-Louis Carrère. C’est un peu tiré par les cheveux !

Mme Hélène Masson-Maret. Pas du tout ! Écoutez-moi jusqu’au bout, avant de juger ! (Applaudissements et exclamations sur les travées de l'UMP. Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Je pose une question simple : avons-nous le droit, en tant que législateur, de créer une nouvelle structure familiale qui ajoutera une dimension supplémentaire au problème potentiel que rencontre un enfant qui constate une difficulté entre ses parents, voire une séparation ou un divorce ? Face à cette constatation difficile, on peut penser qu’il sera tenté de se mettre à la recherche de son père ou de sa mère biologique. Or il lui sera impossible de retrouver leur trace, impossibilité que le législateur aura créée.

M. Jean-Louis Carrère. Quel galimatias !

Mme Hélène Masson-Maret. Pas du tout ! C’est une question simple : oui ou non le texte permet-il à un enfant de retrouver son père ou sa mère biologique ? Non ! (M. le rapporteur s’exclame.)

M. Alain Gournac. Non, en effet !

Mme Hélène Masson-Maret. Je voterai contre cet article parce que le mariage a pour vocation de favoriser le meilleur cadre juridique et affectif pour l’éducation des enfants. On ne peut prendre le risque que ce ne soit pas le cas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sans surprise, puisque vous êtes restés de marbre face à notre proposition d’instaurer une union civile, nous voterons contre cet article 1er.

Pour ma part, je voudrais revenir un instant sur les arguments qui ont été avancés à l’occasion de l’examen de l’amendement tendant à créer l’union civile. Certains se sont portés sur le registre symbolique, ce qui prouve bien que ce texte soulève non pas seulement une question de droit mais aussi et surtout une question de symbole et de reconnaissance.

Je m’étonne alors que le Gouvernement, si sensible aux symboles, n’ait pas compris le caractère symbolique du mariage pour de nombreux couples mariés ou pour ceux qui envisagent de se marier.

Enfin, il nous a été donné d’entendre un argument un peu plus technique sur la singularité de l’union civile et donc, en quelque sorte, sur la pertinence de créer une union civile destinée uniquement aux homosexuels.

Il va de soi que l’union civile n’est pas le mariage. Cependant, ce n’est pas un « sous-mariage » : nous sommes dans un registre différent. L’union civile nous semble répondre aux demandes légitimes de couples de personnes de même sexe, sans pour autant rompre le modèle de la filiation qui constitue le socle de notre société.

Notre formation politique ne souhaite pas faire du code civil un manuel de biologie. Nous ne souhaitons pas faire dire à la loi comment chacun doit organiser sa vie et préférer telles mœurs à d’autres.

Alors, je souhaite revenir un instant sur une critique récurrente faite à l’endroit de l’union civile, critique qui, au nom de la même conception de l’égalité que vous défendez et qui est votre moteur, je veux bien le croire, vous amène à considérer l’union civile comme une union discriminante.

Votre « mariage » entre personnes de même sexe traitera de manière différente des situations que vous considérez identiques.

Si l’union de deux hommes ou de deux femmes et celle d’un homme et d’une femme étaient identiques, pourquoi ne pas conserver une parfaite égalité ? Pourquoi ne pas traiter exactement de la même manière tous les couples ? Pourquoi refuser la présomption de parenté aux couples de même sexe ?

La réponse est simple : on ne parle pas de la même chose ! Un couple de personnes de même sexe ne sera jamais un couple de personnes de sexe différent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Les situations sont biologiquement différentes.

J’aimerais savoir quel postulat philosophique, anthropologique, sociologique ou psychologique, mais visiblement pas biologique, vous permet de nier la différence entre un homme et une femme - car c’est de cela qu’il s’agit -, alors que, finalement, vous admettez d’autres différences : adultes et enfants, vivants et morts, humains et animaux. Où commence l’autorité de la science pour vous, et où s’arrête-t-elle ?

Heureusement, vous admettez bien volontiers, mais à voix basse, que les couples de personnes de même sexe et les couples de personnes de sexe différent ne sont pas identiques. C’est ce constat qui vous pousse à différencier les couples de personnes de même sexe sans présomption de parenté et les couples de personnes de sexe différent avec présomption de parenté.

En conséquence, vous voyez bien que, parce que les situations ou réalités biologiques sont différentes, la loi ne peut s’appliquer de manière strictement identique. Alors, pourquoi utiliser cet argument d’une union civile qui serait un mariage au rabais, alors que c’est justement votre « mariage » qui est un faux mariage, car la présomption de parenté, loin de n’être qu’un détail du mariage, constitue l’un de ses fondements ?

Notre union civile n’était pas un « sous-mariage ». L’union civile permettait de prendre en compte la singularité des couples homosexuels, non parce qu’ils n’ont pas la même valeur, mais simplement parce qu’ils sont différents. Votre « mariage pour tous », c’est un pieu mensonge !

Pour cette raison, nous voterons contre l’article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, les sondages d’opinion ont fortement évolué depuis le début de l’examen de ce texte.

M. Jean-Pierre Leleux. Au début, nos compatriotes s’interrogeaient : au fond, pourquoi empêcher les couples homosexuels de se constituer ? La question suscitait une relative indifférence, car ils n’avaient pas encore compris que le mariage entre personnes de même sexe entraînait ipso facto l’adoption d’enfants par ces mêmes couples. C’est alors que nous avons constaté une évolution dans les sondages, d’où il ressort désormais que, si nos concitoyens sont plutôt favorables au mariage, ils s’opposent en revanche à l’adoption.

J’interviens alors que l’article 1er concerne exclusivement, en l’état, le mariage entre personnes de même sexe, parce qu’en votant cet article nous votons en même temps pour la possibilité d’adopter.

C’est au nom d’une revendication tenant à l’égalité des droits que vous avez proposé ce projet de loi. Or, de quels droits s’agit-il concernant l’adoption ?

La première question qu’il faut se poser est celle-ci : existe-t-il un droit à l’enfant ? Les couples de personnes de sexe différent revendiquent-ils le droit à l’enfant lorsqu’ils se marient ? Existe-t-il dans notre code civil relatif à l’institution du mariage un article faisant référence au droit à l’enfant ? Non, bien sûr ! Au contraire, notre législation sur le mariage ne parle que de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant – c’est ce que nous lisons aux jeunes mariés.

La deuxième question est la suivante : le droit de vivre la vie sexuelle de son choix donne-t-il droit à l’enfant, notamment par le biais de l’adoption ? La France, jusqu’ici, a dit non concernant les personnes de même sexe. Il convient d’en préciser les raisons.

Je rappelle notamment ici la position très claire de l’association Les Parents adoptants, qui est de bon sens concernant l’enfant. L’adoption est faite, disent-ils, pour donner une famille à un enfant, sujet de droit, et non l’inverse. L’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir.

M. Philippe Marini. C’est l’intérêt de l’enfant qui prime !

M. Jean-Pierre Leleux. Les enfants adoptables au sens de l’article 347 du code civil ont été privés, par un accident de la vie ou par nécessité, de leur père ou de leur mère biologiques. Pour l’enfant, cette privation est, dans tous les cas, une blessure. Elle demande une réparation, qui passe par le lien de filiation avec un père et une mère adoptifs mais reproduisant symboliquement la filiation avec le père et la mère d’origine. L’amour homme-femme répare symboliquement l’amour homme-femme défaillant de ceux qui sont à l’origine de leur vie. Il est une image réparatrice de ceux qui leur ont donné la vie.

Deux hommes ou deux femmes ne pourront jamais assurer cette fonction de réparation face à ce double abandon des parents géniteurs, homme et femme, parce qu’ils ne représentent pas les parents d’origine en tant qu’homme et femme.

Cette nouvelle filiation dépasse le couple des parents, s’enracine dans une histoire familiale, celle des générations précédentes, avec, pour la plus récente, la présence, lorsqu’ils sont vivants, des grands-parents maternels et paternels.

M. Jean-Louis Carrère. Oh là là ! C’est emberlificoté !

M. Jean-Pierre Leleux. Surtout, elle est crédible, compréhensible et, en conséquence, pallie la cassure d’origine. Brouiller cette lisibilité de l’enchaînement des générations au sein d’un couple de même sexe ne ferait qu’accentuer la confusion et la vacuité déjà intimement ressenties par l’enfant privé de son histoire propre.

Le projet de loi vise à priver à nouveau l’enfant, et cette fois délibérément et légalement, d’un père ou d’une mère dans l’adoption conjugale. Le législateur prend la responsabilité de cette double privation.

Veut-on favoriser le droit de l’enfant à avoir un père et une mère, ou veut-on imposer à certains enfants d’avoir deux pères ou deux mères ? Avoir deux pères ou deux mères ajoutera une différence supplémentaire, essentielle, car touchant à la nature du couple parental ; peut-on imposer cela à un enfant déjà fragilisé par son histoire ?

L’enfant est-il un bien que l’on acquiert ? Je réponds par la négative et, comme mes collègues, je voterai contre cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. Comme nous tous ici, j’ai beaucoup réfléchi aux dispositions de ce texte.

Ce dernier vise l’égalité des droits devant le mariage pour tous les hommes et toutes les femmes de ce pays.

Qui peut s’opposer à l’égalité des droits ? Personne ! Toutefois, en l’occurrence, ce principe d’égalité est biaisé par les conséquences inégalitaires du mariage ouvert à tous.

Premièrement, l’adoption découlant automatiquement du mariage, cette réforme entraînera une inégalité entre les enfants adoptés : selon qu’ils seront accueillis par un couple hétérosexuel ou par un couple homosexuel, ces derniers pourront ou non identifier leurs parents adoptifs à leurs parents d’origine, qui ne peuvent être qu’un homme et une femme.

Deuxièmement, selon qu’ils compteront deux femmes ou deux hommes, les couples homosexuels subiront une inégalité. Même sans l’ouverture à ces femmes de l’assistance médicale à la procréation, beaucoup pourront toujours recourir à une insémination que je qualifierai d’artisanale. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) En revanche, les hommes devront obligatoirement se tourner vers la GPA, qui – dois-je le rappeler ? – est interdite en France.

Chers collègues de la majorité, je suis certaine d’avoir entendu nombre d’entre vous, et notamment M. le rapporteur, s’élever violemment contre la GPA, en mai 2007,…