M. Roger Karoutchi. C’est constant !

M. Vincent Capo-Canellas. Le réseau est de plus en plus saturé, les usagers subissent quotidiennement retards et inconfort. Les retards, les défaillances dans la gestion, les avaries de matériel, le nombre insuffisant de rames, le manque d’information des voyageurs en gare, de propreté et de sécurité nuisent aux conditions de vie des Franciliens et à l’attractivité de la région d’Île-de-France. Il est urgent de décongestionner les réseaux de transport collectifs franciliens.

Si l’on choisissait de mettre en place la tarification unique, les Franciliens verraient l’investissement dans les transports stagner. Ce serait faire un cadeau empoisonné aux voyageurs. En outre, cela coûterait cher sur une longue durée.

Pour autant, il faut réfléchir – le STIF le fait – à la politique tarifaire, car il est vrai que le système actuel, organisé en zones concentriques, est obsolète, complexe et illisible pour les usagers. Il a été conçu en fonction de dessertes radiales. Un certain nombre de mesures ont été prises récemment en matière tarifaire, notamment le dézonage le week-end et les jours fériés. Par ailleurs, un système de tarification sociale existe. Il faut sans doute réfléchir à un nouveau système de tarification, plus moderne et plus efficace. À cet égard, nos collègues du groupe CRC posent une bonne question.

Cela étant, la réforme du système tarifaire francilien doit accompagner, et non précéder, le développement d’infrastructures et l’amélioration de la qualité du service, d’autant que la demande de transports collectifs va encore s’accroître dans les prochaines années.

Gardons enfin à l’esprit que, si l’on établit une comparaison entre les grandes métropoles, la part acquittée par l’usager des transports en commun franciliens est l’une des plus faibles qui soit. C’est une chance, mais c’est aussi un élément dont il faut tenir compte dans la réflexion.

Si une hausse des taux du versement transport devait être envisagée, le STIF devrait s’en servir en priorité pour financer les investissements nécessaires à l’amélioration des transports existants et au développement de lignes nouvelles. Cette proposition avait été faite avant l’aggravation de la crise.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi a, selon nous, le défaut d’aborder le problème des transports collectifs en Île-de-France de façon isolée et de le traiter sous le seul angle de la tarification. Nous ne pourrons répondre aux demandes des Franciliens que si d’importants investissements sont réalisés. C’est tout l’enjeu du projet du Grand Paris Express.

Loin de résoudre le problème, orienter les financements vers la tarification, et non vers les investissements, l’aggraverait plutôt. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Robert Hue devait intervenir sur ce sujet très francilien, mais, ne pouvant être présent dans notre hémicycle aujourd'hui, il m’a prié de m’exprimer en son nom.

L’Île-de-France concentre une activité économique à forte valeur ajoutée, créatrice d’emplois, et représente à elle seule un quart du produit intérieur brut national. Les entreprises franciliennes bénéficient d’une desserte très dense, notamment au cœur de Paris et en proche banlieue, favorisant la mobilité de leurs salariés et de leurs clients. Cela a justifié la création du versement transport, en 1971.

La construction de notre réseau métropolitain et ferroviaire n’a pas tenu compte, à l’origine, des banlieues, lesquelles devaient s’accommoder des nuisances créées sans pouvoir profiter du réseau, faute d’arrêts.

Le transport routier a longtemps été privilégié par les pouvoirs publics du fait de la démocratisation de la voiture, comme en témoigne la suppression des tramways en vue de faciliter la circulation routière, ce qui a entraîné un sous-investissement regrettable dans les transports collectifs. Qui pouvait d’ailleurs envisager, dans les années soixante, les crises pétrolières qui allaient bouleverser le monde, ainsi que la prise de conscience ultérieure des enjeux liés au réchauffement climatique ?

Ce sous-investissement, conjugué à la croissance démographique de la région, a contribué aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens, confrontés à de nombreux retards, à des annulations, à une saturation du réseau qui affectent leur qualité de vie et leur travail. Leur lieu de résidence s’éloignant de plus en plus de leur lieu de travail en raison d’une offre de logements accessibles insuffisante, à l’achat comme à la location, ce qui entraîne un allongement des trajets, les Franciliens subissent de plein fouet les inégalités territoriales.

La proposition de loi présentée par nos collègues du groupe CRC vise à garantir l’égal accès de tous les Franciliens aux transports collectifs pour un prix unique de 65,10 euros par mois, correspondant à l’offre tarifaire actuelle pour les zones 1-2.

Conformément aux engagements pris par la gauche devant ses électeurs lors de la campagne pour les élections régionales de 2010, à la suite, il faut le dire, d’âpres négociations, il est proposé d’aligner les taux du versement transport sur le plus élevé d’entre eux, celui qui s’appliquait à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine au moment de la rédaction du texte, soit 2,6 %. De nouvelles ressources, à hauteur de 800 millions d’euros, devraient ainsi être dégagées alors que le coût de la mise en place du pass navigo unique est estimé entre 400 millions et 600 millions d’euros.

Il faut rappeler que l’harmonisation du versement transport ne pénalisera pas les très petites entreprises, puisqu’elles ne sont pas assujetties à cette taxe. Seules sont concernées les entreprises de plus de neuf salariés, qui verront néanmoins leurs charges baisser, du fait de la diminution du remboursement à hauteur de 50 % des abonnements de leurs salariés qu’elles assurent.

Il convient toutefois de s’interroger sur les modalités de cette hausse, qui aurait pu être moins brutale.

En la matière, nous faisons confiance au STIF, autorité organisatrice des transports en Île-de-France, pour procéder graduellement à l’harmonisation des taux du versement transport. Ce serait là une solution raisonnable, notamment pour les entreprises qui risqueraient de voir leur fiscalité doubler en la matière.

Je rappelle que le taux du versement transport sera déterminé par le STIF en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales. À cet égard, nous aurions attendu, de la part d’élus locaux, une meilleure prise en considération de ce principe fondamental, car si la loi est compétente pour fixer les plafonds de taux de cet impôt, le pouvoir de décision appartient aux collectivités territoriales. La liberté de décision du STIF doit lui permettre d’affecter ces ressources, s’il le souhaite, au financement de dépenses d’investissement.

Le dézonage répond à un objectif hautement louable : pourquoi l’usager résidant en zone 4 ou en zone 5 devrait-il dépenser plus pour une desserte moins abondante et de moindre qualité ? Outre qu’elle permettra une amélioration de la qualité de vie des Franciliens résidant dans les petite et grande couronnes, cette mesure devrait contribuer au report modal du routier vers le ferroviaire.

Cette proposition de loi, plus qu’elle ne vise à instaurer un dézonage du pass navigo, qui n’est mentionné que dans son intitulé et est absent du corps du texte, constitue un moyen essentiel pour dégager de nouvelles ressources afin de financer la politique francilienne en matière de transports.

Les ressources nouvelles ne doivent pas servir exclusivement au financement du dézonage du pass navigo ; l’amélioration de la qualité de l’offre de transports reste bien évidemment la priorité des Franciliens, qui vivent très difficilement la hausse de la fréquentation des lignes. Sur certaines d’entre elles, à certaines heures, les conditions de transport ne sont pas acceptables. Tout le monde en convient, du reste.

Cette hausse de la fréquentation devra être absorbée grâce à des investissements dans les infrastructures, ainsi qu’à un renouvellement du réseau et du matériel roulant.

De fait, le Gouvernement ne pourra ignorer l’urgence d’engager une réflexion plus globale afin de poser les bases d’une nouvelle politique de financement des transports collectifs urbains, la politique actuelle étant à bout de souffle. Soit dit en passant, ce constat ne vaut pas seulement pour la région parisienne…

Si le versement transport a joué un rôle primordial dans le développement des transports collectifs urbains au cours des quarante dernières années, son rendement reste insuffisant au regard des exigences du financement des moyens de transport d’avenir propres à répondre aux besoins pressants de la population francilienne et à contribuer au renforcement de l’attractivité de nos entreprises.

Il est utile de rappeler que le financement du Grand Paris requiert un investissement de 30 milliards d’euros. Le politique reste confronté à un choix essentiel : qui devra financer le surplus nécessaire ? Les entreprises ? Les usagers ? Les contribuables locaux ? L’État ? Faire reposer l’effort sur l’usager reviendrait à renforcer les injustices territoriales.

La refonte du système de tarification est urgente et le versement transport reste un levier que nous ne pouvons pas ignorer. Aussi son utilisation est-elle cohérente avec les engagements pris par le conseil régional d’Île-de-France et, au sein de celui-ci, par le groupe commun des élus du parti radical de gauche et de ceux du mouvement unitaire progressiste.

Cette réflexion ne pourra esquiver la définition d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire prenant en compte un sujet aussi primordial que le logement, qui pèse bien plus lourdement que les transports dans le budget des ménages.

En dépit de ces quelques remarques, qui sont autant de réserves, ce texte constitue un progrès réel vers davantage d’égalité entre les Franciliens devant le service public ferroviaire, ainsi que vers la réduction de la fracture territoriale. C’est la raison pour laquelle le groupe RDSE l’approuve et votera en faveur de son adoption, à l’exception d’un de ses membres qui ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet des transports en commun en Île-de-France intéresse de très nombreux Franciliens. En effet, plus de 8,5 millions de trajets sont effectués chaque jour grâce au réseau francilien, dont 3 millions sur celui de la SNCF et 5 millions sur celui de la RATP. À elle seule, la ligne A du RER est fréquentée quotidiennement par un million d’usagers.

C’est dire si le réseau de transports collectifs francilien est sollicité et mis à rude épreuve. Durant de trop nombreuses années, faute d’investissements suffisants de la part de l’État, sa fragilité s’est rapidement aggravée. Lors de son transfert aux collectivités, en 2006, ce réseau était déjà considérablement dégradé ; à cet état de vétusté s’ajoutait la saturation d’un grand nombre de lignes.

Malheureusement, aucun projet d’envergure n’avait été envisagé pour développer l’offre de transports depuis la création des lignes de RER dans les années soixante-dix et l’ouverture de la ligne de métro 14, tandis que l’agglomération parisienne connaissait une croissance démographique très forte.

Dès que le conseil régional eut repris la présidence du STIF, en 2006, les collectivités franciliennes ont pris la mesure des attentes des usagers, qui souffrent beaucoup des difficultés de transport en Île-de-France. En sept ans, les collectivités ont investi davantage que l’État ne l’avait fait au cours des vingt années précédentes.

Le rapport rendu voilà un an par le député UMP Pierre Morange au nom de la commission d’enquête relative au projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France dresse le même constat : « La région et le Syndicat des transports d’Île-de-France consacrent désormais des efforts financiers sans précédent à la régénération du réseau existant et au renouvellement des matériels. »

Il n’y a pas de politique publique ambitieuse sans moyens financiers. Le STIF dispose d’un budget annuel de 5 milliards d’euros, 60 % de ses recettes provenant du versement transport acquitté par les employeurs, publics ou privés, de plus de neuf salariés. Il existe actuellement en Île-de-France trois zones pour la taxation au titre du versement transport. Les taux aujourd’hui en vigueur sont des taux plafonds.

La présente proposition de loi du groupe CRC prévoit un alignement sur les taux pratiqués à Paris et dans les Hauts-de-Seine pour tous les départements d’Île-de-France. La question qui est posée est celle de la définition des priorités : faut-il établir une nouvelle tarification, favorable aux usagers, ou donner la priorité à l’investissement pour améliorer l’offre de transports, ce qui correspond à une demande très forte des mêmes usagers ?

Il est essentiel que le Gouvernement et la Haute Assemblée réfléchissent ensemble à la mobilisation de nouvelles ressources en faveur des transports franciliens, celles-ci devant à mon sens servir prioritairement à développer le réseau existant et à mettre en place une offre nouvelle. Il ne serait pas cohérent de prétendre pouvoir, dans une conjoncture économique difficile, mener deux chantiers de front : l’amélioration de l’offre de transports et la refonte de la tarification. Toutes les enquêtes le montrent, les Franciliens attendent avant tout une amélioration de l’offre, avec davantage de ponctualité, de confort, de trains, de stations, de dessertes.

Le Gouvernement comme les collectivités s’emploient à répondre à cette attente des Franciliens. Ainsi, la région a voté un plan de mobilisation pour les transports qui a fait l’objet, en 2011, d’un accord avec l’État, dans le cadre de l’élaboration du réseau de transport Grand Paris Express. Ce plan prévoit près de 15 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2030, la moitié de cette somme étant mobilisable dans les cinq prochaines années. Il permettra notamment le renouvellement du matériel roulant, la modernisation des RER, la prolongation des lignes de métro, la mise en service de nouvelles lignes de tramway et de bus, ainsi que le bouclage des tangentielles.

Dans le même temps, l’extraordinaire projet du Grand Paris Express, d’un coût de 26,5 milliards d’euros, va considérablement développer l’offre existante et révolutionner les déplacements à l’intérieur de la banlieue parisienne. Le Premier ministre a fixé un cap et rendu ses arbitrages sur ce projet le 6 mars dernier. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de ce que le Gouvernement ait voulu conserver toute l’ambition exprimée par les élus franciliens pour ce nouveau projet du Grand Paris Express.

Aujourd’hui, la priorité va donc clairement à l’investissement. C’est l’orientation retenue par le Gouvernement et c’est celle que prônent aussi les sénateurs du groupe socialiste.

Pourquoi cette priorité ? La future métropole parisienne, qui devra s’inscrire dans une aire urbaine de près de 11 millions d’habitants, doit se doter d’un réseau de transports performant. C’est un impératif de développement économique et je ne doute pas que les entreprises sauront s’associer à l’effort que les collectivités devront engager, car elles ont fortement intérêt à une amélioration de la desserte de leurs sites : en tant que maire d’une commune de la région parisienne et président d’une communauté d’agglomération, il m’apparaît certain que la mise en service de nouveaux moyens de transport collectif – une ligne de tramway dans le cas de ma commune – favorisera l’implantation d’entreprises.

Ce renforcement de l’offre de transports passe à mon sens avant la refonte de la tarification. En effet, si nous partageons la volonté de nos collègues du groupe CRC d’instaurer un pass navigo à tarif unique, cette mesure ne nous paraît pas revêtir le même caractère d’urgence que la modernisation du réseau.

Du reste, la tarification évolue progressivement vers la mise en place d’un pass navigo unique. Ainsi, les zones 7 et 8 ont été supprimées le 1er juillet 2007, puis la zone 6 l’a été à son tour le 1er juillet 2011, tandis que le dézonage est effectif depuis le 1er septembre 2012 le week-end et les jours fériés et sera instauré cet été du 14 juillet à la mi-août, pour permettre aux Franciliens ne partant pas en vacances de bénéficier d’une meilleure mobilité au sein de leur région.

Nous progressons donc vers la mise en place du pass navigo à tarif unique, qui s’imposera de toute façon lorsque sera mise en service la ligne 15 du métro, assurant une desserte circulaire, et non pas radiale : le système de tarification par zones n’aura alors plus aucun sens.

Le groupe socialiste soutient le Gouvernement dans son effort pour développer l’offre de transports, ainsi que la région d’Île-de-France et son président, Jean-Paul Huchon,…

M. Roger Karoutchi. Il y a des élections en vue ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Kaltenbach. … qui se sont attachés à améliorer cette offre et travaillent à la mise en place progressive d’un pass navigo unique. Pour les sénateurs socialistes, la priorité, je le répète, est le développement d’une offre de transports de qualité en Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Je suis quelque peu étonné d’être amené aujourd’hui à intervenir à la tribune sur un tel sujet. La multiplication des textes concernant l'Île-de-France, qu’ils portent sur le SDRIF, le projet de métropole ou le pass navigo, prouve bien que règne le désordre le plus total et que, en réalité, aucune réflexion globale n’a été engagée. On élabore des textes, puis on les retire, et pendant ce temps la galère continue dans les transports franciliens… Telle est la vérité !

Dès 2002, j’avais proposé l’instauration d’une carte orange unique. À l’époque, il existait huit zones. Progressivement, le STIF et la région ont ramené leur nombre à cinq. Quel est le problème, en réalité ? Le problème, c'est que les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont laissé faire la SNCF et la RATP, qui n’ont pas réalisé les investissements nécessaires pour transformer, améliorer, moderniser l'ensemble des structures. Pendant quinze ans, les élus d’Île-de-France ont été roulés dans la farine ! En matière d’investissements, la SNCF donnait la priorité au TGV, tandis que la RATP, soucieuse de développement à l’international, regardait davantage vers Le Caire ou Buenos-Aires que vers la Seine-Saint-Denis…

Aujourd’hui, il faut rattraper le retard qui a été pris : il y a sans cesse des incidents sur le réseau, les lignes sont gravement dégradées ; il est donc maintenant nécessaire d’investir massivement. Pourquoi a-t-on lancé le projet du Grand Paris Express ? Parce que les réseaux de transport actuels sont saturés, du fait d’un manque d’investissements dans la modernisation et l’adaptation du réseau de transports aux besoins des Franciliens depuis vingt ans. Durant cette période, la population de l'Île-de-France a crû de 25 %, cependant que l'offre de transports n’augmentait que de 4 %. Par conséquent, nous sommes aujourd'hui pris à la gorge : le réseau est au bord de l’asphyxie.

Pour ma part, j'ai toujours été favorable à l’instauration d’un pass navigo unique. En revanche, je le dis à nos collègues du groupe CRC, je ne pense pas que la solution, pour la financer, soit de matraquer plus encore les entreprises en leur imposant une contribution supplémentaire de 600 millions d'euros au titre du versement transport en 2013 alors que celui-ci a déjà augmenté de 120 millions d'euros à la fin de 2012. Les salariés gagneront-ils au change si la contrepartie d’une légère baisse du coût de leur titre de transport est le risque de voir leur entreprise se délocaliser ou faire faillite ?

La vérité, monsieur le ministre, c’est qu’il faut enfin faire preuve d’un peu de courage et reconnaître que le système de transports publics de l’Île-de-France ne peut pas conserver son organisation actuelle. Une unification de la gestion des lignes de RER, par le biais de la création d’une filiale commune à la SNCF et à la RATP, est nécessaire. Les économies de gestion qui en résulteraient couvriraient très largement le coût de la mise en place d’un pass navigo unique, lequel serait d’ailleurs non pas de 500 millions d’euros, comme cela a été affirmé, mais de 350 millions d’euros environ : je ne dis pas qu’un tel montant est négligeable, mais il ne justifie pas que l’on matraque les entreprises.

Mettons-nous autour d’une table, ayons le courage d’avancer sur la question de l’unification de la gestion des lignes de RER et de la rationalisation des systèmes de transports, et nous aurons alors les moyens d’aller vers la mise en place d’un pass navigo unique. Faut-il fixer le tarif de celui-ci à 65 euros ? Oui, si l’on ne veut pas que les usagers du cœur de l’agglomération hurlent à la mort, ce qui serait bien normal : pourquoi voudriez-vous qu’ils acceptent une augmentation tarifaire sans offre supplémentaire ? Parallèlement, comment envisager d’uniformiser le versement transport alors que les usagers du Val-d’Oise ou de la Seine-et-Marne voient passer un train tous les 36 du mois ? Pourquoi devrait-on payer autant dans la grande couronne qu’à Paris, où l’offre de transports publics est considérable ? Que les élus de la capitale m’excusent de le souligner, mais tout Parisien vit à moins de quatre-vingts mètres d’une station de métro, de bus ou de RER. Allez voir en Seine-et-Marne quelle distance doivent parcourir certains usagers pour rejoindre une station ! Dans ce domaine, l’équité n’est pas l’égalité.

Monsieur le ministre, il faut aller vers la mise en place à l’échéance de trois ans du pass navigo à tarif unique, mais sans faire trinquer les entreprises, et donc l’emploi : la solution est de réaliser des économies sur le fonctionnement, par une rationalisation des structures et du service. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que le Sénat reprenne aujourd’hui, après une longue interruption, l’examen de cette proposition de loi, qui a été déposée par notre groupe voilà maintenant un an et dont l’objet est d’harmoniser les taux du versement transport en Île-de-France.

Il s’agit ainsi de trouver le financement nécessaire à l’instauration d’un pass navigo unique au tarif des zones 1-2, mais également de contribuer à la modernisation de l’offre de transports, qui constitue un autre enjeu essentiel.

La situation présente un certain caractère d’urgence. Alors que le Sénat a basculé à gauche voilà maintenant près de deux ans, les Franciliens ne comprendraient pas que celui-ci s’obstine à s’opposer à la mise en œuvre d’un engagement de la majorité du conseil régional datant de décembre 2011, d’autant que ces deux assemblées partagent à l’évidence la même orientation politique. Les Franciliens, comme l’ensemble de nos concitoyens, doivent pouvoir avoir confiance en la parole de leurs élus ; l’adoption de notre proposition de loi contribuerait à renforcer cette confiance.

Pourtant, depuis maintenant plusieurs années, les amendements que nous déposons afin d’instaurer un pass navigo unique sont systématiquement repoussés, pour l’unique raison qu’ils prévoient une participation renforcée des entreprises.

À l’évidence, cette question recoupe un débat plus général, que nous reprenons régulièrement. Alors que certains estiment que, pour sortir de la crise, il faut contracter la dépense publique et alléger les charges pesant sur les entreprises, nous considérons à l’inverse, pour notre part, qu’il faut trouver de nouvelles ressources pour financer des politiques publiques plus ambitieuses en matière de service public afin de garantir l’accès de tous à des droits essentiels, dont le droit à la mobilité.

En outre, demander une telle contribution aux entreprises ne serait pas illégitime. Les entreprises franciliennes ont besoin d’un système de transports performant, à la fois pour leurs salariés et pour leurs clients. J’ajoute qu’une baisse du coût des abonnements de transport de leurs salariés leur profiterait également, dans la mesure où elles le financent à concurrence de la moitié. Soyons clairs : au regard des 20 milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis aux entreprises au travers du crédit d’impôt inscrit dans la dernière loi de finances, l’augmentation du versement transport, estimée à 650 millions d’euros, représente – tout est relatif – une goutte d’eau.

M. Philippe Dallier. C’est celle qui fait déborder le vase !

Mme Éliane Assassi. Soulignons également que, eu égard aux forts besoins en matière de modernisation et d’amélioration de l’accessibilité des transports en Île-de-France, à défaut d’un renforcement de la contribution des entreprises, ce sont les usagers ou les collectivités qui devront, une nouvelle fois, mettre la main à la poche. Dans les conditions actuelles d’asphyxie budgétaire des collectivités et de perte de pouvoir d’achat de nos concitoyens, il semble que cette voie soit une impasse.

C’est un peu le mal du siècle : alléger toujours plus les charges des entreprises conduit mécaniquement à alourdir la fiscalité des particuliers. Nous ne pouvons partager cette orientation, en particulier dans une période où la crise frappe très durement nos concitoyens.

De manière plus globale, il faut garder à l’esprit que, ces dernières années, la décentralisation de la gestion des transports, notamment en Île-de-France, s’est traduite par un fort désengagement de l’État. La région francilienne, comme les autres d’ailleurs, s’est ainsi retrouvée à la tête d’un système de transports collectifs ayant souffert d’un sous-investissement chronique et elle a dû lui consacrer des sommes colossales. Pour cette raison, tant l’Île-de-France que les régions périphériques, dans leur grande majorité, souhaitent pouvoir bénéficier d’une ressource à la fois propre, dynamique et pérenne. Le versement transport est à ce titre un instrument utile, qui mériterait d’être généralisé.

Cependant, il faut le dire très clairement, le versement transport ne suffira pas, à lui seul, à financer les immenses efforts nécessaires, notamment à l’heure du lancement du Grand Paris Express : l’État doit aussi contribuer, de manière bien plus significative qu’aujourd’hui, au financement du service public.

À ce titre, je rappelle que la construction du super métro est déjà, à l’heure actuelle, financée par les Franciliens eux-mêmes au travers de la taxe spéciale d’équipement,…

M. Philippe Dallier. Ça ne suffira pas !

Mme Éliane Assassi. … qui est particulièrement injuste puisqu’elle n’est pas progressive. À l’évidence, cela ne choque pas grand monde…

Au travers de ce débat, nous abordons également les questions relatives à la construction métropolitaine et aux conditions de sa réussite. Nous avons de tout temps affirmé que la construction métropolitaine devait être adossée à une vision progressiste promouvant des avancées concrètes pour les habitants de la région. L’instauration d’un pass navigo unique repose sur l’idée suivante : permettre la construction d’une identité métropolitaine à l’échelle régionale, d’un sentiment d’appartenance de chacun, quel que soit son lieu de résidence ou de travail, à un seul et même territoire où il peut se déplacer librement. La dimension tarifaire est donc l’un des éléments de cette identité à construire.

Nous devons ainsi combattre l’instauration d’une région à plusieurs vitesses, avec des habitants de première et de deuxième zones, voire de troisième ou de quatrième zone.

Le travail fort intéressant accompli par notre collègue Michel Billout tient par ailleurs compte de la situation actuelle de l’offre de transports. Nous présenterons ainsi un amendement visant à conserver une différence de traitement entre les entreprises de la petite couronne et celles de la grande couronne, qui ne bénéficient pas aujourd’hui de la même offre de transports, par le maintien de deux taux différenciés pour le versement transport. Cependant, nous considérons que cette situation a vocation à évoluer progressivement.

Les besoins sont aujourd’hui immenses en Île-de-France. Il est, à ce titre, particulièrement frappant que la région capitale – la plus riche de France – soit aussi celle où les inégalités sont les plus fortes. Pour remédier à cette situation, et ne pas aggraver les disparités au travers d’une construction dite métropolitaine, il est urgent de remettre au cœur de nos préoccupations les besoins des Franciliens et d’identifier les dispositifs à mettre en œuvre pour y répondre.

Modernisation de l’offre de transports, construction de logements à prix abordables, réindustrialisation des territoires et préservation des terres agricoles : tels sont les enjeux de la métropole de l’après-Kyoto. Au cœur de cette construction doit figurer la reconnaissance de l’appartenance de l’ensemble des Franciliens à un même territoire disposant d’une identité propre. L’adoption de la présente proposition de loi permettra de faire un pas dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)