M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l'article.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma prise de parole sur cet article vaut également pour l’article 21, l’un et l’autre étant évidemment liés.

C’est en effet une excellente disposition que de produire l’intégrité d’un Conseil des programmes et d’un Conseil d’évaluation par une séparation retrouvée. La confusion des activités de conseil et d’évaluation de la mise en œuvre de ces conseils est pour le moins douteuse. En matière juridictionnelle, la seule théorie de l’apparence vaudrait une condamnation ferme du système mis en place avec le Haut Conseil de l’éducation.

En matière d’éducation, les enjeux obligent, même si un effort financier doit être fourni, à doubler l’indépendance d’une autorité de conseil par celle de l’autorité d’évaluation.

Toutefois, la portée normative d’une déclaration d’indépendance n’a de valeur que lorsque les mécanismes mis en place la garantissent. Ces articles 20 et 21 laissent en la matière – c’est-à-dire l’organisation des conseils – une part d’autonomie importante au pouvoir réglementaire. Soit ! Je fais confiance à l’autorité réglementaire pour assurer les conditions effectives de l’indépendance de ces deux conseils.

Or de quelle indépendance peut-il s’agir ? Au regard de ces articles, c’est moins une absence de dépendance qu’une liberté qu’il faut garantir aux membres de ces conseils. Leurs moyens de fonctionnement, c’est-à-dire les moyens budgétaires pour assurer leur administration, de bonnes conditions de travail et des moyens d’investigation nécessaires, doivent être suffisants.

Leur nomination doit répondre à un équilibre. Les parlementaires et les membres du Conseil économique, social et environnemental sont présents. C’est très bien.

Les autres membres sont nommés par le ministre chargé de l’éducation nationale. C’est normal, car il est particulièrement concerné par l’activité de ces deux conseils. Doit-il les nommer seul ? Je ne le crois pas et suis donc favorable à l’avis conforme des commissions parlementaires compétentes. Ce sera le frein mécanique – on le sait, cependant tout en nuance – à des nominations hâtives.

Un usage éclairé de la liberté de ces conseils dépendra également de l’origine de leurs membres. Faut-il garantir un nombre fixe de personnels enseignants et, pourquoi pas, de représentants des parents d’élève ? Je crois qu’il faut faire confiance au ministre et au mécanisme de l’avis conforme.

C’est le même pari que je fais pour la représentation des outre-mer dans ces conseils. Leur importante fonction consultative et évaluative s’étend de la conception des programmes et du socle commun à la nature des épreuves sanctionnant les apprentissages et la formation des enseignants et à l’évaluation de cet ensemble. Les particularismes des académies des outre-mer doivent être spécialement pris en compte dans ces programmes et évaluations.

Les difficultés qui leur sont propres, et qu’elles ne partagent pas entre elles, sont le reflet des conditions locales. Le système éducatif doit savoir s’adapter aux réalités et aux opportunités des outre-mer.

Nul doute que le ministre actuel et, dans quelques années, ses successeurs veilleront à ce que la parité homme-femme, la diversité des parcours et l’attention issue de tous les horizons, qui forment les conditions de la crédibilité et de l’efficacité de ces deux autorités, réalisent la liberté que nous entendons leur donner.

M. le président. L'amendement n° 202, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Il est proposé, aux articles 20 et 21 du projet de loi, de supprimer le Haut Conseil de l’éducation, moins de dix ans après sa création par la loi Fillon de 2005, et de le remplacer par deux nouvelles instances : le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national d’évaluation du système éducatif.

Même s’il est précisé que ces deux conseils travailleront « en toute indépendance », la réalité sera assez différente, puisque la majorité de leurs membres seront nommés par le ministre chargé de l'éducation nationale lui-même. On peut dire, sans mettre aucunement en cause le libéralisme des ministres, que la réflexion de ceux qu’ils auront désignés ne sera pas fondamentalement éloignée de la pensée ministérielle.

Pour notre part, nous trouvons regrettable de remplacer le Haut Conseil de l’éducation par deux nouvelles instances dont l'indépendance, à tout le moins l'autonomie, n'est pas tout à fait garantie, alors même qu’elles devront mener des réflexions d’une qualité incontestable.

Par ailleurs, il est prévu que ces deux nouvelles instances compteront en leur sein deux députés, deux sénateurs et deux membres du Conseil économique, social et environnemental. Très bien, mais nous voudrions être bien certains que les parlementaires qui seront désignés compteront parmi les rangs à la fois de la majorité et de l’opposition et qu’ils représenteront toutes les sensibilités du Parlement.

En conclusion, mes chers collègues, nous vous proposons de maintenir le Haut Conseil de l’éducation et de supprimer l’article 20 du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Cartron, rapporteur. Par cet amendement, M. Legendre propose la suppression du Conseil supérieur des programmes, pensant que le HCE pourrait remplir sa mission. Or ce dernier n’est pas en mesure de refondre les programmes, comme cela a été demandé.

On nous a bien dit que la réforme portée par le ministre n’aurait de sens que si nous engagions une refonte des programmes. Or, pour cela, il faut une instance spécifique, le Conseil supérieur des programmes.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Ne perdons pas de vue l’essentiel. Il est très important de remettre en place un Conseil supérieur des programmes.

Ce sujet a provoqué des polémiques ces dernières années, en particulier en 2008, mais il dépasse les clivages entre la gauche et la droite. Il m’est arrivé de discuter avec d’anciens ministres, dont certains avaient d’ailleurs présidé ce conseil, et j’ai constaté qu’il était préférable d’avoir un Conseil supérieur des programmes plutôt que de ne pas en avoir.

La gauche rétablit une procédure de transparence et de respect à l’égard d’un sujet majeur, les programmes de nos élèves, qui avait été supprimée par la majorité précédente, ce qui, vous en conviendrez, était regrettable.

J’ai longuement parlé avec le président du HCE, qui a remis au Président de la République, en ma présence, son dernier rapport : lui-même valide l’évolution que nous proposons, alors qu’il n’appartient pas à notre majorité politique.

En effet, attribuer au même conseil une mission relevant de la proposition et de l’évaluation, c’est confondre deux fonctions qui ont beaucoup coûté ces dernières années à l’institution de l’éducation nationale, où le prescripteur était en même temps l’évaluateur ; je pense notamment aux rapports entre la Direction générale de l’enseignement scolaire, la DGESCO, et la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, la DEPP.

C’est pourquoi j’ai pris des engagements très forts, autant sur les programmes que sur l’évaluation. Je ne sais si nous atteindrons la perfection, mais nous essaierons en tout cas d’éviter de reproduire les erreurs de nos prédécesseurs.

D’une part, pour éviter un trop grand nombre de personnalités nommées par le politique, nous veillerons à faire figurer des experts dans la composition du Conseil. D’autre part, pour ne pas avoir une trop grande majorité de personnalités nommées uniquement en fonction de leurs qualités pédagogiques, nous introduirons, pour la première fois, la présence de sénateurs, de députés et de membres du Conseil économique, social et environnemental dans cette procédure. Enfin il faudra réunir un nombre de personnes suffisant pour que cette institution puisse travailler.

Sur de nombreuses questions – socle commun de connaissances, de compétences et de culture –, articulation du socle et des programmes, livret de compétences et des évaluations –, c’est au Conseil supérieur des programmes de prendre ses responsabilités, dans un travail qu’il mènera avec des groupes techniques de l’inspection générale ou avec des praticiens, dont nous avons besoin.

Vouloir réunifier les programmes et l’évaluation et procéder à des nominations exclusivement politiques sans professionnels, ou l’inverse, nuirait au projet que nous poursuivons.

Vous pourrez délibérer annuellement de ces questions. Et, comme pour le socle, je vous recommande de vous en saisir. Certains voudraient qu’il y ait une consultation préalable des commissions. Je n’y suis pas favorable : il ne faut pas toujours tout politiser. Je viens d’en faire l’expérience avec l’affaire des rythmes scolaires.

J’ai entendu dire qu’il n’y aurait pas eu de concertations ; elles ont pourtant été menées par mon prédécesseur pendant un an et demi, puis par nous pendant des mois ! Les associations d’élus n’auraient pas été consultées ; elles l’ont été, elles sont dans le comité du suivi, et c’est même parce que nous avons suivi leurs recommandations que parfois nous avons beaucoup de difficultés – demandez donc aux professeurs s’ils sont satisfaits des arbitrages !

Il ne faut pas ramener à un débat entre la gauche et la droite les questions qui concernent la progression des programmes en géométrie, en lettres ou en histoire. Le Sénat doit manifester sa sagesse. Mesdames, messieurs les sénateurs, mon objectif est d’arracher la question des programmes à une gestion politique et de permettre à la souveraineté d’exercer son droit de regard.

Au début de la IIIe République, à l’époque des comités de l’instruction publique, les meilleurs universitaires, les meilleurs professeurs du Collège de France et les membres de l’Institut travaillaient avec les praticiens de terrain. Nous devons être capables de les réunir aujourd’hui.

Nous parviendrons ainsi à dignifier le travail des enseignants et à obtenir, enfin, des programmes établis dans la transparence et utiles pour nos élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Pour être honnête, j’ai regretté moi aussi qu’il n’y ait plus de comité des programmes. Je pense qu’il peut être utile de séparer la réflexion et l’évaluation. J’entends vos arguments, monsieur le ministre, mais je me retrouve moins dans la composition de l’instance que vous nous proposez. D’un côté, vous voulez chasser la politisation – et vous avez raison –, et, de l’autre, vous gardez soigneusement la main sur les nominations.

Le Haut Conseil de l’éducation dont on nous propose la suppression était constitué de neuf membres : trois nommés par le Président de la République, deux par le président du CESE, donc par la société civile qui y est représentée, et quatre par le Parlement. Cela n’assurait pas automatiquement une homogénéité de pensée, ce qui était d’ailleurs très bien.

Nous proposerons des amendements pour que vous ne soyez pas vous-même, monsieur le ministre, soupçonné d’avoir voulu peupler ces organismes de personnes dont vous vous sentez proche, directement ou indirectement.

En d’autres domaines et dans un temps qui n’est pas si lointain, M. Assouline et quelques-uns de ses amis ont très régulièrement pratiqué la dénonciation de ce qu’ils croyaient être des organismes détenus par la majorité ou par le Président de la République de l’époque. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Il s'agissait de l’audiovisuel ! Cela n’avait rien à voir.

M. Jacques Legendre. Nous avons les mêmes préoccupations et nous souhaitons être entendus.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas favorable à ce que les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat puissent donner leur avis. C’est regrettable. Nos commissions, avec leurs majorités qualifiées, sont en mesure de donner un avis, sagement, sans a priori partisan, sur les nominations. Ce serait même une garantie. C’est pourquoi nous insistons pour que les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat puissent s’exprimer sur ce point, comme elles le font dans d’autres domaines.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 202.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 111, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première et deuxième phrases

1° Remplacer le mot :

seize

par le mot :

vingt-six

et le mot :

dix

par le mot :

vingt

2° Après le mot :

qualifiées

insérer les mots :

choisies pour leurs compétences, dont au moins la moitié des personnalités représentent les différents niveaux d’enseignants de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur,

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous saluons le retour d’un Conseil supérieur des programmes dans la loi.

Les programmes scolaires sont le fondement de l’unité du système éducatif. Ils sont aussi le ferment de la société de demain. La question de leurs contenus et de leur définition est donc essentielle.

Créer une instance spécifique destinée à formuler des avis et des propositions sur la conception générale des enseignements, sur les examens et les épreuves de recrutement est une initiative qui a fait ses preuves dans le passé, et qui nous satisfait pleinement.

Autrefois appelée Conseil national des programmes, cette instance, créée en 1990, avait été accueillie positivement par l’ensemble de la profession. Consultative, elle donnait son opinion sur les programmes scolaires et était composée de vingt-deux personnalités choisies par le ministre. Cette instance n’était pas habilitée à élaborer des programmes, mais créait un espace de discussion et de réflexion sur leur élaboration.

Fort de cette expérience, notre amendement tend à augmenter le nombre de membres du Conseil supérieur des programmes créé par la loi, le portant de seize à vingt-six, en passant de dix à vingt le nombre des personnalités qualifiées.

En outre, nous souhaitons préciser dans la loi que ces personnalités sont choisies pour leurs compétences. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. En effet, les programmes sont des questions compliquées, techniques, qui relèvent de domaines de spécialistes et de professionnels de l’éducation nationale. C’est pourquoi nous souhaitons également préciser que la moitié de ces personnalités qualifiées sont des représentants des divers niveaux d’enseignants de l’éducation nationale, mais également des diverses disciplines.

La réflexion sur les programmes doit tenir compte de la pratique, de la réflexion sur la pratique et du temps nécessaire à l’appropriation pédagogique par les enseignants qui doivent les mettre en œuvre.

Le seul moyen d’en tenir effectivement compte est d’associer ceux qui sont le plus directement concernés par leur mise en œuvre : les enseignants.

M. le président. L'amendement n° 248 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 6, deuxième phrase

Remplacer les mots :

deux députés, deux sénateurs

par les mots :

trois députés, trois sénateurs

II. – En conséquence, remplacer le mot :

dix

par le mot :

huit

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La création du Conseil supérieur des programmes, avec une composition plus démocratique, comportant des membres du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental, constitue une mesure essentielle du projet de loi.

Cependant, afin d’assurer une meilleure indépendance et impartialité de ce conseil, il est proposé de désigner un député et un sénateur supplémentaires et, en conséquence, de réduire de deux le nombre de personnalités qualifiées nommées par le ministre de l’éducation nationale.

Nous aurions ainsi trois députés et trois sénateurs. Pour leur répartition, nous pourrions adopter le système en vigueur pour les questeurs, soit deux représentants de la majorité et un de l’opposition dans chacune des chambres.

M. le président. L'amendement n° 203, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 6, deuxième phrase

Après les mots :

deux sénateurs, désignés

insérer les mots :

à parité entre la majorité et l'opposition

La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Cela va de soi mais, par prudence, il n’est pas inutile de préciser que les deux députés et les deux sénateurs seront choisis à parité entre la majorité et l’opposition.

M. le président. L'amendement n° 204, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 6, deuxième phrase

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

six

La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. L’adoption de cet amendement de repli permettrait d’obtenir un meilleur équilibre au sein du Conseil supérieur des programmes.

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

qualifiées

insérer les mots :

choisies pour leurs compétences, dont au moins la moitié des personnalités représentent les différents niveaux d’enseignants de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur,

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. C’est un amendement de repli que nous défendons ici. Il tend à réaffirmer la nécessaire association des enseignants à la réflexion sur les programmes, sans augmenter pour autant le nombre global de membres de ce conseil.

Nous proposons que la moitié des dix personnalités qualifiées soit constituée des personnalités représentant les différents niveaux d’enseignants de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

L’idée est toujours la même et elle nous tient particulièrement à cœur, comme au monde enseignant : la réflexion sur les programmes doit tenir compte de la pratique, de la réflexion sur la pratique et du temps nécessaire à l’appropriation pédagogique par les enseignants qui doivent les mettre en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Cartron, rapporteur. Ces cinq amendements visent la composition du Conseil supérieur des programmes.

L’amendement n° 111 tend à augmenter le nombre de personnes siégeant dans ce conseil. Toutefois, nous ne sommes pas certains que cette augmentation constituerait un gage d’efficacité. L’amendement n° 204, déposé par Jacques Legendre, vise quant à lui à diminuer le nombre de membres du conseil. Par conséquent, j’ose penser que le nombre proposé par M. le ministre a été bien choisi, puisqu’il représente la synthèse de ces deux propositions. (Sourires.) Cela montre la sagesse et la pertinence des choix de M. le ministre.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela produit surtout de l’eau tiède !

M. Vincent Peillon, ministre. Vous n’êtes pas aristotélicienne, madame la sénatrice !

Mme Françoise Cartron, rapporteur. Madame Gonthier-Maurin, vous réclamez également la limitation du nombre de personnalités extérieures. Or nous pensons que la tâche même du Conseil supérieur des programmes est éminemment générale, abstraite et conceptuelle, et que, pour cette raison, le conseil serait affaibli si on limitait le nombre de personnalités extérieures.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 111. Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 204.

L’amendement n° 112 est un amendement de repli, comme vous l’avez-vous-même souligné, madame Gonthier-Maurin. Vous avez évoqué la nécessité d’associer à la réflexion les enseignants. Ces derniers seront bien entendu sollicités en amont et tout au long du processus de décision. Cependant, s'agissant du Conseil supérieur des programmes, je souhaite que nous en restions à la composition proposée par M. le ministre. L’avis de la commission est donc défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 203. Monsieur Legendre, je vais vous répéter ce que je vous ai dit en commission. Vous souhaitez que les deux sénateurs membres du Conseil supérieur des programmes soient désignés « à parité entre la majorité et l’opposition ».

Le problème est que la définition de la majorité et de l’opposition n’est pas juridiquement stable. Dans un système bipartisan, tel que celui qui existe aux États-Unis ou au Royaume-Uni, la majorité et la minorité sont définies comme des organes institutionnels, et votre solution aurait donc un sens. En revanche, dans le système multipartite qui caractérise la France et en fait toute la richesse, cette solution ne nous paraît pas praticable.

Par conséquent, je vous demande de vous en remettre à la coutume parlementaire, qui a toujours respecté la place de l’opposition. Je ne pense pas que vous ayez des doutes quant aux nominations que vous pourriez décider si vous aviez la majorité. La commission émet donc un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 248 rectifié vise à faire passer de deux à trois le nombre des députés et de sénateurs qui siégeront au Conseil supérieur des programmes. M. le ministre a bien insisté sur l’indépendance nécessaire à la qualité des travaux du conseil. Nous pensons donc que le nombre de deux députés et deux sénateurs est suffisant. C'est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement, monsieur Requier ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements, sauf sur l’amendement n° 203, qui a pour objet les modalités de désignation des parlementaires appelés à siéger au Conseil supérieur des programmes : il n’appartient pas au Gouvernement de s’immiscer dans ces débats, et il s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Je pense que les uns et les autres sont pleinement sincères, et je voudrais donc essayer de faire comprendre ma logique dans cette affaire. Une fois que le projet de loi aura été adopté, la question des programmes sera l’enjeu essentiel ; on nous l’a d'ailleurs dit plusieurs fois au moment de la réforme des rythmes scolaires. Ni les programmes élaborés en 2002 ni les programmes élaborés en 2008 n’ont permis de parvenir à un accord. Il n’y a pas d’accord sur les programmes en France.

C’est une affaire extrêmement difficile. On a parlé du numérique : il faut utiliser le numérique pour apprendre, mais aussi savoir s’en servir. Cet élément doit entrer dans les programmes. Il faut également penser au parcours d’information et d’orientation, au parcours d’éducation artistique et culturelle et aux apprentissages fondamentaux.

Nos programmes sont surchargés. Chaque fois qu’il y a un débat, la tendance spontanée est de créer un module d’éducation à quelque chose. Je pourrais organiser soixante-dix heures de cours de cette façon : éducation à l’environnement, à l’économie sociale, etc. Tel est le résultat de la politisation des programmes et de la pression qui s’exerce depuis des années.

Nous avons besoin de retrouver un modèle d’indépendance intellectuelle, avec, pour la première fois, la présence de la souveraineté populaire au sein de ce conseil.

Vous parler d’élargir la composition du Conseil supérieur des programmes. En discutant avec les membres des précédents conseils, j’ai appris qu’ils venaient d’instances de délibération où un certain nombre de points de vue particuliers s’exprimaient. Lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale, Lionel Jospin a institué le Conseil supérieur de l’éducation. Tout le monde y est représenté : parents d’élèves, représentants des lycéens, grandes associations, syndicats. Pas un seul programme n’est adopté sans avoir été examiné dans ses moindres détails par ce conseil.

Cependant, nous devons assumer notre responsabilité pédagogique en élaborant les programmes avec ceux qui connaissent les mathématiques, la physique, l’histoire, etc. Ces spécialistes consultent les professeurs. Ils peuvent également discuter entre eux ; nous devons d'ailleurs progresser en matière d’interdisciplinarité. Il ne faut pas se contenter de réunir les inspections générales et les associations spécialisées en lettres classiques, lettres modernes, histoire, etc. La responsabilité des politiques, c’est de mettre fin à ces accumulations – on veut être plus nombreux, on veut que tout le monde soit représenté, on veut que chacun parle – qui ont produit les résultats que nous connaissons.

Je défends avec une extrême fermeté, y compris par rapport aux commissions, le Conseil supérieur des programmes tel que je le propose, parce que je sais que nous en avons besoin pour assurer la réussite des élèves de France.

Une fois que les grands axes de la refondation de l’école – le service public du numérique, la priorité au primaire et la programmation, notamment – auront été entérinés, il faudra réaliser ce travail extrêmement méticuleux qui a fait autrefois la grandeur de l’école et dont l’absence pénalise aujourd'hui très fortement de nombreux élèves.

Je réaffirme que le sujet dont nous débattons en ce moment n’est pas sans importance. Nous y avons bien réfléchi ; je vous le dis avec la plus grande sincérité. Nous avons discuté pendant des dizaines d’heures avec les membres des précédents groupes et tous les comités d’experts du ministère. Je salue d'ailleurs le directeur général de l’enseignement scolaire, qui participe depuis le début à nos travaux.

Est-ce une découverte pour vous d’apprendre que les professeurs sont associés à l’élaboration des programmes ? Pensiez-vous qu’ils ne l’étaient pas ? Bien entendu, parmi les 800 000 professeurs, on sait choisir ceux que l’on veut associer aux travaux. Je souhaite que nous nous arrachions à cette manière de toujours tout tirer vers le bas.

J’irai vers les uns et vers les autres. Nous avons une mission qui, à mes yeux, constitue l’essentiel de la refondation de l’école. Une fois que les bases auront été posées, il faudra s’occuper des contenus. L’école doit permettre à chaque élève de se saisir de l’intelligence qui est mise à sa portée. Cela suppose que l’on ne se trompe pas sur les instruments, que l’on ne considère pas cette question comme secondaire et que l’on soit extrêmement rigoureux dans les choix à opérer.

Les choix du ministre vous surprendront, car ce ne seront pas des choix politiques. J’ai besoin d’être éclairé sur les sciences économiques et sociales d’aujourd'hui. Depuis combien d’années y a-t-il, dans notre pays, un débat entre les uns et les autres ? Vous avez bien vu les difficultés qui se posent en matière d’histoire ; vous en avez d'ailleurs parlé. J’ai remis l’histoire au programme de la terminale S. J’ai changé des éléments de l’enseignement des sciences économiques et sociales. J’avais même préparé la réforme du primaire, mais j’ai préféré prendre le temps de la nécessaire concertation.

Cependant, dans l’intérêt des élèves, afin de favoriser leur réussite, je veux organiser la concertation en dehors des cadres politiques. La concertation se déroulera sous le regard des sénateurs et des députés, mais je souhaite pouvoir nommer au Conseil supérieur des programmes quelques spécialistes, quelques grands universitaires, quelques personnes qualifiées du fait de leurs travaux. Si vous pensez que nous avons besoin d’autres instances, je vous signale qu’elles existent déjà, à l’échelon tant national que territorial.