M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’article L. 121-3 du code de l’éducation fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses.

Alors qu’il prévoit déjà de possibles exceptions, justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers, l’article 2 du projet de loi tend à en ajouter deux nouvelles : une liée aux nécessités pédagogiques relatives à l’accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le cadre des accords internationaux ; une autre liée au développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.

L’objectif serait de développer l’attractivité des universités françaises pour les étrangers. Permettez-nous de douter de l’utilité de cette mesure, alors que, comme le rappelle le dernier rapport du Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, la France figure à une place honorable dans la compétition mondiale pour l’attraction des étudiants étrangers : elle occupe le cinquième rang mondial ; elle est même, avec l’Allemagne, le premier pays non anglophone d’accueil d’étudiants étrangers.

Cette place honore notre pays dans sa tradition d’ouverture et représente l’une des clefs de notre influence scientifique, culturelle et politique dans le monde. Nous accueillons, en effet, près de 290 000 étudiants étrangers, qui représentent plus de 15 % des inscrits.

Cela montre bien que le rayonnement de l’université française ne dépend pas de la langue enseignée et n’a pas de relation avec le fait d’enseigner en français. Il tient avant tout à la qualité de notre service public de l’enseignement supérieur, à la renommée de notre recherche publique et de nos formations à caractère technique. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui attirent la plus forte proportion d’étudiants étrangers ; c’est notamment le cas dans les instituts nationaux polytechniques et dans les universités de technologie.

En outre, l’extension de ces possibilités d’exception nous paraît constituer une entorse grave au principe posé par la loi Toubon. Sous prétexte de développer l’attractivité internationale, cet article permettrait aux étudiants français de bénéficier des mêmes exceptions.

Or l’hégémonie de la langue anglaise ne doit pas nous amener à faire reculer la place de notre langue au sein de notre système universitaire, bien au contraire. Un des moyens du maintien du rayonnement de notre langue et de notre culture passe par sa réaffirmation, et ce a fortiori lorsqu’elle concerne des étudiants étrangers venus étudier en France.

Il est vrai que certains étudiants étrangers choisissent la France non pas pour le pays et la langue, mais en raison de frais d’inscription à l’université inférieurs à ceux – bien trop élevés – qui ont cours des pays anglo-saxons.

Pour autant, cela signifie-t-il que nous devons abandonner notre langue ? Je ne le crois pas, bien au contraire. Il faut voir là une opportunité de diffuser notre langue, notre culture, de valoriser la francophonie à travers le monde, de renforcer notre place et notre influence.

Développer notre attractivité auprès des étudiants étrangers passe d’abord par l’amélioration des conditions et des moyens d’accueil de ces étudiants – autant que des étudiants français – à l’université, qu’il s’agisse de la relance de notre parc de logements universitaires ou de la modernisation de nos équipements universitaires et de recherche.

Notre rayonnement repose également sur notre capacité à promouvoir à l’étranger notre modèle d’enseignement supérieur, grâce à notre diplomatie culturelle et d’influence. Si nous fûmes les premiers à mettre en place, via les Espaces Campus France, un réseau qui reste le plus dense et le plus étendu, puisqu’il touche 110 pays, les investissements français dans ce domaine diminuent. Pendant ce temps, tous les autres pays, notamment les pays émergents – la Chine, le Brésil, etc. – investissent massivement dans ce domaine, conscients de l’importance stratégique de la promotion de leur langue et de leur culture.

Nous devons également avoir une vision large de l’avenir de la promotion de la langue de la République. L’enseignement supérieur public a ici toute sa place ; il doit soutenir cette promotion en France, auprès de ces étudiants étrangers, mais aussi à l’autre bout du monde.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 26 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 260 rectifié est présenté par MM. Legendre et Gilles, Mme Mélot, MM. Bordier, B. Fournier, Dufaut, Savin, Trucy, Milon et Retailleau, Mme Sittler, MM. Savary, Mayet, P. Leroy, Leleux, de Legge, D. Laurent, Laménie, Houel, Houpert, Gournac, J. Gautier, Gaillard, Frassa, Fleming et Ferrand, Mmes Farreyrol et Cayeux, MM. Bas, G. Bailly, P. André, Dulait et Doublet, Mme Debré et MM. Dallier, Cardoux et César.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 26.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En proposant de supprimer cet article, qui étend plus que de raison les exceptions à la loi Toubon, nous entendons limiter les exceptions aux cas déjà prévus par cette loi afin de ne pas aboutir à une marginalisation de notre langue.

Nous ne pensons pas qu’il faille entériner la tendance qui fait de l’anglais la langue internationale unique.

La langue n’est pas seulement un moyen d’expression : elle est aussi un système de pensée et de culture. Reconnaître une langue unique, c’est accepter l’uniformisation des modes de vie et l’acculturation au bénéfice de la culture dont elle est issue.

La Chine l’a bien compris, qui investit massivement dans le développement d’instituts Confucius à travers le monde, pour valoriser sa langue et sa culture.

La langue est un enjeu de puissance. Tout empiètement d’une langue sur une autre correspond à un recul de culture et d’influence.

Évidemment, il est absolument nécessaire que les étudiants français maîtrisent l’anglais, tout comme d’autres langues étrangères. Toutefois, il faut pour cela revaloriser l’enseignement des langues étrangères depuis l’école primaire jusqu’à l’université, dans le cadre de cours dédiés à cet apprentissage, et non par des cours dispensés en langue étrangère.

Il faut mener le combat de la diversité et du multilinguisme. Nous proposons de l’engager en votant la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour présenter l'amendement n° 260 rectifié.

M. Jacques Legendre. Nous proposons, nous aussi de supprimer l’article 2 tel qu’il résulte du texte finalement adopté par la commission de la culture de notre assemblée.

À l’Assemblée nationale, les députés s’étaient déjà inquiétés de ces modifications apportées à la loi Toubon. Ils avaient proposé une rédaction dans laquelle ils autorisaient « partiellement » l’usage d’une langue étrangère pour des cours destinés aux jeunes Français.

La rédaction qui a été proposée à notre commission par le rapporteur et adoptée présente, d’une manière a priori sympathique et plus claire, les règles relatives aux exceptions qui peuvent être autorisées et à leur encadrement. Cependant, au passage, a disparu un mot essentiel, à savoir l’adverbe « partiellement ». De ce fait, nous risquons, au lieu de poser des restrictions plus strictes à ce que l’Assemblée nationale avait déjà commencé à encadrer, de contribuer à l’ouverture de nouvelles brèches.

Je le répète, nous avons affaire à des personnes qui ont, en toute connaissance de cause, créé des formations dans l’illégalité et qui ne se cachent pas de vouloir continuer ! Il faut donc que notre rédaction soit très précise.

Voilà pourquoi je vous propose de supprimer le texte actuel de l’article 2, de manière à pouvoir présenter, ensuite, une nouvelle disposition, plus claire et plus précise. Cela devrait nous permettre d’éviter, à l’avenir, les errements sur la question de la langue.

Enfin, je voudrais réaffirmer l’importance de ce débat. Je vous soumets une remarque que j’ai trouvée sous la plume d’un écrivain du siècle des Lumières, celui où le français était la grande langue de l’Europe, et qui, en la circonstance, me paraît particulièrement pertinente : « Une langue ne peut être dominante sans que les idées qu’elle transmet ne prennent un grand ascendant sur les esprits, et une nation qui parle une autre langue que la sienne perd insensiblement son caractère. »

Voilà ce qu’il faut éviter pour les élites françaises ! (Mme Sophie Primas applaudit.).

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Gillot, rapporteur. J'ai écouté avec attention les différents orateurs qui viennent de s’exprimer. Je les encourage à relire l'article 2 : il y est bien indiqué que le français reste la langue de l'enseignement et des examens. Nous ne renonçons pas à défendre et à diffuser la langue française, bien au contraire !

Accueillir des étudiants en leur offrant des cours dans leur langue pour éviter qu'ils ne soient trop dépaysés participe d'une démarche d’attention à leur égard, destinée à favoriser leur intégration. Si l’on veut élargir l'accueil des étudiants étrangers aux Brésiliens ou aux Indiens, il faut vraiment proposer des cours dans lesquels ils seront à l'aise ; c’est alors qu’ils commenceront à apprécier la culture française !

Avec le dispositif prévu à l’article 2, nous allons accueillir des francophiles et nous en ferons des francophones…

Mme Claudine Lepage. Très bien !

Mme Dominique Gillot, rapporteur. … grâce aux cours de langue et de culture françaises. Lorsqu’ils repartiront, ils deviendront de véritables ambassadeurs de la culture française.

C'est un moyen, me semble-t-il, de mieux développer le rayonnement de notre université et de la France à l’étranger.

Mme Claudine Lepage. Tout à fait !

Mme Dominique Gillot, rapporteur. Nous savons bien que la langue n'est pas le seul obstacle au choix des étudiants étrangers – cela a été rappelé, et nous aurons l'occasion d'en débattre dans le cours de la discussion –, mais rien ne dit qu'elle n'en est pas un !

Nous devons développer les signaux de bon accueil, d'ouverture et d'attention à l'égard des étudiants étrangers. Il n'est dit nulle part qu'il s'agira d’une généralisation de l'anglais : les cours pourront aussi être donnés en portugais, en espagnol ou en allemand. Certaines universités ont d’ailleurs mis en place des doubles formations, ce qui permet aux étudiants d’avoir un double diplôme – j'ai ici la liste des universités dispensant des enseignements en langue étrangère et en français.

Mes chers collègues, il n'y a donc pas de raison de craindre l’ouverture prévue à l'article 2. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable.

Mme Claudine Lepage. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je partage l'avis de Mme la rapporteur.

Je remercie l'Assemblée nationale et la commission de la culture du Sénat d'avoir apporté les garanties nécessaires. Elles devraient être de nature à dissiper les préoccupations qui ont été légitimement exprimées.

J’aimerais apporter un petit correctif à ce qui a été dit sur la situation favorable de la France. Nous étions le deuxième pays d'accueil des étudiants étrangers, puis nous avons été le troisième et nous sommes maintenant le cinquième. Nous avons été rattrapés par des pays qui accueillent des étudiants des pays émergents, notamment dans les disciplines scientifiques.

Je me permets de rappeler que nous allons dispenser des cours de français aux étudiants étrangers et que la maîtrise de notre langue sera prise en compte pour l'attribution du diplôme. Nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un bon équilibre.

Nous devons redoubler d'efforts à l’égard des pays francophones, notamment d'Afrique subsaharienne et du Maghreb, et développer avec eux des liens plus équilibrés, loin des relations postcoloniales qui nous conduisaient à nous cantonner à l’accueil des étudiants : dorénavant, nous mettons en place des formations dans ces pays et nous y envoyons des étudiants français.

L'Afrique sera peut-être notre salut à nous, Européens. C'est un continent jeune et énergique, qui connaît un taux de croissance de 5 % et détient des matières premières rares. Il est de notre responsabilité culturelle et historique de développer des relations équilibrées avec ces pays, mais il y va aussi de notre intérêt économique.

Nous allons également améliorer l'accueil des étudiants étrangers grâce à une nouvelle politique des visas. Cette question a été évoquée à l'Assemblée nationale et au Sénat à l’occasion du débat sur l'attractivité de notre pays. L'attribution de visas pluriannuels se fera dans des conditions similaires à celles qui s’appliquent aux étudiants boursiers : une année de redoublement sera acceptée, parce qu'on peut admettre qu’il soit plus difficile pour des étudiants étrangers de réussir leurs examens.

Nous sommes arrivés à une proposition équilibrée et juste, respectant les différents points de vue. Elle permet d’éviter que des écoles ne s'affranchissent, comme elles le font aujourd'hui, de l’application de la loi Toubon. Sur les 790 formations, 600 sont dispensées dans des écoles qui, comme vous l'avez dit, monsieur Legendre, ne respectent pas la loi. S’agissant d’établissements qui forment des jeunes, cela me paraît particulièrement fâcheux.

Ces dispositions permettent en outre, d'une certaine manière, de rétablir l’équité entre les jeunes. J’en conviens, il serait plus heureux que l’apprentissage des langues étrangères se fasse dès la maternelle, et le projet de loi qu'a présenté Vincent Peillon va dans ce sens. Mais ce n'est pas de cela qu’il s'agit ici. Nous voulons donner aux étudiants qui vont à l'université la chance de rencontrer des jeunes issus des pays émergents, avec lesquels ils pourront ensuite développer des relations culturelles, commerciales, ce qui sera bénéfique en termes d’emploi.

L’équité y trouvera également son compte en ce que les élèves des grandes écoles sont souvent issus de milieux plus favorisés – on dénombre 54 % d'enfants de cadres dans les classes préparatoires – que les étudiants qui vont à l'université. Ces derniers sont actuellement moins familiarisés avec les codes utilisés à l’international, qui sont utiles dans un curriculum vitae et dans l’optique d’une insertion professionnelle réussie.

Ainsi, on rétablit une certaine justice sociale et on régularise des situations, tout en assurant un encadrement.

Avec ce texte, monsieur Legendre, madame André, il sera plus difficile pour les écoles de ne pas respecter la loi. L'enseignement en langue étrangère sera davantage encadré. Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement l’anglais : à Tours, par exemple, des cours de droit sont donnés en allemand.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rejeter ces amendements de suppression de l'article 2. Nous pourrons alors engager le débat sur cet article, qui me paraît contenir des dispositions d'ouverture et de justice sociale, tout en permettant de mettre un frein aux pratiques assez débridées de certaines écoles d’enseignement supérieur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Chevènement. L’adoption de ces amendements de suppression nous priverait évidemment de la possibilité d’amender cet article. Or, avec des collègues du groupe RDSE, j’ai déposé trois amendements, dont l'un tend à réduire la possibilité de donner des enseignements en langues étrangères, étant entendu que c’est essentiellement l’anglais, disons-le, qui est concerné, même si quelques enseignements peuvent être dispensés en allemand, en espagnol ou en portugais.

En limitant la portée du dispositif à partir du master 2, nous voulons que la politique d'attractivité soit conduite à un niveau utile, parce que nous n'avons pas les moyens d'accueillir en licence des dizaines de milliers d'étudiants, voire davantage, qu’il faudrait mettre à niveau en français, tout en leur dispensant des enseignements en anglais.

J'observe, madame le ministre, que la Chine envoie en France 30 000 étudiants, ce qui montre bien que le français peut s'apprendre et que, donc, des étudiants étrangers peuvent se mettre à niveau !

Nous avons certainement des efforts à faire à l’égard des pays d'Amérique latine – des enseignements peuvent être dispensés en portugais ou en espagnol –, et du sous-continent indien ou de l'Indonésie – dans ce cas, ils seront en anglais. Mais, soyons clairs, il faut que cela soit ciblé.

Outre l’amendement que je viens d’évoquer, nous en présenterons un autre qui prévoit de faire préciser par décret le pourcentage maximal des enseignements dispensés en anglais.

Je ne voudrais pas entamer une discussion sur une question qui n’est pas relative à la suppression de l'article 2, mais les sénateurs du RDSE aimeraient, madame la ministre, connaître vos intentions quant à leurs amendements, afin qu’ils soient en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. Il serait dommage, me semble-t-il, de voter ces amendements de suppression, même si l’on peut entendre l’appel dont ils sont porteurs. Néanmoins, je rejoins Jean-Pierre Chevènement lorsqu'il estime qu'il serait dommage que le Sénat n’améliore pas le dispositif prévu à l’article 2.

Mme la ministre l’a précisé, cet article permet d'encadrer davantage les pratiques de certaines grandes écoles qui se sont laissé aller à ne pas appliquer la loi Toubon – Jacques Legendre a tenu des propos très clairs à cet égard –, qui s’en vantent même et qui entendent continuer à faire comme bon leur semble, quelles que soient les mesures qui seront prises.

Il faut donner au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche la capacité d'encadrer de telles pratiques. Le travail effectué ici par des collègues de tous bords devrait permettre de faire bouger les lignes dans un sens positif.

Nos lycées français à l'étranger comptent beaucoup d'étudiants excellents. J'étais, voilà quelques semaines, en Équateur : le chef de l'État lui-même a scolarisé ses enfants dans un établissement où l’enseignement se fait en français et sa fille aînée étudie maintenant à l'université à Lyon.

J’estime que la fixation d’un pourcentage maximal d’enseignements dispensés en langues étrangères serait tout de même de nature à rassurer les étudiants francophones et, par la même occasion, à nous rassurer, nous aussi.

Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter ces amendements de suppression, même si, je le redis, je comprends l'appel qui les sous-tend.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Dominique Gillot, rapporteur. Parmi les amendements suivants, figure un amendement du Gouvernement aux termes duquel « l’accréditation concernant ces formations fixe la proportion des enseignements à dispenser en langue française ». Cette précision me paraît être de nature à apaiser un certain nombre d’inquiétudes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Puisque M. Chevènement m'a demandé d'apporter un éclairage sur les amendements qui seront examinés ensuite si l’article 2 n’est pas supprimé, je précise que celui aux termes duquel l’enseignement en langues étrangères est limité au master 2 ne me paraît pas judicieux.

Le ciblage est une bonne idée, et c'est bien ce qu’avait en tête le Gouvernement en visant les matières scientifiques. Effectivement, les Chinois qui veulent s'orienter vers des matières littéraires ou vers les sciences humaines et sociales apprennent le français. En revanche, nous voulons cibler les jeunes des pays émergents étudiant les matières scientifiques, pour lesquels la langue est un obstacle. Davantage que le niveau – master 1, master 2 ou doctorat –, c'est le domaine qui doit être ciblé. C'est ce que préciseront les décrets d'application.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Décidément, il est parfois difficile de se faire entendre !

Je veux redire que la loi Toubon n’empêche pas de délivrer des enseignements dans une autre langue à des étudiants étrangers. Nous devons uniquement être attentifs à la situation des étudiants français ou francophones à qui l’on imposerait des enseignements intégralement dans une autre langue que la leur.

MM. Michel Savin et Jean-François Humbert. Mais oui !

M. David Assouline. Ce n'est pas ce qui est prévu !

M. Jacques Legendre. Madame la ministre, vous nous avez présenté les propositions du Gouvernement. Pour que nous puissions vous suivre, ces propositions devront être précises parce que nous avons affaire à des gens qui ne sont pas disposés à appliquer la loi. Voilà pourquoi nous vous demanderons de protéger les étudiants français pour qu'ils aient le droit d'apprendre en français.

Dans ces conditions, et pour que le débat puisse se poursuivre, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. L'amendement n° 260 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 294 rectifié bis, présenté par M. Legendre, Mme Primas, MM. Gilles, Bordier et Savin, Mme Mélot, MM. Leleux, B. Fournier, Dufaut, Bas, G. Bailly et P. André, Mme Cayeux, MM. de Legge, D. Laurent, Laménie, Houel, Houpert, Gournac, J. Gautier, Gaillard, Frassa, Fleming et Ferrand, Mme Farreyrol, MM. Dulait et Doublet, Mme Debré, MM. Dallier, Cardoux, César et Trucy, Mme Sittler et MM. Savary, Retailleau, Pinton, Milon, Mayet et P. Leroy, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le II de l'article L. 121-3 du même code est ainsi rédigé :

« La langue de l'enseignement, des examens et des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français. Des exceptions peuvent être justifiées :

« 1° Pour les étudiants non francophones, qui peuvent recevoir un enseignement en langue étrangère, à condition de suivre aussi un enseignement de la langue et de la culture françaises. Leur niveau de maîtrise de la langue française est évalué pour l'obtention du diplôme.

« 2° Pour les étudiants francophones :

« a) Par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ;

« b) Lorsque les enseignants sont des professeurs associés, invités ou étrangers ;

« c) Par des nécessités pédagogiques, lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l'article 123-7 ou dans le cadre d'un programme européen ;

« d) Par le développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.

« Pour ces étudiants, les exceptions ne peuvent porter sur plus de la moitié des enseignements.

« L'accréditation concernant ces formations fixe le pourcentage des enseignements à dispenser en langue française.

« Le ministre responsable de l'usage de la langue française est immédiatement informé des exceptions accordées et de la raison de ces dérogations. »

La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. L’objectif est, pour nous, de clarifier les règles.

La rédaction que nous proposons pour l’article 2 comporte tout d’abord, comme celle qui est issue des travaux de la commission, un rappel du principe fixé par la loi Toubon : « La langue de l’enseignement, des examens et des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français ».

Est opérée ensuite une distinction entre les étudiants non francophones et les étudiants francophones. En ce qui concerne les premiers, nous proposons qu’ils puissent recevoir un enseignement en langue étrangère à condition de suivre aussi un enseignement de la langue et de la culture françaises. En outre, leur niveau de maîtrise du français serait évalué pour l’obtention du diplôme.

Il me semble que ce dispositif permet de rétablir la clarté la plus grande. Il permet aux étudiants, même francophones ou français, de suivre jusqu’à la moitié de leurs cours dans une autre langue que la leur. Qu’on ne nous dise donc pas que nous supprimons toute souplesse et toute ouverture ! Il assure la protection des francophones tout en réaffirmant le droit des étudiants étrangers à suivre aussi, s’ils le souhaitent, des cours dans une autre langue.

Les auteurs de cet amendement de clarification ont été guidés par l’idée selon laquelle la diversité culturelle et linguistique doit être au cœur de l’université. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas accepter la dérive vers une langue unique qui serait le véhicule d’une pensée unique !

M. le président. L'amendement n° 316 rectifié bis, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du master 2

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame le ministre, j’ai écouté vos explications : il est évident qu’il vaut mieux attirer les étudiants étrangers au niveau du master et du doctorat ; d’ailleurs, c’est à ces niveaux que, spontanément, les demandes sont les plus nombreuses.

Vous avez fait un cas particulier des enseignements scientifiques : selon vous, pour qu’ils puissent être dispensés à des étudiants venant de pays émergents, il faudrait que ceux-ci soient accueillis dès le niveau de la licence. Cet argument demande réflexion et, pour ma part, je ne vois pas forcément à quels cas il s’applique. En Russie, par exemple, 800 000 étudiants sur 7 millions apprennent le français : il y a donc de la marge ! Pour les Chinois, le français n’est pas un obstacle. Pour d’autres, en revanche, il peut en être un.

Madame le ministre, nous voulons bien accepter qu’une exception soit prévue pour les enseignements scientifiques, mais à condition qu’elle porte seulement sur les sciences dites « dures » et qu’elle soit encadrée par des accords bien précis. Pouvez-vous nous en donner la garantie ?

Personnellement, je trouve incroyable que le mépris de la loi dont certaines grandes écoles ou certaines universités font preuve soit érigé en argument ! (Marques d’approbation sur diverses travées.)

M. Jacques Legendre. Absolument !

M. Jean-Pierre Chevènement. Les grandes écoles ou les universités qui manquent à la loi devraient être pénalisées ; il est évident qu’il appartient à l’État de s’en assurer !

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Chevènement. Tous les établissements devront se plier aux règles que nous allons fixer. (M. Yvon Collin acquiesce.)

Madame le ministre, si vous nous assurez que la possibilité d’un enseignement en langue étrangère au niveau de la licence sera limitée aux disciplines scientifiques, c'est-à-dire aux sciences dures, je consens à l’accepter, car je ne veux pas vous faire de procès d’intention. Toutefois, je maintiens ma proposition tendant à ce que la restriction des enseignements en langue étrangère au niveau du master 2 soit posée en principe général.

Cela me conduit à proposer une nouvelle rédaction de mon amendement, les mots « à compter du master 2 » étant complétés par les mots « sauf pour les matières scientifiques ». Ainsi, les règles seront inscrites dans la loi et il n’y aura pas d’ambiguïté !