M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.

Mme Jacqueline Alquier. L’article 2, tel qu’il résulte des travaux de la commission, nous semble être un bon compromis.

Il présente l’avantage de poser les bases des modalités de fonctionnement des réseaux de soins, alors que ceux-ci ne sont encadrés par aucune disposition législative ou réglementaire. Je voudrais remercier une nouvelle fois M. le rapporteur général, qui s’est attelé à ce travail.

Selon nous, il est essentiel de fixer un cadre. C’est vital pour les réseaux de soins et respectueux de leur fonctionnement. Un tel encadrement fermera la porte à toute dérive.

Il faut trouver le bon dosage, ce qui a été fait dans le présent texte, qui, je le répète, est un bon compromis.

Les OCAM, quels qu’ils soient, et les professionnels ou établissements de santé doivent respecter un certain nombre de principes.

Les conventions doivent imposer le libre choix du professionnel ou de l’établissement par le patient, la référence à des critères objectifs, transparents et non discriminatoires pour l’adhésion du professionnel, l’absence de clause d’exclusivité, l’obligation pour les OCAM de fournir aux assurés une information sur l’existence d’un conventionnement, ainsi que sur ses caractéristiques et son impact.

Un tel cadre, vous l’aurez compris, mes chers collègues, est pour nous incontournable. Il doit réunir sur le même plan tous les organismes complémentaires et viser essentiellement des professionnels dont le remboursement des actes par l’assurance maladie est minime, à savoir les chirurgiens-dentistes, les opticiens et les prothésistes, les médecins restant en dehors de ces réseaux.

L’article 2 pose également le principe d’une vigilance envers les opticiens. Les réseaux de soins devront être ouverts à tous les professionnels qui remplissent les conditions fixées par les conventions, sauf aux professionnels de l’optique dont la démographie galopante impose de fixer un nombre limité d’opticiens par zone géographique. Il s’agit d’une mesure de protection pour cette profession, qui risque de se retrouver dans de grandes difficultés.

Telles sont toutes les raisons qui nous conduisent à vous répéter, monsieur le rapporteur général, que nous apprécions la méthode utilisée, le cadre proposé.

La présente proposition de loi et son article central représentent pour les parlementaires que nous sommes une opportunité et une nécessité. L’article 2 améliore le droit existant en fixant des principes qui clarifient et rassurent en tant que de besoin quant au fonctionnement des réseaux de soins. N’en faisons pas l’économie et ne perdons pas de vue que derrière le système, il y a des patients et l’amélioration des soins de nos concitoyens, dont certains sont de plus en plus fragilisés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. L’article 2 de la proposition de loi que nous examinons, bien que modifié par M. le rapporteur général lors des travaux de la commission des affaires sociales, nous conduit à nous interroger dans la mesure où, de toute évidence, le champ des réseaux de soins auquel sont associés des remboursements différenciés est bien plus vaste que celui qui est constitué par les trois domaines pris à chaque fois en exemple, à savoir le secteur dentaire, l’optique et l’audioprothèse.

En effet, si l’exposé des motifs de la proposition de loi visait explicitement les dentistes, les opticiens et les audioprothésistes, la rédaction actuelle fait référence aux professionnels de santé, aux établissements et aux services de santé. In fine, pourrait être concerné par ce texte l’ensemble des professions réglementées par le code de la santé publique, ainsi que les autres intervenants du secteur de la production de services de santé, soit, potentiellement, de multiples professions. Les propos de Mme la ministre ne nous rassurent pas sur ce point, en tout cas pour ce qui concerne l’avenir.

Je note d’ailleurs que cette proposition de loi permettra également aux organismes complémentaires, mutuelles comme assurances privées, de conclure des conventions avec des établissements de santé, sans que ces derniers se voient imposer des règles de bon sens, comme le respect des tarifs opposables. Or, si l’on veut défendre les patients, ne faudrait-il pas commencer par là ?

En réalité, sans l’avouer réellement, ce texte vise à permettre aux opérateurs économiques, qui viennent compléter, pour ne pas dire concurrencer, la sécurité sociale, de constituer un système parallèle de soins à l’américaine, dit HMO, Health Maintenance Organization. Je rappelle, pour mémoire, son fonctionnement : des organismes privés gèrent la protection sociale que les grandes entreprises accordent à leurs salariés. Ils agréent médecins et hôpitaux et surveillent les dépenses des patients, ainsi que les prescriptions des praticiens.

Or ce système entre en concurrence frontale avec les fondements et la visée même de notre système de protection sociale obligatoire issue des luttes sociales et de la Libération. Il va en revanche dans le sens du projet de directive élaboré par la Commission européenne, qui demande de lever toutes les barrières à une activité commerciale de santé, et exige une égalité de traitement entre tous les opérateurs économiques de santé, privés comme publics, ce que le groupe CRC continue de combattre.

Par ailleurs, il n’est pas possible de passer sous silence le mouvement centrifuge qui écarte du système de santé les populations les plus fragiles économiquement, notamment en raison du coût même des complémentaires, ni les risques possibles de restriction de l’offre dans les territoires ruraux, les réseaux ayant en effet tendance à se concentrer autour des centres urbains.

Voulons-nous un système reposant non plus sur l’universalité garantie par la loi, mais sur une logique de conventionnement ? C’est pourtant cette dernière qui est déjà mise en œuvre dans le régime obligatoire de base. Loin de faire preuve de son efficacité, elle démontre plutôt ses limites. Ainsi, le conventionnement, qui permet aux professionnels de santé de bénéficier d’une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales, en contrepartie du respect des tarifs opposables, n’empêche et ne limite en rien l’explosion des dépassements d’honoraires, que nos concitoyens perçoivent à raison comme une discrimination tarifaire dans l’accès aux soins.

Qui plus est, la politique conventionnelle dont cette proposition de loi se réclame est avant tout destinée à la médecine générale et libérale. Elle correspond mal à d’autres formes de médecine, comme celle qui est pratiquée dans les centres de santé.

Ces derniers se sont d’ailleurs vu appliquer une tacite reconduction de la convention précédente, calquée pour l’essentiel sur ce qui est prévu pour les médecins généralistes. On ne prend donc pas en compte la plus-value qu’ils apportent au regard de l’accès aux soins et de la qualité de ceux-ci. De plus, on risque, par contrecoup, d’impacter le modèle économique des centres de santé. La Fédération nationale des centres de santé et même la Mutualité française, que nous avons reçue dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, regrettent d’avoir été mises devant le fait accompli et auraient préféré qu’une véritable négociation puisse s’ouvrir avec les centres de santé.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne soutiendra pas cet article. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Milon, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 8

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 863-8. - I. - Un décret en Conseil d’État, en concertation avec les représentants des organisations professionnelles concernées, fixe les règles de tout conventionnement souscrit entre des professionnels de santé, des établissements de santé ou des services de santé et des mutuelles, unions ou fédérations relevant du code de la mutualité, des entreprises d’assurances régies par le code des assurances et des institutions de prévoyance régies par le présent code.

« Un réseau de soins constitué par un organisme d'assurance maladie complémentaire est ouvert au professionnel qui en fait la demande, dès lors que celui-ci respecte les conditions fixées par le gestionnaire du réseau, selon des modalités fixées par le décret mentionné à l’alinéa précédent.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Le présent amendement prévoit qu’un décret en Conseil d’État, en concertation avec les professionnels concernés, apporte des garanties concrètes, en fixant précisément les règles de tout conventionnement par l’ensemble des organismes complémentaires.

En outre, les règles de conventionnement appliquées par les organismes complémentaires doivent être harmonisées.

Par ailleurs, cet amendement prévoit que les réseaux de soins sont ouverts. Ils ne permettront donc pas de numerus clausus, afin de préserver l’indépendance des professionnels.

L’adoption de ces principes serait de nature à rassurer tant les professionnels concernés que les assurés et permettrait de diminuer les restes à charge sans enfermer les praticiens dans des réseaux ni restreindre la liberté de choix des patients.

Je tiens à le souligner, cet amendement reprend en partie le texte du compromis trouvé par la commission mixte paritaire qui s’était réunie lors de l’examen de la loi Fourcade. Si nous n’avons pas repris l’idée d’une expérimentation sur trois ans, il nous semble toutefois indispensable d’uniformiser les modes de conventionnement.

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bruguière, Cayeux, Debré et Deroche et MM. Cambon, Cardoux, J. Gautier, Milon et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

ou par l’intermédiaire d’un tiers,

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Au travers de cet amendement, il s’agit d’affirmer qu’une prestation médicale ne peut être un acte commercial.

Transférer à des sociétés financières non soumises au code des assurances, au code de la mutualité ou au code de la sécurité sociale une partie des prérogatives de l’assurance maladie en matière de gestion et de mise en œuvre de la politique sanitaire constituerait une dérive du système de santé.

Nous proposons donc de supprimer les mots « ou par l’intermédiaire d’un tiers ». En effet, un tiers commercial, qui n’est ni une mutuelle, ni une société d’assurance, ni un organisme de prévoyance, ne possède qu’une vocation financière.

Ainsi formulé, ce paragraphe respecte bien l’article L. 162–14–3 du code de la sécurité sociale et prévoit, pour l’assurance maladie complémentaire, le même encadrement que l’assurance maladie obligatoire, en excluant l’introduction d’intermédiaires s’agissant du conventionnement avec les professionnels de santé.

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Bertrand, Collin et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :

Un décret, pris en concertation avec les parties concernées, fixe les règles de ces conventions.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Aux termes de l’alinéa 4 de l’article 2, les organismes complémentaires peuvent conclure des conventions avec un professionnel, un établissement ou un service de santé.

Cet amendement vise à compléter cet article, en prévoyant qu’un décret, en concertation avec les professionnels concernés, fixe les règles de tout conventionnement, dans le but de les harmoniser.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces conventions sont établies en conformité avec un cahier des charges adopté par la Haute Autorité de santé.

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’objet de cet amendement est de garantir la « médicalité » des conventions complémentaires, en précisant qu’elles devront être conformes à un cahier des charges établi par l’autorité indépendante compétente, à savoir la Haute Autorité de santé, la HAS.

Nous en avons bien conscience, l’intervention de la HAS n’est pas, en l’occurrence, des plus appropriées. On nous a fait observer en commission qu’elle ne serait pas dans son rôle, dans la mesure où elle n’est censée intervenir qu’auprès des professions de santé. Or certains des professionnels concernés par le présent texte ne relèvent pas de cette catégorie.

Toutefois, chacun l’aura compris, il s’agit d’un amendement d’appel, qui soulève un vrai problème.

Aujourd’hui, rien ne garantit le contenu strictement médical des conventions conclues par les OCAM avec les professionnels, établissements et services de santé, ce qui est une lacune extrêmement préoccupante du dispositif mis en place par le présent texte.

En effet, la qualité médicale des soins est intrinsèquement liée au contenu économique des accords en question. Autrement dit, il ne faudrait pas que la qualité des soins et matériels médicaux soit sacrifiée sur l’autel de l’efficacité économique desdits réseaux.

Or, aujourd’hui, les conventions sont élaborées par les OCAM, en concertation, certes, avec les organes représentatifs des professions concernées, par exemple, pour le dentaire, la Confédération nationale des syndicats dentaires, avant d’être soumises à l’avis de l’Autorité de la concurrence. Elles ne font donc l’objet d’aucun contrôle médical indépendant.

Bien sûr, la profession s’autocontrôle et assure le respect des bonnes pratiques, lorsqu’elle dispose d’un ordre, ce qui n’est pas le cas de toutes les professions intéressées par la proposition de loi. Qui plus est, la profession est, par nature, partie au contrat. Quant à l’Autorité de la concurrence, cela va sans dire, elle n’est tout simplement pas une autorité médicale.

Par cet amendement, nous vous interrogeons donc, madame la ministre, sur la manière dont les pouvoirs publics contrôleront la qualité médicale des conventions.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et au principe d'égal accès aux soins

II. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Par cet amendement, la commission entend inscrire dans cette loi le principe d’égal accès aux soins. Nous souhaitons éviter d’éventuelles dérives, qui pourraient aboutir à donner une priorité à un patient non pas sur des critères médicaux, mais sur le fait qu’il bénéficie de tel ou tel contrat d’organisme complémentaire.

Monsieur le président, la commission demande le vote par priorité de cet amendement, ainsi que du sous-amendement n° 19, avant l’amendement n° 5 rectifié.

M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe, Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Amendement n° 18, alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

et aux principes d'égalité et de proximité dans l'accès aux soins

La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Sur l’amendement n° 1, un compromis a été trouvé en commission des affaires sociales.

Comme nous le confirmera M. le rapporteur, la commission y est favorable, à condition que nous le reformulions, ce que nous acceptons.

Au départ, il s’agissait, je l’ai dit au cours de la discussion générale, de permettre aux opticiens-lunetiers installés dans des communes de moins de 5 000 habitants d’adhérer librement à toute convention complémentaire.

C’est toute la problématique du réseau ouvert ou fermé qui est ainsi posée. La première mouture du texte ne tranchait pas sur ce sujet clef. Il est pourtant clair que les réseaux ouverts garantissent à l’assuré une meilleure accessibilité, en particulier géographique, aux soins.

Remarquons également que, même du point de vue du professionnel, le réseau fermé n’est pas une bonne solution, dans la mesure où il instaure un numerus clausus tournant. Tous les trois ans, l’appel d’offres est relancé et de nouveaux prestataires sont conventionnés en remplacement des précédents.

La clientèle se déplace donc, ce qui dévalorise d’autant l’activité et met les prestataires à la merci des complémentaires.

C’est donc dans l’intérêt tant de l’assuré que du professionnel que le texte issu des travaux de notre commission a enfin tranché en faveur des réseaux ouverts.

Sur l’initiative de notre rapporteur, le texte pose ainsi la règle selon laquelle les réseaux sont, par principe, ouverts, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Tout professionnel peut adhérer à la convention.

Cependant, une exception est maintenue pour les opticiens-lunetiers. Elle se justifie par la très importante démographie de cette profession. Nous le comprenons, l’ouverture totale des réseaux dans ce domaine reviendrait à les vider de leur substance.

Néanmoins, il ne faut pas pour autant en oublier purement et simplement l’impératif d’assurer un maillage et une densité suffisants pour concrétiser l’accessibilité géographique du service pour l’assuré.

Pour remédier à une telle difficulté, nous proposions que les opticiens-lunetiers installés dans des communes de moins de 5 000 habitants adhèrent librement à la convention.

Mais nous avons entendu l’argument pertinent qui nous a été opposé : un tel système engendrerait une rupture d’égalité. En particulier, cela favoriserait, en zone urbaine, les opticiens de banlieue, au détriment des opticiens d’une agglomération centrale.

Aussi, nous retirons cet amendement n° 1 en lui substituant un sous-amendement à l’amendement n° 18 de la commission qui a été présenté voilà quelques instants, en modifiant l’alinéa 3. L’objet de ce sous-amendement est de prendre en compte les zones sous-médicalisées, en particulier rurales et de montagne, en précisant que les conventions doivent respecter les exigences de proximité dans l’accès aux soins.

M. le président. Je suis saisi d’une demande de la commission tendant au vote par priorité de l’amendement n° 18 et, par conséquent, du sous-amendement n° 19.

Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

L'amendement n° 4, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles ne peuvent avoir pour effet de réduire le niveau de la prise en charge des actes et prestations médicaux par les organismes mentionnés au premier alinéa en fonction du choix de l'assuré de recourir ou non à un professionnel, établissement ou service de santé ayant conclu une convention avec ces organismes.

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’objet de cet amendement est de garantir un remboursement minimal dans le cadre du remboursement différencié.

Ce dernier, en effet, doit conduire à bonifier le remboursement au sein des réseaux – personne ne peut contester ce fait –, mais certainement pas à dérembourser les assurés qui ne pourraient avoir recours à un professionnel, un établissement ou un service de santé membre du réseau.

C’est le plus grand risque auquel nous expose le développement du remboursement différencié, qui pourrait avoir pour effet d’accroître le reste à charge de certains assurés, et ce à cotisation égale, ce qui est exactement l’inverse de l’effet escompté.

Pour que le remboursement différencié ait un effet vertueux, il faut que trois conditions soient réunies.

Premièrement, il est nécessaire que le réseau produise un « effet volume » et une certaine standardisation permettant une baisse des coûts de fourniture.

Deuxièmement, la convention OCAM doit imposer que cette baisse des coûts de fourniture soit répercutée sur les prix des professionnels signataires.

Troisièmement, la convention doit imposer à son tour à l’OCAM de répercuter le gain lié à la baisse des prix, par le biais d’une majoration de remboursement.

La deuxième étape, en particulier, est un point clef, parce que, si le remboursement différencié n’est pas accompagné d’un accord tarifaire, les OCAM peuvent avoir la tentation de financer la bonification de remboursement des assurés consultant dans le réseau en pénalisant les assurés qui ne pourraient pas le faire. C’est ce qu’il faut surtout éviter.

Pour ce faire, nous proposons, à travers cet amendement, de poser explicitement le principe selon lequel les conventions complémentaires « ne peuvent avoir pour effet de réduire le niveau de la prise en charge des actes et prestations médicaux […] en fonction du choix de l’assuré de recourir ou non à un professionnel, établissement ou service de santé ayant conclu une convention avec ces organismes ».

On nous a fait remarquer en commission que, si la problématique était réelle, l’amendement posait un problème technique. En effet, pour éviter une réduction de prise en charge, il faut une référence, un standard en quelque sorte, et un ancrage dans le temps. Dans ce but, nous pourrions rectifier notre amendement de manière à préciser que c’est à la date de leur signature que ces conventions ne peuvent avoir pour effet de réduire ce niveau de prise en charge.

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Bertrand, Collin et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La commission a souhaité interdire les réseaux de soins fermés, sauf à la profession d'opticien-lunetier.

Selon le rapporteur général, « un réseau fermé peut se justifier dans l’optique en raison de l’absence de maîtrise en amont du nombre de professionnels et de l’ouverture des magasins ».

Pour notre part, nous considérons au contraire que tout professionnel de santé qui en fait la demande doit pouvoir adhérer à un réseau de soins dès lors qu’il respecte les termes du conventionnement. Il s’agit de garantir à l’assuré le libre choix de son praticien et d’éviter une restriction de l’offre accessible au patient, notamment dans les zones rurales.

Notre amendement vise donc à interdire les réseaux fermés, y compris au secteur de l'optique.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

seulement opposable aux professionnels installés dans des communes de plus de 5 000 habitants

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Bruguière, Cayeux, Debré et Deroche et MM. Cambon, Cardoux, J. Gautier, Milon et Savary, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les professions médicales visées à l’article L. 162–14–3 du présent code, les conventions doivent être conformes aux modèles-types nationaux négociés avec les organisations professionnelles représentatives visées à l’article L. 162–33.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. L’engagement des organisations professionnelles représentatives permet d’assurer un véritable dialogue social et un partenariat qui implique toute une profession. C’est la garantie d’une adhésion massive des professionnels au conventionnement lorsqu’il est le fruit d’une concertation.

À titre d’exemple, le partenariat mis en œuvre depuis dix-sept ans dans le cadre d’un protocole entre la Mutualité Fonction Publique et la Confédération nationale des syndicats dentaires garantit au patient l’indépendance du praticien et lui assure qu’il recevra des soins adaptés à son état de santé. Il organise les rapports entre les mutuelles de la fonction publique et les chirurgiens-dentistes signataires et permet de diminuer le reste à charge des patients qui bénéficient d’une prestation améliorée sur des honoraires plafonnés. C’est un réel progrès en matière d’accès aux soins puisque plus de 26 000 chirurgiens-dentistes y ont adhéré, sur 35 000 praticiens libéraux.

Le conventionnement suivant un accord avec les syndicats représentatifs, il a d’ailleurs reçu une consécration avec la signature par l’UNOCAM et les syndicats représentatifs d’une charte de bonnes pratiques.

Pour ces raisons, nous proposons, par cet amendement, que les conventions soient conformes aux modèles types nationaux négociés par les organisations professionnelles représentatives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 19, qui s’inscrit en cohérence avec la position que celle-ci avait adoptée à l’égard de l’amendement n° 1, sous réserve que celui-ci fît l’objet d’une rectification rédactionnelle.

Les auteurs des amendements nos 5 rectifié et 10 rectifié demandent qu’un décret, pris en concertation avec les organisations représentatives, fixe les règles des conventions entre les OCAM et les professionnels.

Ils reprennent l’idée qui avait finalement prévalu, après moult débats et sous un autre gouvernement, lors de l’examen de la proposition de loi dite « Fourcade ».

J’ai longtemps été séduit par cette idée d’un encadrement national qui fixerait les principes de fonctionnement des réseaux, mais j’y ai renoncé, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, sur le plan juridique, je ne sais pas à quel point le Conseil constitutionnel n’estimerait pas, comme pour l’ANI, qu’il s’agit d’une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle. Tout dépendrait naturellement de ce qu’il y aurait effectivement dans ce décret.

Ensuite, si nous voulons justement rester dans « l’épure » du Conseil, je ne vois pas ce qui pourrait être écrit dans ces principes que la présente proposition de loi ne fixe pas déjà elle-même : liberté de choix du praticien, critères objectifs, transparents et non discriminatoires, absence d’exclusivité. J’ai proposé d’y ajouter la non-discrimination pour les patients. À partir de ces éléments, renvoyer à un décret n’apporte pas véritablement de plus-value particulière.

En outre, l’adoption de ces amendements créerait une insécurité juridique manifeste pour tous les contrats qui seront renouvelés entre la promulgation de la loi et celle du décret : ces conventions seront-elles légales ? Ce n’est guère certain et ce serait très dommageable pour l’ensemble des acteurs concernés. Par exemple, les conventions « tiers payant » qui existent aujourd’hui avec les établissements de santé seraient fragilisées, voire sans fondement, tant que le décret ne serait pas paru, ce qui pénaliserait au final les patients.

Enfin, les amendements nos 5 rectifié et 11 rectifié ne visent à autoriser que des réseaux ouverts. J’ai déjà expliqué pourquoi j’estimais nécessaire de permettre des réseaux fermés en optique : 2 000 diplômés sortent chaque année des écoles et leur nombre, comme celui des points de vente, a explosé ces dernières années. Cette situation est totalement différente de celle des autres professions de santé ; c’est pourquoi un traitement particulier doit leur être réservé.

Tous les rapports que j’ai pu lire sur cette question expliquent que les OCAM doivent être en mesure de fixer un numerus clausus s’ils veulent disposer d’un moyen de négociation sur les prix. Or cette négociation sur les prix est essentielle – même si je fais miens les propos qui ont été tenus tout à l’heure sur la question de la qualité – : c’est bien cette négociation qui peut faire baisser le reste à charge des patients.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 5 rectifié, 10 rectifié et 11 rectifié.

L’amendement n° 13 rectifié vise à supprimer la possibilité pour les organismes complémentaires de conclure des conventions « par l’intermédiaire d’un tiers ».

Là aussi, il me semble que nous porterions atteinte de manière disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel.

Aussi, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 2 tend à préciser que les conventions entre un OCAM et un professionnel, établissement ou service de santé sont établies en conformité avec un cahier des charges adopté par la Haute Autorité de santé.

J’ai déjà indiqué pourquoi un cahier des charges national me semblait inadapté à ce stade de nos débats. Surtout, un tel cahier des charges ne serait pas de la compétence de la Haute Autorité de santé, qui est chargée d’établir des référentiels de pratique professionnelle.

D’ailleurs, lorsque l’assurance maladie négocie elle-même des conventions, elle ne consulte pas la Haute Autorité de santé. Nous avons eu un large débat en commission et chacun est convenu que cette instance n’était pas compétente sur ce sujet.

Je rappelle également que les professionnels de santé exercent déjà leur métier dans un cadre largement réglementé, notamment en termes de déontologie ou de bonnes pratiques. Les contrôles existent déjà et le rapport prévu à l’article 3 permettra d’identifier d’éventuels problèmes.

Là encore, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 4 porte sur le niveau de prise en charge par les OCAM. Nous entendons bien la démarche du groupe UDI-UC, qui demande que les conventions ne puissent avoir pour effet de « réduire le niveau de la prise en charge des actes et prestations médicaux […] en fonction du choix de l’assuré de recourir ou non à un professionnel […] ».

Si je comprends l’esprit de l’amendement, je considère que sa portée pratique est plus difficilement perceptible, car l’expression « réduire la prise en charge » renvoie nécessairement à une règle ou à une temporalité. Réduire par rapport à quoi ? Or, dans ce texte, nous sommes dans le cadre des relations contractuelles entre un OCAM et son adhérent ou un professionnel. Les conditions de la prise en charge sont fixées par le contrat, qui devra prévoir les conditions de remboursement en cas de consultation dans un réseau ou non.

Grâce à l’alinéa sur l’information des adhérents, nous allons faire en sorte que ceux-ci soient pleinement informés des conditions du fonctionnement de l’éventuel réseau. C’est un progrès qui répond en partie à la problématique de l’amendement.

La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 14 rectifié bis vise à renvoyer la conformité des conventions avec les professions médicales à un modèle type négocié avec les organisations professionnelles.

J’ai déjà évoqué cette question : un modèle type me semble aller clairement à l’encontre du principe constitutionnel de liberté contractuelle en matière de complémentaire santé. Je rappelle que, juridiquement, nous ne sommes pas ici dans le champ de la sécurité sociale.

En outre, sans aucune obligation de résultat, la négociation envisagée aurait toute chance d’échouer, ce qui condamnerait tous les conventionnements en vigueur dans les professions concernées.

Aussi, la commission émet un avis défavorable.