M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Bien sûr !

M. Laurent Fabius, ministre. Je ne voudrais pas que la France et la communauté internationale tout entière se fourvoient sur ce point.

Ensuite, j’évoquerai la question dite des extrémistes de l’opposition et la réalité syrienne.

M. Vial nous a donné des indications parfaitement pertinentes quant à la difficulté de cerner ces extrémistes, compte tenu notamment de leur diversité.

Bien sûr, la Syrie est composite. Il y a, d’un côté, le dictateur, qui est soutenu – il faut le reconnaître – par une grande partie de la communauté alaouite. Celle-ci craint, s’il n’était plus là, d’être victime des extrémistes de l’opposition. Il est également soutenu par un certain nombre de communautés, notamment les communautés chrétiennes et d’autres encore. Elles n’éprouvent aucun enthousiasme pour M. Bachar Al-Assad, mais elles redoutent que les extrémistes, qu’elles appellent « le grand djihad », ne prennent le dessus. Dans ce cas, disent-elles, elles seront balayées, et même « liquidées ». Cette réalité existe.

Par ailleurs, compte tenu des exactions épouvantables de M. Bachar Al-Assad, il y a des éléments extrémistes, qui ont crû au fil du temps. On distingue essentiellement deux mouvements, l’un qui se rattache à l’Irak et l’autre à Al-Nosra. Ils sont très minoritaires, mais ils existent et commettent eux aussi des exactions.

Si nous ne voulons pas – pour employer, à mon tour, une formule qui est très juste – être placés face à une alternative entre dictature laïque et dictature religieuse, notre choix – c’est celui de la politique et de la diplomatie françaises depuis le début – est de dire : « Bien sûr, ce sont les Syriens qui vont décider, mais nous devons essayer de soutenir l’opposition modérée, l’opposition démocratique, qui est représentée par la coalition nationale syrienne. »

Certains orateurs demandent : « Où est la diplomatie ? » Or, depuis le début, nous sommes les premiers à dire : réunion des Amis du peuple syrien, à Paris ! Reconnaissance de la coalition nationale syrienne à Paris ! Aide humanitaire par Paris ! Parmi ceux qui suivent ce dossier, au plan international ou national, nul ne contestera que la France, sans sortir de son rôle, a émis un choix. Puisque, précisément, nous ne voulons pas avoir à choisir entre la dictature d’un côté et la dictature de l’autre, nous avons essayé d’être conséquents et de soutenir, avec les moyens qui sont les nôtres et en entraînant d’autres pays, cette opposition démocratique.

Là est précisément le lien à la question dont nous sommes saisis : s’il n’y a pas de sanction – je préfère ce mot à celui de punition,…

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Laurent Fabius, ministre. … qui, comme l’a rappelé M. Chevènement, a, dans son acception habituelle, une dimension morale ; on pourrait longuement disserter sur la morale et le droit, et M. Chevènement pourrait opposer sa connaissance intime de Descartes à mes quelques souvenirs –, s’il apparaît donc que le dictateur peut continuer à agir en toute impunité, la population syrienne ne pourra évidemment pas l’accepter. Elle risque alors de se tourner vers ceux qui soutiennent que la seule solution, c’est le massacre inverse.

Nous ne voulons pas cela. Tous ceux qui souhaitent une Syrie aussi démocratique que possible et rassemblée ne peuvent pas vouloir cela. Cela n’irait pas dans le bon sens. Descartes, à cet égard, peut être contesté : s’il a pu dire que le bon sens était la chose du monde la mieux partagée, nous savons tous que, de temps à autre, il faut prendre un peu de recul par rapport aux réalités. (M. Jean-Pierre Chevènement acquiesce.) C’est ce que font toutes celles et tous ceux qui sont aujourd’hui présents dans cet hémicycle.

La sanction n’est pas en contradiction avec la négociation politique, elle en est la condition. En effet, comme M. Carrère et beaucoup d’autres l’ont dit, au nom de quoi peut-on penser que le dictateur Bachar Al-Assad reverra sa position et se rendra à la table des négociations si aucune sanction ne répond aux exactions abominables qui ont été commises ?

En outre, concernant l’Irak, je souligne que comparaison n’est pas raison. Nous nous accordons tous à saluer la décision prise à l’époque par Jacques Chirac, qui était d’ailleurs en pleine conformité avec la position suggérée, auparavant, par notre propre formation politique. Il n’y a donc pas de débat sur ce point. Toutefois, si l’on compare l’Irak et la Syrie, il faut rappeler qu’en Irak il n’y avait pas d’armes de destruction massive et qu’il y a eu une intervention, ce qui était une grave faute.

M. Laurent Fabius, ministre. A contrario, en Syrie, il y a des armes chimiques, qui ont été massivement utilisées, et c’est le fait de ne pas agir qui serait une grave faute !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Nous sommes d’accord !

M. Laurent Fabius, ministre. C’est en ces termes que le problème se pose.

À mes yeux, il faut avoir toutes ces données à l’esprit, tirer les leçons de l’histoire et ne pas faire un parallèle qui ne serait pas exact.

Cela étant, l’exemple irakien est également intéressant d’un autre point de vue. Sur ce plan, nous nous retrouvons avec les Russes, avec lesquels nous parlons. Je rencontrerai, demain, mon homologue Lavrov à Saint-Pétersbourg. Je retournerai d’ailleurs en Russie la semaine suivante, car nous avons divers dossiers à traiter. M. Jean-Pierre Chevènement a du reste accompli un travail tout à fait remarquable pour tenter de développer, sur le plan économique, les relations franco-russes.

Concernant la Syrie, les Russes et nous nous rejoignons sur un point, même si nous n’en tirons pas pour le moment les mêmes conclusions. Lorsque nous leur demandons pourquoi ils soutiennent le régime syrien, les Russes nous répondent : nous n’avons pas d’affection particulière pour M. Bachar Al-Assad, mais nous voulons éviter le chaos. Nous sommes parfaitement d’accord ! Sauf que le chaos, c’est aujourd’hui !

Allons un peu plus loin : bien sûr, ce sont les Syriens qui décident, mais quelle est la grande difficulté ? On le comprend bien, il n’y a pas d’avenir pour une Syrie démocratique avec M. Bachar Al-Assad. Mais il faut que, parallèlement à son remplacement, une solution soit déterminée, qui ne signifie pas la destruction de toute une série d’éléments qui servent de piliers au régime. Sinon, nous nous trouverons face à la solution irakienne, qui n’en est pas une ! En Irak, l’intervention a abouti à des catastrophes. Comme un orateur l’a souligné, les morts s’y accumulent chaque jour, et, aujourd’hui, la situation y est épouvantable.

Toutefois, nous divergeons avec nos collègues russes – pour le moment en tout cas – sur le constat suivant : à nos yeux, si la situation actuelle perdure, s’il n’y a pas de négociation, la Syrie sera prise entre deux extrémismes, et elle explosera, y compris sur le plan géographique.

Si l’on est de bonne volonté, il faut donc que l’on puisse bâtir ensemble une solution, dans le cadre de laquelle M. Bachar Al-Assad sera, nous l’espérons, affecté à d’autres tâches, où les alaouites n’auront pas à craindre d’être détruits, où les communautés minoritaires – chrétiennes ou autres – seront protégées, où les sunnites et les Kurdes seront respectés, et où la Syrie restera aussi unitaire que possible. C’est une grande tâche, c’est un grand rêve, mais c’est cela notre objectif. Je le souligne en réponse aux interrogations portant sur l’objectif de notre diplomatie.

La question de la légalité est très compliquée et très difficile. Elle a donné lieu à des échanges. Il est parfaitement exact que, dans la rigueur des textes, dont la France se fait le défenseur, une intervention doit être organisée dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies. C’est là une position constante de la France.

Cela étant, nous sommes placés face à une situation d’impossibilité. Pourquoi ? Parce que le massacre commis viole le droit de la guerre lui-même – c’est, en tout cas, la position du gouvernement français.

Évidemment, on rétorquera : un mort, c’est un mort. Mais il s’agit là d’une exaction qui, à ce jour, est totalement interdite internationalement.

Il existe un droit de la guerre. Certes, le bon sens conduit à considérer que c’est la guerre elle-même qui est hors la loi. Mais il existe des éléments si graves, si gravissimes que l’ensemble de la communauté internationale les a mis hors la loi. Il s’agit d’un domaine étroit, dont les armes chimiques font partie. Bachar Al-Assad a employé ces dernières. Il faut donc réagir : c’est un impératif.

Parallèlement, il faudrait normalement passer par le Conseil de sécurité. Or on sait que c’est impossible, puisque la Chine et la Russie disent non. Ce n’est pas un refus théorique : ces deux pays ont opposé par trois fois leur veto !

Ces deux propositions sont donc de sens exactement contraires.

D’un côté, il faut absolument réagir, sous peine d’emporter toutes les conséquences déjà énumérées ; de l’autre, si l’on passe par le chapitre VII de la Charte des Nations unies, c’est impossible.

Nous pourrions dire : « C’est compliqué, nous verrons cela dans quelques années ». Non ! En nous appuyant sur une lecture du protocole de 1925, sur la définition du crime contre l’humanité et sur d’autres éléments, en tenant compte de la situation – nous voudrions la modifier, cependant, même si la France est une grande puissance, il n’est pas en notre pouvoir d’ordonner aux Russes et aux Chinois de changer d’avis –, nous disons que pour respecter la loi internationale telle qu’elle est définie en matière d’armes chimiques il peut exister, sauf si ces puissances modifient leur position – ce qui serait souhaitable – une disposition d’exception, et nous le regrettons. Nous ne voulons évidemment pas que cela constitue un précédent. Je ne vais pas chercher une interprétation qui serait juridiquement erronée.

J’en arrive à la question négociation-guerre. Plusieurs d’entre nous, notamment MM. Pierre Laurent et Jean-Pierre Chevènement, ont évoqué la guerre, la guerre, la guerre ! Je n’ai pas recensé le nombre de fois où ils ont employé ce mot dans leurs interventions.

Si l’on veut avoir une discussion qui permette d’avancer, il ne faut pas travestir la position que l’on veut combattre. Il n’y a pas d’un côté ceux qui veulent la guerre, soit beaucoup d’entre vous et le Gouvernement, et, de l’autre, ceux qui demandent une négociation internationale afin d’arriver à la solution. Non !

Tout d’abord, même si tout cela est très délicat, nous souhaitons une sanction ciblée. Lorsque le Président de la République s’exprimera, il dira ce qu’il souhaite, mais il est clair pour nous, expressis verbis, qu’il n’y aura pas de troupes au sol. Il s’agit donc bien d’une sanction et d’une dissuasion par rapport à un acte précis commis en matière d’armes chimiques.

Ensuite, la négociation, tout le monde est pour. Mais le problème, c’est de l’engager et qu’elle réussisse. Nous ne cessons de plaider pour cela. Mon cher ami Pierre Laurent, au bas de « Genève I » figure la signature de Laurent Fabius. C’est moi qui tenais la plume. Alors que l’on ne me dise pas aujourd’hui que nous avons été contre Genève I !

Mme Éliane Assassi. Mais justement !

M. Pierre Laurent. Demandons l’application de Genève I !

M. Laurent Fabius, ministre. Il y avait alors autour de nous le Russe, l’Américaine, c’était une femme à l’époque, le Britannique, etc. Mais aucun Français, ensuite, n’a dit refuser Genève I !

Concernant « Genève II », je tiens à dire aux sénateurs et aux sénatrices, de sorte que nous discutions de faits précis, qu’il s’agit d’une initiative des Russes et des Américains, menée avec notre approbation, visant un objectif bien précis : réunir à Genève un certain nombre de parties avec pour objet « la constitution par consensus d’un gouvernement de transition qui disposera de la totalité du pouvoir exécutif ».

Cela signifie qu’à l’époque où Genève II a été proposée, et alors que M. Bachar Al-Assad était peut-être moins flamboyant que ces dernières semaines, son but était de réunir, par consentement des deux parties, c’est-à-dire, d’une part, l’opposition et, d’autre part, Bachar Al-Assad, un groupe de travail visant à mettre sur pied un gouvernement de transition auquel seraient transférés les pouvoirs de M. Bachar Al-Assad.

Croyez-vous, cher ami, que dans les circonstances actuelles M. Bachar Al-Assad enverrait ses représentants à Genève II dont l’objet est de former un gouvernement de transition visant à le dessaisir de ses propres pouvoirs ? Malheureusement non !

Aussi, l’objectif de la France, que nous avons déjà commencé à développer – la diplomatie, souvent, est chose plus discrète que ce que l’on en voit à la télévision –, avec les Russes, avec les Chinois, avec les parties, y compris avec mon collègue iranien, qui m’a appelé et auquel j’ai parlé l’autre jour, est de déterminer comment faire venir les puissances concernées à une discussion afin que l’on sorte de ce blocage.

S’il n’y a aucune réponse à cette affaire d’armes chimiques, je crains fort, c’est même une certitude, que M. Bachar Al-Assad ne dise non, et que l’opposition, qui pour l’instant a accepté d’envoyer des représentants à Genève, ne considère que l’utilisation d’armes chimiques, les 1 500 personnes gazées, et l’absence de sanction internationale rendent difficile la tenue d’une discussion. Or je souhaite qu’elle ait lieu.

Ce sera donc l’objet des échanges dans les couloirs du G20, car ce n’est pas l’objet du sommet lui-même, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé. Il se trouve cependant que beaucoup de responsables se réunissent, nous allons par conséquent discuter. Ensuite, cela tombe bien, une réunion de l’ensemble des ministres européens aura lieu vendredi et samedi. On avance ! Quelle que soit la grandeur de la France, à laquelle, tous, vous concourez, il n’est toutefois pas en notre pouvoir de dire : « C’est comme ça, et tout le monde s’aligne ! » Voilà la réalité.

Je tiens à le répéter afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, et le Président de la République l’a dit encore ce matin en conseil des ministres dans une déclaration rendue publique, nous pensons que la solution est politique et non militaire. Mais, en l’occurrence, la sanction permet d’avancer sur le plan de la négociation.

Sur le suivisme, l’isolement et l’Europe, nous n’allons pas nous disputer sur les mots. La question est de savoir si la cause est juste. Nous pensons que c’est une cause juste.

Il y a un certain nombre de pays qui non seulement le pensent, mais acceptent de s’engager, physiquement, allais-je dire. C’est le cas de la France, une fois que tous les éléments auront été réunis ; c’est le cas des États-Unis, sous réserve que le Congrès vote positivement ; c’était également le cas du gouvernement britannique, mais le Parlement a dit non. Il peut bien sûr y avoir d’autres puissances, et nous souhaitons qu’il y ait le maximum de participants.

En ce qui concerne l’Europe, cependant, j’ai parlé au téléphone avec tous mes collègues, Mme Ashton fait ce qu’elle doit faire… Mais si l’Europe de la défense existait, comme beaucoup d’entre nous le souhaitent, nous le saurions. Nous y sommes favorables, mais actuellement elle n’existe pas.

Que me disent mes collègues dans leur immense majorité, voire dans leur totalité ? Ils me disent que c’est bien sûr horrible, que le responsable est bien évidemment M. Bachar Al-Assad, qu’il faut bien sûr une sanction, mais que, tout en étant à nos côtés, ils ne participeront pas. Pourquoi ? Une bonne partie d’entre eux n’ont pas les éléments militaires pour cela, je ne rentrerai pas dans le détail de ce que nous ferons s’il y a sanction, mais la plupart d’entre eux ne disposent pas des éléments nécessaires. Ils peuvent donc nous soutenir, mais ils ne peuvent participer. Pour d’autres, comme les Allemands, une participation n’entre pas dans leur tradition constitutionnelle. Nous avons déjà parlé des Britanniques.

On verra ce qui sortira de nos réunions de vendredi et de samedi, mais je pense que la quasi-totalité de ces pays émettront à la fois une condamnation et une volonté de sanction. Nous voudrions bien sûr aller plus loin. Mais aujourd’hui l’état des choses ne le permet pas, c’est toute la question de la défense européenne.

On ne peut donc parler d’isolement. Il n’existe d’ailleurs pas beaucoup de pays dans le monde qui peuvent avancer dans ce domaine. Mais vous voyez bien le soutien, à quatre abstentions près, de l’ensemble de la Ligue arabe, comme de beaucoup de pays, on en a compté trente-cinq ou cinquante et un, je ne sais plus. Cependant, la participation matérielle est évidemment une autre question.

Je terminerai en reprenant le début de l’intervention forte de votre collègue M. le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, avec lequel j’entretiens des relations d’amitié. (M. Jean-Pierre Raffarin opine.) M. Jean-Pierre Raffarin, qui, chacun le sait, a le sens de la formule, a dit : notre impuissance, c’est le grand sujet.

En effet, mon cher collègue et ami, mais où est l’impuissance ? On pourrait vous répondre que l’impuissance c’est d’expliquer avec force pourquoi il faut intervenir et ensuite de fixer des conditions qui rendent cette intervention impossible. Voilà la définition de l’impuissance.

Je peux faire miennes beaucoup de vos objections, mais au bout du bout, il faut trancher. Cela pose la question du vote. Je pense honnêtement que le vote aujourd’hui n’aurait pas eu grand sens. Sur quoi, en effet, auriez-vous pu voter ? Il n’aurait d’ailleurs pu qu’être conditionnel.

Comme le Président de la République l’a dit hier et répété ce matin, il rassemble tous les éléments de la décision, c'est-à-dire ce qui se passe sur le terrain et au plan international, avec, évidemment, la position du Congrès américain. Non parce qu’il s’agirait d’une dépendance, mais parce qu’elle est un élément de cette décision, c’est une évidence aveuglante. Personne d’entre vous, même les plus ardents, n’a soutenu que la France, comme on dit, y aille seule !

Je ne sais pas quand le Congrès prendra sa décision, lundi, mardi, ou jeudi. Une fois que l’ensemble des éléments seront en sa possession, le Président de la République prendra sa décision et s’adressera aux Français. Cela ne signifie pas qu’il ne peut y avoir un élément parlementaire, nous ne l’avons pas exclu, mais ce n'est pas ce que prévoit la Constitution. Le Président de la République prendra sa décision.

J’entends bien les arguments de part et d’autre, et il faut les avoir à l’esprit. Conformément à une définition réputée moderne, il faut, plusieurs d’entre vous l’ont dit, associer le Parlement. Si l’on demande aux Français s’ils souhaitent que ce soit le cas, la réponse est, je crois, assez largement positive.

Dans le même temps, d’autres considérations doivent être prises en compte. Cela n’a pas été beaucoup exprimé ici, mais je sais que de nombreux responsables le gardent à l’esprit : dans le concert des nations, du côté des régimes autoritaires, lorsque le Président ou le Premier ministre énonce ce qu’il va faire, il n’y a pas beaucoup d’interrogations sur la position qu’adoptera le Parlement. Du côté des démocraties, dont nous nous honorons d’être, c’est plus compliqué.

Jusqu’à présent, conformément à la logique de la Ve République, que l’on peut d’ailleurs contester, lorsque le Président dit quelque chose en matière d’engagement militaire, il n’y a pas un nota bene ajoutant « sous réserve de l’avis du Parlement ». Il s’agit donc d’un arbitrage à faire, qui n’aura pas nécessairement valeur de jurisprudence, mais je pense que nous tous, responsables français souhaitant la grandeur et le rayonnement de la France, nous devons aussi avoir cet élément à l’esprit. Cet arbitrage est très compliqué et je ne sais pas ce qu’il sera. À mes yeux, il faut soumettre cela à la réflexion de l’ensemble de nos compatriotes, sinon on ne considère qu’une seule partie du sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne sais si j’ai été trop court ou trop long. En tout cas, si j’ai été trop long, je vous prie de m’en excuser ; si j’ai été trop court, je vous prie aussi de m’en excuser. (Sourires.)

Pour conclure, et en vous remerciant à nouveau de la qualité de ce débat, j’aimerais insister sur trois observations.

Premièrement, pour ce qui est des faits, je pense que la contestation n’est pas possible. En France, nous sommes très prudents – souvenez-vous de l’affaire irakienne ; pourtant, pour tous ceux qui ont suivi l’affaire de près, en particulier les parlementaires membres des commissions compétentes, mon collègue Le Drian, moi-même et les autres ministres, le Premier ministre et le Président de la République, la contestation est impossible : il y a eu un massacre chimique et c’est le régime de Bachar Al-Assad qui en est à l’origine.

Deuxièmement, nous pensons qu’il faut une sanction et que ce problème concerne la France : parce qu’il s’agit d’une région éruptive et que, si on laisse faire sans réagir, il n’y aura plus aucune limite, mais aussi parce que nous pourrions nous-mêmes être directement concernés, compte tenu de la nature de ces armes et des capacités des vecteurs.

Troisièmement, – c’est, en fin de compte, la question sur laquelle notre débat a surtout porté – nous pensons que l’action, à condition qu’elle soit bien proportionnée et que nous ne nous engagions pas dans ce qu’on appelle la guerre, non seulement n’est pas contradictoire avec la solution politique qui est nécessaire, mais qu’elle en est une condition. Sans action, en effet, nous craignons que rien ne bouge.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais vous apporter. Je remercie beaucoup le Sénat ; une fois de plus, il a justifié son nom de Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Bécot et Mme Marie-Annick Duchêne applaudissent également.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que tous les orateurs qui se sont exprimés dans ce débat digne et de qualité.

Nous en avons terminé avec le débat sur la situation en Syrie.

9

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande d’inscrire au début de l’ordre du jour de la séance du vendredi 13 septembre, à 9 heures 30, l’examen de la proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.

Sur la proposition de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé le jeudi 12 septembre à 17 heures et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait de deux heures.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.