M. Benoît Hamon, ministre délégué. Demain, grâce au registre national des crédits aux particuliers – parce que le crédit à la consommation est le principal facteur de surendettement –, celui qui accorde le crédit aura l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur. Je pense que cette aide est indispensable aujourd’hui. En effet, la maman seule, même si elle sait qu’elle est endettée, parce qu’elle doit nourrir ses enfants, ira souscrire ce crédit,…

M. Alain Néri. C’est de l’abus de faiblesse !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. … alors qu’il est possible de l’accompagner dans un processus lui permettant d’éviter de basculer dans cette spirale dont on ne sort pas et qui produit, chaque semaine, des drames dans nos cités, nos villages et nos villes. Telle est la raison pour laquelle nous avons proposé cette mesure.

Mais nous ne nous sommes pas contentés de la seule création de ce registre, et vous m’excuserez si je reprends les autres mesures figurant dans le texte.

Nous diminuons la durée des plans de redressement de huit à cinq ans ; cela ne fait pas plaisir aux créanciers, et il ne vous aura pas échappé que la presse économique n’a pas chanté les louanges de cette loi, au motif qu’elle serait favorable à la politique du crédit !

Nous renforçons l’encadrement, dans le sillage de la loi Lagarde – vous avez eu raison d’y voir la démonstration du fait que ce gouvernement est tout sauf sectaire, car nous avons repris tous les progrès de la loi Lagarde. À l’Assemblée nationale, j’ai même dit que nous nous appuyions sur ce socle parce que nous avions enregistré que la loi Lagarde sur l’offre alternative de crédit avait permis des progrès, dès lors que le montant de l’achat dépasse 1 000 euros, en obligeant les organismes de crédit à proposer le choix entre un crédit amortissable et un crédit renouvelable. Nous voulons aller plus loin, parce que l’esprit de la loi Lagarde n’a pas été respecté partout sur le terrain. Il a été constaté que cette offre alternative n’était pas systématiquement présentée lorsque le montant de l’achat dépassait 1 000 euros.

En outre, nous portons le délai de résiliation des lignes « dormantes » de deux ans à un an. Combien de crédits renouvelables supprimons-nous grâce à cette mesure, qui tient en un alinéa ? Sachez-le : 8 millions ! Il n’y aura plus non plus de subprimes à la française si le projet de loi est voté, puisque nous y avons inscrit la suppression des hypothèques rechargeables.

Enfin – j’ai déjà évoqué cette mesure d’un mot, mais je vous prie de croire qu’elle hérisse quelques poils chez celles et ceux qui exercent le métier de banquier –, nous mettons en place un service d’aide à la mobilité bancaire et une réflexion sur la portabilité du numéro de compte.

Nous avons là des mesures qui, véritablement, nous permettront de mieux encadrer la politique de crédit, sans pour autant être dans l’ignorance d’une réalité qui a été décrite sur toutes ces travées : nous avons aussi besoin du crédit à la consommation ! Parce qu’on ne peut pas réaliser certains achats avec son seul salaire – l’achat d’un canapé, d’une télévision, d’une voiture, etc. –, on peut avoir besoin du crédit à la consommation. Ce dernier est donc indispensable pour soutenir la demande, au travers de la consommation des ménages. Au même titre que l’investissement des entreprises, qui est aussi une composante de cette demande, c’est un instrument important.

Notre objectif est donc d’encadrer ce système de crédit.

Si je tenais à vous apporter ces précisions, c’est pour insister sur le fait que le registre national des crédits aux particuliers n’est pas la seule mesure prise par le Gouvernement. Je ne résiste toutefois pas à la tentation de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce jour où, dans une célèbre émission animée par Jean-Pierre Pernaut, Paroles de Français, le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez s’est prononcé en faveur d’un tel registre. Nicolas Sarkozy, répondant à M. Jean-Louis Kiehl de la Fédération CRESUS, qui l’interrogeait, avait dit : « Je le ferai ! ». Il ne l’a pas fait, puisqu’il n’a pas été élu… Pour ma part, je considère que c’est une mesure de bon sens politique !

Par ailleurs, pour répondre à Mme Dini – je m’étais déjà exprimé sur ce point, mais je vais de nouveau préciser ma position –, il est une mesure à laquelle, après y avoir réfléchi, notamment avec les associations, je ne suis pas favorable. Il s’agit du recours aux trois derniers relevés de compte. Pourquoi ? Tout d’abord, il faudrait penser à se promener avec ses relevés de compte bancaire au cas où – il peut encore y avoir un peu d’achat compulsif – on souhaiterait faire un crédit. Ensuite et surtout, on se met beaucoup plus à nu en montrant le détail de ses relevés plutôt qu’en ayant précisé, sur une fiche, la totalité des crédits à la consommation que l’on a déjà contractés.

S’agissant maintenant de l’identifiant – la question a été soulevée par Mme Lamure, me semble-t-il, ainsi que par plusieurs autres orateurs –, nous avons aussi été interpelés sur le sujet par le Conseil d’État et par la CNIL, et avons répondu à leurs demandes. Nous n’utiliserons pas le numéro d’inscription au répertoire, le NIR, qui sera réservé à la sphère sociale, et nous avons commencé, en lien avec la Banque de France, un travail de réflexion sur un identifiant qui comprendrait des éléments d’état civil, ainsi que d’autres éléments afin d’éviter au maximum les risques d’homonymie. Cet identifiant, me semble-t-il, pourrait être demain l’identifiant de la sphère bancaire ou financière et pourrait peut-être nous être utile dans le cadre de la réflexion sur la portabilité du numéro de compte bancaire, si jamais nous la prolongeons. Quoi qu’il en soit, nous travaillons sérieusement sur cette question, évidemment en veillant à prévoir toutes les garanties en matière de préservation des libertés individuelles.

Vous n’avez pas à me croire sur parole, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je n’ai pas proposé ce registre national des crédits aux particuliers pour ficher les pauvres de ce pays ! Ce n’est pas non plus pour cela que les associations le proposent ! D’ailleurs, on estime à 10 ou 12 millions le nombre de personnes qui, ayant recours au crédit à la consommation, seront concernées par le dispositif. Celui-ci ne se restreint donc pas aux plus pauvres. L’objectif est bien sûr d’éviter le crédit de trop !

Nous débattrons de ce sujet, mais il me semblait important, en ouverture de nos discussions, de rappeler l’approche qui a été la nôtre : elle ne peut se résumer à cette seule question du RNCP.

Par ailleurs, j’ai promis de répondre à Mme Procaccia, qui n’est pas parmi nous ce soir, mais qui m’a assuré qu’elle me regarderait sur internet. Elle doit donc suivre la séance en streaming, ce qui me permet, en passant, de la saluer ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est interactif !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je crois fondamentalement que la fluidité que nous allons instaurer sur le marché des assurances, en particulier des assurances obligatoires, permettra de faire baisser les prix.

Assez naturellement, je ne m’attendais guère à autre chose, les assureurs nous ont abreuvés d’arguments contraires. En toute logique, ils ont fait leur travail : ils gagnent de l’argent en délivrant des assurances et il est assez normal que la perspective d’en gagner un peu moins ne les réjouisse pas spécialement. Mais alors que, comme l’affirmaient les assureurs, nous devions obtenir l’effet contraire, j’observe – ou plutôt je le lis dans la presse spécialisée, car c’est ce que la plupart des experts du milieu constatent – que, par anticipation, deux grandes entreprises, la MAAF et la MAIF, ont décidé de geler, voire de baisser leurs tarifs ou de proposer des ristournes sur leur assurance automobile. Il reste à voir ce qu’elles feront en matière de contrat multirisque habitation ou ce que leurs concurrentes entendent faire à leur tour. J’ai donc l’impression que les faits contredisent ce qui nous était annoncé et qu’il y aura bien un impact à la baisse sur les tarifs de ces assurances obligatoires.

À cet égard, Mme Procaccia doutait du chiffre de 5 %... Voici quelques éléments : le budget annuel pour les assurances s’élève à 1 400 euros, pour un revenu médian des ménages français situé autour de 29 000 euros. Ainsi environ 4,84 % de ce revenu médian, soit près de 5 %, est aujourd’hui consacré aux dépenses d’assurance. Bien sûr, la réalité veut que plus les revenus sont bas, plus la part des assurances obligatoires dans le budget est importante et plus ils sont élevés, plus cette part est faible. Il nous revient donc d’agir sur ce poste des dépenses d’assurance.

J’ai compris que Mme Procaccia n’y était pas favorable, mais que, dans le même temps, elle souhaitait l’extension, à tous les domaines des services à reconduction tacite, de ce principe auquel elle s’oppose pour les assurances.

Elle a parlé de « mini dose » et de « maxi dose ». Mon problème n’est pas celui-là ! Il s’agit pour moi d’identifier les marchés sur lesquels il est justifié de remettre en cause ce qui relève d’une rente et d’examiner leur fonctionnement.

Je ne suis partisan ni de la doctrine de la concurrence ni de celle de la non-concurrence ! Jouons le jeu de la concurrence lorsque celle-ci peut objectivement faire baisser les prix dans l’intérêt du consommateur et de la société. Soyons prudents vis-à-vis d’elle quand son impact, que ce soit sur le consommateur ou sur la société, apparaît négatif. Cela explique d’ailleurs que je suis plutôt opposé à l’idée de concurrence des systèmes sociaux ou des systèmes fiscaux entre eux, comme c’est le cas au sein de l’Union européenne, et plutôt favorable à un accroissement de la concurrence entre les compagnies d’assurance en matière d’assurances obligatoires. Mais nous en reparlerons… Mme Procaccia doit être en ce moment même en train de prendre des notes et de fourbir ses arguments. Ce sera un plaisir pour moi de revenir, dès demain, en séance, sur le sujet.

Avant de conclure par la question des actions de groupe, je voudrais dire un mot sur les pouvoirs de la DGCCRF.

Nous sommes d’accord, me semble-t-il, sur la question des « clients mystères » et, après l’intervention de Mme Lamure et de plusieurs d’entre vous sur le sujet, je suis heureux de constater qu’un consensus se construit autour de l’idée selon laquelle, demain, nous pourrions octroyer à la DGCCRF les moyens lui permettant d’aller au bout d’un acte d’achat, notamment s’agissant du commerce par internet.

Ce dernier – on me corrigera si mes souvenirs ne sont pas bons – représentait l’année dernière autour de 45 milliards d’euros, dont environ 9 milliards d’euros pour la seule période des achats de Noël. C’est donc, on le voit, un commerce qui se développe considérablement, d’où l’importance de la transposition en droit français de la directive relative aux droits des consommateurs.

À ce titre, je souligne qu’il s’agit d’une directive d’harmonisation maximale, ce qui me vaudra, souvent, d’être défavorable à certains amendements, et ce même si nous avons nous-mêmes interrogé la Commission européenne sur la pertinence de son texte sur des points tels les délais en cas d’achats étalés dans le temps sur la même commande. Nous estimons effectivement que les dispositions prises risquent de poser de véritables problèmes aux fournisseurs. La Commission a reconnu que ce serait peut-être le cas, mais nous a rappelé que, s’agissant d’une directive d’harmonisation maximale, nous ne pouvions déroger à la règle. Je reconnais donc qu’il est assez frustrant de devoir examiner ensemble certaines dispositions, sans possibilité de les amender. Toutefois, le sujet est important.

Nous renforcerons donc les moyens accordés aux enquêteurs de la DGCCRF pour aller débusquer les tricheurs et, à ce titre, je tiens à évoquer la question du quantum des peines.

Pour répondre à certains des orateurs du groupe UMP, nous allons montrer du doigt, non pas les entreprises, mais les tricheurs. Quand sur ces travées, quelles qu’elles soient, on propose d’augmenter le quantum des peines pour un délit donné, on ne prétend pas montrer du doigt les Français : ce sont bien les voyous qui sont visés ! Il y va de même quand nous augmentons le quantum des peines pour tromperie économique : nous désignons, non pas toutes les entreprises, mais seulement celles qui trichent.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. On ne peut avoir une vision laxiste, angélique, naïve de la réalité des pratiques actuelles de tromperie, mais pourquoi une telle affirmation ?

La presse fait aujourd’hui état d’interpellations dans le cadre des suites de l’affaire dite « Spanghero ». Depuis qu’il a été transmis au parquet, le dossier est suivi par le Service national des enquêtes, sous l’autorité des juges, et les gendarmes de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP. Je n’en sais donc pas plus, mais, à l’époque, nous estimions à 500 000 euros le bénéfice indu. L’affaire a mis au tapis une entreprise de plus de 300 salariés et, je le rappelle, on a ciblé dans le débat politique la responsabilité du Gouvernement dans la chute de la société, alors que, selon toutes probabilités, cette chute est largement due aux choix et à la stratégie de ses dirigeants.

En réalité, si nous avions dû appliquer le quantum des peines tel qu’il existe aujourd'hui, ces derniers auraient été responsables à hauteur de 185 000 euros, montant maximum de la peine, alors que le bénéfice indu atteint, de nouveau pour ce que nous en savons à l’heure actuelle, 500 000 euros. En d’autres termes, la peine n’a aucun caractère dissuasif.

Nous cherchons donc à la fois à répondre aux exigences de la Commission européenne, qui demande à tous les États membres de l’Union européenne d’élever le niveau des pénalités pour pratiques commerciales trompeuses et à rendre la pénalité proportionnée au montant des bénéfices indus. Je n’y vois là qu’esprit de justice et volonté d’instaurer un arsenal répressif beaucoup plus dissuasif qu’il ne l’était jusqu’ici à l’égard des tricheurs. Il est bien question, ici, de sanctionner les tricheurs, et seulement les tricheurs.

J’ai eu l’occasion de discuter avec bon nombre de chefs d’entreprise travaillant dans le même secteur que la société que je viens d’évoquer. Alors qu’ils travaillent correctement, ils ont vu l’image de toute une filière – 400 000 emplois dans l’industrie agroalimentaire ! – affectée par cette affaire. Quand, comme eux, on fait bien son travail, on étiquette correctement, on respecte les normes sanitaires, on satisfait à tous les contrôles de la DGCCRF et l’on voit son chiffre d’affaires plonger parce qu’à cause d’un ou deux les consommateurs n’ont plus confiance dans les acteurs de la filière, on plaide pour un niveau des sanctions empêchant la récidive.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Car, pardonnez-moi de le dire, on a pu constater qu’un certain nombre d’acteurs avaient déjà « fauté » et recommençaient à le faire.

Cette affaire des sanctions ne vise donc en aucun cas à stigmatiser les entreprises. Je trouve d’ailleurs toujours amusant que l’on fasse des distinctions entre ceux qui connaissent les entreprises et ceux qui ne les connaissent pas. Si ceux qui prétendent les connaître les connaissaient si bien, nous aurions vécu une belle période de croissance pendant dix ans, avec des entreprises florissantes. Or il est impossible d’établir un lien entre croissance et direction du pays par ceux qui, prétendument, connaissent les entreprises.

Il faut arrêter de se jeter l’anathème. À titre personnel, j’ai une expérience dans le secteur privé que, peut-être, plusieurs d’entre vous n’ont jamais eue. Chacun peut parler de ce qu’il connaît et, en l’occurrence, je ne prétends pas mieux connaître les entreprises, alors que j’ai travaillé en entreprise, que d’autres qui n’y ont jamais mis les pieds.

En outre, en tant que responsables politiques, nous devons pouvoir nous mettre en situation de défendre l’intérêt général. Il n’est pas nécessaire d’être médecin pour parler de santé, d’être chef d’entreprise pour parler d’entreprise, d’être membre d’un syndicat pour parler des intérêts des salariés. C’est le rôle des sénateurs et, plus généralement, des représentants de la République d’être en capacité d’évoquer tous ces sujets, sans que l’on n’ait auparavant à examiner leur curriculum vitae. Je tenais à le dire car ce genre d’approche me dérange un peu.

J’en viens enfin à l’action de groupe. Il me semble, madame Lamure, que vous avez évoqué à ce sujet une certaine impréparation. J’ai trouvé que vous étiez un peu sévère et, dans le même temps, je pense honnêtement que nous avons tous cheminé parallèlement sur la question, même si – c’est de bonne guerre – on pourra toujours vous reprocher d’avoir annoncé que vous vouliez le faire et de ne pas l’avoir fait. Richard Yung l’a d’ailleurs souligné avec une certaine légitimité…

Que nous efforçons-nous de faire ? Le Gouvernement n’a pas pour objectif de créer une charge supplémentaire pour les entreprises. Le projet de loi ne comporte pas une seule ligne – j’y insiste ! – portant sur une quelconque procédure administrative supplémentaire à la charge des entreprises françaises. Ce projet de loi ne change rien au quotidien des entreprises de notre pays.

Quel est l’apport du présent texte ? Désormais, parce qu’elles seront exposées à de nombreux clients potentiellement lésés, les entreprises tenteront de prévenir une éventuelle action de groupe en améliorant, en amont, leur relation avec leurs clients et, plus globalement, avec les consommateurs. J’estime cela positif.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué – il me semble que c’est M. Alain Fauconnier qui l’a fait le premier –, pour qualifier l’action de groupe que ce projet de loi a pour ambition de créer, une « arme de dissuasion ». C’est exactement cela ! L’action de groupe va multiplier les médiations, améliorer la qualité de la relation avec les clients, conduire les entreprises à être attentives à construire une médiation intelligente avec les associations de consommateurs, dès lors qu’elles s’estimeront potentiellement exposées à une procédure incontestablement coûteuse en termes d’image.

En revanche, lorsqu’il n’y a pas de médiation possible, parce qu’un fait délictueux a été objectivement constaté, une pratique anticoncurrentielle détectée ou encore un contrat de consommation rompu, le présent texte permettra – enfin ! – au consommateur lésé d’être indemnisé du préjudice économique qu’il a subi.

Nous allons discuter de tous les aspects de cette action de groupe. Le travail effectué dans cette perspective par la commission des lois et par M. le rapporteur Martial Bourquin nous sera très utile.

J’entends dire que l’instauration d’une action de groupe dite « simplifiée » serait un aveu, celui que l’autre dispositif créé par ce projet de loi serait trop complexe à mettre en œuvre. Cet argument est fallacieux ! Le Gouvernement souhaite simplement établir une distinction entre deux types de situation : celui dans lequel les clients faisant l’objet d’un préjudice ne sont pas identifiés et celui dans lequel ces derniers sont connus à l’avance, parce que l’entreprise responsable d’un fait délictueux dispose du fichier des clients lésés.

Cette distinction est assez simple. Un opérateur téléphonique, par exemple, dispose d’un fichier de clients. S’il fait l’objet d’une condamnation, il connaît donc parfaitement l’identité de ceux qui sont en droit d’être indemnisés d’un préjudice subi. En revanche, dans le cas, par exemple, des barquettes de lasagne, que j’ai évoqué tout à l’heure, il n’était pas possible d’identifier ceux qui avaient acheté ces produits. Ce second type de cas exige par conséquent une démarche de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se faire connaître.

Il est donc logique que les modalités de liquidation de l’action de groupe soient adaptées. Le Gouvernement a de ce fait souhaité qu’une procédure dite « accélérée » puisse être mise en œuvre dans les cas où le fichier des clients lésés est connu à l’avance. Il s’agit tout simplement d’améliorer la protection des consommateurs. En tout cas, je me réjouis du débat que nous aurons sur ce sujet.

Je terminerai par un sujet qui a été évoqué par M. Richard Yung, par Mme Bonnefoy et par Mme Aïchi : la question du périmètre. L’action de groupe, c’est avant tout une « procédure valise » – je ne sais pas si l’expression est juste –, en ce sens qu’il y a plusieurs types d’actions de groupe. Il n’y a pas un type unique d’action de groupe, dont le Gouvernement étendrait progressivement le champ à la santé, puis à l’environnement.

Nous créons une action de groupe dans le champ spécifique de la consommation. Et elle s’épanouira strictement dans ce domaine. Je le répète, lorsque Marisol Touraine vous présentera un texte, au début de l’année 2014, celui-ci traitera du champ de la santé. Les victimes du Mediator, par exemple, ne demandent pas à être exonérées du prix de ce médicament : elles demandent à être remboursées du préjudice corporel qu’elles ont subi.

Or, en l’occurrence, le juge a besoin d’être éclairé par une expertise au cas par cas sur les conséquences, par exemple, de l’exposition à l’amiante, ou de l’absorption du Mediator, ou encore de la pose d’une prothèse PIP sur un individu à chaque fois différent, souffrant de telle ou telle pathologie, ayant tel ou tel âge, et présentant d’autres caractéristiques qui exigent que l’on mesure, par exemple, les conséquences de l’absorption d’un médicament sur sa santé. Nous créons donc plusieurs procédures différentes, dont une qui sera spécifique à la santé.

S'agissant de l’environnement, prenons l’exemple de la pollution. Celle-ci a des conséquences écologiques sur l’écosystème, des conséquences économiques sur le tourisme, des conséquences sanitaires sur les personnes chargées de nettoyer les plages goudronnées. La pollution peut donc entraîner trois effets bien différents. C’est la raison pour laquelle les engagements qui avaient été pris par Delphine Batho et qui ont été confirmés par Philippe Martin lors des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement consistaient à mettre en place des groupes de travail consacrés à l’action de groupe dans le champ particulier de l’environnement.

Nous sommes donc sur une fusée à trois étages. Par principe, il est nécessaire qu’un premier étage se détache : c’est l’action de groupe dans le champ de la consommation. L’action de groupe en matière sanitaire viendra ensuite, suivie elle-même par une procédure en matière d’environnement.

Le mieux est l’ennemi du bien : à vouloir aller trop vite, nous nous serions heurtés à une absence de consensus et à un défaut de réponse commune. Les débats, certes, ont été particulièrement animés. Il en est d'ailleurs allé de même à l’Assemblée nationale. Pour autant, nous avons connu des débats bien plus clivés : chacun reconnaît, en effet, que la procédure d’action de groupe prévue par le présent texte permettra de mieux protéger le consommateur et répondra à l’objectif d’aboutir à une solution dans un contexte où l’action en représentation conjointe n’a absolument pas donné satisfaction, puisqu’elle a été très marginalement utilisée, jusqu’ici, dans le droit français.

Voilà ce que je voulais vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs. Je n’ai pas répondu, loin de là, à toutes vos interrogations. Je reviendrai, avec Bernard Cazeneuve, sur les remarques qui ont été faites par M. François Trucy et Mme Michèle André sur les jeux en ligne. Je répondrai également aux autres remarques qui ont été faites.

Nous aurons l’occasion de débattre dans le détail des mesures sectorielles qui ont été évoquées. Je répondrai également aux interrogations de M. Poniatowski sur la question de l’énergie et sur l’existence, que je confirme, de mesures dérogatoires concernant les distributeurs d’énergie dans le code de la consommation, qui demeurent applicables en dépit des nouvelles dispositions prises pour la transposition en 2013 de la directive européenne relative aux droits des consommateurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quel que soit le groupe politique auquel vous appartenez, je tiens en tout cas à saluer, pour avoir écouté attentivement vos conclusions, l’esprit d’ouverture dont vous avez témoigné concernant votre attitude au moment du vote final. Je ferai montre du même esprit d’ouverture lors de l’examen des différents amendements.

Il y a plusieurs points sur lesquels nous ferons évoluer le texte. Et je m’appliquerai à être le plus constructif possible, guidé par le souci de dégager de larges majorités. Certes, il m’arrivera, sur ce banc, d’être battu quelquefois, hélas. Je ne l’espère pas, mais j’accepte l’éventualité de cette configuration. En tout cas, tel est l’esprit du Gouvernement.

Je voulais vous remercier pour la qualité des arguments échangés, toujours adossés à une analyse de fond : cela montre qu’il est possible d’adopter, même sur un sujet tel que la consommation, des approches de gauche ou de droite, ce qui est plutôt sain, d’ailleurs, dès lors que ces approches sont fondées sur des arguments ancrés dans la réalité. Je serai très heureux de poursuivre le débat avec vous pendant de longues heures encore. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Chapitre Ier

Action de groupe

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Article 1er (début)

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 438, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport avant le 31 décembre 2013 sur les conséquences de la très faible revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance ces dernières années sur le pouvoir d'achat des salariés à revenu modeste.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Avec cet amendement de principe, nous abordons une question qui me paraît emblématique des lacunes de ce projet de loi.

En effet, il me semble qu’en abordant ce sujet de manière uniquement technique, en se concentrant seulement sur les rapports commerciaux et sur la formation des prix, ce projet de loi fait l’impasse sur les raisons réelles de la baisse de la consommation. Ainsi, il ne s’attaque pas à la question du pouvoir d’achat : par conséquent, il ne pourra apporter une réponse suffisante au problème de la relance de notre économie.

D’après l’INSEE, le pouvoir d’achat des Français a subi une perte de 0,9 % en 2012. Toutefois, à y regarder de plus près, cette chute est encore plus importante. En effet, le poids des dépenses incompressibles, celles que l’Insee appelle « pré-engagées », c’est-à-dire le logement, le chauffage, l’électricité, les services de télécommunication, les frais de cantine, la redevance télévisuelle ou encore les frais d’assurance est considérable et de plus en plus important. C’est le résultat, notamment, des politiques de libéralisation des entreprises menées par les précédents gouvernements. De ce fait, le budget restant à la fin du mois, si l’on tient compte des dépenses incompressibles, dégringole en réalité de 2,2 %.

Malgré cela, depuis de trop nombreuses années, le SMIC n’est que très faiblement revalorisé. Pour cette raison, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un premier rapport annuel avant le 31 décembre 2013 sur les conséquences de la très faible revalorisation du SMIC au cours des dernières années sur le pouvoir d’achat des salariés à revenu modeste.

Relancer la consommation passe prioritairement à nos yeux par l’augmentation du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Cet amendement tend donc à rappeler au Gouvernement cette équation de base, sans exonérer de leurs responsabilités les gouvernements précédents.