M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, sont insérés un 5° ter et un 5° quater ainsi rédigés :

« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 242-7-2 du présent code ;

« 5° quater Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3°, 5°, 5° bis et 5° ter ; »

2° Après la section 1 du chapitre 1er du titre 4 du livre 2, il est rétabli une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Cotisations assises sur la masse salariale

« Art. L. 242-7-2. – I. – Pour l’application du présent article :

« La répartition des richesses des sociétés à l’échelle nationale est définie annuellement par le calcul du ratio Rn de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 de l’ensemble des sociétés ayant leur siège sur le territoire français ;

« La répartition des richesses des sociétés à l’échelle des sections du niveau 1 de la nomenclature des activités françaises de l’Institut national de la statistique et des études économiques en vigueur est définie annuellement par le calcul du ratio Rs, correspondant au ratio moyen Re de l’ensemble des sociétés qui composent la section ;

« La répartition des richesses d’une société est définie annuellement par le calcul du ratio Re de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 de la société ;

« Les ratios Rn et Re de l’année précédant la promulgation de la loi n° …du … garantissant l’avenir et la justice du système de retraites servent de référence pour le calcul des taux de variation annuels de Rn, et Re exprimés en %.

« II. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce s’acquittent annuellement, selon les modalités définies au présent article, d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre le ratio Re et le ratio Rs d’une part, et d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre les taux de variation de Re et de Rn d’autre part.

« Les sociétés dont le ratio Re est supérieur ou égal au ratio Rs de la section de laquelle elles relèvent, ou dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul et supérieur au taux de variation annuel du ratio Rn, restent assujetties aux taux de cotisation d’assurance vieillesse de droit commun.

« Les sociétés dont le niveau annuel de Re est inférieur au niveau annuel de Rs de la section dont elles relèvent s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de leur masse salariale dont le taux est égal à l’écart entre Rs et Re.

« Les sociétés dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul mais inférieur au taux de variation du ratio Rn, ou négatif, s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de sa masse salariale, dont le taux est égal à l’écart entre les taux de variation Rn et Re.

« Les cotisations additionnelles mentionnées au présent article sont cumulatives.

« Les cotisations prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, nous continuons à défendre, au sein de cet hémicycle, des propositions concrètes destinées à assurer l’avenir de notre système de protection sociale, des propositions que nous voudrions partager au moins avec l’ensemble de la gauche, mais, je l’avoue, l’exercice est compliqué !

Nous proposons d’instaurer une modulation, que l’on pourrait qualifier d’« intelligente », des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises. Nous avions déjà présenté un amendement similaire lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et pour 2013. Le rapporteur général était convenu que la proposition ne manquait pas d’intérêt, mais il lui semblait préférable d’attendre que le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ait remis son rapport avant d’envisager cette mesure. Soit !

Mais pendant ce temps, la sécurité sociale souffre de déficits, que nos concitoyennes et concitoyens subissent eux aussi ! Et l’étau financier qui l’enserre rend impossible l’amélioration des conditions d’accès aux soins de nos concitoyens. Cette situation justifie, selon le Gouvernement, la prise de mesures, en matière de retraites, particulièrement injustes à notre sens, mesures qui ne pourraient pas être imposées de cette façon si les comptes sociaux se trouvaient à l’équilibre !

On ne peut plus attendre ! Le moment est donc venu, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, dont les mécanismes sont fort simples derrière une apparente complexité. Les entreprises qui augmenteraient la part des salaires et favoriseraient l’emploi et la formation verraient leurs cotisations allégées, alors que celles qui, à l’inverse, privilégieraient la rentabilité financière, devraient supporter des cotisations alourdies.

Je pense que cette modulation contribuerait à faire pression sur les logiques financières des entreprises. Dans le même temps, elle dégagerait des moyens nouveaux pour la protection sociale. Une telle disposition récompenserait, en quelque sorte, les entreprises vertueuses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement proposent une modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix opérés par les entreprises en matière de répartition des richesses. Cela vient d’être dit, la même proposition a déjà été défendue lors des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Elle porte sur les modalités de financement de la protection sociale, c’est-à-dire sur la définition éventuelle d’une autre assiette que celle qui existe aujourd’hui.

Il s’agit de créer, pour les entreprises, des cotisations sociales additionnelles selon qu’elles respectent ou non deux ratios, d’une part, un ratio de répartition des richesses de l’entreprise par rapport à l’évolution moyenne du ratio de répartition des richesses à l’échelle nationale et, d’autre part, un ratio de répartition des richesses de l’entreprise par rapport au ratio moyen de répartition des richesses du secteur dont elle relève.

Cet amendement contribue sans aucun doute au nécessaire débat sur les modalités de financement de notre protection sociale. Des solutions nouvelles devront probablement être proposées, mais elles supposeront des choix et des arbitrages.

L’adoption de l’amendement n° 173 reviendrait à opérer un choix, à mon sens, prématuré. En effet, les éléments de nature à arrêter une décision parfaitement incontestable ne sont pas disponibles ; je pense, notamment, à l’indispensable étude d’impact qui permettrait de connaître les entreprises qui paieraient des cotisations élevées, celles qui acquitteraient de moindres cotisations, ainsi que d’en déterminer les proportions.

On peut s’interroger sur le dispositif proposé. Permet-il de mesurer correctement la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les secteurs, les entreprises implantées sur notre territoire ?

Je confirme la proposition d’attendre les conclusions que le Haut Conseil du financement de la protection sociale produira avant d’accepter une réforme d’une aussi grande ampleur et dont nous ne connaissons pas les conséquences précises.

Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 173.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement non pas parce que la réflexion qu’il engage sur le système de protection sociale n’est pas intéressante, mais parce qu’elle a une dimension tectonique, structurelle. De surcroît, elle implique une expertise dont nous ne disposons pas.

De plus, l’adoption de cet amendement aurait des effets collatéraux qui ne sont pas mesurés aussi précisément que cela serait souhaitable.

La réflexion sur ce sujet se déroule actuellement au sein du Haut Conseil du financement de la protection sociale et doit se poursuivre. Cependant, en l’attente de son résultat et en l’absence d’étude d’impact et d’éléments d’évaluation plus précis, le Gouvernement ne peut pas, sans prendre un risque sérieux – y compris pour les équilibres de notre système de protection sociale – émettre un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le pourcentage : « 10 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % » ;

2° À la seconde phrase, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC est particulièrement attaché au mécanisme de financement de la sécurité sociale qui doit, théoriquement, reposer sur les cotisations sociales. Celles-ci représentent, en réalité, une ponction sur les richesses créées par les salariés. Parce qu’elles sont mutualisées entre tous les travailleurs, elles constituent un salaire socialisé, garantissant le financement de notre régime de protection sociale selon une règle claire : chacun cotise selon ses moyens et perçoit selon ses besoins.

Pourtant, sous l’impulsion des logiques libérales de réduction du coût du travail, les gouvernements successifs ont mis en place ou maintenu des mécanismes d’exonérations de cotisations sociales, c’est-à-dire de réduction du salaire socialisé. Cette dernière ne profite qu’aux plus riches, qui se partagent ainsi une part plus large de bénéfices.

Disons-le clairement, celles et ceux qui réduisent les cotisations sociales baissent les salaires pour augmenter les revenus des actionnaires. Ils diminuent également le pouvoir d’achat des salariés, puisque l’État compense en partie ces exonérations par des prélèvements fiscaux qui sont majoritairement supportés par les ménages, c’est-à-dire les salariés eux-mêmes !

Alors que certains, à droite, dénoncent le coût du travail, souhaitant que les employeurs ne participent plus au financement de la sécurité sociale, nous avons voulu, quant à nous, contraindre le capital à financer la sécurité sociale. Ces exonérations agissent comme de véritables « trappes à bas salaires » et incitent les employeurs à sous-rémunérer les salariés : moins ces derniers sont payés, plus les employeurs bénéficient d’exonérations. C’est exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire pour inciter les employeurs à investir dans l’emploi de qualité et dans la formation !

Pour toutes ces raisons, nous proposons de réduire, jusqu’à extinction, les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation d’engager une négociation sociale annuelle sur les salaires et l’organisation du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réduire, puis à supprimer, les exonérations de cotisations sociales patronales, dès lors que l’entreprise ne respecte pas l’obligation d’engager une négociation sociale annuelle sur les salaires et l’organisation du travail.

L’avis de la commission est défavorable, compte tenu du caractère brutal des pénalités proposées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La loi prévoit déjà la suppression totale des allégements de cotisations en cas de non-respect de l’obligation d’engager une négociation sur les salaires pendant trois années consécutives. Cette pénalité est pleinement efficace, comme le montre d’ailleurs son faible rendement, qui est de l’ordre de 3 millions d’euros.

Il est inutile, selon le Gouvernement, de modifier ces règles et de prendre le risque de porter atteinte au principe de proportionnalité, qui doit toujours s’appliquer en matière de sanctions si l’on veut respecter les principes de droit qui ont prévalu jusqu’à présent.

Pour cette raison, je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 175, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter du 1er janvier 2014, les exonérations de cotisations sociales mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale sont réduites de 20 %. Cette réduction est appliquée chaque 1er janvier jusqu’à extinction du dispositif.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement – nous en présentons de similaires depuis plusieurs années – vise à réduire progressivement les exonérations de cotisations mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale à raison de 20 % par an, jusqu’à extinction complète de ce dispositif. Il s’agit, vous l’avez compris, des « exonérations Fillon », du nom du ministre qui les a instaurées.

Je le rappelle, ces dernières sont présentées comme des mesures incitatives à l’emploi. Nous contestons bien entendu cette idée, et je précise volontiers que la Cour des comptes les a qualifiées, à de très nombreuses reprises, de « trappes à bas salaires ». Effectivement, les entreprises qui voudraient réduire le montant total de leurs cotisations patronales sont incitées à contenir les rémunérations de leurs salariés, puisque plus les salaires sont faibles, moins les employeurs cotisent ! Comment espérer, dans ces conditions, que les salariés puissent obtenir par la voie de négociations de véritables revalorisations salariales ?

Ces exonérations sont régulièrement présentées comme une mesure destinée à favoriser l’emploi des salariés peu qualifiés, en diminuant le coût du travail. On ne connaît que trop cet argument : en France, le coût du travail serait trop important et il faudrait le réduire pour relancer l’emploi.

Nous considérons, au contraire, que ces exonérations plongent les salariés les plus modestes dans un cercle vicieux. Aujourd’hui, 10 millions de salariés voient leurs salaires gelés à un niveau inférieur au seuil à partir duquel l’exonération disparaît. Ne pas abroger ce dispositif revient, au final, à leur interdire toute progression de salaire.

De plus, on le sait, le coût de ces exonérations est énorme pour les comptes sociaux : ce sont plus de 20 milliards d’euros qui font défaut, alors qu’ils pourraient, par exemple, permettre de financer la prise en charge de la dépendance, de supprimer les franchises médicales, voire de rembourser une partie de la dette sociale et arracher ainsi notre régime de protection sociale des griffes des spéculateurs entre lesquelles il se trouve, précisément en raison de son financement défaillant.

Vous trouvez qu’il y a trop de cotisations. Or celles-ci sont, je le rappelle, à l’origine même de notre système de protection sociale et de la politique salariale telle qu’elle a été voulue dès le début.

C’est donc pour garantir sur le long terme le financement de notre système de protection sociale et les besoins nouveaux liés au développement de notre société que nous vous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réduire annuellement de 20 %, à compter du 1er janvier 2014, les exonérations de cotisations sociales mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, jusqu’à extinction totale du dispositif.

L’avis de la commission est défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 9
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Article additionnel après l'article 10

Article 10

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 8° de l’article L. 613-1, la référence : « VII de l’article 151 septies » est remplacée par la référence : « 2 du IV de l’article 155 » ;

2° L’article L. 633-10 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase du premier alinéa, les mots : « , dans la limite d’un plafond, dans des conditions déterminées par décret » sont supprimés ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Ces cotisations sont assises pour partie sur le revenu d’activité dans la limite du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 et pour partie sur la totalité du revenu d’activité. Les taux des cotisations sont fixés par décret. La somme de ces taux est égale à la somme des taux fixés en application des deuxième et avant-dernier alinéas du même article L. 241-3. » ;

c) Les troisième et dernier alinéas sont supprimés.

II. – Le I s’applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014.

M. le président. L’amendement n° 105, présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. En plus de la cotisation vieillesse de base plafonnée, qui augmentera de 0,1 point en 2014, les artisans, commerçants et indépendants seront soumis à une nouvelle cotisation sur l’ensemble de leurs revenus d’activité. Le Gouvernement entend faire porter la hausse de la cotisation vieillesse décidée lors de la réforme des retraites sur cette nouvelle cotisation, la portant ainsi à 0,3 % en 2014.

Cette hausse devrait être progressive, sur quatre ans : 0,15 point pour les actifs en 2014, puis 0,05 point les années suivantes.

Elle affectera une nouvelle fois le pouvoir d’achat des travailleurs indépendants, lourdement mis à contribution depuis un an. En effet, je le rappelle, le Gouvernement avait déjà procédé l’année dernière à une augmentation des cotisations sociales du régime social des indépendants à hauteur de 1,5 milliard d’euros. À l’heure où l’économie française traverse une période difficile et où il importe de ne pas décourager l’initiative entrepreneuriale, essentielle pour soutenir la croissance et maintenir les emplois dans notre pays, cette nouvelle hausse de prélèvements est, selon nous, particulièrement inopportune.

Nous nous sommes opposés au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites – nous n’étions pas les seuls ! –, en dénonçant notamment la hausse des cotisations qui renchérit le coût du travail. Pour la même raison, nous demandons la suppression de l’article 10.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l’article 10 déplafonnant une partie des cotisations retraite des commerçants et des artisans.

Je tiens à rappeler, à titre liminaire, que ce déplafonnement est en phase non seulement avec la réforme des retraites, mais aussi avec les mesures prises l’an dernier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant les cotisations maladie des affiliés au RSI.

Je souhaite par ailleurs préciser que ce déplafonnement, compte tenu de ses modalités de mise en œuvre, ne visera qu’une minorité seulement des commerçants et des artisans, pour un montant de cotisations supplémentaires limité.

En effet, il ne s’appliquera qu’aux commerçants et artisans dont le niveau de salaire annuel atteint au minimum 37 000 euros, soit un salaire mensuel d’un peu moins de 3 000 euros. Les petits artisans et commerçants percevant le SMIC ne seront donc pas appelés à contribuer.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, cette mesure ne devrait toucher que 24 % des artisans et 22 % des commerçants.

Le déplafonnement devrait par ailleurs entraîner pour ceux-ci en 2014 une hausse de cotisation de 37 euros pour un revenu annuel égal à 50 000 euros, de 187 euros pour un revenu annuel égal à 100 000 euros, de 1 387 euros pour un revenu annuel égal à 500 000 euros, et de 2 887 euros pour un revenu annuel égal à 1 000 000 euros.

Au vu de ces différents éléments, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mon argumentation sera la même que celle du rapporteur général.

Si nous ne procédons pas à ce déplafonnement, les commerçants et les artisans les plus riches, ou les moins en difficulté, c’est-à-dire ceux dont le niveau de rémunération est supérieur à 37 032 euros, se verront exemptés de l’effort demandé à l’ensemble des Français pour contribuer au rétablissement des régimes de retraite.

Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, de quelle manière le dispositif fonctionnera : sera appliquée une augmentation de 0,3 % des cotisations pour les commerçants qui sont leur propre employeur, 0,15 % au titre de leur cotisation salarié, et 0,15 % au titre de leur cotisation employeur. Seules seraient déplafonnées les cotisations employeur situées au-dessus de ce qu’ils perçoivent actuellement, et simplement pour ceux dont les rémunérations sont les plus élevées.

Si cette disposition n’était pas adoptée et si l’article 10 était supprimé, un dispositif injuste serait mis en place.

Par ailleurs, comme vous le savez, la cotisation employeur est compensée par une diminution à due concurrence de la cotisation famille qui, elle, est déplafonnée.

Pour des raisons de cohérence globale, le Gouvernement ne souhaite ne pas retenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement de suppression de l’article 10, même si je respecte la position de M. le rapporteur général et de M. le ministre.

Comme l’a dit M. Milon, la situation des artisans, commerçants et indépendants est de plus en plus difficile, car ils doivent faire face à une rude concurrence et à des charges de plus en plus lourdes, raison pour laquelle nombre d’artisans ne trouvent pas de successeurs. Et voilà qu’ils doivent subir une augmentation de leurs cotisations !

Le rapporteur général a indiqué que cette mesure ne toucherait que 24 % des artisans et 22 % des commerçants. Certes, mais elle s’ajoute, hélas, à bien d’autres charges et taxes, ce qui représente des sacrifices supplémentaires pour ces personnes qui ne comptent pas leur temps et travaillent souvent sept jours sur sept.

Nous comprenons bien, à l’heure où nous examinons le volet recettes, qu’il n’est pas simple d’équilibrer les comptes de la Nation, mais au vu des arguments de M. Milon, je ne peux, je le répète, que soutenir son amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. En écoutant M. le rapporteur général, j’ai failli renoncer à prendre la parole. Afin de nous rassurer, il nous a en effet promis que cette mesure ne s’appliquerait qu’aux riches, c’est-à-dire les indépendants dont le revenu mensuel s’élève au moins à 3 000 euros. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Ces propos font penser à ceux du candidat à la présidence de la République qui avait fixé la barre au-delà de laquelle on est riche à 4 000 euros par mois.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas parlé de riches !

M. Jean-Noël Cardoux. Je le dis sous la forme d’une plaisanterie, mais nous sommes bien en pleine incohérence.

Vous avez aussi rappelé, monsieur le rapporteur général, les mesures prises l’année dernière, comme s’il s’agissait d’un trésor de guerre que vous aviez dégagé. Or elles ont tout de même contribué à alourdir les cotisations sociales et fiscales des travailleurs indépendants de plus de 1 milliard d’euros, avec le déplafonnement des cotisations maladie, la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 % et la taxation pour les petites sociétés de ce que vous appelez des « dividendes ». Excusez du peu… Et vous en remettez une couche cette année !

Je ne ferai pas un inventaire à la Prévert : j’aurais peur d’oublier un certain nombre d’éléments et ce serait par trop fastidieux pour vous, mes chers collègues. Vous connaissez en effet la plupart de ces mesures, quand vous ne les avez pas votées. J’ajouterai, pour l’anecdote, que la fameuse augmentation de 0,15 % des cotisations de retraite sera compensée par une réduction des cotisations familiales.

S’agissant de la loi de sécurisation de l’emploi, il faut savoir que la mutuelle obligatoire représente une charge très élevée pour les entreprises de deux ou trois salariés et les entreprises indépendantes.

Quant au « compte pénibilité », que l’Assemblée nationale ne manquera pas de rétablir, il sera un vrai casse-tête pour les petites entreprises : incapables de le gérer, elles devront acquitter, par voie de conséquence, des frais de fonctionnement supplémentaires.

Autre mesure compensatrice inutilisable, le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est si complexe que les indépendants ou les entreprises comptant un ou deux salariés ne sont pas en mesure d’y recourir efficacement. Au vu du rendement attendu, nombre de petites entreprises préfèrent jeter l’éponge et y renoncer.

Je souligne également – nous allons débattre de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances – que l’augmentation annoncée de 10 % de la TVA, en particulier pour les entreprises du bâtiment, conduira à la catastrophe la plupart des petits artisans indépendants.

Tout le monde sait bien de surcroît que cette hausse favorisera du même coup le travail au noir, tant il est vrai que trop d’impôt tue l’impôt. Le fameux adage fera une nouvelle fois la démonstration de sa pertinence !

Cerise sur le gâteau, le dysfonctionnement récurrent du régime social des indépendants, dont nous aurons l’occasion de reparler dans le cadre de ce débat, conduit certaines professions artisanales ou libérales à surprovisionner leurs cotisations, ce qui entraîne des dépôts de bilan, les entreprises se trouvant dès lors totalement asphyxiées.

Cela fait beaucoup ! Et avec l’article 10, sous couvert d’équité, on en rajoute encore une couche !

La coïncidence de nos débats avec l’action lancée par l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, ces derniers jours est parlante. Tous les professionnels du secteur nous lancent une supplique, un cri d’alarme : « Pitié, cessez de nous asphyxier, nous voulons vivre ! »

Pour conclure, je livrerai la traduction objective de ma pensée sur ce qui se passe actuellement : les indépendants sont les laissés-pour-compte d’une politique gouvernementale incohérente contribuant à détruire l’initiative individuelle et l’esprit entrepreneurial dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)