M. le président. L'amendement n° I-496, présenté par MM. Bertrand, Mazars, Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

« L’exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 ou au onzième alinéa de l’article L. 212-4-3 du code du travail applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II. – L’exonération prévue au I s’applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :

« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code.

« IV. – Ces dispositions s’appliquent aux rémunérations n’excédant pas deux fois le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail ».

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 241-16, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions du même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.

« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.

« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. »

2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.

« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »

III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Cet amendement de repli est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces trois amendements ont le même objet, à savoir le rétablissement des exonérations d’impôt sur le revenu liées aux heures supplémentaires et complémentaires, avec des variantes.

L’amendement n° I-361 rectifié tend à la défiscalisation à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er août 2012, tandis que les auteurs de l’amendement n° I-495 ont retenu la date du 1er janvier 2013. Par ailleurs, l’amendement n° I-496 est un amendement de repli ayant pour objet d’appliquer la défiscalisation des heures supplémentaires aux salariés ayant des salaires inférieurs à deux fois le SMIC.

Je suis au regret d’indiquer aux auteurs de ces amendements que la commission des finances a suivi ma proposition d’émettre un avis défavorable sur ces trois dispositions, dont l’adoption entraînerait une perte de recettes de plus d’un milliard d’euros – et si l’on intègre aussi le coût social, on arrive à un total de 4 milliards d’euros.

Face à ce chiffre « brut de décoffrage », je pense que vous garderez à l’esprit la démarche qui est la nôtre de préserver l’équilibre budgétaire. Vous comprendrez donc qu’il m’est difficile de donner suite à de telles propositions.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le régime de faveur applicable aux heures supplémentaires et complémentaires de travail n’a pas eu les effets escomptés en termes de temps de travail, de croissance et d’emploi, alors qu’il avait un coût budgétaire élevé. Il ne bénéficiait de surcroît pas aux travailleurs salariés dont les revenus sont les plus faibles, puisqu’ils ne sont pas imposables, mais procurait au contraire un avantage nettement croissant avec le niveau de revenus.

Le caractère budgétairement non soutenable de la mesure, qui a été financée exclusivement par de la dette, c’est-à-dire par des impôts futurs, a été reconnu par l’opposition, qui n’a d’ailleurs pas proposé son rétablissement dans son contre-budget à l’Assemblée nationale.

Comme je l’ai précisé tout à l’heure, le Gouvernement a préféré, en accord avec M. le rapporteur général, privilégier des mesures plus équitables pour favoriser le pouvoir d’achat des ménages.

Pour toutes ces raisons, je ne puis qu’être défavorable à ces amendements.

Je profite de cette intervention pour revenir sur l’amendement n° I-497, qui visait les aides à la presse et les journalistes. Outre que notre position se fondait sur le respect d’une exigence constitutionnelle, je rejoins la préoccupation exprimée par un certain nombre de sénateurs qui n’ont pas voté cet amendement et je tiens à ce que ces propos figurent bien au compte rendu intégral de cette séance, parce qu’ils reflètent une préoccupation forte du Gouvernement.

En effet, dans un contexte où de nombreux titres de presse souffrent et où chacun s’accorde à reconnaître que la presse est un instrument et un vecteur très important de la démocratie, adopter des dispositions dont la solidité juridique n’est pas certaine, au risque de remettre en cause ce à quoi nous tenons le plus, à savoir le pluralisme de l’information, nous paraît problématique.

J’ajoute que nous avons bien veillé à ce que les décisions prises concernant les aides postales ne touchent pas la presse d’information générale.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote sur l’amendement n° I-361 rectifié.

M. Francis Delattre. La suppression du dispositif exonérant de cotisations sociales et patronales les heures supplémentaires a été en réalité le premier coup porté au pouvoir d’achat de nombreux ouvriers, salariés et employés.

En fait, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, que vous présentiez comme instaurant une fiscalité pour les riches, avait affecté près de 9 milliards d’euros à ce dispositif, qui avait rendu du pouvoir d’achat aux salariés et soutenu la croissance. On voit aujourd’hui les effets de sa suppression à chaque publication des bulletins de santé économique du pays !

Par ailleurs, nous lisons la presse, monsieur le ministre. À notre grande surprise, nous avons appris que de nombreux députés socialistes vous avaient demandé de rétablir ce dispositif, qui ne devait donc pas être si idiot que cela ! Peut-être s’agissait-il de la « gauche de la gauche » de votre parti, mais c’est un fait.

En outre, l’engagement n° 34 du programme présidentiel auquel vous êtes attaché affirmait très exactement : « Je reviendrai sur la défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises ». Or vous avez oublié ces dernières !

En réalité, les exonérations de cotisations sociales salariales sur la rémunération des heures supplémentaires ont été supprimées pour tous les salariés du privé, comme pour les agents publics, quelle que soit la taille de l’entreprise. Chers collègues de la majorité, certains parmi vous, j’en suis sûr, auront à cœur de mettre en phase la loi avec les engagements présidentiels…

Le seuil de vingt salariés n’a aucun effet, aucune conséquence sur les cotisations sociales salariales. Ainsi, tous les salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise, ont été pénalisés, et ils l’ont été doublement, puisqu’ils paient désormais non seulement des cotisations salariales, mais aussi plus d’impôt sur le revenu.

Le groupe UMP propose donc de rétablir les exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires. Ce dispositif a permis à 9,4 millions de salariés, soit près de 40 % du total, de faire des heures supplémentaires et de ne payer ni impôts ni charges sur ces heures. Cette mesure a donc soutenu la croissance.

L’augmentation de pouvoir d’achat a été réelle, puisqu’elle a représenté un gain moyen de 450 euros par ménage et par an. Les exemples que nous connaissons montrent clairement que les salariés sont les plus concernés et, parmi eux, les plus modestes. Heureusement, nous avons pu voter un certain nombre d’amendements supprimant d’autres articles, qui rognaient aussi gravement le pouvoir d’achat des salariés.

Au cours du premier trimestre de 2012, quelque 34,5 % des heures supplémentaires avaient été effectuées dans le secteur de l’industrie et 30,9 % dans le secteur du bâtiment et de la construction. On aurait pu imaginer que ces secteurs qui rencontrent aujourd’hui de grandes difficultés soient soutenus, puisque nous entendons souvent M. le ministre du redressement productif en parler. Or, nous le voyons, tel n’est pas le cas !

En outre, contrairement à ce que l’on a voulu nous faire croire, ce dispositif avait eu des conséquences économiques positives non négligeables. Via la distribution de pouvoir d’achat aux ménages, il avait un effet positif sur la croissance évalué à 0,15 point de PIB par le Trésor – cette statistique est donc tout à fait officielle – en 2009.

Rien ne permet de dire qu’il y a eu substitution d’emploi au profit des heures supplémentaires, ce qui était votre grande critique. Au contraire, ce dispositif a apporté de la souplesse, car, pour gérer une PME ou une PMI, il faut de la souplesse ! Il faut cesser de faire croire que l’emploi est un gâteau dont la taille est fixée une fois pour toutes et que les salariés doivent se partager : en économie, les réalités sont un peu plus compliquées !

En revanche, la suppression de ce dispositif s’est traduite par une augmentation du coût du travail et des charges des entreprises de plus de vingt salariés, alors que le Gouvernement reconnaît désormais, certes tardivement, la nécessité de baisser son coût, afin de renforcer notre compétitivité ; et ce n’est pas demain que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi aura les effets qui ont déjà été annoncés triomphalement. Une autre dimension de cet amendement consiste donc à vous aider à renforcer la compétitivité de nos entreprises, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce débat a déjà eu lieu à plusieurs reprises, mais je tiens à rappeler quelques éléments pour vous répondre, monsieur le sénateur.

Tout d’abord, l’exonération des heures supplémentaires était une mesure injuste fiscalement. Deux salariés dont le niveau de salaire était le même, l’un avec des heures supplémentaires et l’autre sans heures supplémentaires, n’étaient pas imposés de la même manière.

Ensuite, cette mesure obérait le pouvoir d’achat. Elle renforçait un peu le pouvoir d’achat de ceux qui travaillaient déjà, mais privait de pouvoir d’achat ceux qui ne travaillaient pas. En effet, à partir du moment où l’heure supplémentaire travaillée était beaucoup plus intéressante que l’heure travaillée correspondant à un emploi créé, cette exonération revenait à priver d’emploi tous ceux qui étaient au chômage. Ils ont donc été nombreux à se trouver dans l’impossibilité d’avoir accès à l’emploi et, par conséquent, au pouvoir d’achat. Vous parlez toujours du pouvoir d’achat supplémentaire de ceux qui travaillaient déjà, mais vous oubliez la privation de pouvoir d’achat de tous ceux qui étaient au chômage et qui, du fait de cette mesure, se sont trouvés maintenus plus longtemps dans cette situation.

Enfin, j’évoquerai un troisième élément, que l’opposition n’évoque jamais, monsieur le sénateur : ces exonérations ont été payées par un surcroît de dette. En effet, cette mesure n’a jamais été financée. Elle a été décidée et s’est traduite par des déficits supplémentaires et une augmentation de la dette.

Or les déficits et les dettes d’aujourd’hui ont pour conséquence une perte de pouvoir d’achat des Français dans le futur. On ne tire pas des traites sur l’avenir en prétendant soutenir le pouvoir d’achat des Français. Je le répète, vous avez payé ces mesures avec de la dette !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-361 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 70 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 183
Contre 158

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 6.

Par ailleurs, les amendements nos I-495 et I-496 n’ont plus d’objet.

L’amendement n° I-77, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du 2° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement inspiré d’une proposition formulée, il y a déjà quelque temps, par le Conseil des prélèvements obligatoires vise à réduire de 40 % à 20 % le taux de l’abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus.

Historiquement, le taux de cet abattement, qui a remplacé l’avoir fiscal, pouvait se justifier quand le taux de l’impôt sur les sociétés était de l’ordre de 50 %. Ce dernier est aujourd’hui de 33,33 %, le taux effectif s’élevant toutefois plutôt à 12 % ou à 13 % – certains estiment même qu’il se situe aux alentours de 8 %, notamment pour les entreprises du CAC 40. En effet, la Banque mondiale, dans un rapport récemment publié avec le concours des experts du cabinet PricewaterhouseCoopers, a fini par établir que le taux de prélèvement en France de l’impôt sur les sociétés, l’IS, se situait tout simplement à 8,7 %, fort loin du taux facial qui est souvent agité comme une sorte d’épouvantail.

Cet impôt sur les sociétés est tellement dénaturé, avec des dérogations, des régimes particuliers, des exemptions d’assiette, qu’il est aujourd’hui avéré que son rendement est inférieur aux sommes mobilisées pour en alléger le poids sur la comptabilité des entreprises ! Une telle situation amène, en pratique, à constater qu’il est très faible pour les grandes entreprises, qui jouent habilement des niches fiscales et des dérogations, et plus élevé, hélas, pour les petites entreprises, qui ne peuvent quasiment rien « optimiser ».

De fait, des bénéfices substantiels échappent à cette imposition grâce à divers dispositifs, notamment ce que nous appelons la « niche Copé », mais le summum est sans doute atteint avec le régime des sociétés mères et celui d’intégration fiscale dont le coût excédera, en 2014, le rendement de l’impôt.

Dans son rapport sur la progressivité et les effets redistributifs des prélèvements obligatoires sur les ménages, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé à quelque 2 milliards d’euros, pour l’année 2009, le coût fiscal de cet abattement sur les dividendes. Bien entendu, avec cet amendement, nous visons les plus gros bénéficiaires de la dépense fiscale associée au crédit d’impôt sur les dividendes et non les tout petits détenteurs de titres et de parts de sociétés.

Nous nous rallions donc à la juste préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires, en réduisant quelque peu la portée de la mesure que la majorité de gauche, dans sa grande audace, avait adoptée à l’automne de 2011.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement, qui tend à faire passer de 40 % à 20 % le taux d’abattement applicable aux dividendes soulève une vraie question. En effet, si cet abattement se justifie par le fait qu’il s’applique à un revenu, le bénéfice de l’entreprise, ayant déjà été frappé par l’impôt sur les sociétés, la diversité du taux réel d’imposition acquitté par les entreprises rend assez aléatoire la fixation d’un taux précis.

En matière de fiscalité du patrimoine et des hauts revenus, on peut considérer que le Gouvernement a déjà beaucoup agi : alourdissement des droits de mutation à titre gratuit, de l’impôt sur le revenu pour les tranches supérieures, de l’ISF, ou encore passage au barème des revenus patrimoniaux.

Ce qui est recherché, c’est un équilibre entre justice et attractivité. Or cet amendement, fort intéressant dans son principe, pourrait remettre en cause l’équilibre de la réforme de la fiscalité patrimoniale menée depuis l’année dernière par le Gouvernement.

Dès lors, son retrait m’apparaît comme la meilleure solution dans l’immédiat, en attendant la réforme de la fiscalité : la « remise à plat » pourrait être l’occasion de progresser dans la direction que vous appelez de vos vœux, monsieur Foucaud.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous souhaitez réformer les modalités d’imposition au barème progressif des dividendes perçus par les particuliers en abaissant le taux de l’abattement proportionnel de 40 % à 20 %.

Nous ne sommes pas favorables à cette proposition, et cela pour trois raisons.

D’abord, l’instauration par la loi de finances pour 2004 de l’abattement proportionnel, initialement fixé à 50 % du montant des dividendes, puis ramené à 40 %, en lieu et place de l’avoir fiscal, permet d’éviter de taxer deux fois les résultats d’une société : taxation du bénéfice réalisé par la société et taxation du revenu perçu par l’actionnaire.

Ensuite, la suppression des deux avantages fiscaux pouvant se cumuler avec cet abattement proportionnel, à savoir l’abattement forfaitaire annuel et le crédit d’impôt, serait possible sans dommage économique, mais tel ne serait pas le cas d’une remise en cause de l’abattement de 40 % sur les dividendes au regard du risque de double imposition partielle que je viens d’évoquer.

Enfin, je vous rappelle que les modifications opérées par la loi de finances pour 2013 ont permis de rétablir la progressivité de l’impôt s’agissant, notamment, des dividendes. En effet, depuis le 1er janvier 2013, ces revenus sont désormais soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire étant supprimée.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande de retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.

M. le président. Monsieur Foucaud, l’amendement est-il retiré ?

M. Thierry Foucaud. Je dois d’abord dire que je préfère la réponse de M. le rapporteur général à celle de M. le ministre.

En effet, M. le rapporteur général nous dit qu’il s’agit d’une vraie question, que l’amendement se justifie, parle de justice, d’attractivité… Malheureusement, il ajoute qu’il faut encore attendre. Et nous attendons, nous attendons, mais nous ne voyons rien venir !

M. le ministre, quant à lui, nous parle de la fiscalité frappant le patrimoine et les hauts revenus : il n’est plus question de justice et d’attractivité.

M. le rapporteur général nous invite à attendre, mais en laissant entendre que l’on pourra en rediscuter. Eh bien, selon moi, le meilleur moyen de faire en sorte que l’on puisse rediscuter de cette mesure, c’est de l’adopter dès ce soir.

Voilà pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I- 206, présenté par M. Yung, Mme Lepage, M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 164 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 164 A. - Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France.

« À l'exception des personnes dont les revenus de source française sont supérieurs ou égaux à 75 % de leur revenu mondial imposable, les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global en application des dispositions du présent code. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement vise à permettre la prise en compte de certaines charges dans le calcul de la fiscalité des Français qui ont leur domicile fiscal hors de France, bref des non-résidents.

Dans l’état actuel du droit, ces personnes ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable. Cela est motivé par le fait que l’impôt, pour ces personnes, est établi uniquement sur leurs revenus de source française, alors que les charges constituent un emploi de l’ensemble de leurs revenus, incluant donc des revenus de source étrangère.

Le principe, que l’on peut comprendre, est d’éviter que, en cas de disproportion significative entre le revenu de source française et le revenu de source étrangère – notamment dans le cas où celui-ci serait très nettement supérieur à celui-là – la déductibilité permette d’échapper purement et simplement à toute imposition.

Cependant, en pratique, l’application de ce principe général pose problème lorsque la personne fiscalement non résidente ne perçoit aucun ou quasiment aucun revenu de source étrangère. C’est en particulier le cas des retraités français à l’étranger, qui ont pour seul revenu leur pension versée en France et qui est la base de leur imposition. Dans ce cas, certaines charges normalement déductibles peuvent faire l’objet d’une double imposition : au titre des revenus de la personne non domiciliée en France et au titre des revenus de la personne attributaire, notamment, d’une pension alimentaire.

C’est pourquoi le présent amendement tend à aménager les dispositions de l’article 164 A du code général des impôts afin de rendre possible la déductibilité des charges dans le cas que je viens de citer.

J’ajoute que tel est déjà le cas pour les non-résidents qui sont domiciliés dans des États parties à l’Espace économique européen ou ceux qui sont établis dans un autre État membre de l’Union : ceux qu’on appelle, dans le jargon fiscal, les « non-résidents Schumacker ». La France, qui n’appliquait pas cette règle, a été contrainte de le faire par la Cour de justice de l’Union européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement, tout à fait intéressant, aborde un sujet dont nos collègues députés ont également débattu.

Il est vrai que l’on peut s’étonner de ce que les Français de l’étranger, non-résidents fiscaux, ne puissent pas bénéficier de la déductibilité des charges pour le calcul de l’impôt sur le revenu. On sait les raisons qui ont expliqué cette situation dans le passé. Mais il y a eu des discussions à ce sujet, qui ont été partiellement tranchées par l’arrêt Schumacker. Cependant, cet arrêt a pu faire naître le sentiment d’une forme de discrimination au détriment de nos compatriotes établis, par exemple, en Tunisie, au Canada ou aux États-Unis, bref dans un État tiers à l’Espace économique européen.

La solution que vous proposez, mon cher collègue, nous paraît modérée puisque serait ouverte la possibilité de déduire les charges aux seuls non-résidents dont les revenus de source française constituent au moins 75 % de leur revenu total et qui, par définition, contribuent donc déjà de manière importante à l’impôt en France. Cette solution semble raisonnable, plus appropriée que celle qui avait été imaginée par les députés.

Pour cette raison, j’apporte mon soutien à cet amendement, sous réserve que le Gouvernement nous confirme que la mesure puisse être appliquée de manière réciproque par les États auxquels nous sommes liés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. M. Yung propose de permettre aux contribuables dont les revenus de source française représentent plus de 75 % de leur revenu mondial de déduire leurs charges de ce revenu et, ainsi, de généraliser la jurisprudence Schumacker à l’ensemble des contribuables domiciliés en dehors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.

Ce sujet a fait l’objet de longs débats à l’Assemblée nationale, et le Gouvernement a souhaité que les parlementaires représentant les Français de l’étranger engagent avec lui une réflexion en vue de trouver une solution. Bien entendu, le Sénat a vocation à participer à ces travaux, qui ne manquera de donner lieu à des propositions. Celles-ci seront évidemment examinées par le Gouvernement avec la plus grande attention.

Selon nous, les travaux en question doivent être conduits en ayant à l’esprit certaines contraintes juridiques et budgétaires que je veux rapidement rappeler.

D’abord, c’est parce que les personnes domiciliées hors de France sont soumises à une obligation fiscale limitée en France qu’elles ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global. Les personnes fiscalement domiciliées en France sont soumises à l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de leurs revenus, qu’ils soient de source française ou étrangère : leur obligation fiscale est illimitée. En revanche, les personnes dont le domicile fiscal est situé à l’étranger ne sont imposables en France que sur leurs seuls revenus de source française : ils sont soumis à une obligation fiscale limitée. C’est pour tenir compte de cette différence objective de situation entre résidents et non-résidents que l’article 164 A du code général des impôts prévoit que les personnes qui n’élisent pas domicile fiscal en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global.

Ensuite, l’exception prévue pour les « non-résidents Schumacker » n’est pas transposable aux non-résidents établis hors de l’Europe. Les contribuables « non-résidents Schumacker » domiciliés dans un autre État de l’Union européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen peuvent, de la même manière que les contribuables fiscalement domiciliés en France, faire état, pour le calcul de leur impôt sur le revenu, des charges admises en déduction de leur revenu global lorsqu’ils tirent de la France la majorité ou la quasi-totalité de leur revenu. Cette règle est issue de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle s’applique à tous les États membres, ce qui implique une réciprocité aux termes de laquelle un Français imposé dans un autre État membre peut, le cas échéant, se prévaloir des principes imposés par l’arrêt Schumacker.

Les Français qui résident dans les États tiers à l’Union européenne ne peuvent pas bénéficier d’une telle réciprocité. C’est pour cette raison que, dans le respect de l’égalité de traitement devant l’impôt, la déductibilité des charges n’est pas étendue aux personnes résidant hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.

Afin de ne pas grever les finances publiques, il conviendra d’agir dans le cadre des conventions fiscales qui nous lient aux autres États, en veillant à ce que la condition de réciprocité soit respectée. À défaut, nous serions dans une logique « perdant-perdant ». À cet égard, je vous rappelle qu’en vertu du principe de répartition du droit d’imposer, c’est au pays de résidence que revient le soin de déduire les charges.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.

M. le président. Monsieur Yung, l’amendement est-il maintenu ?