M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Arthuis. Par conséquent, la compétitivité est une priorité au moins aussi importante que l’assainissement des comptes publics. J’espère que la commission des finances, qui est attachée au principe d’équilibre, conviendra que la mesure répond à deux préoccupations : la compétitivité et l’équité. Faute de quoi, vous laissez de côté un million d’entrepreneurs, qui ne manquent pas de courage.

L’argument de l’exportation est intéressant pour justifier un allégement de charges sociales, mais ne commencez pas par créer des spécificités et à monter de nouvelles usines à gaz. L’allégement des charges sociales est une nécessité, c’est lui qui est en cause. En France, et c’est une exception mondiale, quelque 42 % des prélèvements obligatoires sont des taxes sur les salaires !

Je souhaite bonne chance au Gouvernement qui veut mettre à plat la politique de prélèvements obligatoires lorsqu’il demandera aux partenaires sociaux s’ils sont prêts à renoncer à ce qui contribue au relatif équilibre des comptes de la protection sociale. (M. Aymeri de Montesquiou applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les amendements nos I-385 et I-100 visent ni plus ni moins la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, bien que pour des raisons différentes. De ce fait, ils tendent à remettre en cause un levier très important du redressement de la compétitivité engagé par le Gouvernement. J’y suis défavorable, et ce pour trois raisons.

Mes chers collègues, plusieurs d’entre vous, notamment à droite et au centre, ont évoqué la nécessité de simplifier, de donner de la visibilité et de la stabilité à l’environnement juridique, fiscal et financier des entreprises. Dans le même temps, ils nous proposent de supprimer un dispositif mis en place l’année dernière (Mme Procaccia s’exclame.), mettant en grande difficulté les entreprises qui ont déjà commencé à planifier leurs investissements et leurs embauches. De ce point de vue, mes chers collègues, vous êtes en contradiction avec vos propres revendications.

M. Delattre nous explique ensuite que le CICE n’est pas bon parce qu’il avantage toutes les catégories d’entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, y compris celles qui ne sont pas soumises à la concurrence internationale et qui n’auraient donc pas besoin d’être aidées en matière de compétitivité.

Toutefois, chers collègues de l’opposition, aviez-vous opéré une distinction entre les secteurs d’activité lorsque vous avez mis sur pied la TVA sociale ? L’argument que vous opposez aujourd’hui au CICE, aviez-vous pris la peine de l’appliquer voilà deux ans et demi ? La réponse est non.

M. Philippe Marini. Si vous faites les questions et les réponses, vous serez toujours satisfait des réponses !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je vois que le président de la commission des finances a quitté le banc des commissions pour siéger sur les travées de l’UMP.

M. Philippe Marini. Cela dépend des moments... (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Il l’a toujours fait, même quand il était rapporteur général de la commission des finances !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie de la contradiction que vous apportez à notre débat sur ce sujet particulièrement important. Je vous recommande cependant d’employer des arguments, certes recevables, mais sur lesquels vous n’avez pas été vous-mêmes pris en défaut.

M. Philippe Marini. C’est vous qui décidez du caractère recevable des arguments : c’est merveilleux ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, monsieur Delattre, vous nous dites qu’il faut supprimer le CICE, moins efficace que l’ancien dispositif. Faisons la comparaison !

Le dispositif proposé par l’ancien gouvernement devait permettre d’alléger le coût du travail à hauteur de 13 milliards d’euros et de créer 100 000 emplois. Le CICE, engagé à la suite des évaluations sérieuses et argumentées du rapport de M. Gallois, serait à l’origine d’une baisse du coût du travail de 20 milliards d’euros en régime de croisière et entraînerait la création de 300 000 emplois d’ici à 2017.

M. Francis Delattre. C’est virtuel !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Faites la comparaison, cher collègue. Reconnaissez objectivement que les perspectives du CICE en termes d’efficacité sont meilleures !

M. Francis Delattre. Vous êtes dans la virtualité, monsieur le rapporteur général !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos I-385 et I-100 visant à la suppression du CICE.

Par ailleurs, je demande également le retrait de l’amendement n° I-510 : le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi ayant pour objet de baisser le coût du travail, il ne saurait bénéficier aux entrepreneurs individuels. Du reste, le coût du dispositif proposé paraît important pour les finances publiques.

Enfin, j’en viens à l'amendement n° I-459 de M. Arthuis, qui vise, en quelque sorte, à compenser la hausse de la TVA par la création d’un nouveau crédit d’impôt pour les indépendants, artisans et professions libérales.

J’y suis défavorable pour deux raisons : d’une part, ce dispositif va au-delà de l’objectif du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi et nous fait sortir de l’épure de la baisse du coût du travail ; d’autre part, l’adoption d’un tel amendement annulerait, en pratique, le financement du CICE par la hausse de la TVA, cette dernière étant compensée.

De façon plus générale, cher collègue, je suis étonné que les auteurs de cet amendement, promoteurs historiques d’une baisse du coût du travail financée par la TVA, souhaitent ici revenir indirectement sur cette hausse en la compensant par un nouveau crédit d’impôt !

M. Jean Arthuis. Vous dites n’importe quoi !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Comprenne qui pourra… En tout cas, la cohérence ne me semble pas être au rendez-vous. Monsieur Arthuis, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression du groupe CRC et du groupe UMP, mais pour des raisons diamétralement opposées.

M. Thierry Foucaud. Merci de le rappeler !

M. Philippe Marini. J’ose espérer que vous nous laisserez le droit d’argumenter !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Marini, j’ai écouté MM. Delattre et Foucaud et je suis capable de distinguer deux argumentations radicalement opposées : sur la question des crédits d’impôt, on ne pense pas la même chose à l’UMP et au sein du groupe CRC !

M. Philippe Marini. Le résultat sera le même !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous l’accorde. Toutefois, vous préconisez, si j’ai bien compris, un transfert vers une baisse de charges en contestant l’efficacité du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi au motif qu’il serait trop compliqué et d’accès difficile pour les entreprises.

Je me permets de vous renvoyer à l’évaluation que vient de réaliser l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, selon laquelle – je ne vous apprends sans doute rien, monsieur le président – 97 % des entreprises françaises ont déjà demandé à bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi ou déclaré leur assiette CICE.

M. Francis Delattre. Dans l’industrie, c’est 20 % !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est bien la preuve que ce dispositif n’est pas d’un accès si difficile.

Le groupe CRC, quant à lui, conteste l’absence de ciblage de la mesure. Or, si l’on regarde aujourd’hui la part du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi « consommée » par le secteur de l’industrie, on constate qu’elle est deux fois supérieure à la part de l’industrie dans la valeur ajoutée.

Au-delà des débats qui peuvent exister au sein de la gauche sur la question du ciblage du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, cela montre objectivement que ce dispositif va également profiter au secteur industriel, en lui permettant de restaurer une partie de ses marges et de ses capacités d’investissement, donc de ses capacités à créer des emplois.

Le Gouvernement a décidé de prendre une mesure d’ordre général dont l’objectif était de créer un choc de compétitivité immédiat.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur Delattre, ainsi qu’à celui du groupe CRC, mais, je le répète, pour des raisons très différentes.

S’agissant de l’amendement n° I-8 de M. le rapporteur général, qui vise à faire bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi les compagnies maritimes de commerce au titre des rémunérations versées à leur personnel navigant, je rappelle que les entreprises de transport maritime imposées selon le régime de la taxe au tonnage peuvent bénéficier du CICE au titre des rémunérations versées aux salariés affectés à leurs activités non éligibles à la taxe au tonnage.

Or nous devons aujourd’hui faire preuve de prudence, car la Commission européenne vient d’ouvrir une enquête sur la question de la taxe au tonnage. Le moment n’est sans doute pas favorable pour décider de faire bénéficier ces entreprises du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi.

Cela dit, nous serons évidemment très attentifs aux conclusions du rapport Leroy. Au début du mois de décembre prochain se tiendra un comité interministériel de la mer afin de prendre acte de ces propositions et de faire l’inventaire des mesures indispensables, à la fois pour sauvegarder la compétitivité de ces entreprises et faire en sorte que, là encore, les dispositifs fiscaux que nous pourrions prendre ne soient remis en cause et que la Commission européenne ne puisse nous faire le moindre reproche.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, dans l’attente de la tenue de ce comité interministériel de la mer et de la discussion des conclusions du rapport Leroy, à l’issue desquels nous pourrons travailler ensemble à des solutions conformes à votre désir de soutenir la compétitivité de ce secteur.

Enfin, je reprendrai à mon compte les arguments développés par M. le rapporteur général sur les amendements du groupe RDSE et de M. Arthuis.

Le CICE est d’abord une mesure visant à améliorer l’emploi. Il n’a donc pas vocation à s’appliquer aux travailleurs indépendants, exploitants individuels dont la rémunération est assise sur le bénéfice même de l’entreprise.

C’est la raison pour laquelle nous voulons limiter l’éligibilité au CICE à l’économie générale du texte proposé. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote sur l'amendement n° I-385.

M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je confesse tout d’abord ma faute : je ne reconnais pas l’infaillibilité du parti socialiste ! (Marques d’amusement sur les travées du groupe UMP.)

Vous me pardonnerez ces propos, même si je suis conscient de la situation dans laquelle me place une telle confession : mes arguments ne pourront pas être considérés comme recevables, car je ne m’inscris pas dans l’orthodoxie de ce qu’il faut penser entre soi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)

Tout à l'heure, vous vous moquiez de notre démarche, en citant des éléments extérieurs à ce projet de loi de finances, notamment un projet émis par ma formation politique. Vous avez alors feint de considérer que nous étions les défenseurs du déséquilibre budgétaire face à vous, vertueux ayant reçu la révélation, seuls à même d’assumer la convergence et de répondre à la confiance de nos partenaires en Europe.

Toutefois, monsieur le ministre, si les amendements de suppression sont votés, nous rééquilibrons la loi de finances !

M. Roger Karoutchi. Tout à fait ! De 20 milliards d’euros !

M. Philippe Marini. Le compteur que vous tenez va s’inverser grâce au vote de ces amendements de suppression.

La réduction de charges et le transfert sur l’impôt de consommation sont des mesures simples et neutres, d’effet immédiat. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, quant à lui, a démontré qu’il était plus complexe, plus lent à se mettre en place, moins bien ciblé en termes d’emplois industriels, puisque ceux-ci ne représentent que 20 % de la cible.

Les amendements présentés à juste titre par le groupe RDSE et par le groupe UDI-UC mettent l’accent sur cette différence essentielle : la baisse de charges et le transfert sur l’impôt de consommation, mesures neutres, d’effet général, ne conduisent pas à porter de jugement de valeur sur telle ou telle activité.

Encore une fois, je suis en faute : je ne reconnais pas la révélation apportée par le messager Louis Gallois et le Gouvernement l’année dernière. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Cela ne peut que m’être reproché.

Cependant, monsieur le ministre, très sincèrement, si vous observez l’état de l’opinion dans notre pays, profession par profession, localité par localité, y a-t-il lieu d’être si fier des mesures que vous avez mises en œuvre ?

Le Gouvernement que vous représentez ne peut évidemment pas inverser la vapeur au bout d’un an. Notre devoir, toutefois, est d’en appeler à l’opinion et de dire que tout le temps passé à mettre en place cette usine extrêmement complexe est en définitive du temps perdu pour l’emploi, pour l’activité, pour l’équité entre les activités professionnelles de ce pays.

Il nous paraît donc tout à fait normal et logique, monsieur le ministre, de défendre cet amendement de suppression, identique à celui qui a été présenté par le groupe CRC.

Ce compagnonnage de quelques instants ne doit pas, me semble-t-il, nous être reproché, car il s’agit bien d’une réelle convergence sur une mesure dont le Gouvernement a fait l’alpha et l’oméga de sa politique.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Quel déchirement… J’ai apprécié les propos de Philippe Marini, notamment ceux qui reconnaissent le bien-fondé de l’amendement que j’ai défendu il y a un instant, similaire à celui qui a été présenté par notre collègue au nom du groupe RDSE. Toutefois, je ne voterai pas la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, car la gravité de la situation des entreprises ne nous autorise pas ces gesticulations permanentes.

La gauche et la droite ont connu les mêmes aveuglements et ont laissé se développer des cotisations assises sur les salaires pour financer la protection sociale.

À l’heure de la mondialisation, je l’ai dit il y a un instant, la France surtaxe le travail et sous-impose la consommation en regard d’autres pays.

À l’heure de la mondialisation, maintenir des cotisations aussi élevées sur les salaires revient à organiser très méthodiquement la délocalisation des emplois. Je pense que nous devons surmonter ces contradictions et ces tabous et expliquer aux partenaires sociaux que l’on ne peut continuer ainsi, sauf à accepter cette fatalité.

Financer la protection sociale comme nous le faisons, au travers de cotisations assises sur les salaires, revient à mettre à la charge de ceux qui produisent en France des droits de douane dont nous exonérons tous les produits provenant de l’extérieur. Afin de retrouver de la compétitivité et mettre en œuvre la seule dévaluation qui nous soit possible dans le cadre de la monnaie unique, nous n’avons d’autre solution que l’allégement des charges sociales.

Naturellement, je souhaiterais, comme chacun d’entre vous ici, que cet allégement soit financé par la réduction des dépenses publiques. À cet égard, le Gouvernement nous tient des discours tout à fait encourageants : nous l’attendons à l’épreuve des réalités. Or, une fois de plus, nous constatons que les dépenses inscrites au budget pour 2014, notamment avec la présentation du nouveau programme d’investissements d’avenir, sont supérieures en valeur absolue à celles de 2013.

Non seulement on ne réduit pas la dépense publique, mais on continue de prendre des décisions coûteuses ! Dans ces conditions, le groupe UDI-UC ne pourra s’associer à un vote tendant à supprimer le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi.

Si, dans le cadre de la présente discussion, nous avions eu la possibilité de déposer un amendement d’allégement des charges sociales reposant sur une augmentation de la TVA, nous l’aurions fait. Néanmoins, la procédure parlementaire est telle qu’il y a une discussion spécifique sur le budget de la sécurité sociale et une autre sur les recettes et les dépenses de l’État.

S’agissant de l’allégement des charges sociales, c’est le PLFSS qui est le bon vecteur, donc le train est passé, mes chers collègues, mais s’agissant de la TVA, c’est maintenant. J’ai néanmoins renoncé à déposer un amendement visant à augmenter le montant de la TVA afin d’alléger un plus encore les charges sociales, parce que le cadre institutionnel ne nous permet pas de procéder ainsi.

J’entends l’argument de Philippe Marini : voter l’amendement présenté par M. Delattre permettrait de restaurer l’article d’équilibre, ainsi que le niveau des recettes, mais, très honnêtement, cela ne ressemblerait pas à grand-chose, mes chers collègues !

C’est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC ne votera pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. J’ai déjà défendu mon amendement tout à l’heure, et je veux simplement affirmer que, bien sûr, nous ne pouvons pas voter l’amendement présenté par M. Delattre, parce que nos positions et nos finalités sont diamétralement opposées à celles qu’il défend – il faut que cela se sache – et le ministre l’a rappelé. Pour ne prendre qu’un exemple, M. Delattre ne demande pas le contrôle des fonds.

Il faudrait aussi le rappeler – peut-être ai-je omis ce point dans la défense de mon amendement tout à l’heure –, ce n’est évidemment pas en écrasant toujours plus le coût du travail, ce que nous refusons,…

M. Jean Arthuis. Bien sûr !

M. Thierry Foucaud. … car cela ne tend qu’à culpabiliser le monde du travail, en particulier les salariés, qu’on fera grandir le pays et qu’on lui redonnera une perspective.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Je voudrais expliquer à mon collègue Jean Arthuis que nos amendements sont en effet différents.

Tout d’abord, notre amendement a été jugé recevable par la commission des finances, et il concerne à la fois les finances sociales et le budget du pays.

Je tiens également à rappeler à notre collègue Arthuis qu’il a partagé avec notre groupe une position commune, forte, lors du débat sur la TVA sociale, et lui dire que nous avons ici l’occasion, non pas de faire n’importe quoi, mais de souligner les difficultés du CICE, notamment son financement incertain et le fait qu’il manque sa cible, bref d’obliger le Gouvernement à engager une véritable réflexion sur le sujet.

En effet, c’est une vraie secousse pour la gauche de devoir reconnaître que les charges sont trop élevées dans ce pays pour la compétitivité !

M. Jean Arthuis. En effet, c’est assez extraordinaire, il y a un vrai progrès !

M. Francis Delattre. Ce combat pour la TVA sociale méritait d’être mené. Il ne s’agit certainement pas de supprimer du jour au lendemain toutes les aides aux entreprises – je ne voterai jamais l’amendement tel qu’il est ainsi libellé par nos collègues du parti communiste, nous sommes bien d’accord sur ce point !

Toutefois, je pense que ceux qui se sont battus pour la TVA sociale en affirmant que c’était la bonne solution, qu’on aurait dû la mettre en place plus tôt, qu’on aurait même peut-être dû l’augmenter…

M. Francis Delattre. … devraient soutenir cet amendement.

Les opposants à cette mesure avaient d’ailleurs pour seul argument ces déclarations fort vertueuses dont ils sont coutumiers, arguant que la TVA frappait les plus pauvres. Or nous savons tous ici que le choc de compétitivité sur le coût du travail passe par une augmentation forte de la TVA, et que ce choc doit s’élever, non pas à 6 ou 7 milliards, ni même à 10 ou à 20 milliards, mais à 50 milliards d’euros.

M. Francis Delattre. Tout le monde le sait dans cette enceinte ! Aussi, monsieur Arthuis, essayons d’engager une véritable discussion avec le Gouvernement, car un gouvernement républicain doit tout de même écouter l’opposition, l’opinion publique, les entreprises.

Laisser entendre qu’aujourd’hui le CICE nous donne satisfaction, c’est un vrai malentendu. Je maintiens donc mon amendement, monsieur le rapporteur général, et je souhaiterais que toutes celles et tous ceux qui ont cru dans cette mesure de la TVA sociale – j’en fais partie, et j’ai cru qu’il en allait de même de mon collègue Arthuis – tiennent bon pour obliger le Gouvernement à engager une discussion de fond.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Philippe Marini a présenté la position de l’UMP. Pour ma part je présente celle de la commission des finances. Celle-ci, dans sa majorité, a considéré qu’il fallait préserver cet outil qu’est le CICE, et pour éclairer ses membres sur le sujet, nous avons auditionné il y a quelques jours les représentants des entreprises. Ces auditions ont d'ailleurs intéressé bon nombre d’entre vous, mes chers collègues.

M. Éric Doligé. Pas la gauche. Elle était absente !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons ainsi auditionné M. Gattaz et M. Roux de Bézieux, et en plus des arguments que j’ai évoqués tout à l’heure en faveur du rejet des amendements de suppression, qui je crois étaient solides, je veux simplement citer une phrase tirée de l’une de ces auditions.

En effet, selon M. Roux de Bézieux, vice-président du MEDEF, le Mouvement des entreprises de France, au sein duquel il est chargé des questions sociales, « dans un souci de cohérence, de lisibilité, de stabilité, […] la pire des choses serait de remettre le CICE en cause, de le changer tout de suite. »

M. Thierry Foucaud. C’est un patron qui a dit cela !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je crois que cet argument supplémentaire suffit. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Aujourd’hui, compte tenu des programmations d’embauche qui ont été réalisées et des plans d’investissement qui ont été mis sur pied, les entreprises considèrent que la pire des choses serait de remettre en cause ce dispositif créé il y a un an. C’est donc pour que les efforts accomplis par nos entreprises en matière d’investissement et d’embauche ne soient pas remis en cause que je recommande fortement au Sénat de rejeter ces amendements de suppression.

M. Philippe Marini. Le MEDEF comme source d’inspiration. Quel progrès, monsieur le rapporteur général ! Bravo ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Mme Michèle André. M. le rapporteur général ne fait que son travail !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’ai bien écouté le président de la commission des finances, et je tiens à dire que personne ici ne prétend être infaillible.

M. Roger Karoutchi. Heureusement !

M. Jean-Pierre Caffet. Ah bon ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne connais d’infaillibilité que pontificale, et encore peut-elle être contestée.

Je resterai donc très modeste en ce qui concerne les arguments avancés de part et d’autre. J’essaie de raisonner sur la base des propositions des uns et des autres, et en l’occurrence je perçois une différence notable entre votre position, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, et celle du groupe CRC.

En effet, si je comprends bien, le CRC propose une suppression sèche du CICE, en arguant qu’il existe aujourd’hui un problème de coût, non pas du travail, mais du capital ; par conséquent, cette mesure de restauration des marges des entreprises serait inopportune. En revanche, l’UMP propose de remplacer le CICE par une autre mesure, à savoir un allégement de charges…

M. Philippe Marini. Ce n’est pas dans l’amendement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Certes, monsieur Marini, mais cela a été dit. Or la substitution du CICE par un allégement des charges financé par une augmentation de la TVA poserait un problème.

En effet, les charges sont déductibles du résultat imposable, donc, en cas de suppression du CICE, il faudrait sans doute une somme bien plus importante pour que cet allégement des charges ait le même impact sur les marges des entreprises. En l’espèce, si on devait transférer 20 milliards de CICE sur une baisse de charges, cela représenterait 25 à 30 milliards d’euros, ce qui supposerait une hausse de la TVA considérable, peut-être de cinq points.

Je tiens à apporter ces précisions, qui sont peut-être sans objet à vos yeux, monsieur le président de la commission, puisque la proposition de rétablissement de la TVA sociale ne figure pas dans cet amendement,…

M. Philippe Marini. Non, elle est prévue au travers d’un autre amendement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. … mais je veux tout de même éclairer celles et ceux qui s’intéressent aux débats parlementaires, en particulier au débat sur le CICE. Cette mesure, je le répète, a un impact immédiat, et le Gouvernement la défend avec beaucoup de conviction depuis de nombreux mois.

Je tenais simplement à ajouter ces éléments pour éclairer la Haute Assemblée sur les intentions des uns et des autres – en l’occurrence, sur la mesure par laquelle vous proposez de remplacer le CICE –, parce que nous sommes bien conscients du rôle qui est le nôtre, qui est de tenir compte de toutes les argumentations, d’où qu’elles viennent, et de ne pas les confondre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-385.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-100.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 79 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 169
Contre 175

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° I-8.

(L’amendement est adopté.)