M. le président. La parole est à M. François Patriat, rapporteur pour avis.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à la demande du chef de l’État, le Gouvernement a engagé un « choc de simplification ». Nous savons tous, et cela vient d’être rappelé à cette tribune, combien ce choc est nécessaire et urgent. Nous souhaitons qu’il soit, cette fois-ci, réellement efficace.

Une première loi en direction des citoyens a été promulguée au début du mois de novembre. Le projet de loi que nous examinons apportera, quant à lui, des réponses urgentes et nécessaires aux nombreuses préoccupations des entreprises.

Je me permets également de souligner que l’œuvre de simplification ne se limite pas à sa traduction législative. Parmi les deux cents mesures de simplification adoptées par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, nombreuses sont celles qui relèvent du pouvoir réglementaire, parfois même de la simple circulaire administrative.

Je sais que la méthode du recours aux ordonnances suscite toujours la polémique sur les travées de notre assemblée, d’un côté comme de l’autre de l’hémicycle.

Mme Nathalie Goulet. Et au centre !

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances. En effet, ma chère collègue... C’est pourquoi, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances – et je sais que le rapporteur au fond ainsi que les autres rapporteurs pour avis ont adopté la même démarche –, je me suis efforcé de comprendre les intentions du Gouvernement sous-tendant chacune des habilitations demandées.

Le résultat de ce travail minutieux, c’est la soixantaine d’amendements examinés mercredi dernier par la commission des lois, dont six ont été déposés par la commission des finances. Les amendements adoptés sont venus préciser, circonscrire, détailler les habilitations. Le Sénat a veillé à ce que celles-ci ne soient pas des blancs-seings. Nous devrons conserver le même degré de vigilance lors de la ratification des ordonnances.

La commission des finances s’est saisie de huit articles du projet de loi, principalement dans le domaine du droit bancaire et financier. La commission des lois nous a délégué, au fond, l’examen des articles 11, 12, 15 et 21.

S’agissant des articles que nous avons examinés, les articles 11 et 12 permettent de transposer des directives européennes ou de mettre en cohérence le droit français avec des règlements européens. Il s’agit en particulier de tirer les conséquences des textes dits « CRD IV » sur le renforcement des fonds propres des banques et du règlement sur le mécanisme de supervision unique de l’Union bancaire.

Ces textes européens mettent en œuvre une régulation renforcée et exigeante de la finance, dans un souci de sécurité pour l’ensemble des partenaires concernés, les entreprises comme les particuliers. La France a défendu ces textes avec ardeur, il serait donc regrettable que nous tardions à les mettre en œuvre. Le recours à la procédure des ordonnances nous a donc paru tout à fait justifié, car ces textes sont aujourd’hui ratifiés.

Les articles 15 et 21 ratifient des ordonnances également dans le domaine financier, prises sur le fondement d’habilitations votées par le Parlement dans le cadre de la loi qui a créé la Banque publique d’investissement.

Nous avons également examiné les dispositions de l’article 1er relatives au cadre juridique du financement participatif. Ce mode de financement par Internet est encore balbutiant. Nous savons néanmoins qu’il est en plein essor, même s’il est plus développé dans d’autres pays. Madame la ministre, je sais que vous connaissez bien la problématique du crowdfunding. Il importe d’accompagner le développement du financement participatif en lui donnant, dès à présent, un cadre juridique solide qui rassure à la fois les professionnels et les internautes qui investissent.

Enfin, la commission des finances a examiné les dispositions de l’article 3 sur le régime des valeurs mobilières complexes, de l’article 9 sur les modalités du reporting social et environnemental des mutuelles et des établissements de crédit et, enfin, de l’article 10 sur la modernisation de l’État actionnaire.

Les amendements que la commission des finances a proposés ont tous été adoptés par la commission des lois. Au total, la commission des finances s’est prononcée – pratiquement à l’unanimité – en faveur de l’adoption de ce texte dont nous savons qu’il est attendu par de nombreuses entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi procède de ce qu’il est convenu d’appeler le « choc de simplification » engagé par le Gouvernement.

En effet, comme le rappelle l’exposé des motifs, la Commission européenne estime qu’une réduction de 25 % des charges administratives des entreprises augmenterait le PIB de 0,8 % à court terme et de 1,4 % à plus long terme. Au niveau national, cette réduction pourrait engendrer des économies de l’ordre de 15 milliards d’euros pour les entreprises. L’objectif est alors de prendre des mesures permettant aux entreprises de se libérer de certaines tâches administratives pouvant être modernisées et de se concentrer sur le cœur de leur activité.

Avant d’aborder le fond de ce projet de loi qui contient de nombreuses mesures de différents ordres, il me semble important de revenir sur sa forme.

En effet, le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances, prévues par l’article 38 de notre Constitution, n’est pas sans poser de questions au groupe écologiste.

Il est sans doute à la fois pertinent et urgent d’améliorer l’environnement législatif des entreprises, mais nous regrettons toujours, en tant que parlementaires, de ne pas pouvoir débattre plus sereinement de chaque mesure, d’autant plus qu’elles sont très nombreuses dans ce texte.

De surcroît, ce projet de loi, qui traite aussi bien des obligations comptables des très petites entreprises que de droit du travail, est débattu dans un temps encore limité par le recours à la procédure accélérée. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont contesté ce mode d’examen d’un projet de loi important pour la vie de nos entreprises. Le groupe écologiste du Sénat partage l’intégralité de ces préoccupations.

Nous avons toutefois entendu l’engagement du Gouvernement, pris à l’Assemblée nationale par votre intermédiaire, madame la ministre, d’associer les parlementaires aux travaux qui conduiront à la publication des ordonnances prévues par ce texte. Cet engagement avait déjà été pris par Mme Marylise Lebranchu lors de l’examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Nous attendons qu’il soit respecté.

Revenons au fond du projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui. Il comporte 21 articles qui concernent des sujets aussi divers que la simplification de certaines démarches administratives ou comptables des entreprises, la révision du droit des entreprises en difficulté, le développement du projet du Grand Paris, ou encore le développement de certains secteurs et professions comme celles de notaire ou d’expert-comptable.

Dans cet ensemble relativement hétéroclite, deux séries de mesures sont particulièrement importantes aux yeux des écologistes.

Tout d’abord, l’article 14 habilite le Gouvernement à expérimenter, dans un nombre limité de régions et pour une durée n’excédant pas trois ans, une procédure unique intégrée conduisant à une décision du préfet de département concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, dites ICPE, et soumises à autorisation. Cette expérimentation prendrait deux formes différentes, selon qu’il s’agit d’installations de production d’énergie renouvelable – telles que les éoliennes ou les installations de méthanisation – ou des autres installations classées. L’objectif affiché est d’accélérer la totalité des procédures en les enserrant dans un délai réglementaire, qu’il est envisagé de réduire à dix mois.

Pour les éoliennes, les écologistes considèrent que cette mesure a priori intéressante va dans le sens de la simplification, tout en limitant les risques de recours et en permettant in fine de réduire les délais d’instruction. Nous appelons depuis longtemps à la révision des procédures, pour que la durée de mise en service des éoliennes en France se rapproche de celle de nos voisins européens.

Nous nous félicitons également des simplifications annoncées concernant les installations de méthanisation. Ces dernières sont, sans aucun doute, l’une des réponses d’avenir pour favoriser la production d’énergie renouvelable et la décentralisation de la production d’énergie.

Ensuite, l’article 16 modifie, dans la version initiale du texte, la rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement afin de reporter, du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2015, la date à compter de laquelle tout produit recyclable soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs doit faire l’objet d’une signalétique commune, à savoir l’apposition d’un logo, appelé « Triman », informant le consommateur que ce produit relève d’une consigne de tri.

Si nous regrettons ce report, nous rappelons avec force la nécessité de la mise en place d’une telle signalétique pour améliorer les performances en matière de recyclage. Il est certain que cette mesure aura pour effet d’accroître la quantité de produits recyclés et permettra de diminuer l’utilisation de matières premières non renouvelables. C’est la raison pour laquelle je défendrai un amendement visant à rétablir l’article 16 dans sa rédaction initiale.

Finalement, et malgré les réserves que j’ai émises concernant les modalités d’examen, le groupe écologiste, conscient des avancées concrètes que ce projet de loi permettra, votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les réglementations pesant sur les entreprises de notre pays, dont 99 % sont des PME ou des TPE, sont toujours plus nombreuses et contraignantes.

Je crois que nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle sur le constat d’une complexité administrative et juridique fortement dommageable à la vie économique, voire à la nécessaire respiration économique de notre pays. Dès lors, il est évident que toute volonté de simplifier et de sécuriser la vie des entreprises s’inscrit a priori dans une démarche éminemment louable, voire salutaire.

Pour autant, la question qui se pose ici est de savoir si, tant sur la forme que sur le fond, le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, tel qu’il nous est soumis, répond bien à cet objectif et est à même de faire œuvre utile.

Tout d’abord, sur la forme, le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution. C’est, en dix-huit mois, le troisième texte de la législature faisant usage de cette procédure, après la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les constructions de logements, et la loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens.

Bien entendu, puisqu’elle est prévue par la Constitution, l’utilisation des ordonnances n’est pas en elle-même, contestable.

Pourtant, permettez-moi en premier lieu de m’interroger sur cette appétence récente pour cette procédure, alors que, sous d’autres gouvernements, l’opposition n’avait pas de mots assez durs pour décrier cette même méthode. Pour m’être penché sur les travaux de l’Assemblée nationale relatifs à ce projet de loi, je note d’ailleurs que tant le rapporteur socialiste de la commission des lois que le rapporteur, socialiste lui aussi, de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire se sont interrogés, de la même façon, sur le risque de dérive de ce recours aux ordonnances, qui constitue « un sujet délicat, toujours inconfortable pour les parlementaires », « d’autant plus contestable qu’un exercice de simplification n’est jamais dénué de risques », suscitant donc des « réserves » de la part de ces deux rapporteurs.

Pour éviter toute dérive, M. le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a ainsi été d’avis de soumettre à l’avenir ce recours aux ordonnances au respect de deux types de conditions.

Tout d’abord, le Gouvernement devrait indiquer avec précision la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances, et demander une habilitation temporaire, encadrée par un délai limite. Ces conditions me paraissent déjà posées par la Constitution. Ensuite, le recours aux ordonnances devrait être justifié par l’urgence et la technicité des mesures à adopter. Voyons donc, après notre éminent collègue de l’Assemblée nationale, ce qu’il en est de ces deux conditions.

S’agissant de l’urgence, il faut noter que ce texte fait l’objet de la procédure accélérée. Celle-ci pourrait effectivement, à elle seule, accréditer cette thèse de la nécessité de légiférer rapidement dans les dossiers concernés. Or cet argument ne tient pas, vous le savez bien, mes chers collègues, tant nous avons pris l’habitude d’examiner des textes en procédure accélérée.

De fait, force est de constater que, pour un grand nombre des dispositions concernées, voire leur totalité, l’urgence n’existe pas. Permettez-moi ainsi, à titre d’exemple, de m’interroger, à la suite du rapporteur de l’Assemblée nationale, sur l’urgence de procéder par ordonnances, alors que le projet de loi prévoit un délai d’habilitation de quinze mois pour l’article 12. Si le Gouvernement se donne plus d’un an à compter de la publication de la présente loi pour adopter l’ordonnance, ce délai n’aurait-il pas permis de procéder par la voie législative ordinaire ?

D’ailleurs, sans vouloir insister plus longuement sur ce point, quelle urgence peut-il bien y avoir à augmenter le nombre de notaires salariés, ou à instituer le salariat pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, comme le prévoient respectivement les articles 4 et 5 ?

En outre, je m’interroge également sur le respect de la deuxième condition, relative à la définition de la précision avec laquelle le périmètre d’intervention du Gouvernement doit être borné. Dans ce texte d’habilitation, le champ d’intervention du Gouvernement est bien souvent trop imprécis pour que le Parlement exerce effectivement son pouvoir d’appréciation, conformément à l’article 38 de la Constitution, même si Mme la ministre vient de nous annoncer que le Parlement serait associé à l’élaboration des ordonnances.

Ainsi, à titre d’exemple, en matière d’aménagement du territoire, l’alinéa 2 de l’article 13 autorise le représentant de l’État dans le département à délivrer à titre expérimental « aux porteurs de projets dont la mise en œuvre est soumise à certaines autorisations administratives relevant de sa compétence régies par les dispositions du code de l’environnement, du code forestier ou du code de l’urbanisme, un document dénommé : “certificat de projet” ». Or, aucun critère législatif d’octroi de ce « certificat de projet » n’est défini par le projet de loi, ce qui fait légitimement redouter des choix arbitraires à l’avenir.

De même à l’article 11, où un amendement du Gouvernement a été adopté afin de réformer les modalités de calcul et d’application du taux d’intérêt légal : force est de constater que les modalités de calcul de ce nouveau taux d’intérêt légal sont floues, ce que M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation a d’ailleurs avoué lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, en précisant que « les consultations sur ce point ne sont pas tout à fait achevées » !

Enfin, que dire de l’article 14 qui crée, à titre expérimental, une procédure unique intégrée pour autoriser la construction d’installations classées pour la protection de l’environnement, au bénéfice des éoliennes principalement ?

Cette proposition fait écho à la proposition de loi « Brottes », qui voulait assouplir l’implantation des éoliennes terrestres et offshore dans les zones littorales, assouplissement auquel s’était opposé le Sénat. On le sait bien : tout assouplissement des mesures concernant l’implantation des éoliennes suscite de nombreuses interrogations, notamment au regard du patrimoine naturel et de l’aménagement du territoire ; il faut donc être très vigilant à cet égard.

On pourrait, sur ce plan, multiplier les exemples d’imprécision concernant l’action future du Gouvernement dans les ordonnances qu’il envisage de prendre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le rapporteur de la commission des lois, M. Mohamed Soilihi, a proposé différents amendements visant à améliorer le texte à cet égard. Nous verrons quel sort leur sera réservé tout à l’heure en séance...

Mais quittons maintenant les questions de forme pour en venir au fond ! Ce projet de loi d’habilitation répond-il aux objectifs de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises ?

En premier lieu, le moins que l’on puisse dire est qu’il « souffre d’une grande hétérogénéité de ses dispositions », comme l’a souligné le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale. Celui-ci « déplore » ainsi, à juste titre selon moi, le « manque de cohérence de ses dispositions » et le fait qu’il « comporte […] de trop nombreuses dispositions ne relevant pas de la simplification de la vie des entreprises ». Il ajoute d’ailleurs que si « les habilitations proposées sur ces [derniers] sujets sont, certes, utiles et justifiées », « leur insertion dans le présent projet de loi affaiblit cependant sa cohérence et sa lisibilité ». Il affirme enfin – c’est la dernière citation que je livre à votre réflexion, mes chers collègues, et sans doute la meilleure ! – que « le caractère hétéroclite du texte va sans doute s’accroître à l’issue de nos travaux, compte tenu des amendements déposés par le Gouvernement, qui portent sur des sujets aussi variés que la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, le mode de calcul du taux d’intérêt légal ou le cadre juridique de la gestion d’actifs. »

Et de fait, nous y sommes bien arrivés : ce projet de loi constitue désormais un véritable patchwork qui comprend, certes, des dispositions de nature à simplifier la vie des entreprises, d’autres qui n’ont rien à voir avec cette simplification, et d’autres enfin qui vont bien au-delà de la seule simplification.

S’agissant des dispositions sans lien avec la vie des entreprises, on ne peut que regretter et dénoncer le fait qu’elles figurent dans un texte d’habilitation, d’une part, et qu’elles ratent leur cible, d’autre part – c’est le cas, notamment, des articles 5, 8, 11. Je ne sais d’ailleurs pas lequel de ces deux griefs est pire que l’autre…

En revanche – cela a été rappelé précédemment –, les mesures qui dépassent la simplification concernent des sujets d’importance, dont le Parlement devrait être saisi dans un travail législatif normal et qui mériteraient un vrai débat. C’est le cas particulièrement de l’article 2, qui réécrit presque totalement le droit des entreprises en difficulté, de l’article 10, relatif au renforcement de l’efficacité de la gestion des participations de l’État, ou encore des articles 11 et 12 concernant la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.

« Force est de constater que de telles questions n’ont pas leur place dans un projet de loi de simplification. En procédant ainsi par ordonnance, vous privez les parlementaires de tout contrôle sur ces mesures qui, de toute évidence, outrepassent le cadre strict d’une entreprise de simplification » : mes chers collègues, ces paroles ne sont pas les miennes, mais celles de l’un de nos collègues députés ; je n’ai rien à leur ajouter !

Pour sa part, le groupe UMP est d’avis qu’il aurait été plus opportun d’associer étroitement le Parlement à la définition de toutes ces dispositions, afin de proposer de véritables mesures susceptibles de simplifier et sécuriser la vie des entreprises, comme c’est le cas par exemple au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, où le rôle du Parlement a été renforcé dans le domaine de la simplification, avec la création de commissions spécifiques.

De fait, de nombreuses simplifications nécessaires ont tout simplement été oubliées par ce texte.

Je pense ainsi à la récurrente problématique du bulletin de paie, dont on sait qu’il se complexifie avec l’adoption de toute mesure sociale nouvelle. Je pense également à la réglementation de la création d’entreprise, qui reste particulièrement lourde, alors même que l’on aurait pu ici s’inspirer de celle qui régit l’auto-entrepreneur et, de façon générale, réfléchir aux modalités d’alignement du fonctionnement de beaucoup de PME sur ce dernier régime, dont la souplesse est largement reconnue.

De même, ce texte fait l’impasse sur la nécessaire simplification du code du travail qui, avec plus de dix mille articles, est trop souvent inadapté à la réalité du fonctionnement actuel des TPE et PME. On aurait ainsi pu réfléchir à un lissage des seuils d’effectifs au-delà desquels des règles spécifiques s’imposent à l’entreprise et freinent, on le sait bien, son initiative en termes d’embauches.

Manquent également des dispositions, tout aussi urgentes, destinées à faciliter l’accès de nos PME aux marchés publics, sur le modèle du Small Business Act américain. Répondre à un appel d’offres n’est effectivement pas chose facile pour de petites entreprises, et il serait utile d’améliorer rapidement la situation sur ce plan.

Enfin, tout particulièrement dans les circonstances économiques actuelles, il aurait fallu réfléchir de nouveau à l’urgente simplification du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Cette disposition, voulue par le Gouvernement et présentée comme une importante mesure de soutien à la compétitivité des entreprises, s’est effectivement avérée jusqu’ici trop complexe et trop aléatoire dans les retours concrets qu’elle offre aux entreprises, alors qu’une simple diminution des charges aurait suffi et aurait été, à notre sens, plus efficace.

In fine, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le Gouvernement a annoncé vouloir provoquer un choc de simplification, pour le groupe UMP, ce texte ne contient pas les vraies mesures attendues par les professionnels, qui leur simplifieraient la vie au quotidien et leur permettraient de gagner en compétitivité.

Il s’agit au contraire d’un texte confus et complexe, presque à l’opposé de la volonté de simplification du Gouvernement, qui ne nous paraît pas pouvoir favoriser la croissance. En conclusion, c’est pour nous l’occasion ratée d’un véritable rendez-vous que nous aurions pu avoir avec les entreprises. (MM. René Garrec et Aymeri de Montesquiou applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est pas dans la tradition parlementaire de promouvoir les ordonnances, mais l’urgence à agir et la technicité de la matière peuvent vaincre certaines réticences. Ainsi, les socialistes se sont systématiquement et vigoureusement opposés à toutes les ordonnances entre 2002 et 2012, mais chacun peut évoluer. Autres temps, autres mœurs…

Pour nous tous, le recours aux ordonnances pour simplifier et sécuriser la vie des entreprises a pour objectif d’allier le pragmatisme et la rapidité dans ce domaine essentiel. À cet égard, l’intitulé de ce projet de loi répond aux préoccupations des entreprises et aux alertes récurrentes des parlementaires de l’UDI. Si vous nous proposez une recherche commune de l’efficacité, nous serons partenaires ; dans le cas contraire, ce sera une occasion ratée, ce qui serait dommage pour notre pays.

Si notre temps ne doit jamais être consacré à de vaines querelles doctrinales, il doit encore moins l’être aujourd’hui, car il y a urgence pour notre économie.

L’enjeu est crucial pour développer notre potentiel de croissance. Cette simplification pourrait accroître, selon des estimations concordantes, de 1,4 % le PIB de l’Union européenne et, comme l’a rappelé Mme Benbassa, permettre 15 milliards d’euros d’économies annuelles à nos entreprises. Cela engendrerait un plan de relance enfin parfaitement neutre pour nos finances publiques, avec pour seul investissement le bon sens.

Les gouvernements – toutes couleurs confondues – et les législateurs qui se succèdent empilent frénétiquement de nouvelles réglementations. La lutte contre l’inflation normative prônée par le couple Lambert-Boulard constitue une urgence, une mission d’intérêt public. Je fais mien leur constat lorsqu’ils déclarent qu’« il en est des normes comme du poivre et du sel. Leur absence comme leur excès rend le tout inconsommable ».

Nous savons combien il est difficile de simplifier le droit, madame la ministre. Les « paquets Warsmann » ont occupé une part de nos travaux pour un bilan très mitigé. Si l’intention était bonne, le résultat n’a pas été à la hauteur de nos espérances ni de nos ambitions.

Le droit applicable aux entreprises reste beaucoup trop complexe, terriblement complexe. Une vie de trappiste ne suffirait pas pour assimiler le code du travail et le code des impôts, dont l’illisible complexité décourage beaucoup de candidats entrepreneurs et obère la vie des entreprises, en consommant de longues heures qui devraient être utilisées à la créativité et à la gestion.

Quelle est la problématique de base ? Fonder son entreprise est un défi à la patience et à la pugnacité ; la faire prospérer est une tâche encore plus exigeante. Les effets de seuils sont dévastateurs, la concurrence étrangère rude.

Les cessions d’entreprises posent aussi problème puisque de nombreuses entreprises familiales sont obligées de se scinder pour contourner une fiscalité prohibitive. J’ajoute que plus du tiers des entreprises ne survivent pas aux cinq premières années d’activité. Cette question est récurrente, notamment si l’on compare notre tissu industriel à celui de l’Allemagne, riche et forte de ses entreprises de taille intermédiaire et devenues des références en matière d’exportation.

Le Président de la République s’est engagé à provoquer un choc de simplification ; le Premier ministre a commandé un rapport sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises. Le rapport du député Thierry Mandon, qui est de qualité, a été élaboré dans une démarche collaborative, en concertation avec les entreprises pour identifier leurs difficultés et leurs besoins ; il s’est aussi inspiré d’expériences étrangères. Madame la ministre, vous aviez là une base précieuse pour mener un travail de fond sur la simplification de la vie des entreprises, des propositions claires, organisées, pragmatiques et pertinentes. Combien en avez-vous retenu ?

L’objectif de ce projet de loi, relancer la compétitivité de nos entreprises pour qu’elles se consacrent au cœur de leur activité, est essentiel. Comment ne pas totalement souscrire à certains des objectifs fixés par l’article 1er – alléger les obligations comptables des PME et TPE, généraliser la facture électronique, simplifier les procédures par le projet « Dites-le nous une fois », ou encore favoriser le financement participatif ? Si votre projet de loi s’était concentré sur ces dispositions consacrées aux entreprises, PME et TPE en priorité, nous l’aurions totalement soutenu. Hélas, pourquoi ce texte regroupe-t-il un ensemble hétérogène de mesures qui correspond si peu à l’intitulé du projet de loi ?

De plus, son manque d’ambition constitue un renoncement, car il ne peut se limiter à un inventaire de dispositions sectorielles partielles. Je prends quelques exemples : la création du statut d’avocat aux conseils salariés ou l’augmentation du nombre de notaires salariés sont-elles prioritaires pour la simplification ? Les dispositions de l’article 14 sur les éoliennes ou le biogaz ont-elles leur place dans ce projet de loi plutôt que dans le projet de loi attendu sur la transition énergétique ?

L’article 16 prévoyait d’apposer le logo « Triman » sur tous les emballages recyclables. C’est une bonne idée, mais y inclure le verre, qui a son cycle propre, n’est-il pas contre-productif et coûteux ? Le groupe UDI-UC a déposé un amendement pour l’en exclure.

Je pourrais citer encore bien d’autres exemples. D’une part, l’article 11 vise la transposition des directives FICOD, CRD IV et CRR par voie d’ordonnance. Cette transposition des normes prudentielles de Bâle III est très importante, car leur impact sur le système bancaire est majeur. Elle a été débattue lors de la discussion de la loi de séparation et de régulation bancaire. D’autre part, l’article 12 vise la mise en conformité de la législation avec le mécanisme de supervision unique du secteur bancaire par la Banque centrale européenne. Ces dispositions n’auraient-elles pas mérité un examen parlementaire plus approfondi ? J’y insiste : ces dispositions n’auraient-elles pas nécessité quelques heures de débat en séance publique, plutôt qu’une poignée de minutes volées au détour d’une prise de parole sur article ?

Madame la ministre, vous demandez au Parlement de vous habiliter à légiférer, soit ! Nous vous demandons, en retour, de faire confiance au Parlement, et notamment au Sénat. Il est encore temps de préciser le contenu de vos habilitations ou du moins, de nous informer plus précisément sur vos intentions. Sans cette information, la ratification de ces ordonnances restera un exercice formel et il reviendra finalement au Conseil constitutionnel de contrôler la qualité de vos décisions.

On cherche la cohérence du texte que vous nous proposez. C’est un texte hybride, qui mêle à la fois des habilitations à légiférer par ordonnances, des dispositions législatives, des transpositions de directives, des ratifications d’ordonnances... C’est trop !

Vous auriez pu, madame la ministre, organiser un cycle de consultations avec les parlementaires, afin de nous associer à la définition de l’objectif assigné à ces ordonnances. Il n’en a rien été. Les délais d’examen, très serrés à l’Assemblée nationale, nous ont à peine permis de prendre connaissance de vos intentions. La bonne pratique du gouvernement Jospin, consistant à accompagner la demande d’habilitation des projets d’ordonnances eux-mêmes, est aujourd’hui tombée en désuétude.

Votre texte n’est donc pas adapté. Ce projet de loi sans cohérence dans la forme et discutable dans la méthode n’est pas au niveau de l’enjeu auquel il prétend répondre : il ne peut emporter l’adhésion des membres du groupe UDI-UC et je le regrette ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)