M. Didier Guillaume. Bien entendu !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Quant à l’impact financier de cette proposition, il concernera bien entendu les communes au premier chef. Il est toutefois très difficile à estimer, certaines communes appliquant déjà la gratuité, totale ou partielle, d’autres non.

Cet impact dépendra également de chaque convention de délégation et de la manière dont ces dernières seront renégociées pour prendre en compte cette gratuité.

En dépit de toutes les difficultés pour réaliser une évaluation, nous avons estimé cet impact entre 16 millions d’euros et 21 millions d’euros par an, un chiffre qu’il faut bien entendu considérer avec énormément de précautions.

À titre de comparaison, et selon l’INSEE, le budget total des communes en 2012 était de 96,3 milliards d’euros.

L’impact sera donc marginal, et naturellement inexistant pour les communes qui sont déjà passées à la gratuité totale.

Pour toutes ces raisons, et parce que le Gouvernement est particulièrement attaché au rôle de représentation de l’ensemble des collectivités territoriales exercé par le Sénat, il émet un avis de sagesse sur ce texte.

Bien entendu, monsieur Guillaume, cette proposition de loi bouscule quelque peu le travail que nous sommes en train de réaliser ; c’est pourquoi nous nous en remettons à la sagesse du Sénat. Mais je crois justement que c’est en bousculant les choses que l’on arrive à avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. Didier Guillaume. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout, ou presque, a déjà été dit par l’auteur de la proposition de loi, dans son exposé.

Monsieur Guillaume, vous avez montré combien l’accessibilité est un enjeu majeur de la lutte pour favoriser le déplacement des personnes en situation de handicap ; je ne reviendrai donc pas sur ces points, qui ont été fort bien exposés.

Le législateur a pris ses responsabilités ces dernières années, et plusieurs textes ont défini un cadre juridique pour l’accessibilité.

La loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées instaure le principe de l’accessibilité aux installations ouvertes au public.

La loi du 13 juillet 1991 prévoit pour sa part que la voirie ouverte à la circulation publique doit être aménagée pour permettre l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

Nous avons beaucoup parlé de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , qui définit un objectif d’accessibilité complète des établissements recevant du public et prévoit l’élaboration d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics dans chaque commune.

Enfin, le décret du 21 décembre 2006 précise qu’au moins 2 % de l’ensemble des emplacements de chaque zone de stationnement doivent être accessibles et adaptés aux personnes circulant en fauteuil roulant.

L’arsenal législatif en faveur de l’accessibilité est quantitativement important et devrait théoriquement permettre de lutter avec efficacité contre l’exclusion des personnes à mobilité réduite. Or, en se penchant sur la mise en œuvre des textes, on se rend compte qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir.

En juillet 2012, selon la délégation ministérielle à l’accessibilité, seulement 13 % des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics ont été adoptés. Ils ne couvrent donc que 30 % de la population.

Pourtant, l’accessibilité est une préoccupation de nos concitoyens puisque, selon une étude OpinionWay de juin 2013, plus des trois quarts des Français jugent indispensable d’améliorer l’accès aux établissements publics, aux commerces de proximité, aux habitations, aux transports et aux lieux de culture.

Vous avez, madame la ministre, expliqué les raisons de cette attitude. Nous sommes solidaires des personnes en situation de handicap ou de leurs parents, et il peut nous arriver à tous, à un moment donné, d’être confrontés à un problème d’autonomie et d’accessibilité. Nous, écologistes, appelons cela « la ville lente ».

Les écologistes ont forgé le concept de « ville lente » et le défendent pour passer d’une situation où la ville fait l’objet d’aménagements spécifiques à une situation où tous les déplacements au sein d’une ville sont prévus d’emblée. La « ville lente », c’est une conception de la ville au quotidien qui ne se réduit pas aux personnes en pleine possession de leurs moyens, aux plus valides, aux plus vaillants, mais qui englobe l’ensemble de la population : les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les familles avec des poussettes.

Voilà qui me conduit à évoquer un souvenir remontant à 1989, année où je militais dans une association pour les transports collectifs. Il n’y avait alors plus aucun tramway, les tramways modernes n’ayant pas encore remplacé les tramways anciens. Et les adversaires de ce mode de transport, ceux qui étaient hostiles à sa réinstallation, disaient que l’autobus était préférable au tramway, qu’il était plus commode que ce dernier, car il s’adaptait aux rues.

Pour notre part, nous expliquions que, si nous préférions le tramway, c’est parce que la ville est aménagée en fonction de ce dernier et qu’elle est redéfinie au fil des voies de circulation.

C’est le choix du tramway qui a finalement été fait. Et ce dernier a été perçu sur un mode complètement différent, car on s’est aperçu que le tracé immuable, qui pouvait paraître comme un inconvénient, présentait en fait l’avantage de structurer la ville.

De la même façon, prendre en compte le concept de « ville lente », cela veut dire imposer que l’aménagement soit immédiatement pensé en fonction des handicaps dont, comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous pouvons tous être atteints un jour. Cela conduit à une approche différente de l’aménagement de la ville, en fonction du handicap.

Voilà donc la raison pour laquelle nous nous accordons tous sur l’importance de l’accessibilité par rapport à l’autonomie.

Ainsi, le responsable de la commission « handicap » de mon parti se fait-il un devoir, quand il vient nous rencontrer à Paris, de ne pas choisir la facilité. Il s’interdit de prendre un taxi pour voir comment il peut se débrouiller tout seul en arrivant dans la capitale. Il veut être en mesure d’apprécier si toute la ville est aménagée pour garantir l’autonomie des personnes en situation de handicap.

Ce matin, nous mettons l’accent sur l’accessibilité, qui est la garante de l’autonomie pour tous nos concitoyens et concitoyennes.

En conclusion, nous voterons cette proposition de loi mais insistons – et je crois que tant M. Guillaume, l’auteur de ce texte, que Mme la ministre l’ont dit – pour ne pas entrer dans la catégorisation.

M. Didier Guillaume. Surtout pas !

M. Jean Desessard. Le fil conducteur de mon intervention, c’est de souligner l’esprit d’une démarche qui ne vise pas à proposer des « plus » pour telle catégorie de la population ou telle situation de handicap. Le concept de « ville lente » ou de ville accessible doit valoir pour tous. Permettre l’accessibilité relève, comme vous l’avez dit, du droit commun. Il faut que les règles soient les mêmes pour tous. À nous d’aménager la ville pour que tous puissent en profiter pleinement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’accès des personnes handicapées à une vie sociale, c’est-à-dire à un emploi, à une scolarité, aux services publics, à la culture ou aux loisirs, dépend avant tout de leur possibilité de se déplacer.

Malheureusement, l’environnement des personnes handicapées rend ces déplacements difficiles au quotidien.

Aussi la loi du 11 février 2005, qui a accompli une réforme sans précédent de la politique du handicap, a-t-elle fait de l’accessibilité l’un de ses principaux objectifs.

Cinq ans plus tard, un Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle a été mis en place afin d’assurer le suivi de la loi et d’identifier les obstacles rencontrés par les personnes handicapées dans leur cadre de vie.

Dans son rapport du 2 octobre 2012, l’Observatoire a signalé les difficultés de stationnement en ville et préconisé un réexamen de la législation en vigueur.

En effet, si des places de stationnement sont réservées en ville aux personnes handicapées, à hauteur de 2%, il arrive fréquemment que celles-ci ne soient pas disponibles ou ne soient pas assez proches de l’endroit où la personne souhaite se rendre. Cela conduit la personne handicapée à utiliser une place non réservée.

Que la place soit ou non réservée, il est nécessaire, pour acquitter la redevance de stationnement, de se déplacer jusqu’à une borne délivrant un ticket.

Aujourd’hui, le rapporteur nous l’a rappelé, la réglementation en ce domaine laisse aux communes le pouvoir d’exempter de redevance les personnes handicapées, ce qui supprime cette contrainte.

Nombreuses sont les municipalités qui ont prévu la gratuité du stationnement sur les places réservées. Beaucoup moins nombreuses sont celles qui l’ont prévue sur l’ensemble des places de stationnement public.

Les personnes handicapées peuvent donc, au hasard de leurs déplacements, stationner dans une ville où elles devront acquitter la redevance, puis, dans une autre où elles n’auront rien à payer. Sur Internet, les personnes handicapées font part de leurs déconvenues, leur stationnement pouvant être gratuit, payant mais toléré, ou, au contraire, verbalisé. Une telle situation est déplorable !

Seule la gratuité de l’ensemble des places de stationnement peut garantir une réelle facilité de déplacement de la personne handicapée, qui n’aura pas à se soucier de la proximité de sa voiture avec un horodateur ! Le rapporteur l’a bien compris en étendant le champ d’application du texte initial.

Je souhaite faire remarquer que cette proposition avait déjà été formulée au sein de la Haute Assemblée par l’un de nos collègues, l’ancien ministre Philippe Bas, président de l’Observatoire de l’accessibilité.

En juillet 2012, il posa une question orale à ce sujet au ministre Manuel Valls, qui répondit que seule une mesure législative pouvait généraliser à tout le territoire les exemptions de redevance de stationnement dont bénéficient les personnes handicapées dans certaines villes.

Notre collègue Philippe Bas proposa donc cette extension par un amendement au projet de loi sur les métropoles, que j’ai cosigné, ainsi que de nombreux collègues de notre groupe.

La ministre au banc du Gouvernement, Mme Marylise Lebranchu, répondit alors que, comme la décision relevait des autorités communales, adopter notre proposition revenait à « déresponsabiliser celles-ci », « à leur dire qu’elles ne sont pas capables d’exonérer les personnes en situation de handicap du paiement du stationnement ». Ajoutant que cela la « choquait », elle appela notre collègue à retirer son amendement en déclarant : « Je trouve que vous faites preuve d’une défiance totale à l’égard des élus de France. Mais si vous voulez affirmer cette défiance, cela relève de votre entière responsabilité ».

La présente proposition de loi a le même objet que celui qui était formulé par notre amendement d’alors.

M. le rapporteur nous avait expliqué en commission que, à sa connaissance, le Gouvernement voulait émettre sur le texte une « sagesse favorable ». J’en déduis que vous faites preuve, madame la ministre, de plus de mesure que Mme Lebranchu.

Comme souvent en droit, une pratique s’est développée – l’exonération de redevance – et une loi doit intervenir pour l’uniformiser, car il ne serait pas normal qu’il y ait rupture de traitement sur le territoire national.

Notre groupe se réjouit donc sur ce point, et un consensus serait enfin réuni si nous n’avions à soulever plusieurs objections. Nous souhaitons en effet souligner l’absence de méthode, qui conduit à un texte approximatif.

Tout d’abord, premier point, le champ d’application de la proposition de loi est à, nos yeux, très large.

Certes, la gratuité des places va éviter à des personnes ayant une mobilité réduite de devoir atteindre un horodateur. Cependant, ce problème ne se pose pas dans les parkings prévoyant un paiement sans qu’il soit besoin de se déplacer : je pense ainsi aux parkings urbains, type Vinci, où l’horodateur se situe à l’issue empruntée par la personne handicapée et où le contrôle s’effectue à la barrière automatique. Les bornes de péage ne soumettent les personnes handicapées à aucune contrainte particulière. Alors, pourquoi obliger les exploitants de ces parkings à rendre leur accès gratuit ? D’un point de vue pratique, cela ne semble pas nécessaire. D’un point de vue commercial, le coût serait obligatoirement répercuté sur les autres usagers.

De ce que nous savons par les associations représentant les personnes handicapées, celles-ci ne demandent pas une telle faveur, elles ne réclament pas un traitement différencié, n’exigent pas une gratuité systématique de leur stationnement. Elles veulent simplement avoir accès à une place quand elles arrivent dans un parking.

Pour cela, la gratuité doit viser les parkings où le paiement demande un déplacement particulier, représente une contrainte, ce qui n’est pas le cas dans les parcs de stationnement que je viens de viser.

Je présenterai donc tout à l’heure un amendement tendant à exclure de tels parkings du dispositif. L’adoption de cet amendement conditionnera notre vote, car une telle mesure nous semble essentielle pour que le texte conserve sa logique et soit équitable.

Ensuite, deuxième point, nous nous interrogeons sur l’opportunité de légiférer aujourd’hui, alors qu’une concertation est en cours. Présidée par notre collègue sénatrice Claire-Lise Campion, elle vise à réviser par ordonnances la loi « handicap » et à réaliser des agendas d’accessibilité.

Ouverte en octobre, cette concertation permettra d’entretenir l’impulsion donnée par la loi de 2005, sachant que la question de l’accès aux places de stationnement ne s’arrête pas à la question de la gratuité.

En effet, madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur plusieurs aspects à prendre en considération avant de légiférer.

Tout d’abord, l’insuffisance du nombre de places réservées. L’APF, qui demande un passage du quota de ces places de 2 % à 4 %, relève l’existence de deux réglementations sans cohérence entre elles : le code de la voirie, qui fixe ces 2 % pour les « personnes circulant en fauteuil roulant », et le code de l’action sociale et des familles, qui élargit la catégorie des bénéficiaires au-delà des personnes en fauteuil roulant, sans pour autant augmenter le quota de places réservées.

Ensuite, les personnes handicapées subissent le développement de pratiques abusives et frauduleuses.

Les cartes européennes de stationnement sont de plus en plus fréquemment utilisées par des personnes n’y ayant pas droit, bien que le stationnement illégal soit sanctionné d’une contravention de quatrième classe, soit 135 euros pour l’amende forfaitaire simple et 90 euros pour une amende forfaitaire minorée.

Si les abus n’ont pas été chiffrés, l’Association des paralysés de France avance sur son site qu’« une carte sur trois serait fausse ou utilisée de manière frauduleuse ».

Il est donc urgent de prendre des mesures, que ce soit en aggravant les sanctions ou en modifiant la technique de fabrication des cartes d’invalidité. Quels engagements pouvez-vous donc prendre devant nous à ce sujet, madame la ministre ?

J’évoquerai enfin un dernier point, madame la ministre : l’impact financier, que vous avez évoqué et qui est difficile à chiffrer.

Nous nous devons d’être particulièrement vigilants et exigeants pour le respect des droits des personnes en situation de handicap et garder à l’esprit le combat quotidien qu’une vie en fauteuil représente.

En instaurant la gratuité de stationnement, nous devons non pas accorder une faveur aux personnes handicapées, mais reconnaître les besoins liés à leur handicap. C’est la raison pour laquelle nous serons attentifs au sort qui sera réservé à notre amendement. Nous estimons regrettable de ne pas attendre les résultats de la concertation en cours. Quoi qu’il en soit, bien sûr, nous ne voterons pas contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous partageons tous le même constat : une société durable et moderne ne peut être qu’une société où l’intégration et la participation des personnes handicapées ou à mobilité réduite à la vie de la cité sont pleines et entières.

Pour ce faire, ces personnes doivent avoir une autonomie de déplacement.

L’utilisation du véhicule est devenue, pour plusieurs d’entre elles, incontournable. En effet, les avancées technologiques des dernières années permettent maintenant à un nombre important de personnes handicapées de conduire leur propre véhicule.

La question de l’accessibilité des installations et des lieux publics ne peut être dissociée de l’importance de l’aménagement de stationnements adéquats et accessibles, sans lesquels un édifice, aussi universellement accessible soit-il, peut demeurer inaccessible à bien des personnes handicapées qui s’y rendent en voiture.

Afin de faciliter les déplacements, les dispositions actuelles de la loi prévoient la réservation de places de stationnement au plus près des équipements publics et de toutes les installations génératrices de déplacements. Ces places bénéficient d’une conception spéciale, adaptée à l’accueil des véhicules transportant des personnes handicapées.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui tend à aller plus loin en fixant pour les personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement un principe de gratuité et de non-limitation de la durée de stationnement sur toutes les places de stationnement ouvertes au public, que celles-ci soient réservées ou non.

L’objectif est de limiter les distances que les personnes handicapées doivent parcourir depuis leur lieu de stationnement. Cet objectif est louable et nous le soutenons sans réserve.

Cela étant dit, mes chers collègues, je me permettrai de soulever une question et de vous soumettre une proposition.

Mon interrogation concerne la pertinence d’une extension de l’accès gratuit aux places de stationnement non réservées aux personnes handicapées.

Si les places de stationnement réservées sont relativement larges, c’est parce qu’un dégagement suffisant sur le côté du véhicule s’impose afin que la personne handicapée puisse déployer son fauteuil roulant ou tout autre dispositif d’aide à la mobilité.

Dans une place de stationnement non réservée, elle le pourra beaucoup plus difficilement.

M. Jean-Claude Requier. Elle a raison !

Mme Muguette Dini. Ainsi, lorsqu’un autre véhicule stationnera trop près de celui de la personne handicapée, il est possible que cette dernière ne puisse retourner à sa voiture, faute d’espace suffisant.

Mme Muguette Dini. Dans ce cas précis, les personnes handicapées seront contraintes d’attendre le retour du conducteur.

Devoir stationner son véhicule dans un espace non réservé peut également avoir des conséquences sur la sécurité des personnes se déplaçant en fauteuil roulant. En effet, celles-ci sont trop basses pour être vues des autres automobilistes.

Est-il donc judicieux d’étendre l’accès aux places de stationnement non réservées, sachant qu’elles pourraient être difficilement accessibles, et même dangereuses, pour les personnes handicapées ?

C’est certainement dans la proposition qui a été faite d’une augmentation du nombre de places réservées aux personnes handicapées et d’une modification de leur répartition au sein des villes que réside la réponse à cette question.

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

Mme Muguette Dini. Quant à ma proposition, elle concerne les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles de la voiture à la personne handicapée, comme aux autres conducteurs.

J’ai bien compris l’intention de notre collègue Didier Guillaume au travers de cette proposition de loi : il s’agit de ne pas compliquer le stationnement des personnes handicapées en obligeant ces dernières à se rendre d’abord à la borne de paiement, quelquefois trop haute pour pouvoir y lire les indications, puis à revenir au véhicule, à ouvrir et à refermer la porte, etc.

On ne peut qu’adhérer à ce souci de simplification, qui a pour conséquence logique la gratuité du stationnement.

Il en va tout autrement quand la borne de péage est accessible de la portière de la voiture à l’entrée comme à la sortie. Ce serait compliquer considérablement l’accès à ces parkings, à l’heure où l’on nous demande de simplifier, que d’y imposer la gratuité.

Ainsi, au nom du groupe UDI-UC, je vous soumettrai un amendement n° 5 rectifié bis visant à introduire plus de souplesse : nous proposons de laisser aux autorités compétentes la possibilité d’appliquer aux titulaires de la carte de stationnement soit le tarif de droit commun, soit le tarif spécifique fixé pour ces derniers.

N’oublions pas qu’un certain nombre de parcs de stationnement sont indispensables pour se rendre dans certains lieux : je pense, par exemple, au palais de justice de Lyon, qui dispose d’un parking souterrain auquel on accède par des bornes. Si, dans ce cas, on demande au concessionnaire de mettre en place une installation spécifique, il ne manquera pas d’en répercuter le coût sur les tarifs d’ensemble du parking. Il faut donc avoir l’esprit pratique et chercher à simplifier autant que possible.

Je terminerai mon propos en remerciant notre rapporteur, M. Ronan Kerdraon, de la qualité de son écoute. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accessibilité des lieux de vie, de travail ou de loisirs constitue une préoccupation importante de nos concitoyennes et concitoyens en situation de handicap.

Leurs difficultés à être mobiles de manière autonome ou leur impossibilité à se déplacer autrement qu’en fauteuil roulant ne doivent pas avoir pour conséquence de réduire l’exercice de leur droit à une vie ordinaire. Être en situation de handicap ne doit pas être synonyme de vie recluse, loin des autres, de la société et de ses plaisirs simples.

C’est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen s’était opposé aux dérogations aux bâtis existants en matière d’accessibilité prévues dans la proposition de loi de notre ancien collègue Paul Blanc. Pour la même raison, nous étions également contre les dispositions contenues dans la proposition de loi de simplification des normes, issue d’un rapport qui recommandait d’« admettre que l’assistance ponctuelle des personnes peut remplacer, dans certaines circonstances, les aménagements difficilement réalisables ».

Cette proposition, au-delà même du fait qu’elle soit en rupture avec l’esprit de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, aurait constitué une négation du principe d’autonomie de la personne auquel notre groupe est attaché. Être atteint d’un handicap, psychique comme moteur, ne doit pas empêcher ces femmes et ces hommes de prétendre au même degré d’épanouissement que celles et ceux qui ne sont atteints d’aucun handicap.

Cela suppose que nous soyons capables de contribuer à changer le regard porté sur les personnes en situation de handicap, et je sais que vous y êtes attachée, madame la ministre.

Mais cela suppose également l’adoption de mesures concrètes permettant la construction d’une société réellement inclusive, dans laquelle toutes et tous pourraient trouver leur place.

Pour ce faire, encore faut-il que nos lois tiennent compte des besoins de toutes et tous. Et là encore, madame la ministre, en tant que membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées, je suis témoin de votre détermination dans ce domaine et du soin que vous apportez, avec le Président de la République, à la mise en œuvre de l’approche transversale promise par le Gouvernement.

Mais au-delà des lois et des mentalités, ce sont aussi nos espaces de vie, les règles d’urbanisme et de déplacement qui doivent évoluer.

Par cette proposition de loi, en permettant aux personnes en situation de handicap de bénéficier de la gratuité sur l’ensemble des places de stationnement et non pas seulement sur celles qui leur sont réservées, notre collègue Didier Guillaume, avec le soutien de M. le rapporteur, y contribue : cette disposition simplifiera bel et bien la vie des personnes handicapées.

Je le sais, car cela a fait l’objet de débats en commissions, certaines associations sont réservées sur cette proposition de loi, en arguant – et je comprends ce raisonnement – qu’elles ne demandent rien d’autre qu’une société inclusive, c’est-à-dire une société sans privilèges, exclusivités et exclusions.

Je les comprends d’autant plus que, comme elles, nous sommes persuadés que la notion de « conception universelle », dont nous souhaitons qu’elle devienne la règle, n’est pas spécifique au cas des personnes handicapées, tout au contraire, puisqu’il est bien question de bâtir une société adaptée aux besoins de tous, des personnes en situation de handicap aux personnes vieillissantes, en passant par les parents avec des poussettes.

Mais qu’y a-t-il de plus injuste qu’une personne à mobilité réduite qui est verbalisée pour n’avoir pas pu accéder à l’horodateur ou retourner à son véhicule, et qui a donc dû prolonger la durée de stationnement de ce dernier ? N’est-il pas injuste de sanctionner financièrement, sous la forme d’amendes, des personnes qui, faute de pouvoir recourir de manière satisfaisante aux transports en commun, sont contraintes de supporter le poids économique lié à un déplacement en véhicule ? L’augmentation des prix des places de stationnement et des carburants constitue à ce titre des surcoûts financiers injustes, particulièrement au regard des revenus généralement modestes dont disposent les publics concernés par cette proposition de loi.

Si le groupe CRC a fait le choix de soutenir cette proposition de loi, c’est que nous considérons qu’elle s’apparente à une forme de compensation du manque d’accessibilité des transports en commun,…

M. Didier Guillaume. C’est exactement cela !

Mme Isabelle Pasquet. … et, disons-le clairement, des difficultés rencontrées aujourd’hui par les personnes en situation de handicap lors de leurs déplacements en transports en commun, particulièrement lorsqu’il s’agit de transports interurbains.

Mais si nous sommes clairs sur ce principe, nous souhaitons l’être sur un autre : l’adoption de cette mesure ne peut et ne doit pas servir de prétexte à un renoncement à l’objectif de l’accessibilité universelle dès 2015. Des travaux sont en cours sur ce sujet, et nous serons particulièrement vigilants à ce que cette mesure ne soit pas de nature à justifier des dispositifs d’adaptation de ce principe, qui seraient en réalité des renoncements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 a constitué une avancée significative pour les droits des personnes en situation de handicap, notamment en réaffirmant le principe d’accessibilité pour tous.

L’accessibilité, selon la délégation interministérielle aux personnes handicapées, doit permettre « l’autonomie et la participation des personnes ayant un handicap, en réduisant, voire en supprimant, les discordances entre leurs capacités, leurs besoins et leurs souhaits d’une part, et les différentes composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement d’autre part ».

La possibilité de se déplacer va dans le sens d’une plus grande accessibilité. Elle est une condition indispensable pour s’intégrer dans la société et participer aux activités sociales, éducatives ou professionnelles. La mobilité des personnes handicapées dépend pour l’essentiel des places de stationnement qui leur sont réservées. C’est dans cet esprit qu’une politique de stationnement spécifique a été déployée sur l’ensemble du territoire pour réserver des places aux seuls titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées. Il s’agissait aussi de limiter le déplacement de ces personnes entre la place de stationnement et le lieu où elles souhaitent se rendre.

Pour autant, la mobilité des personnes handicapées reste encore trop souvent problématique en France.

Surtout – et nous le savons bien –, un certain nombre de conducteurs valides font preuve d’incivilité en stationnant sur les places réservées au plus grand mépris des droits des personnes handicapées. Les différentes associations dénoncent régulièrement ces pratiques et la presse s’en fait souvent l’écho. Néanmoins, ce phénomène ne cesse de s’aggraver. Même si le handicap n’est pas toujours visible, combien d’entre nous n’ont pas vu un jour un automobiliste sortir en courant d’une voiture stationnée sur une place réservée et dire à la cantonade : « Juste deux minutes, je reviens ! » ? (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

Depuis quelques années, on observe également une recrudescence des pratiques abusives et frauduleuses à la carte de stationnement. Si les abus n’ont pas été chiffrés, l’Association des paralysés de France estime qu’une carte sur trois serait fausse ou utilisée de manière frauduleuse. Ainsi, certaines personnes n’ont aucun scrupule à utiliser la carte d’un parent placé en maison de retraite depuis plusieurs années, voire décédé ! D’autres n’hésitent pas à voler ces cartes, ou même à les falsifier.

Et le travail des forces de l’ordre pour repérer avec certitude les fausses cartes est particulièrement difficile. Les associations et les maisons départementales des personnes handicapées dénoncent régulièrement le caractère rudimentaire du badge « handicapé ». Le processus de fabrication et son simple support papier favorisent, il est vrai, son usurpation. Le recto, visible depuis l’extérieur de la voiture, n’indique que le numéro de la carte et sa durée de validité. Le nom et la photo du détenteur se situent, quant à eux, au verso.

Par ailleurs, les agents de police ne disposent pas de liste officielle des détenteurs de la carte d’invalidité. Il est donc indispensable de renforcer les contrôles de l’utilisation des places réservées pour en garantir l’occupation par les seuls détenteurs d’une carte en bonne et due forme.