M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Louis Nègre. Ensuite, je me félicite que l’article 35 B de ce projet de loi, introduit sur l’initiative de notre cher collègue Pierre-Yves Collombat, apporte une très forte innovation pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.

Il faut casser, et j’emploie ce verbe à dessein, cette litanie annuelle de personnes décédées – on recense 153 morts depuis 1987 – et d’inondations causant chaque année, en moyenne, de 800 millions à 1 milliard d’euros de dégâts au plan économique, pour une indemnisation de l’ordre de 500 millions d’euros annuels. Ces sommes considérables sont payées, je le rappelle, par une surtaxe de 12 % sur les primes d’assurance de tous les assurés qui s’ajoute aux prélèvements obligatoires existants. Une telle situation ne pouvait perdurer.

Mes chers collègues, au lieu d’essayer de guérir les conséquences dramatiques de ce risque naturel majeur, aléatoire mais pérenne, ne vaut-il pas mieux prévenir ces catastrophes régulières ? Tel est notre objectif.

La combinaison de l’article L. 113–4 du code des assurances et de l’alinéa 20 de l’article 35 D, permettra d’agir tout en visant, à terme, une neutralité financière à laquelle nous sommes tous très attachés. En ce sens, nous avons défendu l’article 35 E, dont les alinéas 1 et 5 sont ainsi rédigés : « Les charges qui sont transférées font l’objet, dans le cadre d’une convention, d’une compensation. »

Enfin, ce texte permet d’étendre la décentralisation à un élément très important de la mobilité, le stationnement. Le dispositif adopté permet de répondre à la revendication, aussi logique qu’ancienne des autorités organisatrices de transport, de pouvoir définir, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays européens, des politiques cohérentes d’amélioration des déplacements en milieu urbain.

Qu’il me soit permis de rassurer notre collègue Hyest : le but n’est pas financier. L’objectif principal, j’y insiste là encore, est d’assurer une meilleure disponibilité des places de stationnement existantes afin que tout un chacun puisse en bénéficier. Nul ne doit être victime de l’incivisme anormal d’une minorité.

Je terminerai en saluant la création de pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, qui constitue une avancée significative pour la reconnaissance des territoires situés hors du milieu urbain.

En définitive, malgré ses imperfections, je voterai en faveur de ce texte qui prend en compte le fait métropolitain sans oublier les territoires ruraux et traite, au fond, de problèmes essentiels pour la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Philippe Dallier et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est courageux !

M. Roger Karoutchi. Il a tort !

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles touche à sa fin.

À ce stade de nos débats, je remercie M. René Vandierendonck, rapporteur, ainsi que la commission des lois et son président, qui ont beaucoup travaillé sur ce dossier difficile.

Si nous pouvons nous satisfaire – ce point a été souligné à différentes reprises ce matin – de la suppression du Haut conseil des territoires et des avancées importantes dont a fait état Mme Lebranchu – elles ont été mises en évidence, je n’y reviendrai pas –, il n’en reste pas moins que le dispositif concernant la métropole du Grand Paris demeure particulièrement préoccupant. Je souhaiterais donc m’y attarder.

En ce qui concerne l’article 12, la navette parlementaire a été marquée par une évolution particulièrement incongrue. Mesdames les ministres, j’ai souligné dès la première lecture que le titre même de ce projet de loi était inapproprié. La modernisation n’était et n’est toujours pas au rendez-vous, il s’agit simplement, et je le regrette, d’une complexification et d’une recentralisation au détriment des communes et du lien de proximité avec nos concitoyens.

En deuxième lecture, nouvelle incongruité, nous avons examiné un projet de loi devenu quasiment une proposition de loi, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Favier. En effet, l’article 12 a été modifié sur l’initiative d’un groupe de députés, qui en ont récrit le texte. Nous nous sommes trouvés face à un nouvel article portant sur une loi d’habilitation. Convenez que la démarche est quelque peu inhabituelle !

Malgré ces aléas, une constante demeure : il fut impossible de trouver le chemin d’un dialogue constructif avec les décideurs locaux. Mmes les ministres ont reçu et écouté de nombreuses personnalités, tout comme M. le rapporteur, mais beaucoup d’entre elles n’ont pas été véritablement entendues.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !

M. Hervé Marseille. Le syndicat mixte Paris Métropole, qui rassemble une majeure partie des élus franciliens, travaille sur le sujet depuis des années.

M. Philippe Dallier. Avec quel succès !

M. Hervé Marseille. Il avait formulé un vœu voté par 75 % de ses membres, tous convaincus qu’une structure francilienne devait voir le jour, mais que cette dernière ne devait casser ni les dynamiques de territoires ni les interactions entre communes.

Si les élus franciliens sont convaincus que la métropole doit désormais bénéficier d’une gouvernance adaptée à ses ambitions, il n’en reste pas moins vrai qu’ils vous demandaient de ne pas conférer à une structure métropolitaine des prérogatives démesurées. Cela reviendrait à stériliser les communes et à supprimer leurs groupements, sans garantie d’efficacité et de lisibilité pour nos concitoyens.

Aussi les incongruités en matière de production législative ont-elles une traduction immédiate ! Elles constituent, bien souvent, autant de moyens d’inconstitutionnalité. C’est ainsi que l’opposition parlementaire n’a pas manqué, par ses différents votes ou propos, de vous alerter, notamment à l’Assemblée nationale.

L’article 39, alinéa 2, de la Constitution dispose que : « sans préjudice du premier alinéa de l’article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ». Or la pleine et entière réécriture de l’article 12 par un groupe de parlementaires, introduite par voie d’amendement gouvernemental en première lecture à l’Assemblée nationale, a empiété sur une prérogative du Sénat pourtant constitutionnellement garantie.

De plus, aucune évaluation juridique n’a été réalisée par le Conseil d’État, lequel n’a pas pu être saisi pour avis.

Ensuite, la loi du 15 avril 2009 prévoit expressément qu’une étude d’impact doit être réalisée pour chaque projet de loi, ce qui n’a pas été le cas pour l’article 12, totalement récrit. Le Conseil constitutionnel n’a d’ailleurs pas manqué de sanctionner l’absence d’une telle étude à l’occasion de la décision n° 2009-579 DC.

De facto, l’évaluation financière est également absente puisque les dispositions « financières, budgétaires, fiscales » sont renvoyées à une ordonnance prévue au sein de l’« amendement surprise ».

Aussi la première conclusion est-elle sans appel : la production législative de l’article 12 ne saurait répondre aux exigences constitutionnelles qui nous gouvernent.

Par ailleurs, il est totalement paradoxal que ce projet de loi, initialement intitulé « acte III de la décentralisation », soit en réalité un acte de recentralisation.

Mes chers collègues, l’article 72 de la Constitution dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Il s’agit ici de l’affirmation du principe de subsidiarité qui veut qu’une compétence publique, lorsqu’elle est nécessaire, soit confiée à la plus petite entité capable de résoudre le problème elle-même. De ce fait, on ne peut en aucun cas dessaisir l’entité de cette compétence, ou en dessaisir l’établissement public de coopération intercommunale, l’EPCI, qui l’exerce pour son compte.

Or le devenir des EPCI préexistant à la métropole va être réglé par fusion-absorption, c’est-à-dire que les compétences initialement déléguées aux EPCI sur délibération des conseils municipaux seront directement transférées à la métropole, sans accord exprès des communes délégataires. Cette solution va clairement à l’encontre des dispositions constitutionnelles, en particulier du principe de subsidiarité.

De la même manière, cette situation porte directement atteinte à l’égalité des droits entre collectivités territoriales. En effet, les communes de la petite couronne auront moins de droits que les autres, alors même que leur taille est supérieure à la moyenne nationale.

Enfin, le Gouvernement et sa majorité nient également l’article 1er de la Constitution qui proclame que l’organisation de notre pays est décentralisée. Pour mémoire, je souligne que la disparition des dix-neuf EPCI se fera au profit d’une métropole de 6,5 millions d’habitants !

Or un certain nombre de compétences nécessitent une gestion de proximité. À titre d’exemple, les bilans de l’urbanisme centralisé ont très largement démontré les failles d’un tel système. Je doute que la proximité soit la première vertu de la métropole du Grand Paris ; malheureusement, les questions d’urbanisme et de logement sont prioritaires en Île-de-France. Six millions et demi d’habitants, cela dépasse même la notion de recentralisation, c’est plus que le nombre d’habitants du Danemark, de la Finlande ou de la Norvège.

La métropole du Grand Paris qui se présente comme un EPCI à statut particulier ne répond pas au premier critère d’un EPCI, à savoir la coopération intercommunale. Le code général des collectivités territoriales reconnaît que la première caractéristique d’un EPCI est d’être démocratique dans sa constitution et son fonctionnement. Ici, la métropole du Grand Paris est autoritaire dès sa création.

En réalité, le projet de loi tel qu’il est rédigé revient à créer une nouvelle collectivité à statut particulier. Ce fut le choix opéré pour la métropole lyonnaise, mais le Gouvernement n’a pas pu faire de même à Paris, car cela aurait abouti à placer les communes sous tutelle de cette nouvelle collectivité, ce qui constituerait une violation de l’article 72, alinéa 5, de la Constitution.

Aussi la création de la métropole permet-elle de contourner le principe selon lequel aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre.

Je rappellerai enfin la décision n° 91-290 DC du Conseil Constitutionnel, qui précise que « dans son premier alinéa, l’article 72 de la Constitution consacre l’existence des catégories de collectivités territoriales que sont les communes, les départements et les territoires d’outre-mer, tout en réservant à la loi la possibilité de créer de nouvelles catégories de collectivités territoriales ; que le deuxième alinéa du même article implique que pour s’administrer librement, toute collectivité territoriale doit disposer d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives ». Le présent texte, en spoliant les communes d’un très grand nombre de leurs compétences effectives, contrevient donc à l’article 72 de la Constitution.

Mes chers collègues parisiens, j’attire votre attention sur l’alinéa 68 de cet article 12, qui prévoit que le ressort territorial de la commune de Paris constitue un territoire. L’alinéa 152 précise, pour sa part, que le conseil de territoire de Paris est composé des membres du Conseil de Paris. Par suite, la concordance des deux conseils implique que la commune de Paris ne soit plus une collectivité autonome dotée d’une compétence générale.

Avant de conclure, je souligne que l’alinéa 56 permet à l’État d’attribuer par décret à la métropole des compétences dérogatoires pour la création et la réalisation de zones d’aménagement concerté et la délivrance d’autorisations d’urbanisme. Or l’article 72, alinéa 3, de la Constitution dispose que l’organisation des compétences des collectivités locales relève de la loi. Le présent texte, en renvoyant l’organisation des compétences au décret ou à la voie contractuelle, s’expose de nouveau à des griefs d’inconstitutionnalité.

En conclusion, ce projet de loi organise un bouleversement institutionnel, cela a été exprimé au Sénat sur différentes travées, en s’opposant à un grand nombre de principes constitutionnels.

La métropole ne se caractérise pas par sa dimension démocratique. Les décisions seront prises à des niveaux éloignés des citoyens concernés, avec le risque évident de méconnaître les réalités et les enjeux locaux. Plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, au mois de mars prochain se tiendront les élections municipales. Je ne doute pas, mes chers collègues, que nos concitoyens sauront sanctionner à cette occasion les auteurs de ce projet ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer ma satisfaction de me trouver devant vous pour évoquer le texte proposé par la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi soir, sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

J’éprouve un sentiment de satisfaction, car la métropole parisienne avait été balayée par notre assemblée en première lecture, chacun s’en souviendra. Nous avons ainsi œuvré tout au long de la navette législative avec nos collègues de l’Assemblée nationale, mais également avec l’appui de Mmes les ministres, dont je salue l’implication, pour trouver une issue et développer des outils adaptés à la prise en compte de l’émergence du fait métropolitain.

Le Sénat a su prendre toute sa place dans l’élaboration de ce texte. Je félicite René Vandierendonck, rapporteur, de son travail, car il n’a eu de cesse de chercher à faire évoluer ce projet de loi dans la bonne direction, en ce qui concerne notamment les critères des métropoles de droit commun, mais aussi la création de trois ensembles métropolitains spécifiques : Paris, Lyon et Marseille, dont les particularités justifient pleinement des dispositions qui leur soient propres.

Le sujet de la métropole parisienne ayant suscité de nombreux débats entre nous, permettez-moi de concentrer l’essentiel de mon propos sur la métropole du Grand Paris retenue par la commission mixte paritaire.

En première lecture, ici même, j’attirai votre attention sur le périmètre de cette métropole. Je n’avais pas de position définitivement arrêtée, ma seule conviction étant qu’il ne fallait pas laisser s’organiser une fracturation de l’ensemble régional francilien ou qu’il fallait, tout au moins, éviter que ne s’ancre un sentiment de relégation chez une partie de nos concitoyens vivant en grande périphérie parisienne.

L’idée d’une intercommunalité métropolitaine resserrée sur Paris et la petite couronne, construite à partir des communes sur la base de territoires de proximité de taille moyenne, et en prenant autant que possible en considération les modalités de regroupement déjà opérées, me semble la bonne solution pour cette métropole.

La création de conseils de territoire permettra ainsi de mener des politiques publiques de proximité : à défaut d’être élaborées à l’échelon municipal, ces politiques le seront à l’échelle de bassins de vie de taille raisonnable.

Quant aux grands enjeux stratégiques métropolitains, ils seront abordés, grâce à la métropole du Grand Paris, à une dimension adéquate, non plus limitée à Paris intra-muros : ils s’étendront au-delà de ces limites, ce qui, de l’avis de tous, vous me l’accorderez, était devenu indispensable.

Les communes seront bien entendu respectées puisqu’elles auront au minimum un délégué métropolitain.

Tout au long de nos échanges, je vous ai invités à considérer l’Île-de-France en trois zones : Paris et sa couronne dense, la périphérie urbaine de la grande banlieue, qui connaît des croissances fortes et, enfin, les territoires ruraux de plus faible densité, mais néanmoins sous influence métropolitaine. Ces trois zones remplissent des fonctions métropolitaines différentes, mais complémentaires.

J’ai défendu un modèle qui permet de ne pas éloigner nos territoires ruraux de la métropole à proprement parler par une aspiration des territoires intermédiaires dans l’orbite parisienne.

Placer les intercommunalités les plus dynamiques de la grande couronne, tant sur le plan économique que sur le plan démographique, sous la coupe d’une métropole dont le centre de gravité politique aurait forcément été très proche de Paris, présentait le risque d’en faire des territoires d’ajustement par rapport à un certain nombre de politiques publiques.

Je suis heureux de constater que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire place ces espaces urbains de grande couronne en dehors de la métropole du Grand Paris stricto sensu. Le fait d’être au-dehors des frontières administratives et de la gouvernance définies dans ce texte ne signifie aucunement que ces territoires seront exclus des dynamiques métropolitaines.

M. Philippe Dallier. Exactement !

M. Vincent Eblé. En effet, le développement urbain, la construction de logements, l’aménagement de zones d’activités, la réalisation d’infrastructures ne se cantonnent pas à des frontières administratives.

Le retrait de ces territoires situés en agglomération parisienne, mais au-delà des limites stricto sensu de la métropole du Grand Paris, ne les empêchera pas de conduire, comme ils le font déjà, des politiques d’aménagement urbain, de développement économique ou de développement de l’habitat.

M. Roger Karoutchi. Bon courage !

M. Vincent Eblé. Et cela est heureux, car la question du logement en Île-de-France ne peut se régler exclusivement dans le périmètre de la future métropole. D’ores et déjà, nous le constatons aujourd’hui, c’est dans ces territoires que l’on construit le plus.

Notre texte de loi permet l’articulation de ces territoires intermédiaires avec la métropole du Grand Paris. En effet, en imposant, sauf exception, aux intercommunalités de cette zone de se structurer à une taille minimale de 200 000 habitants, nous offrons des perspectives de confrontations territoriales équilibrées. Ces futurs EPCI pourront ainsi établir un véritable dialogue avec la métropole et ses conseils de territoires. La cohérence de l’action publique territoriale s’en trouvera renforcée dans toute la région Île-de-France.

Je regrette, toutefois, que l’on ait retenu le critère de la localisation du siège des EPCI existants pour définir ceux qui seront concernés par un tel seuil de population.

Il existe, en effet, des situations dans lesquelles certains EPCI échapperont à la contrainte du seuil au motif que leur siège se situe hors de la zone agglomérée, alors même qu’une part substantielle de leur population se trouve dans cette zone. Il existe, à l’inverse, des EPCI dont le siège est dans la zone agglomérée, alors qu’une partie importante des communes qui les composent se trouve en dehors de l’unité urbaine au sens de l’INSEE.

Une telle importance donnée à la localisation du siège actuel, préférée à des critères objectifs – par exemple, la proportionnalité des communes en zone urbaine –, peut conduire à la mise en place de stratégies de contournement de la loi par le déplacement du siège ; j’en ai, d’ores et déjà, observé les prémices.

M. Vincent Eblé. C’est la raison pour laquelle Alain Richard et moi-même avions déposé un amendement qui permettait d’éviter ce genre d’impasse. Car, avec ce texte, nous nous en remettrons au bon sens du préfet.

Dans son ensemble, la rédaction retenue respecte le modèle que j’ai défendu, je m’en réjouis et je la voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Roger Karoutchi. C’est la gauche qui va l’applaudir !

M. Philippe Dallier. Laissez-moi d’abord parler !

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Habemus Magnam Paris ! Comme je ne suis pas très sûr de mon latin, je dirai donc, en français : « Nous avons un Grand Paris ». Nous l’avons compris en voyant la fumée blanche sortir de la cheminée de la commission mixte paritaire ! (Sourires.)

En mai dernier, alors que le Sénat avait rejeté en première lecture le texte du Gouvernement, qui aurait pu croire que, non contents de parvenir à trouver une solution au problème, apparemment insoluble, de la réorganisation de la région Île-de-France, nous ferions émerger une véritable métropole ?

Je dois vous dire, mes chers collègues, qu’à certains moments je désespérais d’y parvenir, tant les réticences étaient et sont toujours très fortes ! Nous les avons d’ailleurs entendues à nouveau ce matin.

Et pourtant, nous avons maintenant un texte. Nous le devons à une conjonction de facteurs assez inattendus – peut-être notre collègue Christian Favier regrettera-t-il longtemps son vote en première lecture…

M. Claude Dilain. C’est sûr !

M. Philippe Dallier. Nous le devons aussi à quelques personnes que je voudrais tout d’abord remercier, en commençant par vous, mesdames les ministres. Vous avez en effet compris, après le rejet par le Sénat de l’article 10 du texte initial, qui a fait tomber tous les autres articles, qu’il fallait abandonner l’idée d’une métropole parisienne assise sur le périmètre de l’ère urbaine qui englobe 10 millions d’habitants sur les 12 millions que compte la région, découpant la grande couronne jusqu’à Mantes-la-Jolie. Tout cela n’avait pas de sens !

Nous le savions, cette proposition initiale était le fruit d’un compromis, car l’on essayait de ménager tout le monde. Néanmoins, la solution retenue était absolument impraticable. Je dois vous dire, mes chers collègues de l’UMP, vous qui protestez parfois lorsque je m’exprime sur ce sujet, que je ne vous comprends pas : comment pouvez-vous encore défendre aujourd’hui une idée semblable ? Alors que nous plaidons pour la simplification, vous plaidez pour un modèle qui empile les couches ! Cela n’a pas de sens, excusez-moi de vous le redire !

MM. Claude Dilain et Philippe Kaltenbach. Bravo !

M. Alain Richard. La réflexion progresse !

M. Philippe Dallier. Il n’a jamais été facile pour un ministre de constater et, moins encore, d’admettre qu’il fallait revoir complètement son premier projet. Vous l’avez fait, mesdames les ministres, et c’est tant mieux !

Je veux également saluer l’action de notre rapporteur, René Vandierendonck. Il a, lui aussi, très vite compris que, pour ce Grand Paris, il n’était pas possible d’empiler, à l’intérieur d’une métropole, des EPCI, qui découpaient eux-mêmes des départements de plus de 1,5 million d’habitants en quatre ou cinq morceaux. Franchement, autant ne rien faire ! Cette option n’avait pas de sens, monsieur le rapporteur, vous l’avez admis et je vous en remercie !

Je veux également saluer notre collègue Jean-Jacques Hyest. Élu de la grande couronne parisienne – il faut le souligner –, il aurait pu s’inquiéter de la création de cette métropole parfois présentée comme un monstre technocratique qui s’opposerait au reste de la région. Il a, par son action, rendu possible, en deuxième lecture et en commission mixte paritaire, la solution que nous discutons.

Je veux également saluer la quarantaine d’élus du groupe UMP qui m’ont suivi, en deuxième lecture, pour éviter un sort funeste au fameux article 12.

Beaucoup d’élus issus de la province nous regardaient depuis des années, nous, les Franciliens, avec des yeux ahuris.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Exorbités !

M. Philippe Dallier. Ils se demandaient comment il était encore possible, quarante ans après la création des communautés urbaines, que nous n’ayons pas été capables de réaliser et de créer une véritable métropole du Grand Paris.

Sur ce texte, je crois pouvoir dire que le Sénat aura fait œuvre utile en sachant dépasser les clivages politiques. Nous sortons des débats sur les lois de finances initiale et rectificative : le Sénat a été très sévèrement critiqué, jusqu’à voir son existence remise en cause, parce que ces textes n’y recueillaient pas une majorité. Eh bien, nous aurons construit une majorité d’idées au moins sur celui-là et je m’en réjouis ! Voilà ce que le Sénat est capable de faire de mieux. J’espère que les commentateurs et les observateurs le souligneront.

Quoi qu’il en soit, je suis certain d’une chose : lorsque les historiens écriront l’histoire du Grand Paris, ils verront que c’est d’ici, du Sénat, que le débat est parti, avec le rapport que j’ai rendu en 2008. Ils verront que c’est ici, au Sénat, que nous avons fait basculer les choses en rejetant la première version du texte, rendant ainsi possible une réécriture complète qui permet de faire émerger une véritable métropole.

Voilà pourquoi, même si ce texte est encore imparfait, même s’il soulève encore bien des interrogations, par exemple, sur l’articulation de la métropole et des conseils de territoires et entre ces derniers et les communes, même s’il est imprécis quant à la répartition des moyens, je le voterai avec enthousiasme. Et j’espère que nous serons une majorité à le faire ! (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Procaccia. N’en faites pas trop !

M. Philippe Dallier. Aurons-nous alors fait le plus dur ? Eh bien, je crois que oui, tant nous sommes passés près de la catastrophe qu’aurait été le fait de ne pas produire de texte du tout.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Absolument !

M. Philippe Dallier. Pour autant, je ne sous-estime pas la difficulté de la tâche qu’il nous reste à accomplir pendant les deux années à venir, au cours desquelles la mission de préfiguration devra préparer l’avènement de la métropole au 1er janvier 2016.

D’ailleurs, les opposants à ce projet de loi le disent et le répètent – notre collègue Hervé Marseille l’a encore rappelé – : ils se battront pied à pied, mèneront une véritable guérilla, en multipliant les recours devant le Conseil constitutionnel et en attaquant, ensuite, tous les actes administratifs à venir.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Philippe Dallier. Il faudra donc faire en sorte que cette mission de préfiguration soit la plus diplomate, la plus convaincante, mais aussi la plus efficace possible.

Je ne désespère pas qu’après une phase tendue, liée à la déception de ceux qui n’ont pas réussi à imposer leur point de vue, nous puissions convaincre ces derniers du bien-fondé du modèle proposé. En tous les cas, je m’y emploierai.

Je me réjouis également que la commission mixte paritaire ait repris l’idée que j’avais formulée, en prévoyant la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein de cette mission de préfiguration. Le Parlement sera donc représenté.

Mesdames les ministres, si vous pensiez à un cadeau de Noël pour le sénateur Philippe Dallier, je vous le dis tout de suite, je suis candidat à cette mission de préfiguration ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)