M. Jacques-Bernard Magner. En modifiant les rythmes scolaires, en revenant à la semaine de quatre jours et demi, au terme d’une longue réflexion menée par des psychopédagogues et de concertations avec les partenaires de l’école, le ministre Vincent Peillon a exactement répondu à l’attente que vous avez exprimée à cette tribune en 2009.

Dans ce cas, pourquoi soutenez-vous cette proposition de loi qui va au rebours de ce que vous défendiez il y a quatre ans ? Serait-ce l’envie de relancer un débat à proximité des échéances électorales municipales ? (Protestations sur les travées de l'UMP et exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

Vous savez pourtant comme moi que tous vos arguments pour défendre cette proposition de loi ont déjà été avancés au congrès des maires de France, et que les réponses ont été apportées par le ministre, que la vague de contestation que vous attendiez n’a jamais existé, ni chez les maires, ni chez les parents d’élèves, ni chez les enseignants.

M. Copé et l’UMP ont bien tout tenté pour essayer d’enflammer le pays sur cette question des rythmes scolaires, jusqu’à lancer une pétition pour pousser les maires à ne pas appliquer la loi. (M. le ministre opine.) Combien de signataires, monsieur le rapporteur ? On ne le saura jamais, car ce fut un échec total. Je connais beaucoup de maires, et qui ne sont pas tous de ma sensibilité politique, qui se sont offusqués de cette manœuvre dilatoire et de cet appel à la désobéissance à la loi républicaine.

Cette tentative ayant échoué, avec votre proposition de loi, vous cherchez à rouvrir un faux débat, qui ne fait plus recettes dans nos communes, où les maires ont bien saisi l’intérêt du changement de fonctionnement, l’efficacité pédagogique que cela représente et la richesse éducative dont bénéficient désormais les élèves de leurs écoles.

Contrairement à ce que vous affirmez, nous ne pensons pas que les maires souhaitent disposer de la prétendue liberté de décider de l’organisation du temps scolaire sous le prétexte des spécificités locales.

M. Antoine Lefèvre. Demandez-leur donc !

Mme Françoise Férat. Sortez un peu de votre territoire !

M. Jacques-Bernard Magner. En permettant aux écoles de fonctionner « à la carte », quatre jours ou quatre jours et demi, avec le mercredi ou le samedi – et pourquoi pas cinq ou six jours ou d’autres variantes encore ? –, on créerait une disparité ingérable, un désordre indescriptible dans un paysage scolaire qui a plutôt besoin d’être apaisé pour trouver enfin toute son efficacité.

Plus grave : cette bataille politique que vous menez avec l’énergie du désespoir pour une cause que vous savez perdue…

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Non !

M. Jacques-Bernard Magner. … et à laquelle vous ne croyez même pas, on l’a bien compris par le rappel de vos diverses interventions passées, cette bataille cache une remise en cause plus large, celle de l’école républicaine.

J’en veux pour preuve les propositions de l’UMP pour l’éducation nationale rendues publiques en septembre dernier. Ainsi, aux termes de la proposition n° 23, « la plus grande autonomie des établissements scolaires associée à une plus grande liberté de choix des établissements scolaires accordée aux parents doit engendrer un nouveau mode de fonctionnement des établissements par un système de subvention attaché non plus à chaque établissement mais désormais à chaque élève. La subvention allouée à chaque établissement serait fonction du nombre des élèves accueillis et de leur profil. »

C’est le système du chèque scolaire, qui est parfaitement inégalitaire et que la droite – parfois même au-delà – propose depuis des années.

Et que dire de la proposition n° 26 où l’UMP demande « que le recrutement des enseignants se fasse désormais via des entretiens avec les chefs d’établissements sur le modèle de ce qui se passe dans l’enseignement privé » ?

M. Jacques-Bernard Magner. Pour organiser l’école de la République, vous nous proposez donc le privé pour modèle ! Cela ne nous surprend pas, monsieur Carle : cette inclination vous est coutumière.

Ainsi, en même temps que l’on municipaliserait les écoles, les établissements seraient traités comme des entreprises avec des chefs qui gèrent et recrutent en patrons tout-puissants.

On le voit bien, cette proposition de loi remet gravement en cause les fondements de l’école républicaine.

M. David Assouline. À la française !

M. Jacques-Bernard Magner. C’est pourquoi nous la combattrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l'article.

M. Vincent Delahaye. Je me réjouis de ce débat, même s’il arrive bien tard…

Sur le fond, nous sommes tous d’accord pour défendre l’intérêt de l’enfant.

Les classements internationaux nous sont très défavorables et les comparaisons avec les autres pays montrent, cela vient d’être dit, que les semaines sont trop chargées et les vacances trop longues en France.

La vraie réforme aurait donc consisté à trouver le courage de réduire la durée des vacances scolaires et non à l’augmenter, comme vous l’avez fait avec celle des vacances de la Toussaint, et à alléger les semaines de travail des enfants. Malheureusement, vous avez fait le choix de maintenir le temps scolaire à l’identique sur la semaine, c’est-à-dire de conserver la même charge de travail pour les enfants, et de laisser aux communes, aux enseignants et aux parents le soin de s’organiser pour combler les trous.

S’agissant de la forme, le fait de procéder par décret vous a permis d’éviter non seulement tout débat au Sénat et à l’Assemblée nationale, mais aussi le versement d’une compensation financière par l’État. Nous avons bien compris tout l’intérêt financier qu’il y avait à faire peser sur les communes la responsabilité de cette réforme.

Quant à la méthode, monsieur le ministre, je ne comprends toujours pas pourquoi une expérimentation n’a pas été menée avant d’en tirer le bilan et de généraliser le système. Cela me semble pourtant relever d’une logique absolue. Vous avez préféré généraliser dès le départ et seules 17 % des communes ont accepté d’être parties prenantes de cette réforme, les autres ayant choisi de reporter sa mise en application.

Par ailleurs, vous ne vous donnez pas le temps de tirer un bilan. Bien sûr, les maires des communes ayant déjà mis en œuvre les nouveaux rythmes scolaires, juste avant les élections municipales, disent que cette réforme n’est pas si mal, que tout se passe très bien. Or si l’on interroge les enseignants et les parents, ce n’est plus tout à fait le même son de cloche !

M. Jacques Chiron. Ce n’est pas vrai !

M. Vincent Delahaye. C’est tout à fait vrai ! Je suis un élu qui rencontre les parents et les enseignants des communes voisines. Je vous garantis que l’on n’entend pas le même écho ! Le problème, c’est que nous sommes à la veille des élections municipales ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Vincent Delahaye. Les élus qui ont mis en place cette réforme ont tout intérêt à enjoliver le bilan, l’opposition, quant à elle, a tout intérêt à taper dessus !

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je propose que nous nous donnions du temps afin de tirer un vrai bilan de l’expérimentation. Il n’y a pas le feu au lac !

Cela étant, ce n’est pas la première fois que nous avons dans cette enceinte un dialogue de sourds avec le Gouvernement. J’ai parfois l’impression que, pour ce dernier, le débat au Sénat, qu’il s’agisse de questions budgétaires ou non, n’est qu’un mauvais moment à passer…

M. Vincent Peillon, ministre. C’est un bonheur ! (Sourires.)

M. Vincent Delahaye. … et qu’il préfère s’en remettre à l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot.

Pour ma part, j’aimerais que le Gouvernement se présente devant nous avec des intentions réelles de vrai dialogue. Or ce n’est pas ce que je ressens et je le regrette.

Par ailleurs, selon vous, monsieur le ministre, le décret que vous avez pris apporte plus de liberté aux communes. C’est la première fois que j’entends cet argument et, pour avoir discuté avec l’ensemble de mes collègues, je n’ai pas l’impression qu’ils partagent ce point de vue. Ce qui est sûr, c’est que, avec cette réforme, les élus locaux ont plus de problèmes, plus de contraintes, plus de charges.

Vous dites encore que les communes doivent faire de l’éducation une priorité. Mais c’est déjà le cas ! J’aimerais que vous m’écoutiez, monsieur le ministre !

Mme Dominique Gillot. Mais il vous écoute !

M. Vincent Delahaye. Si vous aviez été élu local, vous sauriez que le budget prioritaire, principal, des communes est généralement celui de l’éducation. Cela est vrai de ma commune comme de beaucoup d’autres : les maires, les élus locaux se préoccupent beaucoup d’éducation.

Encore un mot sur les finances publiques, auxquelles je suis très attaché. Dans la mission « Enseignement scolaire » de la loi de finances pour 2014 ont été alloués 60 millions d’euros à la réforme des rythmes scolaires. Nous posions tout à l'heure la question de la pérennisation de cette somme. Or, sachant qu’il y a 7 millions d’élèves, une aide de 50 euros par élève représente un coût de 350 millions d’euros. Par conséquent, le compte n’y est pas ! L’aide promise pour financer la mise en place de cette réforme ne figure pas dans le budget 2014 !

Je conclurai en reprenant vos propos, monsieur le ministre : cette réforme nécessite du temps et des ajustements. Je vous ai écrit à deux reprises pour en demander le report d’un an. Je m’étonne de ne pas avoir obtenu de réponse.

M. Jacques-Bernard Magner. La réponse est non !

M. Vincent Delahaye. Ce délai supplémentaire me semble pourtant nécessaire pour bien ajuster cette réforme et faire en sorte qu’elle aille vraiment dans l’intérêt des enfants.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, sur l'article.

M. Alain Fauconnier. Mes chers collègues, je voudrais apporter le témoignage d’un élu d’une ville de 9 000 habitants située dans un département très rural, l’Aveyron, qui s’est engagée dans la réforme.

À l’inverse, pas moins de 80 % des communes aveyronnaises ont préféré se donner du temps, regarder ce que les autres font et apprendre de leur expérience. Cette attitude est éminemment respectable.

Tout l’enjeu de la réforme des rythmes scolaires est d’assurer aux élèves une meilleure organisation de leur apprentissage. Nous en convenons tous.

Or la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui néglige totalement cet enjeu. Elle dissimule mal des arrière-pensées politiciennes. Peut-être, à une autre époque, aurions-nous pu procéder de la même manière, mais pas en matière d’éducation !

Je ne peux accepter de vous voir vous poser en défenseurs de la ruralité ! De grâce, pas vous ! Mon département de l’Aveyron a perdu 100 postes d’enseignants entre 2002 et 2012 pour 1 800 élèves supplémentaires ! Voilà la réalité ! Je ne sais pas de quel département vous êtes élu, monsieur Delahaye, et j’ignore si sa démographie scolaire a augmenté, mais je suis à peu près certain qu’il en est allé de même.

Par ailleurs, la mise en place de cette réforme a demandé du travail et de la concertation. Aujourd’hui, seize classes primaires et deux écoles maternelles l’appliquent dans ma circonscription.

Les enfants font quasiment tous les jours de la sculpture, de la peinture, des reportages en partenariat avec les médias locaux, de la couture, de la danse, du sport, de l’éducation à l’environnement… Ils sont heureux, tout comme les personnes qui organisent ces activités et s’occupent d’eux, ce qui est très important et correspond à l’esprit de la réforme.

En fait, l’opposition nous propose d’inscrire dans la loi une inégalité de traitement dans l’éducation. C’est inacceptable ! Un débat semble s’être instauré sur la réalité des chiffres. Au mois de décembre, une enquête très précise et tenant compte de la position des parents et des enfants a été organisée dans ma ville auprès de tous les parents – environ 400 personnes ; 80 % ont répondu ; 85 à 90 % d’entre eux se sont déclarés satisfaits.

De la même manière, les associations, les éducateurs et les employés municipaux qui s’occupent de ces enfants ont été consultés : 95 % d’entre eux se sont également dits satisfaits.

Arrêtons de présenter cette réforme comme l’apocalypse ! La réalité est tout autre. Je vous invite, chers collègues de l’opposition, à renouer avec l’intérêt des enfants (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) et à cesser cette guérilla politicienne qui ne trompe personne. En réalité, en cette période électorale, vous n’avez pas grand-chose à dire. Là, vous avez trouvé un os et vous vous jetez dessus ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je vous apporte le témoignage d’une ville très rurale, dans laquelle tout se passe bien. La position de ceux qui ne se sont pas encore engagés dans cette réforme, je le répète, est éminemment respectable. J’en rencontre quotidiennement et je leur expose ce qui se fait chez moi : il s’agit non pas d’un exemple à suivre, mais d’un témoignage. Ils peuvent en tirer des enseignements ou non, mais au final, je sais qu’ils appliqueront cette réforme, car ils sont Républicains ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. J’ai écouté attentivement les débats et je constate que l’opposition essaie de surfer sur le fait qu’il s’agit d’une réforme, au sens propre, qui change les habitudes quotidiennes : celles des parents, celles des écoles et celles des collectivités territoriales.

Or vous savez très bien que lorsque l’on a l’audace de réformer, même en s’appuyant sur la concertation, on n’obtient pas le consensus. Vous savez également que si l’on recherche le consensus, on ne fait rien !

Le ministre Chatel était parvenu au même constat de la nocivité de la semaine de quatre jours après avoir mené une concertation et demandé une évaluation. Le temps qu’il fallait consacrer aux enfants devait contribuer à leur réussite. Or changer les choses exigeait le courage de la réforme !

Je vous entends souvent dire que notre pays compte trop de fonctionnaires, qu’il est embourbé dans des habitudes et des pesanteurs et appeler à la réforme quand il s’agit de déréguler le droit du travail ou d’atténuer nos protections sociales. Et quand il est question de l’intérêt de l’enfant, vous surfez sur tous les conservatismes.

Alors, oui, à partir du moment où l’on décide de changer les choses, tout ne va pas être chimiquement pur du jour au lendemain ! Il va falloir expérimenter ici et là, apporter des modifications, voire changer de braquet. C’est cela, l’expérimentation !

L’enquête menée par l’Association des maires de France auprès des communes qui se sont engagées dans la réforme montre que la satisfaction est quasi totale. Voilà qui devrait faire disparaître vos préventions. Je comprends que vous ayez pu en avoir. Quoi de plus normal quand on est dans l’opposition ? Mais cette expérimentation menée à l’échelle nationale par un échantillon de 20 % des communes vaut bien 1 000 sondages !

Vous, vous n’en tenez pas compte, tout comme vous ne tenez pas compte du fait que certains acteurs de gauche n’ont pas voulu s’engager dans la réforme avant de mesurer les difficultés qui pouvaient en résulter.

Vous avez préféré fédérer tous ceux qui ne veulent pas bouger, tous ceux qui ont peur, tous ceux qui ne veulent pas affronter les difficultés. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Vous avez vu dans cette réforme l’occasion de créer un grand mouvement qui pouvait être utilisé politiquement, car le temps des élections municipales approche ! (M. Jean-François Husson proteste.)

Tous vos espoirs, chers collègues de l’opposition, sont aujourd’hui déçus : nous débattons de la présente proposition de loi alors que, dans le pays, la sérénité sur cette question est totale !

M. Jean-François Husson. N’importe quoi !

M. David Assouline. D’ailleurs, vous n’abordez plus ce sujet au cours de la campagne pour les élections municipales.

M. Jean-François Husson. Vous parlez à tort et à travers !

M. David Assouline. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Husson !

M. Jean-François Husson. Moi, je le fais !

M. David Assouline. Je sais de quoi je parle, moi, et je ne vous insulte pas !

M. David Assouline. Veillez donc à respecter les orateurs ! Je parle de ce que l’on a vécu, et vous le savez très bien.

Aujourd’hui, les campagnes faites pour agiter les foules dans la perspective des élections à venir se concentrent sur d’autres sujets. Vous avez trouvé ceux de la fiscalité et de la sécurité, par exemple, dont on pourra discuter. Vous avez voulu allumer la mèche sur la question des rythmes scolaires, embraser le pays, lancer des pétitions sur le sujet : c’est un échec ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. David Assouline. C’est peut-être le moment d’admettre que vous vous êtes trompés, et qu’il faudrait débattre du vrai sujet, celui des rythmes scolaires.

Mme Françoise Férat. Cela marche dans les deux sens !

M. David Assouline. On ne peut pas continuer comme cela : il faut dégager plus de temps pour l’enfant. Contrairement à ce qui se passait avant, il n’y a pas une heure en moins de temps scolaire assumé par l’État. De plus, l’État apporte son aide pour toutes les activités périscolaires, que l’on a la liberté d’adapter.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Nous pourrions donc discuter de tous les aspects concrets du sujet, sur la base, par exemple, des travaux de la mission commune d’information sur ce thème. Cela permettrait peut-être d’apporter quelques ajustements.

En tout état de cause, il est inacceptable que, sous couvert des difficultés d’application de la réforme des rythmes scolaires, vous proposiez de mettre un terme à la maîtrise du temps scolaire par l’éducation nationale et la République dans son ensemble. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Qui doit payer ? Le problème est d’ordre financier !

M. David Assouline. Encore une fois, c’est votre projet politique libéral pour l’école que vous essayez de nous « refourguer » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-François Husson s’exclame.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, sur l’article.

Mme Françoise Cartron. Je voudrais revenir sur quelques arguments avancés par certains au sujet de l’article 1er.

Il a été dit, notamment, qu’il fallait donner du temps aux acteurs concernés par la réforme. Celle-ci aurait surgi de manière impromptue, sans que nous ayons pu y réfléchir suffisamment.

Je tiens, chers collègues de l’opposition, à faire quelques rappels historiques. Les débats sur l’aménagement du temps scolaire ne datent pas d’aujourd’hui ; ils remontent à l’année 1985, et passent par l’année 1998. Toute une série de contrats d’aménagement du temps de l’enfant ont été mis en place ; ceux qui étaient déjà élus locaux peuvent en témoigner.

J’ajoute que nombre de rapports ont évoqué cette réforme. Ils ont tous défendu la semaine de quatre jours et demi : les rapports de l’Inspection générale de l’éducation nationale en 2001, en 2002 et en 2009, le rapport de la Cour des comptes de 2010, le rapport de l’Académie de médecine du mois de janvier de la même année, le rapport de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale de 2010, le rapport de Luc Chatel de 2011, et, enfin, la concertation menée par Vincent Peillon en 2012.

On aurait pu encore attendre ? Mais voilà dix ans que nous réfléchissons ! Combien de temps encore avant de passer à l’action ?

Les citoyens nous reprochent de ne pas tirer les conclusions des nombreux rapports que nous produisons. Avec la réforme des rythmes scolaires, nous avons mis en œuvre les préconisations des rapports que je viens de mentionner, au service des enfants.

De plus, il n’y aurait pas eu d’expérimentation. Mais, chers collègues de l’opposition, elle existe : voilà des années que Toulouse connaît la semaine de quatre jours et demi ! Je vous propose de vous y rendre tous, pour voir comment ils font. Vous comprendrez pourquoi les Toulousains n’ont pas voulu passer à la semaine de quatre jours, quand Xavier Darcos a supprimé les cours du samedi matin. La voilà, l’expérimentation que vous réclamiez !

Enfin, cessons de prétendre que cette réforme tendrait à opposer les grandes aux petites villes. Elle vise bien plutôt à mettre en lumière la richesse des territoires. Certes, une petite commune rurale n’apportera pas les mêmes réponses qu’une grande ville urbaine.

Moi aussi, je suis une élue de terrain. Je peux vous donner l’exemple de petites communes rurales de Gironde, de 800 habitants, situées dans la campagne, à la frontière de la Dordogne, comprenant, vous le savez, une forte population anglaise. Ces petites communes ont sollicité l’aide de ces résidents étrangers, qui ont accepté de donner des cours d’anglais pendant le temps périscolaire. Je dois aussi vous dire que les enfants les plus assidus à ces cours sont issus de la communauté des gens du voyage, qui est assez importante dans cette région.

Réussir à faire cela, c’est ouvrir des perspectives aux enfants, qu’ils n’auraient jamais eues sinon. C’est tout l’enjeu de la réforme des rythmes scolaires que de profiter des richesses territoriales ! Bien évidemment, il ne faut pas imposer de modèle unique en la matière ; tous les enfants ne vont pas faire de la danse ou des percussions. Il est donc important de bien regarder le territoire où s’applique la réforme, d’en saisir toutes les richesses, afin d’inventer des solutions nouvelles, pour tous les enfants.

M. Jacques Chiron. Très bien !

Mme Françoise Cartron. Voilà le défi de cette réforme : l’intelligence territoriale doit se mettre en action ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Gaouyer, sur l’article.

Mme Marie-Françoise Gaouyer. Je tenais à prendre la parole, car, au cours de nos échanges, j’ai entendu des propos qui m’ont quelque peu étonnée, comme si le texte dont nous discutons était méconnu.

Les élus de la ville d’Eu, dont je suis maire, ont décidé d’appliquer la réforme dès la rentrée 2013. Il a fallu beaucoup consulter. Un gros travail de mise en œuvre a été engagé. Il a notamment fallu demander à la communauté de communes de participer. Elle l’a fait en prenant à sa charge tous les brevets d’aptitude aux fonctions d’animateurs, pour que chaque intervenant, y compris les retraités, dont beaucoup se sont proposés pour présenter leur métier, sache quoi faire devant des enfants.

Les animateurs des centres de loisirs assurent, en complément de leurs activités périscolaires de la pause du déjeuner – deux services de cantine sont assurés –, les activités périscolaires prévues par la réforme dans les écoles maternelles et élémentaires. Ils ont aujourd’hui un vrai statut, qui leur procure des droits sociaux.

Nos animateurs sportifs interviennent au sein des clubs. Le moyen de prendre complètement en charge leur rémunération a été trouvé.

Les techniciens communaux sont habilités à intervenir, entre autres, en tant qu’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ou ATSEM, auprès des enfants. Ils se voient donc reconnus à un autre titre que personnel chargé du ménage dans les locaux.

En résumé, chacun des intervenants a désormais un statut juridique.

Je veux vous dire, mes chers collègues, le plaisir que j’ai à rencontrer ces familles et ces enfants, qui s’y retrouvent tous. Aujourd’hui, au moins 75 % d’entre eux – le plus souvent, nous approchons les 85 % – participent à ces activités périscolaires, et certains enfants, qui n’y participaient pas auparavant, s’y livrent désormais. C’est énorme ! Il nous a fallu trouver soixante adultes tous les jours pour s’occuper des enfants.

Monsieur le ministre, voilà dix ans que nos enfants attendaient des évolutions dans l’école. Grâce à cette réforme, qui contient des éléments susceptibles de leur permettre de s’inscrire dans l’avenir, c’est chose faite. Je vous invite à venir dans notre commune, afin d’y voir ce que l’on a pu faire, à notre échelle, et dont nous sommes ravis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron, sur l’article.

M. Jacques Chiron. Dans le cadre de la mission commune d’information sur la réforme des rythmes scolaires mise en place par le Sénat, j’ai fait le choix de me rendre dans les communes du département dont je suis l’élu, l’Isère, qui ont mis en place la réforme dès la rentrée 2013. Celles-ci, c’est vrai, ne sont pas majoritaires. Je me suis déplacé dans des petites communes, de quelques centaines d’habitants, comme dans des communes moyennes. Je suis également allé à la rencontre de syndicats intercommunaux.

Ces échanges m’ont permis de constater l’adhésion des représentants de ces communes, très impliqués, aux objectifs de la réforme, quelle que soit leur tendance politique. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, comme toute réforme récente, des ajustements sont encore nécessaires pour adapter les organisations. Cependant, tous les acteurs que j’ai rencontrés m’ont confirmé les bénéfices de cette réforme sur les rythmes et les apprentissages des enfants, au sens large du terme.

Ainsi, ils m’ont dit constater une forte diversité sociale chez les enfants fréquentant les activités périscolaires. Cela démontre, si besoin était, que l’objectif de permettre l’accès de tous les enfants à des activités favorisant l’inclusion sociale et de donner à tous les mêmes chances de trouver la place qui lui convient dans la société est atteint.

J’en viens, ensuite, au rythme de l’enfant. Si certains constatent une fatigue des enfants, de nombreux élus, parents et directeurs d’école m’indiquent qu’elle n’est pas plus importante que d’habitude à cette période de l’année. Cette fatigue, nous le savons tous, est souvent due à l’organisation familiale, et non pas à l’école.

Certains enseignants m’interrogent, monsieur le ministre, sur les programmes. Je leur réponds que votre ministère est déjà engagé dans ce chantier, tant pour l’école primaire que maternelle.

Mes chers collègues, contrairement aux idées reçues, pour les élus, directeurs d’école et enseignants que j’ai rencontrés, cette nouvelle organisation des rythmes scolaires a d’ores et déjà, et en un trimestre, donné des résultats positifs sur le niveau d’apprentissage des enfants comparé à celui qui a été constaté l’année dernière à la même époque. C’est pour moi le résultat essentiel, qui doit nous motiver à continuer.

C’est pour cette raison cruciale que je ne voterai pas l’article 1er. Contrairement à vous, chers collègues de l’opposition, je considère que nos enfants ne peuvent pas attendre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)