M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Redites-le, ça ira mieux !

Mme Élisabeth Lamure. … au premier rang desquels, l’action de groupe.

Je commencerai donc par aborder l’action de groupe, avant de préciser pourquoi la procédure proposée nous pose des difficultés, même si mon groupe et moi-même considérons qu’il s’agit d’un outil de plus au service des droits des consommateurs.

J’évoquerai ensuite les dispositions du chapitre V relatif à la modernisation des moyens de contrôle et des pouvoirs de sanction dévolus à la DGCCRF. Nous y sommes globalement favorables, même si nous avons à formuler de vives réserves, j’y reviendrai.

Enfin, le texte contient de nombreuses dispositions aussi diverses que la valorisation des productions industrielles et artisanales locales, le commerce de l’optique, les maîtres-restaurateurs, le démarchage et la vente à distance, des dispositions auxquelles nous souscrivons, en dépit, là encore, de certaines réserves.

Cependant, outre ces progrès, ce projet de loi soulève de vives inquiétudes. L’article 1er en est un parfait exemple.

Si, sur le principe, je le répète, l’action de groupe conserve nos faveurs, nous sommes inquiets devant les trop nombreuses imprécisions rédactionnelles. La lecture des dispositions afférentes au jugement sur la responsabilité nous apparaît particulièrement équivoque. Nous nous interrogeons notamment sur la chronologie entre jugement sur la recevabilité, jugement sur la responsabilité et identification des consommateurs.

Comment le juge peut-il définir « le groupe de consommateurs, à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée », sans mettre en œuvre les mesures de publicité et donc sans comptabiliser les adhésions consécutives à cette publicité ?

À cela s’ajoutent l’absence de sécurité juridique de l’action de groupe simplifiée, ou le nouvel article L. 423-11-1 du code de la consommation, qui instaure une dérogation à l’interdiction des mesures de publicité, avant que la décision sur la responsabilité ne soit réputée définitive, cela pour l’action de groupe dans le domaine de la concurrence.

L’action de groupe est un bel outil qui mérite une grande précision dans son élaboration.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Élisabeth Lamure. Nous avions déjà évoqué ces questions en première lecture, puis en deuxième lecture, et vous avez semblé chaque fois étonnés de nos interrogations.

Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, vous répétiez alors votre hostilité au modèle de l’opt-out et aux risques de dérives à l’américaine.

Que vous manifestiez vos craintes à l’égard d’un régime juridique ne nous semble pas une réponse suffisante. Voilà pourquoi nous vous réinterrogeons aujourd’hui, et pourquoi aussi nous interrogerons le Conseil constitutionnel demain.

C’est exactement le même cas de figure avec le fichier positif.

Nous avons fait part à de multiples reprises de l’inquiétude que suscite dans nos rangs ce dispositif, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée, puisque plus de 10 millions de Français seront inscrits dans le fichier, et ce alors même que les crédits immobiliers en seront exclus.

Nous nous interrogeons beaucoup également quant à l’efficacité supposée du dispositif, les expériences étrangères s’étant révélées peu concluantes.

Enfin, comme pour l’action de groupe simplifiée, nous regrettons que le Parlement n’ait pas été en mesure d’examiner cette disposition avec tout le soin qu’il conviendrait, puisque le fichier positif a été introduit par voie d’amendement.

Nous saisirons donc également le Conseil constitutionnel pour contrôler la validité du dispositif tel que vous l’avez introduit.

Ce texte, par ailleurs, nous pose de nombreuses autres difficultés.

Je pense d’abord à l’allongement du délai pendant lequel les défauts de conformité qui apparaissent sont présumés avoir existé au moment de la délivrance.

Au départ, dans le texte initial, l’allongement se limitait à douze mois, puis il est passé à dix-huit mois, pour finalement se stabiliser à vingt-quatre mois. Voilà une durée qui me semble totalement déconnectée de la réalité économique : la charge de la preuve pour le vendeur est totalement extravagante.

Venons-en ensuite aux assurances.

Vous proposez la possibilité d’une résiliation infra-annuelle, qui va entraîner des tensions sur les primes d’assurance. Comme nous l’avons précisé lors des précédents examens, ce sont les consommateurs qui vont payer cette incertitude, car il est probable sinon certain que les primes d’assurance vont augmenter. C’est ce qui s’est passé chez ceux de nos voisins qui sont allés trop loin en ce sens.

Les dernières difficultés que je voudrais évoquer sont liées à l’extension des pouvoirs de la DGCCRF.

Nous pensons toujours que l’article 25 est facteur de rétroactivité, puisqu’il permet aux agents de la DGCCRF de demander à une juridiction de déclarer une clause réputée non écrite.

Nous éprouvons la même inquiétude sur l’article 28, qui permet aux associations de consommateurs de demander à une juridiction de déclarer une clause réputée non écrite.

À ces griefs, il faut ajouter la possibilité donnée à la DGCCRF de prononcer des sanctions administratives, en cas de non-respect de ses injonctions.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

Mme Élisabeth Lamure. Il faut donc examiner avec attention les dispositions de l’article 61 en vertu desquelles la DGCCRF va cumuler un pouvoir d’instruction et un pouvoir de sanction.

On peut également s’interroger sur la proportionnalité des sanctions pénales de l’article 64.

Enfin, et c’est davantage une déception qu’une inquiétude, nous regrettons que l’amendement de notre collègue Philippe Dallier sur la facturation à la minute des places de parking ait été édulcoré, de la même manière que nous regrettons le revirement du Sénat en matière de « fait maison ».

Cette dernière disposition est d’ailleurs une très belle illustration d’une bonne intention de départ, qui va conduire à des situations ubuesques. Où commence et où s’arrête le « fait maison » ? Je ne crois pas que la rédaction proposée soit suffisante pour lever toutes les ambiguïtés. J’ajoute que la DGCCRF n’aura pas les moyens de réaliser les contrôles appropriés à de telles exigences.

Mme Élisabeth Lamure. Pour conclure sur l’analyse des dispositions de ce texte, je dirai qu’il ressort de cet examen un mélange de satisfaction et de déception, et de profondes inquiétudes.

Nous sommes déçus par le sort qui a été réservé à certains de nos amendements, qui avaient été dans un premier temps adoptés. Mais nous sommes surtout inquiets face à des mesures qui vont considérablement renforcer la fragilité de certains modèles économiques.

Ce projet de loi, qui porte en grande partie sur les contrats de fourniture de services, semble ignorer ou feindre d’ignorer la réalité du monde de l’entreprise. Bien sûr, ce n’est pas le cas de toutes les dispositions, qu’il faudrait reprendre une à une. Néanmoins, à trop vouloir encadrer certaines pratiques commerciales, on en vient à créer des distorsions de concurrence entre les entreprises de fourniture de services françaises et leurs concurrentes étrangères, de même que l’on encourage subrepticement la délocalisation des entreprises de services à faible valeur ajoutée ; je pense, par exemple, aux entreprises réalisant du démarchage téléphonique.

Pour favoriser le consommateur et accroître ses droits, on augmente les coûts de production, et l’on s’étonne ensuite que les entreprises en question, au taux de rentabilité décroissant, partent s’installer à l’étranger !

Les dispositions afférentes aux droits des consommateurs doivent donc respecter un équilibre précaire entre la défense de ces mêmes consommateurs et la viabilité économique des entreprises concernées. Or le présent texte ne nous paraît pas respecter cet équilibre.

Pour cette raison, le groupe UMP continuera à s’opposer à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la consommation atteint enfin son terme. Je dois dire, à titre personnel et au nom de mon groupe, que j’en suis assez satisfaite. J’associe particulièrement à ce propos mes collègues Henri Tandonnet et Valérie Létard, qui se sont tous deux également investis sur ce texte.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

Mme Muguette Dini. Sur la forme et la procédure tout d’abord, saluons les efforts du Gouvernement : il a, pour une fois, laissé le temps au Parlement d’examiner correctement, au cours de deux lectures et sans précipitation, un texte qui modifie considérablement le droit de la consommation dans de nombreux domaines.

Mme Annie David. C’est appréciable !

Mme Muguette Dini. Monsieur le ministre, n’hésitez pas à dire à vos collègues que les députés et les sénateurs travaillent bien et sont capables de voter des lois équilibrées, lorsqu’on leur fait confiance.

Je tiens à saluer votre écoute et votre ouverture d’esprit au cours de ces heures de débats. Vous avez été pugnace, nous aussi ! L’important est que chacun ait pu s’exprimer et avancer dans la bonne direction.

Sur le fond du texte et sur les conclusions de la commission mixte paritaire, il me revient de souligner les points sur lesquels le groupe centriste trouve satisfaction et ceux qui lui conviennent moins.

Je commencerai par l’action de groupe.

C’est une bonne et juste disposition, qui sera utile aux consommateurs. J’espère d’ailleurs que la procédure sera suffisamment dissuasive pour que l’on n’ait précisément pas besoin d’y recourir. Il sera d’ailleurs intéressant d’observer la manière avec laquelle les associations vont l’utiliser.

Sur ce sujet, je salue également le compromis trouvé par M. le ministre au sujet des tribunaux de grande instance, qui seront saisis des actions de groupe. Nous nous réjouissons que les députés s’y soient ralliés sans difficulté. C’est une bonne chose pour les territoires, mais également pour notre justice et pour l’action de groupe elle-même.

Nous regrettons que l’action de groupe simplifiée figure toujours dans le texte, mais nous n’avions que peu d’espoir de la voir disparaître, puisque les deux assemblées l’avaient maintenue. Néanmoins, comme cela a déjà été souligné, et en dépit des encadrements introduits par le Sénat, il est à craindre que l’une des procédures ne prenne le pas sur l’autre, au détriment, peut-être de l’objet initial du texte.

Concernant le registre national des crédits aux particuliers, nous saluons naturellement sans réserve sa création, d’autant qu’il s’agissait d’une demande constante de notre famille politique depuis quasiment quinze ans. Nous nous réjouissons d’avoir, à force d’acharnement, convaincu certains de nos collègues que ce fichier positif était un outil utile pour lutter contre le surendettement et contre les abus en matière d’octroi de crédits.

Je sais bien qu’un tel fichier ne constitue pas l’alpha et l’oméga de cette lutte, je l’ai moi-même souligné dans le rapport d’information qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avions rédigé, mais il s’ajoute à une batterie de mesures qui, conjointement, vont nous aider à avancer.

Même si le fichier est moins ambitieux que celui que nous aurions pu proposer, puisqu’il ne contient pas les crédits immobiliers, son équilibre général nous convient. Plus ce fichier sera complet, plus le consommateur sera protégé contre le « crédit de trop » qui risque de le faire basculer dans le surendettement.

C’est pourquoi nous sommes un peu déçus que la commission mixte paritaire ait supprimé l’élargissement du RNCP aux rachats et aux regroupements de crédits. Cet amendement a été adopté par le Sénat à deux reprises, mais les députés ne l’ont, me semble-t-il, pas bien compris. Espérons, monsieur le ministre, que, dans la mise en œuvre du registre, vous pourrez intégrer ces crédits, qui sont tout aussi nocifs que les autres, tant il est vrai qu’un rachat de crédits traduit déjà souvent une situation de difficultés de paiement.

Par ailleurs, nous avons souhaité, au cours des deux lectures, que la mise en place du RNCP soit rapide. C’est pourquoi nous nous réjouissons aussi de l’adoption en deuxième lecture de l’amendement supprimant toutes les mesures réglementaires de l’article 22 bis. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur vos services, pour aller vite !

Enfin, en matière de crédit à la consommation, nous sommes satisfaits du maintien de l’obligation de proposer, comme alternative à toute offre de crédit renouvelable, une offre de crédit amortissable. Cela devrait permettre au consommateur de faire son choix en connaissance de cause, et surtout d’une manière économiquement plus viable.

En revanche, je regrette vraiment la suppression, lors de la commission mixte paritaire, d’une mesure à laquelle je tenais vivement concernant la rémunération des vendeurs.

Le Sénat avait adopté un amendement du groupe UDI-UC permettant d’interdire toute rémunération d’un vendeur en fonction des moyens de paiement utilisés par les acheteurs. Je le répète, le but n’était évidemment pas d’interdire la rémunération des vendeurs, mais bien de ne pas lier cette dernière au type de paiement, et partant de ne pas favoriser le crédit renouvelable au détriment d’autres moyens de paiement. Je ne manquerai pas de revenir sur le sujet dès que cela sera possible.

Je rappellerai les avancées accomplies au titre des cartes confuses, même si, là non plus, je ne suis pas totalement satisfaite.

Concernant les délais de paiement, je comprends, tout en la regrettant, la position de la commission mixte paritaire. Aucune exception n’a été retenue.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Si !

Mme Muguette Dini. Le maintien du régime actuel aurait pourtant permis de favoriser les entreprises de la construction et du bâtiment, un secteur clef de notre économie aujourd’hui en difficulté.

Mais notre plus grand regret sera peut-être sur l’article 9 bis. Le Sénat, par un amendement du groupe UDI-UC adopté à deux reprises, avait instauré la gratuité des moyens de paiement pour les clients pauvres ou modestes des fournisseurs de services essentiels – à savoir l’énergie, l’eau et les télécommunications. Cette mesure assurait, pour ces publics fragiles, la gratuité des transferts en espèces et des mandats-compte. Je ne comprends pas pourquoi cette disposition a été limitée à l’énergie.

En conclusion, je tiens à saluer le travail accompli par les corapporteurs au cours des deux lectures puis au sein de la commission mixte paritaire, en les remerciant encore de leur patience et de leurs explications. Je salue également le président de la commission des affaires économiques, qui, comme à son habitude, a su jouer un rôle de facilitateur dans nos débats. Je remercie enfin M. le ministre, qui s’est montré attentif à chaque amendement, quels qu’en soient les auteurs.

À la lumière de l’équilibre atteint, les membres du groupe UDI-UC voteront ce projet de loi. (M. Stéphane Mazars applaudit, ainsi que M. Yannick Vaugrenard. – MM. les corapporteurs et M. le président de la commission applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la consommation, dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, ne permet toujours pas d’augmenter le pouvoir d’achat des Français ni durablement ni suffisamment. En effet, les principales dépenses contraintes ne seront pas réduites via les dispositions que le Parlement s’apprête à adopter, exception faite de l’optique.

Or les difficultés des ménages sont bien réelles et la pauvreté progresse, aujourd’hui, dans notre pays.

Face à cette réalité, le présent texte, soumis au double carcan de la politique d’austérité et du principe d’harmonisation maximale imposé par le droit européen, nous paraît insuffisant.

Ainsi, si nous soutenons les mesures concernant l’optique et les parkings payants, le permis de conduire et les conditions de résiliation des assurances auto et habitation, nous considérons qu’elles ne permettent pas d’agir significativement pour redresser le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Nous avons voté un certain nombre d’articles renforçant l’information précontractuelle, encadrant le démarchage et la vente à distance, le paiement et la livraison, ou portant sur la durée de la garantie commerciale. Nous avons voté la transposition de dispositions communautaires relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.

Cependant, les amendements que nous avions déposés en séance publique pour renforcer ces dispositions ont été systématiquement rejetés au nom du principe d’harmonisation maximale. Je songe en particulier à l’indication du pays d’origine, que nous souhaitions imposer pour toutes les viandes à l’état brut et pour la charcuterie. Je songe également à notre amendement visant à informer les consommateurs de la réintroduction de protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons d’élevage destinés eux-mêmes à l’alimentation humaine.

Par ailleurs, l’information des consommateurs sur les conditions sociales et éthiques de fabrication des biens n’a pas été rétablie. C’est dommage, car cette mesure était à même de faire évoluer nos habitudes de consommation.

Les travaux de la commission mixte paritaire traduisent donc un recul par rapport au texte adopté en deuxième lecture par le Sénat.

En outre, la commission mixte paritaire a eu raison du dispositif relatif au démarchage téléphonique, qui reprenait pourtant une proposition de loi adoptée au Sénat par l’ensemble de la gauche.

Nous tenons à réaffirmer notre attachement à l’action de groupe. En première lecture, nous avons proposé des amendements tendant à élargir le champ de cette procédure. Comme nous l’avons dit en deuxième lecture, nous avons pris acte des engagements du Gouvernement, qui a promis de procéder à court terme à cette extension. Pour notre part, nous déposerons une proposition de loi allant dans ce sens, et, en tout état de cause, nous saluons d’ores et déjà la mesure adoptée.

Enfin, vous le savez, nous sommes opposés au registre national des crédits aux particuliers. Nous ne croyons pas à l’efficacité de ce dispositif et nous ne sommes pas favorables à un nouveau fichage. Je le répète, d’autres moyens peuvent être mis en œuvre pour lutter contre le surendettement.

Dans le cadre du rapport qu’elle a consacré, en 2013, au « fichier positif », notre collègue Nicole Bonnefoy souligne que « le problème de fond du surendettement réside dans le développement de la société d’hyperconsommation, qui incite à consommer toujours plus et qui, pour cela, a besoin de développer et de faciliter le crédit ». En effet, l’économie fonctionne désormais grâce au moteur de l’endettement, voire du surendettement, qu’il s’agisse des États, des entreprises ou des ménages. C’est dans cet esprit que nous avions déposé des amendements tendant à encadrer le crédit, à interdire les cartes dites « confuses » et le crédit renouvelable. Nous n’avons pas été réellement entendus.

Dans ces conditions, vous le comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, restant fidèles à notre position, nous nous abstiendrons sur le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, après deux lectures et une commission mixte paritaire, que retiendrons-nous de ce projet de loi relatif à la consommation ? Sans doute en premier lieu l’introduction de l’action de groupe en droit français. C’est là une avancée incontestable pour garantir le respect des droits des consommateurs.

Au cours de l’examen de ce texte, le groupe du RDSE a défendu plusieurs amendements visant notamment à élargir le champ de ce dispositif. Ces propositions n’ont hélas pas été retenues, mais nous espérons qu’elles ont contribué à faire avancer la réflexion sur l’extension de l’action de groupe à d’autres types de préjudices et à d’autres secteurs, au-delà de la consommation et de la concurrence.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est certain !

M. Stéphane Mazars. Nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait retenu, à l’article 2, la rédaction, adoptée à l’unanimité par la Haute Assemblée, qui confie l’action de groupe à tous les tribunaux de grande instance et non à quelques TGI spécialisés, comme le prévoyait le texte initial. C’était important, notamment pour conforter le maillage judiciaire de l’ensemble de nos territoires.

Autre dispositif majeur créé par ce projet de loi, le registre national des crédits aux particuliers, ou RNCP, vise à limiter les risques de surendettement. Plusieurs membres du groupe auquel j’appartiens ont exprimé leurs inquiétudes quant à la mise en place de ce « fichier positif ». Ils ont notamment invoqué le respect des libertés individuelles et interrogé l’efficacité de ce registre pour endiguer le fléau du surendettement. Il semble bien que nous ayons été entendus.

Pour ma part, je l’ai souligné dès la première lecture : je soutiens, depuis la première heure, la création d’un tel fichier. Dans le cadre de ma profession, j’ai été maintes fois confronté à l’extrême détresse des personnes surendettées, et je considère que cette nouvelle initiative, si elle reste perfectible, est la bienvenue.

La présence d’un représentant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, au sein du comité de suivi du registre, a été introduite par le Sénat en deuxième lecture. Les membres du RDSE se réjouissent que cet ajout ait été maintenu par la commission mixte paritaire.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Stéphane Mazars. En outre, nous sommes particulièrement attachés aux dispositions du chapitre IV, qui porte sur la protection de la dénomination des collectivités locales et crée des indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux.

À l’article 23, j’ai défendu un amendement qui visait à intégrer dans le cahier des charges soumis à l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, l’argumentaire justifiant le lien entre le produit bénéficiant d’une indication géographique et son aire géographique. Je me réjouis que cette disposition subsiste dans le texte final. À mon tour, je salue le travail accompli à ce titre par les membres de la commission, sous la présidence de M. Raoul, avec une pensée particulière pour mon collègue aveyronnais, Alain Fauconnier. (Sourires.)

De surcroît, nous nous félicitons de l’adoption de l’article 4 bis A, qui crée, pour la restauration, une mention « fait maison ». La commission mixte paritaire a, à juste titre, maintenu son caractère obligatoire afin de répondre au légitime besoin de transparence des consommateurs.

Globalement, ce projet de loi est un texte structurant qui modifiera de manière profonde et durable notre économie et la vie de nombreux consommateurs. Il ne vise pas seulement à mieux les protéger et à renforcer leur pouvoir d’achat. Il constitue également un vecteur de régulation économique favorable à nos producteurs. À ce titre, il tend à rééquilibrer les relations commerciales, notamment vis-à-vis de la grande distribution.

Ces raisons me conduisent, avec une majorité de sénateurs du RDSE, à soutenir cette ultime version du présent projet de loi.

Néanmoins, plusieurs avancées accomplies sur notre initiative par le Sénat sont aujourd’hui absentes du texte final. Nous le regrettons et c’est la raison pour laquelle certains de mes collègues s’abstiendront sur les conclusions de cette commission mixte paritaire.

Quelles étaient ces avancées ? Chacun les connaît dans cet hémicycle.

Tout d’abord, à l’article 5, nous avions obtenu l’adoption d’un amendement essentiel visant à créer une « liste positive » pour protéger véritablement les consommateurs face au démarchage téléphonique. Ce dispositif – adopté par le Sénat en première et en deuxième lecture, ainsi qu’à d’autres occasions – était équilibré : il ne supprimait pas le démarchage téléphonique, il le rendait simplement plus responsable et plus respectueux des droits des consommateurs. Nous regrettons donc très vivement que la commission mixte paritaire l’ait rayé d’un trait de plume.

Le Sénat avait adopté en deuxième lecture, également sur notre initiative, une autre disposition majeure : les délais de paiement dérogatoires pour les matériaux destinés à la construction, à l’amélioration ou à l’entretien d’ouvrages immobiliers. Cette mesure a été supprimée par la commission mixte paritaire, mais, en dépit des arguments qui nous ont été opposés, nous restons convaincus qu’elle est indispensable. Il s’agit de donner, à un très grand nombre de TPE et PME, les moyens de s’en sortir, tout simplement.

Au surplus, nous regrettons la suppression de l’article 5 quater, qui résultait d’un amendement du RDSE sous-amendé par le Gouvernement. Le but était de mieux encadrer les pratiques des sociétés de recouvrement amiable, ce qui nous paraissait également indispensable.

Enfin, les dispositions dont nous avions obtenu l’adoption à l’article 18, et qui créaient l’obligation de proposer, comme solution alternative à toute offre de crédit renouvelable, une offre de crédit amortissable, ont été supprimées. Ce choix nous semble lui aussi tout à fait regrettable.

Monsieur le ministre, une fois de plus, la sagesse du Sénat aurait permis d’aboutir à un meilleur résultat. Je le répète, la Haute Assemblée avait approuvé les amendements du RDSE que je viens d’énumérer.

Ce projet de loi n’en demeure pas moins un très bon texte, permettant de nombreuses avancées. C’est pourquoi nous ne nous y opposerons pas. Certains d’entre nous le voteront même avec conviction ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous assistons enfin à l’aboutissement de ce projet de loi relatif à la consommation.

Voilà des années que des consommateurs, ou plutôt des citoyens demandaient droit de savoir, protection et pouvoir d’agir.

Les scandales sanitaires, les défaillances – voulues ou non – d’un bout à l’autre des chaînes de production aboutissent à des drames humains et environnementaux majeurs, nous l’avons vu encore tout récemment.

Souvenez-vous de l’épisode des lasagnes à la viande de cheval. Le journal Le Monde avait alors publié une lithographie retraçant le parcours des plats cuisinés en question : pas moins de deux traders, quatre entreprises et cinq pays étaient concernés ! C’est là un parcours symbolique du non-sens dans lequel nous nous trouvons. Et ce non-sens prêterait à rire s’il n’avait pour conséquence indirecte le creusement des inégalités sociales, et pour seul horizon la précarisation.

Peut-être certains verront-ils là un raccourci ; toutefois, je reste persuadé que la justice sociale est intimement liée aux choix économiques et que ces derniers sont eux-mêmes indissociables des enjeux environnementaux.

Aussi, je salue les dispositions du présent texte qui visent à prévenir le surendettement. Il s’agit de protéger nos concitoyens de leurs propres appétits consuméristes, face à l’incroyable pouvoir d’innovation de certains acteurs financiers, en particulier des professionnels du crédit à la consommation.

Quant au RNCP, on a beau l’appeler « fichier positif », sa mise en place constitue, qu’on le veuille ou non, une forme de fichage. Cela étant, M. le ministre est parvenu à nous convaincre du bien-fondé de ce dispositif, en insistant sur le périmètre qui lui sera assigné.

La durée de la garantie légale de conformité est portée à vingt-quatre mois. À nos yeux, cette mesure va dans le bon sens, et nous sommes très heureux qu’elle ait pu être maintenue par la commission mixte paritaire.

En revanche, je ne vous cache pas ma grande déception devant l’absence, dans le texte final, des dispositions visant à rendre gratuit l’usage du mandat-compte pour le paiement des factures d’eau et de téléphonie, même si je me réjouis que cette gratuité, adoptée en commission sur ma proposition, ait été maintenue pour la fourniture d’énergie. Je m’interroge encore sur les motifs qui ont conduit à refuser l’utilisation gratuite d’un des seuls modes de paiement auxquels certains de nos concitoyens ont accès.

J’en viens à la question de l’alimentation. Nos débats sur ce sujet, qui ont été particulièrement longs – j’en suis en grande partie responsable –, ont conduit à l’adoption de dispositions intéressantes : l’étiquetage de l’origine des viandes, la mention du « fait maison » dans la restauration – le dispositif reste cependant insuffisant à nos yeux pour permettre au citoyen consommateur de savoir ce qu’il y a dans son assiette –, la sécurisation juridique des magasins de producteurs…

Je ne m’attendais pas à être autant interpellé sur ce thème, notamment par les médias, eu égard à la modestie du volet du texte qui lui est consacré. Cela montre qu’il existe une réelle attente de davantage de transparence et de la mise en place d’une démarche vertueuse en matière de production, de transformation et de distribution, synonyme autant de qualité gustative et nutritionnelle que de reterritorialisation de l’économie alimentaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est par l’assiette que nous pourrons renouer avec la noblesse d’une agriculture de proximité, qui doit retrouver sa fonction nourricière !

Vous l’aurez compris, je ne suis pas disposé à laisser ce sujet de côté à l’avenir. Nous serons attentifs, en particulier, aux décrets d’application relatifs à la mise en place de la mention « fait maison », ainsi qu’aux positions qui seront défendues à l’échelon de l’Union européenne concernant l’étiquetage des viandes.

Je conclurai mon propos en évoquant deux autres sujets nous tenant à cœur, à nous écologistes : l’action de groupe et la lutte contre l’obsolescence programmée.

L’adoption des dispositions de ce texte concernant l’action de groupe constitue une simple première étape. Vous avez à plusieurs reprises indiqué, monsieur le ministre, que le Gouvernement souhaitait encourager la systématisation de l’action de groupe, malgré les difficultés de sa mise en place, en l’étendant à la santé et aux préjudices écologiques. Les sénateurs écologistes, qui avec d’autres sont très impliqués sur ce dossier, attendent de vos collègues chargés de la santé et de l’environnement qu’ils engagent les étapes suivantes.

Le problème de l’obsolescence programmée est reconnu, mais il n’a pas été possible d’obtenir l’inscription dans la loi de la définition de cette pratique, afin de mieux se donner les moyens d’y faire face. Cela s’est joué à une seule voix près, mais ce vote nous a profondément déçus. C’est une occasion manquée. On ne peut faire le pari de l’économie circulaire sans lutter, parallèlement, contre les pratiques visant à pousser à la consommation.

Pour que la société de consommation puisse fonctionner, il faut établir un juste équilibre entre consommation et production. Cet équilibre a été rompu, ces dernières années, en raison de la logique de court terme adoptée par certains. La surproduction a engendré une surconsommation – du moins pour ceux disposant de suffisamment de moyens – et une surexploitation de toutes les ressources, jusqu’au plus profond de la terre, mettant en péril les équilibres planétaires.

Cette loi est une étape nécessaire, mais elle n’est qu’une étape. Nous devons promouvoir sans plus attendre une consommation éthique et partagée, reposant sur une production s’inspirant des mêmes valeurs, afin d’avancer vers la sobriété heureuse chère à Pierre Rabhi.