M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le projet de loi d’habilitation dont nous débattons aujourd’hui est le fruit d’un long cheminement. Merci, madame la secrétaire d’État, de l’avoir rappelé dans votre intervention liminaire !

La question de l’accessibilité a pris corps dans le débat public à l’occasion de la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, qui, certes, avait fixé des objectifs prometteurs, mais ne s’était pas donné les moyens d’y parvenir. Il a fallu attendre trente ans, avec l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, pour qu’une nouvelle étape soit franchie. La notion d’accessibilité est alors étendue à tous les types de handicap – mental, sensoriel, psychique, cognitif, polyhandicap – et à tous les domaines de la vie en société – le cadre bâti, la voirie, les espaces publics, le transport, la citoyenneté, l’école, les services publics, les loisirs… –, et ce au bénéfice de l’ensemble de la population.

On parle désormais d’accessibilité universelle pour désigner le processus visant à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter une personne dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes. Cette démarche s’adresse non seulement aux personnes atteintes d’un handicap, mais aussi à toute personne pouvant être confrontée, un jour ou l’autre, à une difficulté de déplacement, qu’elle soit temporaire ou durable.

Loi ambitieuse, la loi de 2005 a posé un principe fort : l’obligation de mise en accessibilité du cadre bâti et des transports à l’horizon 2015.

En fixant ce cap, elle a indéniablement permis de lancer une dynamique et d’opérer progressivement un changement d’état d’esprit dans notre société.

Mme Isabelle Debré. Absolument !

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Des efforts incontestables, qui doivent être salués, ont été déployés par les acteurs concernés pour faire avancer l’accessibilité. Les progrès sont tangibles en matière tant de logements neufs, d’établissements recevant du public, les ERP, que de transports.

Pour autant, le 1er janvier 2015, la France ne sera pas au rendez-vous.

Ce constat lucide, Isabelle Debré et moi-même l’avions posé dès juillet 2012 à l’occasion de la remise de notre rapport d’information sur l’application de la loi de 2005 à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Quelques mois plus tard, une mission conjointe de trois inspections parvenait à la même conclusion.

Plusieurs raisons expliquent notre retard : un délai de parution des décrets plus long que prévu, un impact financier des travaux à mener mal évalué, voire non évalué, une mauvaise appréciation des délais nécessaires à la réalisation de l’ensemble des travaux, une réglementation trop complexe et un défaut de portage politique. Car après la promulgation de la loi et en dehors des deux conférences nationales du handicap, l’impulsion politique, insuffisante, n’a pas permis de mobiliser les acteurs de terrain, ni d’assurer une appropriation suffisante des enjeux de l’accessibilité.

Cette volonté de suivi et d’accompagnement est désormais au rendez-vous. La nécessité de poursuivre l’adaptation de notre société, en vue de la rendre plus inclusive, a en effet amené le Gouvernement à faire de l’accessibilité l’une de ses priorités. Le risque, à quelques mois des échéances, était de revenir sur la loi de 2005. Plusieurs initiatives passées l’ont malheureusement démontré, la tentation peut être grande de revenir sur les acquis de ce texte. Or le Gouvernement n’a pas fait ce choix.

Dès octobre 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault m’a confié une mission afin de faire le point sur l’état d’avancement de ce dossier et de rechercher, en concertation avec l’ensemble des acteurs, ainsi que vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, les solutions permettant à notre pays de répondre le mieux possible aux attentes légitimes suscitées par la loi de 2005. Je lui ai remis le 1er mars 2013 mon rapport intitulé « Réussir 2015 ». Parmi les quarante propositions qu’il contient, deux mesures se distinguent plus particulièrement : la mise en place des agendas d’accessibilité programmée – Ad’AP –, documents d’engagement et de programmation décidés par les maîtres d’ouvrage, et l’ajustement, dans la concertation, des normes d’accessibilité qui se révèlent peu opérationnelles.

C’est sur la base de ce rapport que le Premier ministre a décidé, lors du comité interministériel du handicap réuni, pour la première fois, le 25 septembre 2013, d’ouvrir, dès le mois suivant, deux chantiers de concertation, afin de faire évoluer de manière consensuelle le cadre juridique de l’accessibilité : un premier sur la mise en place, par voie d’ordonnance, du nouvel outil Ad’AP, afin de poursuivre la dynamique engagée par la loi de 2005 ; un second sur les normes d’accessibilité du cadre bâti, de la voirie et des transports pour les adapter à l’évolution des techniques, aux besoins des personnes handicapées et aux contraintes des opérateurs.

À la demande du Premier ministre, j’ai assuré la présidence de cette concertation, qui s’est déroulée d’octobre 2013 à février 2014, en collaboration avec Mme la déléguée ministérielle à l’accessibilité.

Permettez-moi, mes chers collègues, de m’arrêter quelques instants sur ce processus inédit, qui constitue le point de départ du projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis.

Cette concertation, qualifiée par tous de « moment historique », a été l’occasion, pour la première fois et à une telle échelle, de réunir autour d’une même table l’ensemble des parties prenantes au dossier de l’accessibilité : les associations de personnes handicapées, les représentants du commerce, de l’hôtellerie-restauration et des professions libérales, les responsables du secteur des transports, les associations d’élus locaux, les maîtres d’œuvre et d’ouvrage, les techniciens et les experts.

Au cours des cent quarante heures de réunion, j’ai pu mesurer et apprécier le respect qui a prévalu dans les discussions, l’esprit constructif et la très grande assiduité qui ont animé la centaine de participants. Ces échanges nourris ont permis – c’est là sans doute la plus grande avancée ! – à tous les acteurs de prendre conscience des attentes, des difficultés et de la réalité vécues par les uns et par les autres, tout en gardant à l’esprit la nécessité de trouver, ensemble, les moyens de faire progresser l’accessibilité.

Menée à son terme, cette concertation est parvenue à deux grandes séries de mesures.

La première grande série de mesures est l’élaboration d’un cadre national aux Ad’AP, qui deviennent un véritable instrument de politique publique.

De quoi s’agit-il ?

L’Ad’AP est un document de programmation et de financement des travaux d’accessibilité, structuré en une ou plusieurs périodes opérationnelles, qui permettra aux acteurs n’étant pas en conformité avec les règles d’accessibilité posées par la loi de 2005 de s’engager sur un calendrier précis et resserré.

C’est un acte d’engagement volontaire qui ne se substitue pas à la loi de 2005, mais la complète. Il s’adresse aux maîtres d’ouvrage et aux exploitants des ERP publics et privés, quelle que soit leur catégorie, ainsi qu’aux autorités organisatrices de transport de voyageurs.

Cet outil, cohérent et opérationnel, est le fruit d’un véritable équilibre entre les attentes légitimes des uns et les difficultés à agir des autres. Il n’est en effet pas imaginable de retrouver, dans quelques années, la même situation que celle que nous connaissons aujourd’hui : il faut donc que l’Ad’AP soit attractif et crédible aux yeux de chacun.

Attractif et crédible, l’Ad’AP l’est, tout d’abord, pour les associations de personnes handicapées en ce qu’il garantit que les objectifs de mise en accessibilité seront tenus.

Les dossiers d’engagement à entrer dans une procédure d’Ad’AP devront être déposés avant le 31 décembre 2014, puis validés par le préfet. L’engagement dans un Ad’AP est irréversible : un dossier validé devra être mené à son terme. En l’absence d’Ad’AP, le non-respect de l’échéance du 1er janvier 2015 sera, sauf dérogation validée, toujours passible des sanctions pénales prévues par la loi de 2005. Il n’y aura pas d’« année blanche » : la programmation des travaux sera échelonnée sur une, deux ou trois périodes et, dès la première année, l’amélioration de l’accessibilité devra être constatée. Des points de contrôle régulier jalonneront toute la procédure, à la fin de la première année, puis au terme de chaque période. Des sanctions financières graduées seront appliquées en cas de non-respect des engagements pris dans le cadre de l’agenda. Dans le domaine des transports, des obligations assorties de sanctions seront fixées en termes de formation des personnels, d’information des usagers et d’accessibilité du parc de matériel roulant routier.

Attractif et crédible, l’Ad’AP l’est, ensuite, pour les gestionnaires d’ERP et de services de transport en ce qu’il constitue une solution adaptée et réaliste pour se mettre en conformité avec la loi de 2005.

Ainsi, l’élaboration d’un Ad’AP permettra de ne pas s’exposer aux sanctions pénales instaurées par la loi de 2005 et de poursuivre au-delà du 1er janvier 2015 les travaux de mise en accessibilité. La procédure d’Ad’AP sera simplifiée pour les ERP de cinquième catégorie, qui constituent la grande majorité des établissements recevant du public. Les dossiers d’Ad’AP pourront être déposés dans un délai d’un an suivant la publication de l’ordonnance, à condition que l’engagement ait été pris avant le 31 décembre 2014. L’obligation d’accessibilité des points d’arrêt et des gares fera l’objet d’une priorisation. Le droit au transport des enfants handicapés scolarisés est réaffirmé autour du projet personnalisé de scolarisation, le PPS.

Au final, c’est bien une démarche d’équilibre, de pragmatisme et de confiance raisonnée, ainsi que je le recommandais dans mon rapport intitulé « Réussir 2015 », qui a prévalu. Non seulement nous n’abandonnons pas l’échéance du 1er janvier 2015, mais nous nous donnons les moyens de poursuivre la dynamique au-delà de cette date.

La seconde série de mesures concerne l’évolution des normes d’accessibilité.

Tout en maintenant l’important corpus juridique issu de la loi de 2005, l’objectif de cet autre volet de la concertation était d’adapter les dispositions techniques et réglementaires, afin de les rendre plus lisibles et plus efficientes. Certaines d’entre elles sont en effet trop souvent perçues comme un frein au progrès et à l’innovation. De même, on a trop tendance aujourd’hui à privilégier le respect strict de la norme plutôt que la qualité d’usage.

Un autre impératif était de mieux prendre en compte toutes les formes de handicap, conformément à l’objectif d’accessibilité universelle.

Là aussi, grâce à une écoute réciproque et à une ferme volonté de trouver des solutions partagées, de nombreuses recommandations ont vu le jour. Parmi celles-ci, je citerai : l’assouplissement de certaines normes pour le cadre bâti ; la simplification et la clarification des exigences dans les secteurs du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration ; l’amélioration de la sécurité des déplacements et du repérage dans l’espace ; la généralisation de la formation des personnels d’accueil ; l’obligation d’information des usagers des ERP avec la création d’un registre d’accessibilité tel que vous l’avez décrit, madame la secrétaire d’État ; le développement du sous-titrage dans les lieux publics.

C’est sur la base des deux rapports de conclusion de la concertation que le Premier ministre a confirmé, le 26 février dernier, que les mesures relevant du domaine législatif, comme la création des Ad’AP, feront l’objet d’un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance, et que les autres mesures, notamment celles qui sont issues du chantier « environnement normatif », seront mises en œuvre par voie réglementaire dans le même calendrier resserré.

Comme vous tous, mes chers collègues, je suis toujours réservée lorsqu’un gouvernement, quel qu’il soit, décide de recourir à la procédure prévue à l’article 38 de la Constitution pour accélérer la mise en œuvre de sa politique. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)

Mme Isabelle Debré. Nous aussi !

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Si le recours aux ordonnances ne saurait être un mode habituel d’élaboration de la loi, il est cependant justifié dans des domaines précisément circonscrits, comme celui de l’accessibilité. J’y vois là trois raisons.

Premièrement, l’urgence de la situation.

À quelques mois de l’échéance du 1er janvier 2015, seules les ordonnances nous permettent de rester dans les temps. Je vous rappelle que les Ad’AP doivent être opérationnels très rapidement, afin de permettre aux acteurs concernés de faire part, avant le 31 décembre 2014, de leur intention de recourir à ce nouvel outil. À défaut, je le répète, ce sont les sanctions pénales prévues par la loi de 2005 qui s’appliqueront.

Deuxièmement, la technicité du sujet.

La concertation l’a montré, l’accessibilité est un dossier d’une très grande complexité, sur lequel il est très difficile de trouver un équilibre entre les positions des uns et des autres. Nous nous en sommes approchés, nous y sommes parfois parvenus, mais la confiance mutuelle demeure fragile.

Troisièmement, enfin, l’approbation du monde associatif.

Le monde associatif voit, dans cette méthode, le seul moyen de mettre rapidement en place les outils nécessaires à la poursuite de la dynamique en cours.

J’en viens à présent au projet de loi d’habilitation à proprement parler, qui se compose de quatre articles.

L’article 1er habilite le Gouvernement à créer, pour les ERP, le nouveau dispositif des Ad’AP.

Au-delà du contenu de l’agenda, l’ordonnance définira les procédures applicables à son dépôt, à sa validation et au suivi de l’avancement des travaux prévus. Elle précisera également les délais de réalisation des actions de mise en accessibilité et le régime des sanctions administratives encourues en cas de non-respect des engagements pris.

L’article 1er autorise également l’adaptation, sur la base des recommandations de la mission de concertation, de certaines obligations prévues par la loi de 2005 en matière d’accessibilité des établissements recevant du public et des bâtiments d’habitation.

L’article 2 habilite le Gouvernement à instituer, pour les services de transport public de voyageurs, un dispositif comparable à celui qui est prévu pour les établissements recevant du public : le schéma directeur d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée, ou SDA-Ad’AP. Sur le modèle de l’article 1er, l’ordonnance définira l’ensemble des procédures applicables au SDA-Ad’AP.

S’inspirant des conclusions de la mission de concertation, l’article 2 habilite aussi le Gouvernement à adapter les obligations incombant aux services de transport public de voyageurs en matière de points d’arrêt et d’accessibilité du matériel roulant.

L’article 3 habilite le Gouvernement à prendre diverses mesures relevant du domaine de la loi et correspondant aux préconisations de la concertation. Je pense en particulier à l’assouplissement, pour les petites communes, de l’obligation d’élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, un PAVE, et à l’autorisation plus large des chiens guides d’aveugle et des chiens d’assistance dans les transports et dans les lieux publics.

Je pense aussi à l’élargissement de la composition et des missions des commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées, ainsi qu’au changement d’appellation de ces commissions. Je pense enfin à la création d’un fonds dédié à l’accompagnement de l’accessibilité universelle, dont les ressources proviendront des sanctions financières prononcées dans le cadre des Ad’AP et des SDA-Ad’AP, et à l’adaptation à l’outre-mer de certaines mesures prévues aux articles 1er à 3.

Quant à l’article 4, il fixe à cinq mois suivant la publication de la loi le délai pendant lequel les ordonnances devront être prises par le Gouvernement ; il fixe à cinq mois également, à compter de la publication de chaque ordonnance, le délai de dépôt du projet de loi de ratification correspondant.

Le Gouvernement a d’ores et déjà fait part de son intention de publier les ordonnances au début de l’été, ce dont je me félicite.

Après un débat nourri et constructif, comme toujours lorsqu’il s’agit de politique du handicap, la commission des affaires sociales a adopté le projet de loi d’habilitation sans modification. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)

Néanmoins, ce texte a suscité de nombreuses interrogations chez nos collègues, ce qui est légitime. Notre débat de cet après-midi permettra, j’en suis sûre, de leur apporter des réponses précises, qui emporteront leur adhésion.

Je souhaite, pour finir, insister sur un aspect qui me paraît fondamental : le nécessaire effort de pédagogie et de communication.

Madame la secrétaire d’État, il est certain que le chantier de l’accessibilité a, jusqu’à présent, pâti d’un manque d’accompagnement des acteurs de terrain. Ne reproduisons pas les erreurs passées ! Le nouveau dispositif des Ad’AP aura besoin d’être expliqué, tant aux professionnels qu’aux personnes handicapées et à leurs représentants associatifs locaux.

Je suis d’autant plus convaincue de l’utilité de cette pédagogie que j’ai pu constater combien la diffusion d’informations erronées pouvait avoir des effets dévastateurs (Mme la secrétaire d’État opine.) : ainsi, les différents délais de mise en œuvre des Ad’AP ont été présentés par certains médias comme un report de dix ans de l’échéance de 2015, interprétation qui ne repose évidemment sur aucun fondement.

Conscient de cet enjeu de communication, le Gouvernement a décidé, comme Mme la secrétaire d’État l’a annoncé, d’agir dans trois directions : le recrutement dès cette année de 1 000 ambassadeurs de l’accessibilité, qui auront pour tâche de faire connaître la réforme, la mise en place d’un accompagnement financier des collectivités territoriales et des entreprises par la Caisse des dépôts et consignations et par Bpifrance et le lancement, dans les prochaines semaines, d’une grande campagne de communication, à destination d’abord des professionnels puis du grand public. Ces actions sont essentielles.

En tant que nouvelle présidente de l’Obiaçu, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, je m’impliquerai personnellement et très fortement dans ce combat, car je suis profondément convaincue qu’il y va de la cohésion et de l’avenir de notre société ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes Aline Archimbaud, Jacqueline Gourault et Isabelle Debré, ainsi que M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission du développement durable s’est saisie pour avis des deux volets du projet de loi d’habilitation qui entrent plus particulièrement dans son champ de compétences : les dispositions relatives au transport, qui figurent à l’article 2, et celles qui touchent à l’aménagement de la voirie, inscrites à l’article 3.

Certes, il s’agit d’un projet de loi d’habilitation ; nous savons tous que notre assemblée, comme Mme la rapporteur vient de le rappeler, est souvent réticente face à cette procédure. Reste qu’il y a urgence à agir, ainsi que vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État.

Le projet de loi est présenté dans le cadre d’une démarche de très large concertation et après un travail approfondi. D’ailleurs, notre commission a salué l’état d’esprit dans lequel il a été conçu : on s’est efforcé de trouver un équilibre entre l’ambition d’une accessibilité effective des transports et des aménagements de voirie à compter de 2015 et les difficultés de ceux qui doivent mettre en œuvre cette accessibilité, en particulier celles des collectivités territoriales.

L’objectif fixé pour 2015 n’a jamais été remis en cause depuis la loi de 2005 ; il ne saurait l’être aujourd’hui.

L’équilibre sur lequel repose le projet de loi n’aurait pas pu être atteint sans la détermination de notre collègue et rapporteur Claire-Lise Campion. Après avoir écrit plusieurs rapports sur ce thème, elle a été appelée par le Premier ministre à conduire deux missions de concertation, d’une ampleur sans précédent, avec les associations de personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, les représentants des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de transports et les acteurs économiques concernés.

Ces longs mois de travail, dont je tiens à souligner la valeur, ont permis de définir un ensemble de mesures à prendre pour assurer l’application réelle de la loi de 2005.

L’approche retenue par Claire-Lise Campion, réaliste et pragmatique, est la bonne. En particulier, elle répond aux difficultés des élus de terrain, qui ont été nombreux à nous alerter ces derniers temps. Mes chers collègues, pour avoir nous-mêmes exercé des responsabilités locales, nous savons quel défi représente la mise en accessibilité de l’ensemble de nos services publics et de l’espace public pour nos concitoyens en situation de handicap ou à mobilité réduite, et quels moyens financiers doivent être mobilisés dans la durée.

L’objectif d’accessibilité, nous en sommes tous des partisans convaincus. Seulement, il n’est pas contestable que sa mise en œuvre concrète s’est avérée complexe : non du fait d’une mauvaise volonté, mais parce que les moyens sont limités et les normes trop abondantes et complexes, au point d’être, dans certains cas, impossibles à respecter.

De ce point de vue, le Gouvernement a adopté une démarche réaliste. Les propositions qui sont faites tiennent compte du coût des mesures de mise en accessibilité ; celui-ci a été évalué, ce qui n’était pas le cas en 2005. Elles prennent en compte aussi les moyens de ceux qui mettent en œuvre ces mesures, des moyens dont nous savons bien qu’ils ne sont pas les mêmes pour tous.

Dans cet esprit, l’article 3 du projet de loi dispense les communes de moins de 500 habitants de l’obligation d’élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, un PAVE ; en outre, il limite ce plan aux axes les plus fréquentés pour les communes qui comptent entre 500 et 1 000 habitants.

Ces seuils ne sont pas inscrits en tant que tels dans le projet de loi, mais ils ont été recommandés par la mission de concertation, dont les conclusions, nous dit-on, seront reprises dans les ordonnances. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous confirmer que tels seront les seuils prévus ?

Lors de la présentation de mon rapport verbal devant la commission du développement durable, cette mesure attendue a fait l’unanimité – M. Vall, président de notre commission, s’en souvient. Elle devrait apporter une réponse concrète aux difficultés rencontrées par les petites communes, dont nous savons qu’elles ne disposent pas des ressources techniques ni des crédits d’ingénierie nécessaires pour élaborer ces plans.

La possibilité d’adapter l’accessibilité des transports scolaires et de la recentrer sur les demandes individuelles d’aménagement formulées par les personnes concernées a été conçue dans le même esprit et accueillie avec la même unanimité.

Alors que la loi de 2005 ne distinguait pas ce type de transport des autres, imposant une accessibilité uniforme du réseau desservi dans le cadre du transport scolaire, la formule prévue par le projet de loi est réaliste. De fait, la parfaite application des dispositions antérieures pouvait entraîner des dépenses disproportionnées pour certaines collectivités territoriales.

La méthode employée, consistant à cibler les aménagements prioritaires, est pragmatique. Elle repose sur le constat que toutes les infrastructures ne peuvent pas être rendues accessibles en même temps ; celles-ci le seront donc suivant un calendrier échelonné, lequel restera toutefois impératif – j’y insiste –, puisque des procédures de suivi de l’avancement des opérations sont prévues.

Tel est le sens des schémas directeurs d’accessibilité–agendas d’accessibilité programmée, les SDA-Ad’AP. Dans ces agendas, qui prendront la suite des schémas directeurs d’accessibilité, les autorités compétentes en matière de transport devront prendre des engagements précis en ce qui concerne l’accessibilité.

Ces engagements devront être assortis d’un calendrier de réalisation inférieur à une certaine durée. La mission de concertation a arrêté les durées suivantes : trois ans pour les transports urbains, six ans pour les transports interurbains et neuf ans pour le transport ferroviaire. Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que telles seront bien les durées inscrites dans les ordonnances ?

C’est aussi par souci de pragmatisme qu’a été posé, à l’article 2, le principe suivant lequel les points d’arrêt des transports urbains et des transports routiers non urbains qui doivent être aménagés sont ceux qui revêtent un caractère prioritaire au regard de critères qui seront déterminés par l’ordonnance. Celle-ci précisera également les obstacles techniques qui empêchent la mise en accessibilité de certains arrêts et rendent obligatoire la mise en place de transports de substitution.

Alors que la loi de 2005 imposait une mise en accessibilité de l’ensemble des équipements dans un délai relativement court – dix ans –, le projet de loi prévoit qu’on se concentrera, dans un premier temps, sur les infrastructures les plus fréquentées ou situées à proximité d’autres équipements accessibles. Cette hiérarchisation des priorités est une mesure de bon sens, qui ne remet pas en cause l’objectif final d’accessibilité.

Le projet de loi complète aussi la loi de 2005, par exemple en étendant l’obligation d’accessibilité du matériel roulant, aujourd’hui circonscrite au renouvellement du matériel. L’objectif est de fixer une proportion du parc de matériel roulant routier devant être accessible lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’un service public. Cette mise en accessibilité sera néanmoins progressive : elle s’étendra jusqu’en 2030, si nous avons bien compris, compte tenu de la durée de vie des matériels.

Pour conclure, je tiens à répéter que l’équilibre formé par cet ensemble de mesures est le fruit de longs mois de travail, de concertation et de négociations entre les différentes parties prenantes. La remise en cause de cet équilibre, dont Mme la rapporteur a souligné l’importance, serait extrêmement préjudiciable à notre volonté commune d’assurer l’accessibilité des transports publics et de la voirie, comme celle des établissements recevant du public. Outre qu’il y a urgence à agir, cette raison justifie pleinement, à mon sens, le recours à des ordonnances.

C’est dans cet état d’esprit que la commission du développement durable, parfaitement consciente des enjeux, a examiné le projet de loi. Je suis particulièrement fier de vous annoncer qu’elle s’est prononcée, à l’unanimité, en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)