Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, j’approuve les mesures d’économie, mais il est très important que l’on n’y ajoute pas, dans le même temps, des dépenses supplémentaires.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui !

M. Jean Louis Masson. À cet égard, l’attitude du précédent ministre de l’éducation nationale était selon moi tout à fait scandaleuse et dépourvue de tout sens des responsabilités. Quand on n’a pas assez d’argent, on commence par éviter d’ajouter des dépenses !

Par ailleurs, vous m’avez fait remarquer que 221 questions écrites, cela faisait beaucoup. Vous avez tout à fait raison, mais plus de 200 d’entre elles sont en fait des questions en attente de réponse depuis neuf mois. Si le ministère de l’intérieur avait fait son travail, il n’y en aurait pas 221, mais seulement 10 ou 15, et je ne vous en aurais même pas parlé ! Le seul et unique responsable de ce problème est le ministre, qui n’a pas répondu dans les délais. Il serait temps qu’il le fasse ! Si tel avait été le cas, je ne vous aurais pas importunée ; en effet, ce genre de situation n’est jamais agréable. Mais enfin, 221 questions écrites sans réponse, cela interpelle...

situation de l'emploi chez l'industriel et équipementier des télécommunications alcatel-lucent

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 697, adressée à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

Mme Claire-Lise Campion. Le 8 octobre 2013, faisant face à de graves difficultés financières, la direction d’Alcatel annonçait un nouveau plan de restructuration appelé « Shift ». Il s’agit du sixième plan social depuis 2006, c’est-à-dire depuis la fusion des entités Alcatel et Lucent.

Au gré de restructurations itératives, le groupe a vu ses effectifs de salariés fondre en France. Aujourd’hui, avec le plan Shift, ce sont près de 900 emplois qui sont menacés sur le territoire national. Le plan prévoit en effet un recentrage de l’activité sur les sites de Villarceaux et de Lannion, la fermeture des sites de Rennes et de Toulouse ainsi que la cession des sites d’Eu, d’Ormes et d’Orvault.

En Île-de-France, sur le site de Nozay, qui compte 3 277 salariés et qui est situé dans le département de l’Essonne dont je suis l’élue, 509 suppressions de postes sont prévues en 2014, tant dans l’avant-vente que dans l’après-vente.

Soulignons opportunément que, en dépit du soutien dont bénéficie Alcatel via des crédits d’impôts incitatifs, le groupe n’épargne pas les forces vives de son secteur recherche et développement. Ce dernier point suscite l’incompréhension des partenaires sociaux, qui s’interrogent sur l’usage et le gain de compétitivité tiré de ces crédits incitatifs, qu’ils jugent au service d’une stratégie de recherche et développement trop peu lisible.

Sous l’impulsion du Gouvernement, des discussions se sont engagées avec la direction. Les échanges ont débouché sur une première révision du volet français du plan Shift. Il s’agit là d’un premier pas en direction du maintien de l’emploi qui doit en appeler d’autres.

Au-delà de la question de l’emploi, les organisations syndicales ont manifesté leur volonté de jouer pleinement leur rôle de partenaire en formulant des propositions d’orientation stratégique, tel le développement de l’activité autour du domaine de la cyber-sécurité. Elles souhaitent ainsi participer à la rénovation d’un fleuron de la technologie française et s’assurer que cette nouvelle restructuration marquera le point final d’une longue série.

Aussi, je souhaitais demander à M. le ministre de l’économie de m’indiquer les mesures envisagées par le Gouvernement sur ce dossier, au regard de cet objectif : la préservation au mieux de l’emploi, tout en créant les conditions d’un avenir industriel au cap éclairé, pérenne et ambitieux pour le dernier constructeur de matériel de télécommunications en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Madame la sénatrice, la question que vous posez m’intéresse particulièrement, car, même si un ministre n’est plus qu’un ministre, je viens d’une région où se trouve l’un des établissements d’Alcatel-Lucent devant lequel je passe régulièrement. Vous avez eu raison de l’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat.

Dans le contexte actuel, où les résultats financiers négatifs continuent de mettre en danger la pérennité de l’entreprise, le groupe Alcatel-Lucent, confronté à de profondes difficultés, est face à la nécessité de prendre des mesures propres à préserver sa pérennité. Vous avez à juste titre souligné la position des élus et des syndicats.

Le plan de redressement en trois ans mis en œuvre par la direction d’Alcatel-Lucent vise à recentrer le groupe sur ses atouts forts et à faire du généraliste d’équipements de télécommunications un spécialiste des réseaux à très haut débit fixe et mobile et de l’internet protocole, segments sur lesquels il dispose de savoir-faire reconnus et générateurs de valeur ajoutée. C’est une évolution forte pour le groupe qui entend ainsi capitaliser sur ses domaines d’excellence.

Le rebond d’Alcatel-Lucent est une nécessité pour l’industrie française. Il passe non seulement par le renforcement d’un point de vue industriel, mais également par la solidarité entre les différents acteurs de la filière. L’appel au patriotisme économique que mon collègue Arnaud Montebourg a lancé en direction des opérateurs de télécommunications français s’est d’ores et déjà traduit par la signature de premiers partenariats, lesquels doivent en appeler d’autres.

Les premiers mois de mise en œuvre du plan Shift ont déjà produit des résultats encourageants. Ainsi, la perception par le marché du risque représenté par Alcatel-Lucent a changé : de nouveaux partenariats stratégiques ont été signés, notamment avec Qualcomm dans les small cells. En outre, de nouveaux clients lui ont fait confiance, ce qui, même si ce n’est pas suffisant, a rassuré une partie des syndicats : je pense au contrat avec Telefonica sur la 4G prévoyant le déploiement de 8 000 stations, soit 60 % du déploiement total de Telefonica en Espagne, au contrat 4G remporté en Chine avec China mobile, aux deux contrats majeurs de déploiement du très haut débit fibre en Espagne.

Parallèlement, sans remettre en question la nécessité de cette nouvelle restructuration, vous le savez et je vous remercie de l’avoir souligné, le Gouvernement a appelé Alcatel-Lucent à faire ses meilleurs efforts pour préserver sa base industrielle en France et à y maintenir le plus grand nombre d’emplois. Le discours qu’a prononcé hier le Président de la République devant l’ensemble des préfets et directeurs de notre administration allait dans ce sens.

Arnaud Montebourg a demandé à Alcatel-Lucent de formuler des propositions concrètes, d’une part, sur la réduction du nombre de suppressions d’emplois prévues en France et, d’autre part, sur la mise en place de solutions de substitution sur les sites dont l’entreprise envisage de se désengager, pour y maintenir une activité industrielle.

À ce stade, la suppression de 637 postes au lieu des 877 initialement prévus, soit 240 postes préservés, n’est bien sûr pas de nature à satisfaire tous les salariés. Toutefois, nous notons aussi le transfert à des partenaires d’environ 700 emplois et près de 500 mobilités dans le groupe. Cette annonce résulte d’un processus de concertation avec les organisations syndicales que le Gouvernement a fortement encouragé et soutenu.

Les postes préservés concerneront essentiellement la région parisienne. En effet, conscient de son rôle majeur dans le développement d’une filière télécom d’excellence en France, Alcatel-Lucent a décidé de maintenir la recherche du groupe en France en la réorientant vers les technologies du futur et en renforçant les effectifs de recherche et développement sur ces technologies : réseaux internet IP, cloud et accès très haut débit fixe et mobile. Villarceaux deviendra ainsi le premier centre de recherche et développement du groupe en Europe et sera la vitrine d’Alcatel-Lucent en France. En outre, 200 jeunes techniciens et ingénieurs seront recrutés afin d’acquérir de nouvelles compétences et d’augmenter le potentiel d’innovation des équipes. Madame la sénatrice, je vous remercie du soutien que vous avez apporté à toutes ces discussions.

Quant au site de Lannion, tourné vers la 4G, les technologies et logiciels IP, il voit également sa place au sein d’Alcatel-Lucent renforcée par ce plan.

J’en viens au site d’Orvault. La solution de substitution présentée par Alcatel-Lucent d’un maintien d’activité sur le site dont la montée en charge sera accompagnée par des commandes d’Alcatel-Lucent s’inscrit dans une dynamique de renforcement de la filière. Les interrogations qui demeurent sur les modalités de fonctionnement de ce partenariat, ainsi que sur les solutions proposées pour d’autres sites, appellent la direction d’Alcatel-Lucent à poursuivre ses efforts pour répondre aux inquiétudes légitimes exprimées par les salariés. Arnaud Montebourg n’a pas manqué de le rappeler. Il entend aujourd'hui votre préoccupation, madame la sénatrice.

Le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique se veut confiant dans la construction de ce pacte de responsabilité à l’échelle de la filière télécom. Il vous appelle à partager sa confiance. Le partenariat annoncé par SFR et les partenariats à venir avec d’autres opérateurs démontrent l’efficacité de l’appel au patriotisme économique dans un secteur où les enjeux de souveraineté pèsent fortement. La désignation d’Alcatel comme chef de file de l’un des trente-quatre plans industriels, appelé « souveraineté télécoms », s’inscrit dans la même démarche de consolidation de la filière télécom française.

C’est toute la cohérence de la politique du Gouvernement. Comme l’a indiqué Michel Combes, le patriotisme économique est acquis chez nos concurrents. Le Gouvernement se félicite donc qu’il progresse pareillement chez nous.

Le soutien de tous les élus est nécessaire, tout comme l’est l’apport extrêmement précieux que peuvent apporter les salariés. Vous avez donc eu raison de souligner la qualité du travail des organisations syndicales françaises. Je profite de mon intervention pour le dire à mon tour : leur réalisme, leur inventivité, leur connaissance des dossiers permettent souvent au Gouvernement et aux élus de mieux sensibiliser les groupes au patriotisme économique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse aussi détaillée que complète. Je suis très satisfaite d’entendre que la signature de ces premiers partenariats doit en appeler d’autres. J’ai pleinement confiance, et je resterai très attentive à la suite que le Gouvernement donnera à ce dossier.

Je vous remercie tout particulièrement de vos propos, que je partage, sur l’inventivité et la qualité du travail de nos organisations syndicales. Je leur en ferai part, et je ne doute pas qu’elles les apprécieront.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

situation de l'industrie cimentière

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, auteur de la question n° 692, adressée à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

M. Jean-Claude Leroy. Cette question importante porte sur la situation de l’industrie cimentière française.

L’industrie cimentière française se trouve en difficulté, la consommation de ciment en France ayant fortement baissé durant ces dernières années. Alors que 21,4 millions de tonnes de ciment ont été consommées en 2011, la consommation en 2012 a été de 19,9 millions de tonnes, ce qui représente une baisse de près de 7 %. Selon les estimations, la chute de la consommation de ciment aurait été de l’ordre de 9 % en 2013.

Parallèlement, cette industrie doit faire face à une concurrence étrangère de plus en plus importante, que l’on peut qualifier de déloyale. Les importations de ciment continuent de progresser, de l’ordre de 5 %, passant de 1,8 million de tonnes en 2011 à 1,9 million en 2012. Environ 10 % du ciment consommé en France est désormais importé. Les cimentiers sont ainsi confrontés à l’introduction de ciment et de clinker importés de pays aux normes sociales et environnementales beaucoup moins contraignantes que celles qui sont appliquées en France, ce qui engendre des surcoûts de l’ordre de 10 % à 20 %.

Si le respect des normes environnementales est primordial et n’est aucunement remis en cause par l’industrie cimentière, il place cette dernière dans une position défavorable par rapport à ses concurrents étrangers. Les professionnels du secteur estiment en effet l’empreinte carbone de certains ciments importés supérieure de 75 % à celle d’un ciment produit en France.

Devant cette situation, la mise en place de mesures visant à éviter cette concurrence déloyale et à restaurer la compétitivité de l’industrie française a été évoquée. L’instauration d’une fiscalité écologique afin de taxer les importations qui ont des empreintes carbone trop élevées est l’une d’entre elles.

Par ailleurs, l’industrie cimentière est fortement pénalisée par le prix de l’énergie, qui augmente en Europe et qui diminue dans le reste du monde. Ce coût est capital pour ce secteur très gros consommateur d’énergie. La prise en compte des spécificités de l’industrie dans le cadre du débat sur la transition énergétique permettrait de limiter cette hausse des coûts de l’énergie.

C’est dans ce contexte qu’a été récemment annoncée la fusion entre les groupes Lafarge et Holcim. Si l’objectif affiché est de réaliser des synergies, estimées à hauteur de 1,4 milliard d’euros annuels au bout de trois ans, ce rapprochement suscite beaucoup d’inquiétudes, notamment dans le Pas-de-Calais sur le site de Lumbres, canton dans lequel je suis également élu. Les cessions d’actifs auxquelles vont procéder ces entreprises pour satisfaire aux exigences des autorités de la concurrence font craindre des réorganisations et des reconfigurations de sites, avec des conséquences sur l’emploi.

Ma question, madame la secrétaire d'État, est donc double : d’une part, pouvez-vous donner des indications sur les suites que M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique entend donner aux différentes solutions précédemment mentionnées et qui ont été évoquées à plusieurs reprises devant les représentants du secteur ? D’autre part, au vu de l’actualité, pouvez-vous rassurer les salariés concernés et donner des garanties quant au soutien apporté à l’industrie cimentière française et à ses emplois ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Arnaud Montebourg. Il connaît votre engagement en faveur de l’industrie cimentière et m’a demandé de vous transmettre sa réponse aujourd’hui.

Vous le savez, la compétitivité des entreprises françaises est au cœur des préoccupations quotidiennes du ministère de l’économie et du redressement productif. Les cimenteries font partie de la filière des industries extractives et de première transformation pour lesquelles Arnaud Montebourg a installé un comité stratégique de filière en mai dernier. Ce comité rassemble toute la filière comme l’aluminium, l’acier, les métaux non ferreux, le verre, les minéraux industriels, les granulats et le ciment ; il a beaucoup travaillé pour produire un contrat de filière, qui sera signé très prochainement. Ce contrat comportera de nombreuses mesures et engagements réciproques des entreprises et de l’État en matière de compétitivité qui s’appliqueront aux cimenteries.

Concernant la question spécifique des émissions de carbone, selon la directive sur les quotas d’émissions de CO2, dite directive ETS – European Trading Scheme –, les secteurs exposés au risque de fuite de carbone bénéficient de quotas gratuits. Pour le secteur cimentier qui vous intéresse, monsieur le sénateur, des allocations de quotas sont calculées en référence aux émissions des meilleures cimenteries européennes.

La Commission européenne revoit tous les cinq ans la liste des secteurs exposés au risque de délocalisation. L’industrie cimentière avait été inscrite lors de l’évaluation de 2009 en raison de l’importance du coût du CO2 dans la valeur ajoutée du secteur. Elle s’apprête à revoir la liste des secteurs exposés à ce risque pour la période 2015-2019.

La position française, exprimée dans la réponse à la consultation de la Commission européenne sur le Livre vert « énergie-climat 2030 », est sans ambiguïté en faveur de la stabilité de la liste : « En tout état de cause, à ce stade, il n’apparaît pas souhaitable que la liste des secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuites de carbone, telle que définie par décision de la Commission, soit restreinte dans son périmètre. »

Nous serons bien entendu vigilants quant à cet objectif comme sur la compétitivité de la filière industrie extractive et de première transformation en général.

Vous avez également abordé la fusion entre Lafarge et Holcim. M. Arnaud Montebourg a pu échanger avec le président de l’entreprise Lafarge récemment. Il a exprimé la grande vigilance du Gouvernement sur ce que la France peut en tirer comme avantages, sur la préservation du niveau d’investissements en France et sur le maintien absolu de l’emploi.

Les premières informations dont il dispose sont encourageantes : le centre de recherche et développement pourrait devenir le centre de recherche mondial du nouvel ensemble. Les conséquences d’un éventuel transfert du siège social vers la Suisse font l’objet d’un examen extrêmement attentif.

En ce qui concerne plus particulièrement le site de Lumbres, le Gouvernement est en mesure de vous apporter de premiers éléments de réponse. S’il existe aujourd’hui plusieurs sites cimentiers dans le Nord-Pas-de-Calais, la cimenterie de Lumbres est la seule détenue par le futur rassemblement Holcim-Lafarge.

Lors d’une conférence de presse tenue le 7 avril dernier à Paris, le président d’Holcim, Rolf Soiron, et le président-directeur général de Lafarge, Bruno Lafont, ont indiqué : « Il n’y aura aucune fermeture d’usines et l’impact sur l’emploi sera très limité ». L’avenir du site de Lumbres sera suivi avec la même vigilance que l’ensemble du groupe.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que le ministère est en mesure de vous livrer à ce jour. L’équipe d’Arnaud Montebourg se tient à votre entière disposition si vous souhaitiez obtenir des explications complémentaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Leroy.

M. Jean-Claude Leroy. Je remercie Mme la secrétaire d’État de la qualité de sa réponse.

distorsion de concurrence entre la restauration et la grande distribution

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, en remplacement de M. Michel Bécot, auteur de la question n° 702, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

M. Christian Cambon. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Michel Bécot, qui n’a pas pu se libérer ce matin en raison d’un empêchement important.

M. Michel Bécot souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la distorsion de concurrence liée aux taux de taxe sur la valeur ajoutée différenciés entre la restauration et la grande distribution.

Dans de très nombreux établissements citadins d’enseignes de grandes et moyennes surfaces, il est aujourd’hui assez fréquent de trouver entre les caisses et les portes de sortie un espace de « détente » aménagé de tables, de chaises et de fours à micro-ondes.

Constatant que ce type d’établissement vend des pizzas prêtes à être réchauffées, des quiches, des sushis, et ce comme les restaurants, les professionnels de la restauration constatent chaque jour davantage de distorsion de concurrence en raison du taux de TVA facturé aux consommateurs selon qu’ils achètent ces produits dans des enseignes de grandes et moyennes surfaces ou au sein de restaurants.

En d’autres termes, quand un restaurant facture une vente à un taux de TVA de 10 %, un établissement de grande et moyenne surface facture, lui, le même service à un taux de TVA de 5,5 %, soit au taux de TVA applicable à la vente à emporter.

De ce fait, les enseignes de grandes et moyennes surfaces, compte tenu du flou qu’elles entretiennent sur l’activité de snacking créée à leurs portes, bénéficient de presque 5 points de TVA d’écart comparé aux établissements de la restauration.

Il est aisément compréhensible que cela suscite l’étonnement, pour ne pas dire la colère des professionnels de la restauration que nous tentons ici, par diverses initiatives parlementaires, de soutenir. Aussi, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre en vue de mettre fin à cette distorsion de concurrence ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, les préoccupations que vous évoquez sont légitimes. Ma réponse sera d’ordre fiscal, et donc forcément un peu technique.

S’agissant du secteur de la restauration, il convient tout d'abord de rappeler qu’en contrepartie de l’avantage fiscal accordé en 2009 par le Gouvernement dans le cadre d’un « contrat d’avenir » – le taux de TVA passant de 19,6 % à 5,5 % avant de remonter à 7 % au début de 2012 –, les professionnels du secteur avaient pris des engagements en matière d’emploi, de prix et d’investissements. Le bilan du contrat d’avenir dressé par le ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme, en concertation avec les professionnels, à la fin de l’année 2012, a fait ressortir les efforts accomplis par la profession, en particulier en matière de création d’emplois et d’amélioration des conditions de travail des salariés de la restauration. Ce bilan a également permis d’identifier des marges de progression pour ce qui concerne plus spécifiquement la formation et la lutte contre le travail illégal.

À l’issue de ce bilan, le Gouvernement a pris la décision de maintenir l’application d’un taux intermédiaire de TVA à la restauration et demandé au secteur de poursuivre ses efforts, notamment en matière de création d’emplois. Au 1er janvier 2014, le taux intermédiaire de TVA, qui concerne la restauration mais pas seulement, a été relevé de 7 % à 10 %. Rappelons que la refonte des taux de TVA intervenue en début d’année a pour but de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui vise à améliorer la compétitivité de nos entreprises. Malgré tout, le secteur de la restauration continue de bénéficier d’un taux largement inférieur au taux normal de TVA, qui est de 20 %.

À l’issue d’une large concertation, l’administration fiscale a commenté, par une instruction du 8 février 2012, les dispositions applicables au taux intermédiaire de TVA. Cette instruction, vous le savez peut-être, a été attaquée devant le Conseil d’État.

La haute juridiction, par un arrêt du 11 février 2013, a rejeté ce recours en considérant que le taux de 10 % s’applique aux ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate – il s’agit donc de produits périssables ; le taux de 5,5 % s’applique pour les produits destinés à être conservés et qui disposent d’un emballage prévu à cet effet.

Le Conseil d’État a notamment considéré que « les produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate s’entendent des produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l’achat ; que les sandwichs, quel que soit leur conditionnement, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate ; qu’il en va de même pour les salades vendues […] avec un assaisonnement séparé ».

Cette distinction de taux s’applique quel que soit le lieu de vente, donc aux restaurants comme aux grandes surfaces ou aux boulangeries.

Les services fiscaux ont rappelé à cette occasion que les grandes surfaces qui ne respecteraient pas les taux de TVA applicables selon les produits feraient l’objet de redressements.

Le Gouvernement s’assurera que ces règles fiscales, éclairées par la jurisprudence récente du Conseil d’État, n’instaurent pas de situations de concurrence déloyale qui pourraient s’opérer au détriment des professionnels de la restauration.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse. Je ne suis pas certain que les restaurateurs seront tout à fait rassurés par ses propos et par l’exégèse de la décision du Conseil d’État. Je souhaiterais du reste que les conseillers d’État viennent plus souvent déjeuner dans les snacks des grandes surfaces ; ils comprendraient ainsi le peu de différence entre ce qui se passe dans les restaurants et dans ces grandes et moyennes surfaces.

Cela étant posé, la différence de TVA est très lourde à supporter et crée une véritable distorsion de concurrence. J’espère que le ministère des finances sera attentif à ce problème et apportera une réponse satisfaisante à la profession, qui est très en colère face à cette situation.

combattre le fléau du diabète

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 518, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Christian Cambon. Le diabète est une maladie chronique qui concerne environ 3 millions de personnes en France, soit 5 % de la population. Chaque jour, 400 nouveaux cas de diabète sont diagnostiqués. Selon les prévisions, d’ici dix à quinze ans, un Français sur dix sera touché si rien n’est fait. Cette maladie est responsable d’environ 30 000 décès chaque année dans notre pays.

Dénoncé par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, le nombre de diabétiques devrait quasiment doubler au niveau international d’ici à 2020. Le diabète devient donc un problème de santé publique majeur, d’autant que ses complications, lorsque la prise en charge est inadaptée, sont graves et coûteuses sur le plan tant humain qu’économique.

Le diabète se subdivise en diabète de type 1 et en diabète de type 2. L’explosion du nombre de diabétiques prévue par l’OMS concerne essentiellement le diabète de type 2, appelé diabète gras. Pouvant être qualifié d’épidémie, ce diabète coïncide avec l’évolution inquiétante des problèmes liés au surpoids. L’obésité touchait, en 2012, 15 % de la population adulte, correspondant à près de 7 millions d’obèses, soit environ 3,3 millions de personnes de plus qu’en 1997.

L’âge élevé, la sédentarité et le surpoids sont les principaux facteurs de risque – les deux derniers étant accessibles à la prévention – pour 90 % des diabètes.

Plus d’un tiers des personnes atteintes ignorent leur maladie, car, au début, aucun symptôme identifiable ne se manifeste. Faute de traitement, les complications peuvent être sévères : infarctus, cécité, maladies rénales,... La maladie est insidieuse et évolue dans la durée.

L’aspect économique est aussi très important : le coût du traitement d’un patient diabétique pour l’assurance maladie peut aller de 600 euros au moment des premiers symptômes à 42 000 euros lorsque les complications surgissent. Deux diabétiques sur trois sont en affection longue durée pour un coût de près de 9 milliards d’euros, en augmentation de près de 10 % par an.

Face à ce fléau, les associations concernées, telles que l’Association française des diabétiques, la Société francophone du diabète et l’Aide aux jeunes diabétiques, se sont réunies pour lancer une campagne de mobilisation « Tous contre le diabète » afin d’obtenir le label « grande cause nationale » pour l’année 2014. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas décidé de retenir cette maladie comme grande cause nationale. Cette décision laisse médecins, patients et associations dans un grand désarroi.

Ce label aurait pourtant permis de construire une vraie politique de prévention et de dépistage. Face à ce choix, le collectif « Tous contre le diabète » a décidé de ne pas organiser cette année la semaine nationale de prévention et de sensibilisation au diabète. Cet événement avait pourtant mobilisé les 104 associations en 2013 et permis d’effectuer plus de 1,5 million de tests de risque.

Ma question est simple : face à cette situation alarmante et alors qu’il est impératif de renforcer l’information sur le diabète, ainsi que la prévention et l’accompagnement des personnes concernées, quelles actions de prévention le Gouvernement souhaite-t-il développer auprès des populations à risque pour combattre cette pandémie ? Peut-on imaginer qu’en 2015 cette lutte devienne à nouveau une grande cause nationale ?