Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La Nation rétablit dans leur honneur les soldats de la Première Guerre mondiale fusillés pour l’exemple. Leurs noms peuvent être inscrits sur les monuments aux morts.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, ce sera là mon ultime intervention.

Dans sa rédaction initiale, l’article unique de ma proposition de loi soulevait un certain nombre de difficultés d’ordres juridique, politique et symbolique. Nous le reconnaissons.

Ces obstacles ont été évoqués au cours de la discussion générale. Il s’agit de l’impossibilité d’une réhabilitation générale et collective, de l’impossibilité d’attribuer la mention « Mort pour la France » et du caractère très sensible de la notion de « demande de pardon de la nation », qui pourrait s’apparenter à une forme de repentance hors de propos.

Bien que le Parlement ne soit pas fondé à modifier, un siècle plus tard, des situations individuelles, le problème reste entier. À nos yeux, il est temps pour les assemblées de répondre à la demande, renouvelée au cours des dernières années, d’une reconnaissance d’ordre symbolique.

Aussi, au travers de cet amendement, nous proposons de procéder à une forme de réhabilitation morale des fusillés victimes de condamnations arbitraires et de reconnaître la dignité de ceux qui ont été trop longtemps stigmatisés, voire mis au ban de la mémoire des soldats de la Grande Guerre.

Nous évitons ainsi le terme de « réhabilitation », avec ses implications juridiques précises, et nous abandonnons l’idée d’attribuer aux fusillés la mention « Mort pour la France ». En revanche, nous proposons de conserver la notion de « fusillé pour l’exemple », qui est couramment employée en la matière. Il s’agit d’une disposition d’ordre déclaratif qui, à notre sens, ne pose pas de problème juridique.

Enfin, nous souhaitons voir figurer dans la loi l’autorisation d’inscrire les noms de ces fusillés sur les monuments aux morts de nos communes, une pratique qui, dans les faits, est déjà largement répandue. Ainsi, le Parlement conforterait la reconnaissance officielle engagée ces dernières années par le pouvoir exécutif et par de nombreuses collectivités territoriales : une vingtaine de conseils généraux, dont celui que le chef de l’État a présidé, a déjà voté des motions en ce sens !

Je conclus en insistant sur l’exemple britannique. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.) Comme nous très sensibles à l’honneur et à la patrie, nos amis d’outre-Manche ont eux-mêmes procédé, en 2006, dans le cadre d’une loi relative aux forces armées, à une réhabilitation symbolique des soldats de l’Empire britannique exécutés en raison de manquements disciplinaires au cours de la Première Guerre mondiale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michelle Demessine, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mon cher collègue, je l’ai écrit dans mon rapport et je l’ai dit au cours de la discussion générale : j’avais moi-même proposé cette solution à la commission. Celle-ci, hélas ! ne m’a pas suivie.

Les membres de la commission considèrent que, même si elle se veut symbolique, cette disposition conserve une portée générale, étant donné qu’elle vise tous les fusillés pour l’exemple. Il ne s’agit donc pas, à son sens, d’une solution adaptée, eu égard à la complexité de la situation. Il lui a paru préférable de s’en tenir aux déclarations formulées jusqu’à présent et aux mesures concrètes annoncées par le Gouvernement : l’ouverture d’une salle au musée des Invalides et la mise à disposition des dossiers des fusillés sur internet.

La première mesure est de nature mémorielle, la seconde relève de la transparence et permettra à chacun de forger son propre jugement, en mesurant toute la difficulté d’appréhender cette question.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. Guy Fischer. C’est dommage !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Kader Arif, secrétaire d'État. Monsieur Fischer, il me semble que nous sommes animés par le même souci de justice, de transparence et de vérité. Les avancées qui se sont succédé depuis le lancement du centenaire, il y a un an, traduisent clairement la volonté du Gouvernement, dans le cadre de cette mémoire apaisée que vous appelez de vos vœux.

Toutefois, le présent texte, même modifié par cet amendement, aboutirait à une reconnaissance collective que nous ne pouvons juger acceptable.

Je le répète, la mention « Mort pour la France » a un sens. Dans certaines communes, les monuments commémoratifs ne sont pas dédiés aux « morts pour la France », mais « à nos morts ». Cet état de fait résulte d’un choix opéré par les maires eux-mêmes. Il ne s’agit en aucun cas d’une reconnaissance accordée par l’État.

Enfin, j’entends, depuis le début de nos débats, invoquer l’exemple britannique.

M. Roger Karoutchi. Les situations ne sont pas comparables !

M. Kader Arif, secrétaire d'État. On peut regretter que les réalités ne soient pas les mêmes en Angleterre et dans notre pays sur ce plan. Je rappelle néanmoins que l’objection de conscience existait déjà en droit britannique avant le premier conflit mondial et que la France avait, pour sa part, privilégié une approche différente.

Par conséquent, j’émets également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 194 :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l’adoption 47
Contre 263

Le Sénat n'a pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Antigone, déjà, cherchait à donner une sépulture à Polynice contre la raison d’État et contre Créon, cher collègue Guy Fischer. Or je crains, malheureusement, que Créon n’ait eu raison, parce que la discipline reste la force des armées. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Lorsque l’on engage le pays tout entier pour se défendre, il est important que les principes sur lesquels se fonde l’action militaire soient respectés.

Cependant, monsieur le secrétaire d'État, votre démarche est très pertinente. Vous avez accepté, comme le Président de la République l’a souhaité, d’ouvrir une salle dédiée, car il ne doit pas y avoir, dans notre pays, de mémoire perdue. Ce chemin risque d’ailleurs d’être un chemin de croix, car la France sait très bien être amnésique quand cela l’arrange.

Je souhaite cependant souligner votre effort, qui me paraît, avec la numérisation des dossiers, de nature à apporter une réponse à celles des familles qui se sentent directement concernées.

Mémoire perdue pour mémoire perdue, n’oublions pas toutefois que l’Allemagne n’était pas obligée d’envahir la France, qu’elle n’était pas contrainte de suivre le plan Schlieffen, qui conduisait à violer la neutralité de la Belgique, ni de faire subir aux civils de ce dernier pays des massacres, qui ont mobilisé son peuple tout entier, comme d’ailleurs l’opinion française, contre l’envahisseur allemand. Et personnage pour personnage, la mort du lieutenant Péguy est certainement plus emblématique de ce que fut l’engagement des républicains, notamment de gauche, pour défendre le pays tout entier.

Monsieur le secrétaire d'État, il me semble que votre attitude est raisonnable. La présence parmi nous de notre collègue Gisèle Printz m’incite à rappeler, après vous, que nombre de communes, en particulier en Alsace et en Moselle, célèbrent leurs morts en omettant de dire qu’ils ne sont pas morts pour la France. (Mme Gisèle Printz acquiesce.) Ce sont tout de même nos morts, et nous les respectons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 195 :

Nombre de votants 309
Nombre de suffrages exprimés 301
Pour l’adoption 33
Contre 268

Le Sénat n'a pas adopté.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple de la guerre de 1914-1918
 

6

Nomination des membres d'une commission spéciale

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

La Présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :

MM. Philippe Adnot, Dominique Bailly, Mme Nicole Bonnefoy, MM. François-Noël Buffet, Luc Carvounas, Philippe Dallier, Ronan Dantec, Michel Delebarre, Éric Doligé, Jean-Léonce Dupont, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Christian Favier, Jean Germain, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Edmond Hervé, Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Georges Labazée, Gérard Larcher, Gérard Le Cam, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Roger Madec, Jacques Mézard, Thani Mohamed-Soilihi, Jean-Pierre Raffarin, Henri de Raincourt, Bruno Retailleau, Alain Richard, Bruno Sido, Jean-Pierre Sueur, Henri Tandonnet, Mme Catherine Troendlé, M. René Vandierendonck, membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

La commission spéciale se réunira le lundi 23 juin 2014, à 17 heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

7

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

grève à la sncf

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

Ma question a trait à l’actualité ferroviaire. Elle devrait normalement s’adresser à M. Frédéric Cuvillier. Celui-ci est absent au rapport, mais je suis persuadé que la solidarité gouvernementale me permettra d’avoir une réponse…

Monsieur le secrétaire d'État, ma question n’a pas trait à l’adaptation de la SNCF à la concurrence, puisque le débat est aujourd'hui ouvert à l’Assemblée nationale et que nous aurons à cœur de le reprendre ici même quand vous aurez proposé – j’en suis convaincu – des amendements pour faciliter cette négociation législative difficile.

Ma question n’a pas trait non plus aux relations difficiles entre les organisations syndicales et, au sein de la CGT, entre le sommet et la base, dont le manque de coordination aboutit manifestement à une paralysie ferroviaire.

Mme Éliane Assassi. Laissez-les régler leurs problèmes entre eux !

M. Gérard Longuet. Ma question a trait à la façon dont le Gouvernement entend éviter d’imposer une double peine aux usagers des chemins de fer, qui vivent un véritable calvaire, en particulier en région parisienne, mais également sur les lignes de TER et les grandes lignes.

Cette double peine est la suivante : dans un premier temps, on leur rend la vie à peu près impossible, du fait de l’imprévisibilité causée par l’abandon de l’esprit du service public, et, dans un second temps, on leur adresse la facture en augmentant soit les impôts, soit les tarifs de la SNCF.

Le président de la SNCF, M. Guillaume Pepy, vient de nous indiquer que cette opération lui avait déjà coûté 150 millions d'euros. À raison de 20 millions d'euros par jour, on peut penser que, s’il n’y a pas de solution, le coût dépassera très largement les capacités de la SNCF. Frédéric Cuvillier a d’ores et déjà annoncé que les 500 millions d'euros de dividendes que la SNCF aurait pu apporter à l’État disparaîtront. Il y a donc bien une double peine : les usagers sont privés d’un service et les contribuables, ainsi que les clients de la SNCF, ont vocation à payer la différence.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle sera votre attitude et comment amènerez-vous la SNCF à prendre sa part de responsabilité, sachant que ses marges de manœuvre sont à peu près nulles ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Longuet, votre question porte sur les inconvénients du mouvement social actuel.

Deux organisations syndicales et un certain nombre de salariés manifestent en effet depuis plusieurs jours leurs inquiétudes quant à l’avenir du système ferroviaire ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

S'agissant des perturbations pour nos compatriotes, elles sont indiscutablement importantes, même si, en moyenne, moins de 20 % des salariés de la SNCF ont fait grève au cours de la dernière semaine ; ils sont 10,5 % aujourd'hui. Vous le savez, monsieur le sénateur, la législation en vigueur ne prévoit pas de service minimum. Cependant, la SNCF a mis en place un plan de transport adapté et elle apporte chaque jour l’information la plus complète possible sur la circulation des trains.

Monsieur le sénateur, vous constatez un mouvement social, comme nous tous. Ce dernier intervient alors que l’Assemblée nationale examine un projet de loi visant à répondre aux doutes et aux profondes inquiétudes exprimés par les salariés de la SNCF après l’adoption d’un autre texte par votre majorité. Notre projet de loi prévoit de reconstituer le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire, qui est malheureusement éclaté aujourd'hui, et de rassembler au sein d’un même établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, ce gestionnaire d’infrastructure ferroviaire et son principal utilisateur, la SNCF.

Nous allons faire en sorte que l’État reprenne sa place dans la stratégie nationale du ferroviaire. Nous allons créer un grand groupe public et industriel capable d’être un acteur majeur aux niveaux européen et mondial, tout en garantissant un cadre social commun pour protéger les cheminots.

Nous pouvons espérer que le mouvement social se termine dans les heures qui viennent. Au total, nous aurons, grâce aux preuves concrètes inscrites dans le projet de loi, redonné aux cheminotes et aux cheminots confiance dans l’avenir de leur entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

intolérance religieuse et violence anti-chrétienne

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour le groupe UDI-UC.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie.

Des Philippines à l’Afrique, en passant par la Chine, le Pakistan, l’Iran, l’Irak et l’Arabie saoudite, on a l’impression qu’une sorte d’hiver chrétien s’est abattue sur une partie du globe. En 2013, on a dénombré 2 123 assassinats de chrétiens – ce ne sont que les assassinats connus –, dont la plupart ont été perpétrés dans l’aire arabo-musulmane. Les chiffres de 2014 risquent d’être encore plus importants, compte tenu des tensions entre sunnites et chiites.

On pourrait considérer qu’il s’agit d’une accumulation de faits divers qui touche toutes les religions ; témoin l’assassinat d’un jeune musulman hier dans l’Essex, en Angleterre. Cependant, quand on voit les chrétiens d’Orient quitter en masse des terres sur lesquelles ils vivaient depuis toujours, on ne peut que s’interroger. En Irak, on comptait 1,5 million de chrétiens en 2003 ; il semblerait que nous nous dirigions aujourd'hui vers les 150 000. En 1950, on dénombrait jusqu’à 20 % de chrétiens dans ces zones ; ils pourraient ne plus représenter que 3 % à 4 % de la population en 2025.

J’en viens à la situation de l’Afrique. L’ONG Portes ouvertes a établi un classement des cinquante pays du monde où la persécution chrétienne est la plus remarquée. Le continent africain y est représenté par dix-sept pays. Nous avons tous en mémoire l’enlèvement de 200 lycéennes nigérianes par la secte islamiste Boko Haram le 14 avril dernier ; ces lycéennes sont menacées à cause de leur foi chrétienne, dans un pays où l’intolérance a entraîné de nombreux assassinats l’année dernière. Après une vaste campagne de sensibilisation, le silence s’est installé.

Nous avons tous été frappés, dans cet hémicycle, par l’atrocité du sort de Meriam Yahia Ibrahim Ishag, jeune Soudanaise de vingt-sept ans convertie de l’islam au christianisme, qui a été condamnée à mort pour apostasie il y a un peu moins de deux semaines, alors qu’elle était enceinte, et dont on attend qu’elle ait fini d’allaiter pour la pendre. Comment ce genre de situation peut-il exister dans le monde au XXIe siècle ?

Où en est l’action du Gouvernement sur ces deux dossiers ? Nous savons que des initiatives ont été prises. Plus généralement, tous de ces faits doivent-ils être relativisés parce qu’ils se déroulent dans des pays où la tension est forte, ou participent-ils d’un phénomène plus global et plus marquant ? Quelle est la réaction de la diplomatie française, notamment vis-à-vis de pays avec lesquels nous avons des relations très étroites ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement et la francophonie.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur Pozzo di Borgo, je vous prie tout d'abord d’excuser l’absence du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui est en ce moment à l’Élysée, où se tient un conseil restreint de défense sur l’Irak.

Je veux rappeler ici que la France, république laïque, défend partout dans le monde la liberté de religion ou de conviction. Concrètement, elle intervient lorsque ce principe est menacé pour rappeler les États concernés à leurs devoirs : assurer le libre exercice des cultes pour tous les citoyens et éliminer toutes les discriminations fondées sur la religion ou la conviction.

Notre politique envers les communautés chrétiennes d’Orient s’inscrit dans ce cadre. Elle inclut le respect des droits des personnes appartenant aux minorités religieuses et prend en compte les liens spécifiques hérités de l’histoire, notamment au Liban, en Irak, en Égypte, en Turquie, en Syrie ou en Israël et dans les territoires palestiniens. Nous connaissons les inquiétudes des chrétiens d’Orient en cette période cruciale. Nous sommes vigilants quant à leur situation. Le Président de la République a évoqué ce sujet avec le pape François au Vatican le 24 janvier dernier.

En Centrafrique, nous soutenons l’action de réconciliation des responsables religieux catholiques, protestants et musulmans. Ceux-ci ont compris que le conflit actuel n’était pas et ne devait pas devenir une guerre de religion. Leur tâche est essentielle : il s’agit de permettre le retour à la paix civile. La force africaine et la force française protègent toutes les populations, quelles que soient leurs confessions et leurs origines.

Concernant le Nigéria, la France a condamné avec fermeté le terrorisme de Boko Haram, notamment l’enlèvement de 200 jeunes écolières. Le 17 mai dernier, le Président de la République a organisé à Paris un sommet qui a permis – on peut s’en féliciter – d’intensifier la coopération régionale pour lutter contre le terrorisme. J’ai personnellement participé, le 12 juin dernier, à la réunion de suivi organisée à Londres, qui a permis de maintenir la mobilisation, ce qui est important. Au Nigéria, chrétiens et musulmans veulent dans leur immense majorité vivre en paix. Ils sont conjointement victimes du terrorisme ; il faut le rappeler.

Enfin, la France a condamné la décision de la justice soudanaise d’infliger la peine de mort à une jeune femme pour apostasie. Nous appelons les autorités soudanaises à garantir la liberté de religion ou de conviction, conformément au pacte international relatif aux droits civils et politiques, qu’elles ont ratifié. Monsieur le sénateur, nous serons attentifs aux suites de la procédure judiciaire visant cette jeune Soudanaise, en lien étroit avec nos partenaires européens. Cette décision qui heurte les consciences suscite une émotion totalement légitime.

Voilà, monsieur le sénateur, ce que fait la France, fidèle à ces valeurs fondatrices que sont la liberté de conscience et la laïcité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)

rapatriement fiscal, cice et isf

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

Ma question porte sur l’évasion de capitaux hors de France. Je vous rappelle que nos collègues Éric Bocquet et Philippe Dominati ont rédigé en 2012 un excellent rapport sur cette question. Ils ont chiffré à 32 ou 36 milliards d'euros le manque à gagner fiscal pour l’État ; c’est une somme considérable. Si nous disposions de cette somme, nous serions déjà plus à l’aise pour résoudre les questions budgétaires !

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

Mme Isabelle Debré. N’oubliez pas que trop d’impôt tue l’impôt !

M. Richard Yung. Face à ce fléau, la France s’est dotée des moyens d’agir. La circulaire du 21 juin 2013 a créé une procédure de rapatriement des fonds dissimulés à l’étranger, qui semble plutôt bien fonctionner. La loi du 6 décembre 2013 a aggravé les sanctions.

Nous avons également été très actifs dans la mise en place de l’accord d’échange automatique de données fiscales, connu sous son acronyme américain, que j’ose à peine citer : le FATCA, pour Foreign Account Tax Compliance Act ; mes chers collègues, ce n’est pas religieux, c’est purement fiscal. (Sourires.) Nous en espérons des résultats. J’ajoute que la loi bancaire, que nous avons tous votée en juin 2013, oblige les banques à fournir des informations fiscales détaillées pays par pays.

Depuis le début de l’année, environ 23 000 dossiers de rapatriement ont été enregistrés à Bercy. Cela devrait se traduire d’ici à la fin de 2014 par une plus-value de recettes de l’ordre de 1 milliard d'euros – et même probablement un peu plus – par rapport à la loi de finances initiale.

Les sommes ainsi récupérées et rapatriées vont naturellement alimenter le budget, notamment au travers de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et permettre une baisse d’impôts pour environ quatre millions de foyers modestes ; c’est du moins ce qui est prévu dans le projet de loi de finances rectificative que, j’en suis sûr, tout le monde votera dans cet hémicycle. Voilà une politique plus juste et plus efficace que celle du bouclier fiscal, qui n’a jamais fait revenir personne, et de l’exit tax, que personne ne connaît et qui n’a jamais empêché qui que ce soit de quitter la France !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Richard Yung. J’en viens à mes questions.

Monsieur le secrétaire d'État, disposez-vous de nouvelles évaluations de recettes pour l’ensemble de l’année ? Quand l’accord FATCA sera-t-il définitivement mis en place ? Enfin – cette question est liée à la précédente –, pouvons-nous agir pour limiter le dumping fiscal entre les pays de l’Union européenne ? Je pense en particulier à l’impôt sur les sociétés et à la fiscalité sur les retraites en vigueur au Portugal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Robert Hue applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir posé cette question, qui me permet d’informer votre assemblée sur l’activité du Gouvernement dans la lutte contre la fraude fiscale, un domaine auquel je vous sais particulièrement attentif.

Les recettes attendues de l’activité du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, ont été revues à la hausse pour 2014, passant de 1 milliard d’euros à 1,8 milliard d’euros. Au 13 juin dernier, le STDR comptabilisait en effet 946 millions d’euros de recettes. Ces dernières consistent essentiellement en un surplus d’impôt sur le revenu, de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt sur la fortune.

Pour 2015, le montant exact de la recette reste incertain. Il est plus que probable qu’il se maintiendra à un niveau élevé, compte tenu du stock des dossiers en instance de traitement, qui sont plus de 20 000, avec une moyenne d’avoirs par dossier qui est de l’ordre d’un million d’euros – 900 000 euros exactement.

Une partie de cette recette sera pérenne, puisque 20 000 dossiers d’une valeur moyenne d’un million d’euros représentent environ 20 milliards d’euros d’avoirs, le plus souvent assujettis à l’impôt sur la fortune, qui produiront donc une recette pérenne de l’ordre de 200 millions d’euros. Cette estimation sera affinée au fil du temps.

Quant au deuxième point de votre question, je tiens à rappeler que lutter contre la fraude consiste à combattre l’opacité et à favoriser la transparence. À ce titre, la France, avec ses partenaires européens du G5, a bousculé les agendas du G20 et de l’Union européenne pour faire de l’échange automatique le futur standard mondial en matière de transmission d’informations fiscales, parce qu’il s’agit du moyen le plus efficace pour faire reculer le secret bancaire.

Les résultats sont au rendez-vous : le G20 a approuvé un nouveau standard mondial et universel, au profit de tous, dont la préparation a été confiée à l’OCDE et qui verra le jour d’ici à 2015. Pour encourager une adoption la plus rapide possible, le G5 a fédéré autour de lui un groupe de 44 États et juridictions qui s’engagent à mettre en œuvre ce standard de façon volontaire entre 2015 et 2016.

Enfin, au sein de l’Union européenne, la France a obtenu que la directive sur la coopération administrative soit révisée pour incorporer ce standard au sein du droit de l’Union. Le Conseil européen s’est prononcé à l’unanimité pour que cette directive soit adoptée d’ici à la fin de 2014.