M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … qu’il exerce (M. Louis Nègre en convient également.) et qui, souvent, mettent en exergue l’action du Gouvernement dans le domaine ferroviaire…

M. Louis Nègre. Je le dirai tout à l’heure !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … en lui accordant un satisfecit. (Sourires.) Certes, nous ne sommes pas parfaits…

M. Louis Nègre. Si vous le reconnaissez…

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. … et nous pouvons encore progresser. Pour la première fois, une véritable impulsion a été donnée. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait exprimé la volonté, confirmée par Manuel Valls, de faire voter, pour la première fois depuis trente ans, les financements des commandes de renouvellement de l’ensemble des trains d’équilibre du territoire à perspective de 2025. Cela se fera en cohésion avec les acteurs économiques, avec lesquels nous discutons. Il n’y a pas eu la moindre commande, le moindre renouvellement de matériel roulant en trente ans !

Aujourd’hui, le lancement des grandes autoroutes ferroviaires, dans une stratégie qui vise à accompagner le développement industriel des territoires qui les entourent, contribue à sauver l’industrie ferroviaire.

J’aurai l’occasion, dans les tout prochains jours, de visiter les industries Lohr, entièrement dépendantes de la commande publique. En impulsant une démarche nouvelle, en honorant nos engagements, nous y avons sauvé l’emploi.

Par la création d’un fonds dédié sur le modèle de l’aéronautique, nous permettons aux grands acteurs d’accompagner les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, afin de donner naissance à un véritable cluster des activités ferroviaires.

Nous sommes parmi les leaders mondiaux, en ce qui concerne les infrastructures, les cœurs de voies ou le matériel roulant. Il y a quelques jours encore, de grands marchés ferroviaires étrangers, urbains ou non, ont été remportés par les opérateurs français.

Cette position nous engage à poursuivre nos efforts afin d’offrir une chance supplémentaire au système ferroviaire. Nous le plaçons donc avec conviction non pas hors de son temps, comme je regrette de l’avoir parfois entendu, mais bien au cœur des défis d’avenir, en respectant la compétence de ceux qui se mettent à la disposition de cette industrie et de ses acteurs.

Nous l’avons emporté dans la discussion européenne, alors même que certains nous mettaient en garde quant à d’éventuelles incompatibilités avec des textes européens qui, eux-mêmes, n’étaient pas opposables à la volonté de la France ! Nous devons peser de tout notre poids à l’échelon européen afin de permettre à notre vision du ferroviaire de dominer. Telle est notre responsabilité de grande nation ferroviaire européenne.

Nous sommes opposés à un modèle unique, avec des règles uniques, souvent destructrices, qui nous contraindraient à nous affranchir de la réalité du patrimoine ferroviaire. Nous souhaitons à l’inverse conjuguer compétitivité, réalité économique et filière industrielle tout en conservant, au niveau européen, notre capacité à organiser la gouvernance du système ferroviaire, quand d’autres prétendaient nous imposer un système d’organisation unique.

La France, trop longtemps absente de ces enjeux ces dernières années, a, je crois pouvoir le dire, retrouvé sa place dans les discussions européennes. Encore fallait-il qu’elle l’occupe, qu’elle soit présente et exigeante, qu’elle sache nouer les alliances nécessaires avec les grandes nations ferroviaires, en particulier nos amis allemands, avec lesquels nous avons réussi à travailler sur notre vision des différents paquets ferroviaires comme de l’organisation de la gouvernance européenne. Nous avons fait reculer ce qui devait s’imposer à l’Europe du ferroviaire : une vision unique, fruit d’un libéralisme que j’ai qualifié tout à l'heure. Voilà le message que je tiens à porter devant la représentation nationale.

Je souhaite que nous puissions refonder le système ferroviaire, redonner force, vigueur, vertu, mais aussi confiance, au service public. Nous devons aujourd’hui tracer des perspectives de progrès et assurer à la France le maillage nécessaire, tant industriel et économique qu’humain, que le service public peut apporter à chacun de nos territoires.

Tel est l’enjeu de ce projet de réforme ferroviaire, qui va nous occuper de longues heures, de longues journées, dans un climat que je souhaite apaisé, parce qu’il l’est : le débat et le dialogue social l’ont emporté. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) L’avenir du ferroviaire, chacun en est maintenant conscient, mérite une mobilisation commune dans une volonté de modernisation, répondant aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE. – M. Joël Labbé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Teston, rapporteur de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, mes chers collègues, la réforme ferroviaire est nécessaire et urgente :…

M. Michel Teston, rapporteur. … elle assure la cohérence du système ferroviaire tout en étant eurocompatible.

Comment, en effet, ne pas replacer cette réforme dans son contexte européen ? Des discussions sont en cours autour d’un « quatrième paquet ferroviaire », avec de nouvelles étapes d’ouverture à la concurrence. Ce projet de loi n’a pas pour objet d’anticiper ces étapes, que, à titre personnel, je n’appelle pas forcément de mes vœux ! (M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.) Cela étant, nous devons nous préparer à cette échéance, faute de quoi la SNCF risque de connaître les mêmes déconvenues que sa filiale Fret SNCF lors de la libéralisation du fret.

Pour cela, nous devons faire disparaître les trois handicaps dont souffre notre système ferroviaire.

M. Roger Karoutchi. S’il n’y en avait que trois...

M. Michel Teston, rapporteur. Premier handicap : la séparation de la gestion de l’infrastructure entre deux entités, RFF et la SNCF, ainsi que l’a prévue la loi de 1997.

Cette séparation, inédite dans le monde, n’est aujourd’hui plus défendue par personne, comme l’ont montré les conclusions des Assises du ferroviaire organisées à l’automne 2011. Elle a été à l’origine de nombreux dysfonctionnements dans l’entretien du réseau : surcoûts de gestion, manque de réactivité, dilution des responsabilités, etc.

Deuxième handicap : une dette colossale pèse sur notre système ferroviaire. Elle atteint aujourd’hui 44 milliards d’euros au total, dont 37 milliards pour RFF.

La réforme de 1997 a laissé ce problème sans solution, puisque RFF a été considéré, dès le départ, comme une structure de défaisance de la dette. L’État, qui cherchait à maîtriser son endettement pour satisfaire aux critères de Maastricht, n’avait alors pas souhaité reprendre une partie de la dette de la SNCF, contrairement à ce qui avait été fait en Allemagne quelques années auparavant pour la Deutsche Bahn.

M. Louis Nègre. Mais pas en Grande-Bretagne !

M. Michel Teston, rapporteur. Réseau ferré de France s’est donc retrouvé avec plus de 20 milliards d’euros de dette issus de la SNCF, sans qu’aucune mesure structurelle n’ait été prise pour réduire sa progression.

Par la suite, la double dérive des coûts de gestion du réseau existant et de développement de nouvelles lignes a conduit à l’emballement de la dette que nous connaissons aujourd’hui. Si l’on ne fait rien, la dette du réseau pourrait atteindre près de 70 milliards d’euros en 2025 ! Cette situation n’est pas soutenable !

Troisième handicap : notre système ferroviaire a souffert d’une insuffisante préparation à l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire. En l’absence d’un cadre social homogène, cette impréparation a conduit à un rapide effondrement de l’activité de Fret SNCF.

Ces handicaps ont été d’autant plus dommageables que l’État n’a pas su, ou pas pu, jouer le rôle d’arbitre qui aurait dû être le sien dans les conflits entre la SNCF et RFF. Il s’est peu impliqué dans les questions stratégiques, laissant ainsi d’importantes marges de manœuvre aux deux établissements...

Ces éléments de contexte doivent suffire à démontrer l’absolue nécessité de cette réforme et l’urgence qu’il y a à agir.

Le présent projet de loi apporte des réponses concrètes aux difficultés que je viens d’évoquer. Il marque le retour de l’État stratège. Il crée un gestionnaire d’infrastructure unifié, SNCF Réseau, qui rassemble en son sein les activités aujourd’hui exercées par RFF, la Direction de la circulation ferroviaire – la DCF – et SNCF Infra.

Il insère le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, et l’exploitant des services de transport ferroviaire, SNCF Mobilités, dans un même « groupe public ferroviaire » : la SNCF. Dans le jargon européen, on parle d’une « structure verticalement intégrée ». Il s’agit, en quelque sorte, de mettre en place une « holding » ferroviaire à la française, tout en conservant le statut d’EPIC de ses différentes composantes.

L’expérience passée et la réalité du terrain ont en effet montré que seul un système intégré pouvait être réellement efficace : pour un fonctionnement optimal du réseau, les problématiques d’entretien du réseau et les contraintes d’exploitation ne peuvent pas être systématiquement dissociées. C’est d’ailleurs une organisation similaire qu’a choisie la Deutsche Bahn.

Ce modèle intégré, qui a pourtant fait ses preuves, n’a pas eu, dans un premier temps, les faveurs de la Commission européenne, qui voulait aller jusqu’à l’interdire. Fort heureusement, vous avez su démontrer, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agissait d’un modèle pertinent, face au modèle opposé d’une séparation intégrale entre la gestion de l’infrastructure, d’une part, et l’exploitation des services de transport, d’autre part. Il nous revient désormais d’appuyer la position que vous avez prise, en adoptant ce texte...

En parallèle de cette intégration, ce texte offre aux concurrents de la SNCF de réelles garanties d’indépendance dans l’exercice des fonctions dites « essentielles », à savoir la tarification et l’allocation des sillons, en conformité avec le droit européen existant. L’ARAF, dont le rôle a été considérablement renforcé, surtout après l’examen du texte à l’Assemblée nationale, contrôlera le respect de ces exigences.

Ce texte comporte également des mesures fortes destinées à mettre fin à la dérive financière du système. Le pilotage du système ferroviaire sera renforcé, puisque le projet de loi organise un retour de l’État stratège et met en place des outils destinés à maîtriser l’endettement du système : les contrats signés entre l’État et les différents EPIC du groupe, ainsi qu’une règle de maîtrise de l’endettement dont la bonne application sera surveillée par l’ARAF. L’Autorité se voit ainsi dotée d’un nouveau rôle, que l’on pourrait qualifier de régulateur économique du système.

Enfin, ce projet de loi pose les bases d’un cadre social commun à l’ensemble des salariés de la branche ferroviaire, qui sera élaboré pour l’essentiel par les partenaires sociaux sur la base d’un décret-socle.

L’Assemblée nationale a substantiellement et utilement complété ce projet de loi, sous l’impulsion de son rapporteur, Gilles Savary, dont je voudrais souligner devant vous la compétence et l’engagement.

La commission du développement durable du Sénat a, de son côté, préservé les équilibres atteints à l’Assemblée nationale, tout en complétant le texte sur plusieurs points.

À l’article 1er, les députés ont largement pris en compte les aspirations des cheminots, en renforçant l’intégration du groupe public ferroviaire. Ce travail important a été salué par la commission du développement durable du Sénat. Il est essentiel que nous conservions les gages obtenus en termes de réunification de la famille cheminote.

Les députés ont aussi complété les dispositions du texte relatives à la gouvernance, en ajoutant au Haut Comité du système de transport ferroviaire un Comité des opérateurs du réseau, composé des clients de SNCF Réseau.

Dans ce domaine, notre commission a prévu la participation des associations de protection de l’environnement agréées au Haut Comité du système de transport ferroviaire. Elle a aussi prévu, à l’article 2, que le Haut Comité délibère annuellement sur des recommandations d’actions et des propositions d’évolutions au contrat signé entre SNCF Réseau et l’État.

Notre commission a salué les différentes mesures visant à renforcer l’information et le contrôle du Parlement sur le système de transport ferroviaire, telles que la transmission systématique au Parlement des projets de contrat signés entre l’État et les établissements du groupe public ferroviaire, ou la mise en place d’un schéma national des services de transport. Nous y avons ajouté la présence d’un député et d’un sénateur au conseil de surveillance de la SNCF.

À l’article 2, l’Assemblée nationale a précisé la règle de maîtrise de l’endettement du réseau, en distinguant, d’une part, les investissements liés à la maintenance du réseau, c’est-à-dire les investissements de renouvellement, et, d’autre part, les investissements de développement du réseau.

Notre commission a adopté plusieurs amendements de clarification rédactionnelle, dont deux, importants, présentés par François Patriat, au nom de la commission des finances.

Au même article 2, notre commission a adopté un amendement identifiant SNCF Réseau comme le propriétaire unique de l’ensemble des lignes du réseau ferré national. Il nous a semblé nécessaire d’écarter toute perspective de démantèlement du réseau ferré national même si certaines délégations, strictement encadrées, sont possibles.

Dans le même esprit, nous avons accepté les articles 2 bis A et 2 bis B, qui ouvrent la possibilité aux régions de racheter certaines petites lignes d’intérêt purement local, afin de ne pas les laisser se détériorer, et qui permettent aux régions de créer ou d’exploiter des lignes d’intérêt régional. Sont aussi réglés certains cas ponctuels, comme celui de la ligne Digne-Nice dont la région PACA, Provence-Alpes-Côte d’Azur, pourra devenir gestionnaire de pleine compétence. Comme le précédent, cet article ne remet pas en cause l’unicité du réseau national, puisque seules des infrastructures d’intérêt purement local sont visées.

L’article 2 ter prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les solutions à mettre en œuvre pour traiter de l’évolution de la dette historique du système ferroviaire. Notre commission a souhaité inclure explicitement dans ce rapport l’examen d’une reprise, par l’État, de tout ou partie de la dette de SNCF Réseau. Le portage par SNCF Réseau d’une dette qu’il ne peut amortir, et dont l’État est de facto le garant, n’est en effet pas légitime. Cette dette représente chaque année des charges financières considérables, qui gagneraient à être investies dans l’entretien et la régénération du réseau.

M. Michel Teston, rapporteur. À l’article 4, les pouvoirs de l’ARAF ont été sensiblement étendus par l’Assemblée nationale. Son avis conforme sur les redevances d’infrastructures a été rétabli, et étendu aux redevances des gares et relatives à l’accès aux infrastructures de services. L’Autorité sera en outre chargée de veiller à ce que les décisions de la SNCF respectent l’indépendance de SNCF Réseau dans l’exercice des fonctions « essentielles ».

Nous n’avons pas modifié les dispositions relatives au collège de l’ARAF, qui conservera sept membres, comme aujourd’hui, trois d’entre eux, le président et deux vice-présidents nommés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, exerçant leurs fonctions à temps plein.

Notre commission du développement durable a par ailleurs inscrit dans la loi le principe de la publicité de l’ensemble des propositions, avis et décisions de l’ARAF, en conformité avec la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen.

À l’article 5, qui traite de SNCF Mobilités, les députés ont notamment prévu une décomposition par ligne de comptes TER. En commission, nous avons précisé que cette décomposition sera définie pour chaque région, et non dans le cadre d’un référentiel commun. Nous avons aussi précisé que le transport ferroviaire de marchandises doit figurer au nombre des objectifs assignés à SNCF Mobilités dans le cadre de son contrat décennal avec l’État, afin de mieux prendre en compte la situation très préoccupante du fret ferroviaire.

L’article 5 bis constitue un apport important de nos collègues députés. Il répond à un certain nombre de revendications phares des régions en leur confiant un rôle de chef de file en matière d’aménagement des gares d’intérêt régional, en leur octroyant la liberté tarifaire (M. Roger Karoutchi s’exclame.), sous réserve du maintien des tarifs sociaux nationaux, en permettant de leur transférer la propriété du matériel roulant et en imposant une présentation comptable séparée des contrats de service TER. L’équilibre trouvé sur ces points correspond à une solution de compromis que nous souhaitions également, et il nous a semblé judicieux de l’accepter en l’état.

Nous avons toutefois souhaité assurer l’effectivité de ces dispositions en introduisant, à l’article 5 ter, une ressource fiscale dédiée au financement de la compétence transport des régions. On observe en effet un décalage croissant entre les compétences confiées aux régions, qui s’accroissent au fur et à mesure des réformes, et leurs ressources propres, lesquelles diminuent fortement depuis la réforme de la taxe professionnelle.

L’option retenue par la commission est celle, proposée notamment par Jean-Jacques Filleul et Roland Ries, d’un versement transport interstitiel, qui ne concerne que les territoires situés hors périmètre de transport urbain – PTU –, et plafonné à 0,55 % de la masse salariale. Il n’existe pas de solution parfaite en la matière, mais celle-ci nous a semblé moins pénalisante pour la compétitivité des entreprises que celle d’un versement transport additionnel, qui viendrait s’ajouter aux 2 % déjà acquittés dans la plupart des grandes agglomérations.

M. Michel Teston, rapporteur. Nous avons également introduit un nouvel article 6 bis A, qui prévoit la mise en place d’une protection spécifique des circulations ferroviaires contre les effets perturbateurs des ondes émises par les installations radioélectriques tierces. Ce problème, déjà évoqué par le rapporteur Gilles Savary à l’Assemblée nationale, n’a pas pu être traité dans le cadre de la proposition de loi relative à l’exposition aux ondes électromagnétiques. Il est donc important de le régler ici.

Autre point important : le volet sécurité et sûreté ferroviaires. L’article 6 ter A impose une remontée à l’Établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF, des événements mettant en cause la sécurité ferroviaire, et prévoit un mécanisme de sanction en cas de manquement à cette obligation.

Je suis favorable à cette mesure, qui préfigure l’instauration d’une culture du compte rendu, compte tenu de l’importance qui s’attache aux enjeux de la sécurité ferroviaire : après le terrible accident de Brétigny-sur-Orge, il convient de mettre en valeur la mobilisation de l’ensemble des acteurs du système ferroviaire dans ce domaine.

L’article 6 ter énonce le principe du libre accès des forces de l’ordre aux véhicules ferroviaires pour l’exercice de leurs missions de protection de l’ordre public, et l’assortit d’une sanction pénale. Cette mesure vise à faciliter la présence policière à bord des trains nationaux comme étrangers.

À l’article 7, qui rattache la surveillance générale de la SNCF, la SUGE, à l’EPIC de tête, les députés ont prévu que la mobilisation de la SUGE serait systématique pour l’ensemble des opérateurs, dès lors que les tarifs associés à ses prestations sont transparents, non discriminatoires et contrôlés par un avis conforme de l’ARAF. Cette solution me paraît efficiente et de bon sens.

L’article 9 bis a été introduit par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, en coordination avec le dépôt de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF. Il s’agit de prévoir l’audition des deux membres du directoire et du président du conseil de surveillance de la SNCF devant les commissions compétentes du Parlement.

Aux articles 10, 11 et 16, les députés ont considérablement clarifié et sécurisé les opérations de transfert de propriété entre les trois EPIC, à la fois sur les plans juridique, comptable et fiscal ; ce travail technique a encore été amélioré par notre commission.

La question de la gestion des gares de voyageurs a été soulevée par plusieurs d’entre vous. Les députés ont prévu que le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport sur ce sujet, pour présenter les conséquences d’un transfert des gares à SNCF Réseau ou à des autorités organisatrices de transports. Je suis favorable à cette clause de revoyure, dans la mesure où il n’est pas possible de traiter dès aujourd’hui de façon satisfaisante ce sujet éminemment complexe.

M. Louis Nègre. On fait une réforme ou on ne la fait pas !

M. Michel Teston, rapporteur. Quant à l’article 11 bis, il transfère à SNCF Réseau les terminaux de marchandises appartenant à l’État et gérés par SNCF Mobilités, ainsi que certaines installations de services autres que les gares de voyageurs et les centres d’entretien.

En commission, nous avons adopté une solution de compromis en ce qui concerne la liste servant de référence pour le transfert : en cas de désaccord, le transfert sera automatiquement constaté par le ministre sur la base de l’offre de référence 2013, qui comporte 399 cours fret, au lieu de l’offre de référence 2015, qui en comporte seulement 171. Notre principal souci a été d’assurer la pérennité du patrimoine ferroviaire (M. Louis Nègre opine.) : en effet, il s’agit d’éviter toute reconversion prématurée de biens potentiellement stratégiques, ou qui pourraient servir à d’autres opérateurs ferroviaires. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Enfin, à l’article 6, nous avons approuvé l’ouverture aux salariés de RFF qui remplissaient les conditions d’embauche au statut lors de leur recrutement d’un droit d’opter pour le statut des cheminots. À l’article 14, nous nous sommes déclarés favorables au report du 1er juillet 2015 au 1er juillet 2016 de l’échéance fixée pour l’aboutissement de la convention collective, afin de laisser davantage de temps aux partenaires sociaux. Nous avons également entériné l’organisation, dans un délai d’un an à compter de la constitution du groupe public ferroviaire, d’élections professionnelles anticipées.

Au total, la commission du développement durable a estimé que le projet de loi de réforme ferroviaire instaurait des outils pertinents pour renforcer le système ferroviaire et assurer son avenir. Aussi l’avons-nous adopté, ainsi que la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF. Mes chers collègues, je souhaite ardemment que notre assemblée manifeste à son tour un large soutien à cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Ronan Dantec applaudissent également.)

M. Didier Guillaume. Très bonne intervention !

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Merci, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je m’abstiendrai de répéter ce que M. Teston a excellemment exposé, me contentant de traiter des aspects qui intéressent la commission des finances. Celle-ci s’est saisie pour avis du projet de loi portant réforme ferroviaire compte tenu, notamment, de l’endettement préoccupant du système ferroviaire, dont il a déjà été signalé qu’il atteint plus de 44 milliards d’euros, dont 37 milliards d’euros au titre de l’infrastructure.

Cette dette, mes chers collègues, l’INSEE l’a récemment reconnue partiellement publique. Nous avons donc le devoir de la maîtriser, de la stabiliser et, à terme, de la réduire. Tel est l’un des enjeux, parmi quelques autres non moins importants, du projet de loi soumis à notre examen.

Pour réduire cette dette, une première étape est indispensable : unifier l’infrastructure. En effet, nous ne pouvons plus nous contenter du système existant, dans lequel RFF et la SNCF, même s’ils se coordonnent, n’arrivent pas à trouver un juste équilibre économique et financier entre leurs objectifs contradictoires.

Dans l’organisation actuelle, RFF est confronté à un déficit annuel de 1,5 milliard d’euros au titre de la maintenance du réseau existant. En outre, il doit lever environ 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour financer le développement de quatre nouvelles lignes qu’il n’est pas besoin de nommer, car chacun ici les connaît.

Si nous voulons faire face aux besoins pour la maintenance du réseau, 15 milliards d’euros devront être investis au cours des dix prochaines années. Organiser cet effort est l’ambition du grand plan de modernisation du réseau. Compte tenu des sommes en jeu, comment pourrions-nous nous satisfaire d’un système sous-optimal ?

L’unification de l’infrastructure au sein de SNCF Réseau répond à une évidence, qu’il était urgent de traduire dans les faits ; elle représente une amélioration fondamentale, dont nous espérons 900 millions d’euros par an de gains de productivité et de mutualisation d’ici à dix ans. Par ailleurs, l’effort consenti par l’État, qui renonce à ses dividendes ainsi qu’à l’impôt sur les sociétés, devrait soutenir SNCF Réseau à hauteur de 500 millions d’euros par an.

Cet équilibre financier repose également sur la mise en œuvre par le nouvel opérateur SNCF Mobilités d’un plan de performances, pour un montant de 1 milliard d’euros.

L’objectif que nous poursuivons, c’est la stabilisation de la dette d’ici à dix ans. Qu’il soit ambitieux, nul ne le conteste, ni les établissements ni le Gouvernement. Il sera formalisé dans des contrats, notamment celui qui sera conclu entre l’État et SNCF Réseau, dont l’article 2 du projet de loi détaille les clauses obligatoires ; en particulier, ce contrat devra fixer la trajectoire financière à dix ans.

Le projet de loi comprend deux garde-fous destinés à éviter que SNCF Réseau ne s’écarte de sa trajectoire financière.

Le premier réside dans l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, qui veillera à la bonne exécution du contrat par SNCF Réseau. Le régulateur émettra un avis sur le projet de budget annuel du gestionnaire d’infrastructure et l’incitera à le corriger en cas d’écart par rapport à la trajectoire arrêtée.

Le second garde-fou prévu par le projet de loi est la règle d’or, ou règle prudentielle, pour le financement des investissements de développement, c’est-à-dire l’ouverture de nouvelles lignes. Cette règle, dont le respect sera surveillé par l’ARAF, évitera que SNCF Réseau ne s’endette de manière inconsidérée, puisque, si l’on doit ouvrir une nouvelle ligne, elle sera financée par les demandeurs, et non plus par le gestionnaire d’infrastructure. En d’autres termes, ce sera aux collectivités territoriales et à l’État, s’ils veulent des lignes, d’en assumer le financement.

L’objectif de stabilisation de la dette est-il réalisable ? Les interlocuteurs que j’ai rencontrés sont restés très prudents sur la cible visée d’ici à 2025 : certains ont évoqué une stabilisation à hauteur de 60 milliards d’euros à cette échéance, d’autres ne se sont pas avancés ; d’autres encore considèrent que l’État ne va pas assez loin, si bien que les comptes ne seront pas équilibrés à horizon de dix ans.

Il est vrai que des contraintes fortes pèsent sur le secteur. De fait, la commission des finances a estimé que le scénario retenu était soumis à des aléas.

Le premier de ces aléas pèse sur les ressources de SNCF Réseau. En effet, les hausses de péages d’infrastructure, fortes ces quatre dernières années, seront limitées au moins jusqu’en 2018, de sorte que SNCF Réseau ne pourra pas augmenter ses recettes en jouant sur les prix. Quant aux subventions publiques, elles seront au mieux maintenues, mais il est peu probable qu’elles augmentent. L’environnement économique sera par conséquent déterminant pour assurer le dynamisme des recettes de SNCF Réseau.

Le second aléa auquel est soumis SNCF Réseau, comme du reste tous les emprunteurs, tient au risque d’augmentation des taux d’intérêt.

Cet établissement devra donc engager des efforts très importants en matière de dépenses. Le président de RFF a assuré les membres de la commission du développement durable qu’un objectif de 10 % de gains de productivité était atteignable : « nous les avons sous le pied », nous a-t-il affirmé. Souhaitons qu’il en soit ainsi ! Nous lui donnons acte de cet engagement et nous jugerons les résultats.

La commission des finances s’est également demandé si nous pouvions aller plus loin pour redonner des marges de manœuvre à SNCF Réseau. Je veux bien évidemment parler de la question, déjà soulevée il y a quelques instants, de la reprise par l’État de tout ou partie de la dette de cet établissement. Cette idée s’appuie notamment sur le fait que l’INSEE, en mai dernier, a requalifié un tiers de la dette de RFF, soit environ 10 milliards d’euros, en dette publique, ce qui est peut-être la fin d’une forme d’hypocrisie consistant à nier le caractère public de cette dette.

Néanmoins, il faut souligner que l’INSEE a aussi reconnu qu’un actif, le réseau, était inscrit face à cette dette, en sorte que le stock de dette publique pris en compte pour le calcul des ratios maastrichtiens n’était pas modifié. Or si l’État venait à reprendre cette dette, aucun actif ne serait plus inscrit en contrepartie : la dette nette augmenterait donc à due concurrence, rendant plus difficile l’ajustement de nos comptes publics.

C’est pourquoi, dans l’état actuel des choses, une telle reprise de dette n’a pas paru souhaitable à la commission des finances, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne doive pas être envisagée à terme. En tout état de cause, elle ne nous a pas paru urgente, dans la mesure où RFF reste un emprunteur crédible : sa dette étant considérée par les investisseurs comme une dette de l’État français, elle est jugée peu risquée et la différence de taux d’intérêt entre RFF et l’État est minime.

On pourrait aussi s’interroger sur le caractère vertueux d’une telle reprise de dette, alors que le poids de la dette est aujourd’hui un aiguillon qui pousse SNCF Réseau à se transformer et à se moderniser. Cette dette conduira également l’établissement à choisir avec parcimonie les futurs projets de développement.

Mes chers collègues, je crois que nous devons nous interroger collectivement sur les bons choix à opérer pour notre réseau ferré national.

En particulier, tous les rapports d’expertise font apparaître que le réseau actuel est trop grand et qu’il pourrait être réduit en vue de rationaliser l’utilisation des moyens et de le maintenir dans un état de performance acceptable. Ainsi, le rapport de la commission « Mobilité 21 », rendu public l’année dernière, a souligné que nous devions faire des choix et établir des priorités pour la construction de nouvelles infrastructures.

Des choix, nous devons en faire aussi en ce qui concerne le réseau existant. En effet, si de nouvelles infrastructures sont nécessaires, des anciennes ne le sont peut-être plus. Le problème de la reprise de la dette ne doit pas occulter ces questions fondamentales.

Reste qu’un consensus existe pour reconnaître qu’une partie de la dette de SNCF Réseau ne sera pas amortissable par le système ferroviaire. À terme, donc, l’État sera probablement contraint de s’engager davantage. Pour cela, il peut recourir à plusieurs instruments : non seulement la reprise de dette, mais aussi l’augmentation des subventions. Le rapport prévu à l’article 2 ter du projet de loi, au sujet duquel M. Teston a donné tout à l’heure les explications nécessaires, doit nous permettre d’y voir plus clair sur les modalités de traitement de la dette historique.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable sur les articles dont elle s’est saisie, à savoir les articles 1er, 2, 2 ter, 4 et 5, qui comportent des dispositions intéressant plus directement l’équilibre financier de la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Ronan Dantec applaudissent également.)