M. Jean Desessard. Toutefois (Rires sur les travées de l’UMP.), j’ai une légère divergence avec vous sur la TVA.

Je sais que la gauche a toujours été opposée à cette taxe. Mais la TVA n’est pas comparable à la taille ou à la gabelle ! Ainsi, son taux est moins important pour les produits de première nécessité que pour les produits de luxe.

M. Alain Néri. Il est quand même le même pour tous !

M. Jean Desessard. Certes, mais ceux qui achètent des produits de luxe n’ont pas les moyens les plus limités...

Il y a donc des taux différenciés. Surtout, et c’est très intéressant par rapport au coût du travail, la TVA frappe les produits importés.

La cotisation sur le travail touche directement l’entreprise française, les produits français. Avec la TVA, les produits français sont certes taxés, mais les produits importés aussi. C’est là tout son intérêt, outre l’existence de taux différenciés. C’est une taxe à l’import qui rapporte. (M. Jean-Noël Cardoux applaudit.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il soutient le Gouvernement et se fait applaudir par la droite !

M. Jean Desessard. Il nous faut trouver un impôt nouveau, une nouvelle taxe qui s’inscrive dans notre culture de la justice sociale et de l’impôt progressif, tout en retenant le principe de la TVA, qui taxe les produits importés. Il n’est en effet pas question de ne pas taxer les produits importés, alors que, dans certains pays, dépourvus de sécurité sociale, il n’y a pas de cotisations sociales ! Il n’est pas normal que nos entreprises, qui apportent de la richesse au pays et améliorent le bien-être des travailleurs, soient taxées et que les produits étrangers ne le soient pas.

Nous devons trouver une méthode qui, tout en rendant la TVA plus juste, nous permette de continuer à taxer les produits importés, et pas seulement ceux made in France.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Plusieurs sujets sont en jeu dans ces amendements.

Il y a tout d’abord la question de la date d’entrée en vigueur de cette disposition : septembre ou octobre prochain ? Peu importe, c’est un détail.

Il y a ensuite la question de la TVA.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas de TVA dans l’amendement !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est le gage !

M. Jean-Pierre Caffet. Quels taux seront augmentés ? Le taux normal ? Le taux réduit ?

Je me demande surtout, mes chers collègues, si vous ne vous êtes pas trompés d’article. Compte tenu de votre attachement à la TVA sociale, j’aurais pu comprendre que vous déposiez un tel amendement à l’article 2, qui porte sur les charges patronales,...

M. René-Paul Savary. On le fait aussi !

Mme Catherine Procaccia. On le fait à chaque article, par coordination !

M. Jean-Pierre Caffet. ... et que vous proposiez une compensation de la baisse de ces charges par une augmentation de la TVA. Encore aurait-il fallu préciser les taux visés.

Or l'article 1er prévoit une diminution des charges salariales, c’est-à-dire une mesure de pouvoir d’achat qui entre dans le pacte non pas de responsabilité, mais de solidarité, même si c’est lié.

M. Éric Doligé. Des mots !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous prétendez vouloir redonner du pouvoir d’achat plus rapidement que ne le propose le Gouvernement, alors que, dans le même temps, vous le récupérerez immédiatement par le biais de la TVA.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas très logique !

M. Jean-Pierre Caffet. Je m’interroge par conséquent sur le bien-fondé de ces amendements.

Je vous rappelle que la disposition prévue à l'article 1er concerne les salariés les moins bien payés : les salariés du privé qui perçoivent entre 1 et 1,3 SMIC et les fonctionnaires dont l’indice est compris entre 312 et 468, qui touchent entre 1 et 1,5 SMIC. En d’autres termes, elle s’adresse à ceux pour qui le poids de la TVA est bien supérieur que s’ils gagnaient 5 000 euros par mois !

M. Jean-Pierre Caffet. Votre proposition est donc incompréhensible et totalement absurde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous sommes au cœur du sujet. Malheureusement, ce texte ne nous permet pas de l’aborder puisque, sur la compensation des mesures d’allégement, il est totalement flou.

Madame la secrétaire d’État, si j’ai bien compris, ce sont les entreprises qui empêchent l’allégement des charges salariales. À ce propos, j’en profite pour rassurer Jean-Pierre Caffet : un amendement similaire a été déposé à l’article 2 pour les charges patronales.

M. Jean-Pierre Caffet. Je ne l’ai pas vu !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Votre raisonnement est paradoxal : c’est justement pour alléger les charges des entreprises, qui pénalisent les salariés comme les entrepreneurs, que nous avons déposé ces amendements. Il vous faut trouver d’autres arguments.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce qui explique votre attitude, selon moi, c’est que, au sein du Gouvernement, il n’y a pas d’accord sur le dispositif à prévoir pour les compensations. Il est tout à fait dommage que vous affirmiez aujourd'hui qu’il est trop tard pour appliquer cette mesure dès le mois de septembre ou d’octobre prochain, alors qu’elle était annoncée dès 2013. Pour ma part, je regrette que l’on ait attendu aussi longtemps, alors que la situation est grave pour les entreprises comme pour les salariés.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur Néri, on connaît vos arguments sur la TVA.

M. Alain Néri. Vous ne les avez pas encore compris !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Vous ne me ferez pas la leçon sur ce point !

M. Alain Néri. Vous non plus !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Jean Desessard a clairement rappelé la situation, je n’y reviens donc pas. La TVA s’applique différemment en fonction de la nature des produits. La TVA sur les produits de première nécessité est très faible, entre 2 % et 5 %. Certes, elle touche tout le monde, mais son impact sur le budget des plus démunis n’est pas si important.

Pour notre part, nous proposons de taxer les importations. Une partie de cette recette compensera l’allégement des cotisations, qu’elles soient patronales ou salariales. Cependant, nous ne voulons pas nous limiter à cela : nous souhaitons un mix entre la TVA, peut-être la CSG – nous sommes dans le champ du social –, et des économies structurelles sur le budget de l’État.

Tel est le dispositif que nous avons réaffirmé hier au cours la discussion générale. Malheureusement, le débat sur le fond n’a pas lieu, puisque ce texte ne contient pas d’article sur les compensations.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. À titre personnel, je soutiens ces amendements, même si la majorité de mon groupe ne les votera pas. Je trouve un peu curieux, pour ne pas dire un peu futile, que l’on se réfugie derrière des arguments techniques pour soutenir que les entreprises ne pourront pas rendre effective cette baisse de cotisations d’ici à deux mois.

Mme Christiane Demontès. C’est la réalité !

M. Gilbert Barbier. Vous tenez en quelque sorte le discours suivant : « Vous allez payer un peu moins, mais, dans la mesure où vous avez besoin de temps pour vous adapter, nous reportons la mesure de trois mois. » Qui le supporterait ? Il n’est qu’à interroger les entreprises et leur demander ce qu’elles préfèrent.

D’après M. Caffet, il serait scandaleux de baisser les charges salariales au mois d’octobre ou au mois de septembre.

M. Jean-Pierre Caffet. Je n’ai pas dit ça !

M. Gilbert Barbier. Vous avez dit que nous voulions baisser les charges salariales et augmenter la TVA.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est dans les amendements !

M. Gilbert Barbier. Mais cette baisse des charges salariales interviendra au 1er janvier, sauf si elle n’est pas votée par le Parlement. À ce moment-là, pouvez-vous affirmer que vous n’augmenterez pas la TVA ? Êtes-vous en mesure de nous faire connaître aujourd'hui vos solutions pour compenser cette perte de recettes de la sécurité sociale ? Malheureusement, depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte, nous n’avons eu aucune information en la matière.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Gilbert Barbier. Que ce soit à partir du mois de septembre, du mois d’octobre ou que cela intervienne plus tard, il faudra appliquer cette mesure, puisqu’elle sera dans la loi. En revanche, de quelle manière sera-t-elle compensée ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bonne question !

M. Gilbert Barbier. On ne le sait pas. Peut-être trouverons-nous alors les arguments pour que vous augmentiez la TVA.

Aujourd'hui, vous refusez de compenser cette baisse de recettes de la sécurité sociale par une augmentation de la TVA, mais nous ignorons toujours ce que vous prévoyez. Peut-être avez-vous des précisions à nous communiquer à ce sujet, madame la secrétaire d'État, car nous avons interrogé Marisol Touraine hier, sans obtenir de réponse.

M. Jean Desessard. Elle va venir…

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Je suis désolé d’avoir suscité un tel débat. Je ne pensais pas qu’il prendrait une telle ampleur. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pas de fausse modestie !

M. Jean-Noël Cardoux. Finalement, autant qu’il ait lieu maintenant, puisque nous touchons au cœur du problème. Qui plus est, les arguments que nous développons tous maintenant seront valables pour l’ensemble de la discussion.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est exact !

M. Jean-Noël Cardoux. Je reviendrai sur deux points principaux.

D’une part, monsieur Desessard, selon vous, ce dispositif occasionnera des frais pour les entreprises qui devront mettre en œuvre un nouveau logiciel intégrant cette mesure. Mais ce sera le cas quelle que soit la date d’entrée en vigueur retenue ! Où est la différence ? Croyez-moi, les professionnels du chiffre sont tout à fait aptes à modifier leur logiciel rapidement. J’irai même plus loin. Je me souviens d’une époque où un certain nombre de cotisations étaient fluctuantes, la pratique alors était simple : si on manquait de temps, on régularisait rétroactivement et personne ne s’en plaignait. On peut s’inspirer de cet exemple. Techniquement, l’application de cette mesure dès le 1er septembre ou le 1er octobre est donc possible.

M. Jean Desessard. Pour certains !

M. Jean-Noël Cardoux. Je suis surpris de constater que, dans ce pays, quand certains essaient de faire preuve de volontarisme, on s’arrête à des considérations techniques, parce que l’on ne veut vraiment pas franchir les obstacles.

D’autre part, sur la TVA, il y a une dose d’incompréhension ou de volonté de ne pas comprendre assez significative.

Monsieur Néri, permettez-moi de vous dire que vous avez la mémoire courte ! Autant que je me souvienne, quand le gouvernement que vous soutenez a mis en place le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, il l’a financé par une augmentation uniforme de 1 point de la TVA.

M. Jean-Noël Cardoux. C’est une forme indirecte de TVA anti-délocalisation, puisque des baisses de charges pour les entreprises ont été financées par une augmentation de 1 point d’un impôt sur la consommation. Il faudrait s’en souvenir !

Pour le reste, je comprends parfaitement l’argument de M. Caffet, selon qui on reprendrait d’une main ce que l’on donnerait de l’autre.

M. Jean-Noël Cardoux. Sauf que l’intervention sur les taux sera sélective. Jamais il n’a été dans l’intention des promoteurs de la TVA anti-délocalisation de toucher aux taux les plus bas, ceux qui s’appliquent aux produits de première nécessité ou aux biens majoritairement consommés par ceux à qui est destinée cette baisse de charges.

En revanche, dans la mesure où la consommation est un choix, et non une obligation comme l’impôt sur le revenu, nous pouvons augmenter la TVA sur les produits dits « de luxe ». Il n’y a pas si longtemps – c’était peut-être il y a longtemps tant il est vrai que l’on ne se sent pas vieillir (Sourires) –, certaines voitures se voyaient appliquer un taux de TVA de 33,33 %. Cela nous laisse tout de même des marges de manœuvre.

Monsieur Desessard, nous avons là une occasion unique, avec une TVA anti-délocalisation bien ciblée, bien calculée, de créer une fiscalité écologique convaincante. Pour ma part, appliquer une TVA de 25 %, voire de 30 %, sur des 4x4 fabriqués dans des pays étrangers, qui consomment beaucoup de carburant et augmentent la pollution, ne me choquerait pas du tout. Il existe tout un ensemble de produits venant de pays émergents où le coût de la main-d’œuvre est extrêmement faible et qui sont beaucoup plus concurrentiels que les produits français. Ces consommations-là ne sont pas destinées aux revenus les plus faibles ou seulement de temps en temps.

Nous avons à portée de main un outil considérable, avec des taux de TVA sélectifs. Monsieur Caffet, vous le savez, le Gouvernement ne cesse de demander des rapports, des projets. Je pense que, si les services des ministères s’y mettaient de façon déterminée et cohérente, on pourrait très bien sortir pour le prochain projet de loi de finances un projet de TVA anti-délocalisation avec des taux modulés et ciblés. C’est une question de volonté !

M. Jean-Noël Cardoux. Les arguments avancés ne tiennent pas. M. Néri a fait du misérabilisme. Or nous n’augmentons pas la charge des plus bas revenus, puisque nous nous proposons d’augmenter le taux de TVA des produits haut de gamme que les consommateurs peuvent choisir ou non d’acheter. À mon sens, c’est une juste répartition des choses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Si les prises de position sur ces deux amendements peuvent paraître dilatoires, tel n’est pas le cas. Nous avons enfin le débat de fond que nous réclamions !

Si une mesure est bonne – la vôtre l'est forcément, madame la secrétaire d’État, puisque le Gouvernement la propose –, il faut la mettre en œuvre le plus rapidement possible. Comme vient de le démontrer notre collègue Cardoux, aucun obstacle technique n’empêche d’avancer l’entrée en vigueur du dispositif au 1er septembre ou au 1er octobre 2014.

En vérité, pour conduire une politique de l’offre, qui est une politique responsable et, au fond, une politique libérale et de droite, mieux vaut un ministre de droite qui y croit et non quelqu’un qui reste assis entre deux chaises, comme l’attestent les prises de position de votre majorité.

Dans une politique de l’offre, les dépenses sociales restant les mêmes – vous n’avez pas l’intention de les diminuer et nous non plus –, on a le choix, à court terme, de les financer par la production ou par la consommation.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Gérard Longuet. Vous décidez d’alléger les charges pesant sur la production, nous vous soutenons. Or, vous avez raison, monsieur Néri, c’est le consommateur qui paiera. Cependant, si nous acceptons ce transfert, c’est parce qu’il est non pas personnel, mais collectif. Cela signifie que le salarié qui a un emploi n’en bénéficiera pas, puisque la fiscalité indirecte sur sa consommation augmentera.

Je partage tout à fait votre avis, monsieur Desessard, sur la TVA sur les importations. Il faut tout de même être conscient qu’elle aura pour conséquence une diminution du pouvoir d’achat, car si les importations bon marché gênent nos producteurs, elles arrangent nos consommateurs. En diminuant les charges qui pèsent sur les producteurs, nous avons en commun, Mme la secrétaire d’État et nous-mêmes, l’espoir de permettre la création d’emplois, ce qui entraînera à moyen terme une hausse globale du pouvoir d’achat des salariés, car il y aura plus de salariés au travail.

Il faut accepter de faire l’effort de décaler de la dépense de la production vers la consommation afin d’accroître le nombre de Français au travail et d’augmenter le pouvoir d’achat global des salariés. Je reconnais cependant volontiers que, à très court terme, une augmentation de la TVA pourrait apparaître comme pénalisante pour un salarié qui oublierait que d’autres Français sont eux, hélas ! privés d’emploi. C’est en basculant des dépenses de la production vers la consommation que nous permettrons aux producteurs de vendre plus et donc d’embaucher et de créer du pouvoir d’achat, non pas tant du fait de l’allégement des charges mais grâce à l’augmentation du nombre de salariés en activité.

Monsieur Caffet, vous auriez raison,…

M. Jean-Pierre Caffet. Mais j’ai raison !

M. Gérard Longuet. … si le Gouvernement était dans la situation du sapeur Camember, qui avait été puni au motif que le second trou qu’il avait creusé dans la cour de la caserne n’était pas suffisamment grand pour y enfouir les déblais à la fois du premier et du second trou. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Caffet. Mais c’est ce que vous faites !

M. Gérard Longuet. Si vous défendiez le point de vue de l’adjudant qui a très injustement condamné le sapeur Camember, vous seriez dans cette position absurde. Or telle n’est pas la position du Gouvernement. C’est pourquoi je lui viens en aide, car il défend mal son projet.

Quand on allège la charge pesant sur le producteur, à court terme, on pénalise le consommateur, mais, à moyen terme, on augmente le nombre de consommateurs au travail et donc le pouvoir d’achat des salariés. Raison de plus pour commencer tout de suite ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Ces deux amendements suscitent un débat de fond particulièrement intéressant, ce qui nous donne l’occasion de nous pencher sur nos approches respectives non seulement en matière de fiscalité et de protection sociale, mais aussi concernant le compte d’exploitation des entreprises.

Comme l’a parfaitement démontré M. Desessard, la TVA sociale, ou la « TVA emploi », est un élément dont nous devons absolument discuter et sur lequel nous devons nous mettre d’accord. Contrairement aux charges sociales, la TVA sociale n’impacte pas le compte d’exploitation des entreprises puisqu’elle est neutre, ce qui est un avantage en termes de compétitivité.

Nous constatons tous que le système à la française présente une singularité : la protection sociale, qui est d’un niveau élevé, ce dont nous ne pouvons pas nous plaindre, repose presque en totalité, au moins facialement, sur les salaires, mais le salaire minimum, ce qui est peut-être un bien, n’obéit pas aux lois du marché : il est fixé par la puissance publique. Cette singularité a une incidence sur notre compétitivité-prix ou sur notre compétitivité-coût, même si d’autres éléments entrent également en ligne de compte pour la compétitivité.

Nous sommes à un carrefour. Le moment est venu de nous demander quelle doit être l’assiette de notre protection sociale si nous voulons demeurer compétitifs. Certains aimeraient un retour à l’orthodoxie et asseoir totalement la protection sociale sur les salaires,…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Certains et certaines, cher collègue, et avec beaucoup de conviction !

M. Charles Guené. … mais je pense que ce sera extrêmement difficile. D’ailleurs, la part de la protection sociale assise sur les salaires n’est plus que de 60 % en raison des exonérations de charges ou d’autres mesures fiscales. Nous avons trouvé d’autres voies de financement.

Je le répète, nous sommes vraiment à un moment clé. La leçon que nous devons tous tirer de notre discussion, c’est que notre approche fiscale et sociale n’est peut-être plus la bonne. Ce qu’il était possible de faire il y a un demi-siècle, quand il existait des frontières, me paraît difficilement réalisable dans un monde globalisé.

Notre système fiscal fait donc désormais face à une double approche. Je suis désolé de m’opposer à celle de notre collègue Néri, qui fait appel aux théories révolutionnaires, lesquelles avaient certainement leur raison d’être à l’époque.

M. Alain Néri. Un peu de modération !

M. Charles Guené. Aujourd'hui – je vais m’en tenir à des considérations techniques, rassurez-vous –, il faut d’abord prélever la fiscalité, puis, dans un second temps, essayer d’apporter une correction fiscale : il revient aux entreprises de réaliser du profit, puis, dans un second temps, à l’État de faire de la redistribution sociale. Il importe donc de mettre en œuvre le dispositif proposé le plus rapidement possible.

M. Alain Néri. Je demande la parole.

M. le président. Monsieur Néri, vous vous êtes déjà exprimé. Les explications de vote, surtout quand elles ont été convaincantes, n’ont pas à être répétées. (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un grand moment de bonheur quand se déroule au Sénat un débat tel que celui qui nous occupe depuis plusieurs dizaines de minutes. Passionnant, opposant des arguments solides et sérieux, ce débat n’a pourtant qu’un rapport très lointain, pour ne pas dire aucun rapport, avec l’article 1er.

Si vous me le permettez, mes chers collègues, je voudrais non pas redescendre d’un cran en termes de qualité, mais rappeler que l’article 1er prévoit des allégements de cotisations sociales pour les salariés et pour les fonctionnaires ayant de faibles revenus. Je souligne d’ailleurs, car le débat s’est appuyé sur des fondements un peu erronés, que ces allégements de charges n’auront pas de conséquences sur le coût du travail.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le salaire brut restera le même pour l’entreprise.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’adoption de l’article 1er n’aura donc aucun effet sur la compétitivité des entreprises. Il aura en revanche des effets pour les salariés : 5,2 millions de travailleurs salariés verront leur pouvoir d’achat augmenter, pour un montant global de plus de 2 milliards d’euros. Ainsi, le gain de pouvoir d’achat sera de 520 euros par an pour un salarié payé au SMIC, ce qui n’est tout de même pas négligeable, de 347 euros pour un salarié rémunéré 1,1 SMIC et de 173 euros pour un salarié touchant 1,2 SMIC. Il n’y aura plus d’exonérations à partir de 1,3 SMIC.

La question des compensations, qui, elle, a un rapport avec l’article 1er, a également été évoquée. Il est vrai que nous ne connaissons pas aujourd'hui les mécanismes qui permettront, dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, de compenser pour la sécurité sociale les pertes de recettes résultant des dispositions que nous sommes en train d’examiner. Rappelons toutefois que le code de la sécurité sociale oblige l’État à compenser ces allégements de cotisations, conformément à la loi Veil de 1994. Le Gouvernement a cependant indiqué de façon très nette qu’il n’y aurait pas d’augmentations d’impôts et que les compensations proviendraient de diminutions de la dépense publique. On peut être d’accord ou non avec cette approche, mais le fait est que cela a été dit clairement. Ces compensations seront mises en œuvre dans les prochains projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

J’en viens à la question de l’anticipation. Pourquoi voter maintenant des dispositions qui ne s’appliqueront qu’au 1er janvier de l’année prochaine ? Des arguments techniques ont été avancés. Ils ne sont peut-être pas essentiels, et certains ont été balayés d’un revers de main, mais ils existent. En outre, si le dispositif est présenté aujourd’hui, c’est pour qu’il y ait une cohérence entre les mesures en faveur de la compétitivité, celles en faveur du pouvoir d’achat et les dispositions tendant à rééquilibrer les comptes du pays, en particulier les comptes sociaux. N’oublions jamais que c’est cette cohérence qui est recherchée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, j’avancerai un argument tout simplement financier. Si la mesure devait s’appliquer de façon anticipée, il faudrait compenser pour les comptes de la sécurité sociale 600 à 625 millions d’euros supplémentaires, et ce immédiatement, c'est-à-dire dans l’exercice 2014.

L’édifice qui a été construit par le Gouvernement est aujourd'hui équilibré. Toute mesure visant à accélérer ou à retarder la mise en œuvre de l’une des dispositions prévues conduirait à le déséquilibrer. Ne négligeons pas ce point !

Les deux amendements qui nous sont soumis ne sont pas seulement différents par la date de mise en œuvre proposée – septembre ou octobre –, ils le sont également concernant les compensations envisagées. L’un vise à prévoir que la perte de recettes résultant de l’article serait compensée par une augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée – je n’attiserai pas la flamme sur le sujet –, l’autre tend à prévoir une compensation beaucoup plus classique, à savoir la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 226 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 166
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'article.

M. Dominique Watrin. Cette explication de vote me permet de revenir au contenu de l’article 1er, que nous avons quelque peu perdu de vue au fil de notre discussion.

Ce débat sur la TVA est un écran de fumée qui masque, à quelques nuances près, l’accord profond de la droite avec cet article 1er. Pour nous, cet article s’apparente au contraire à une fausse mesure, qui tend à faire croire à nos concitoyens que les salaires, directs ou indirects, perçus par les salariés à la fin du mois ou différés dans le temps, via les cotisations sociales, sont la source des difficultés que rencontrent les entreprises.

On veut faire croire que la compétitivité des entreprises serait affaiblie en raison de ces cotisations sociales. Mais on oublie, comme de multiples études le démontrent, que les leviers à actionner sont en réalité bien plus nombreux du côté de la compétitivité hors coût – je pense notamment aux coûts de l’énergie ou du capital. Pourtant, c’est bien sur ce prétendu coût du travail que le Gouvernement se concentre, sans doute parce qu’il est plus facile de s’attaquer à cette question qu’à d’autres, notamment aux revenus du capital ou de la rente.

À l’inverse de cette logique, nous sommes pour notre part convaincus que l’une des solutions à la crise économique et sociale que notre pays et nos concitoyens subissent réside dans le renforcement des salaires et dans un meilleur, et plus juste, partage des richesses. Au sein de notre groupe, nous faisons le constat – nous ne sommes pas les seuls à le faire ! – que le déséquilibre de la répartition des profits en faveur des actionnaires affaiblit le potentiel de croissance et représente un réel danger de sous-consommation, et donc de moindre rentrée de cotisations sociales.

Ainsi, les salaires stagnent et l’on constate un écart de plus en plus grand entre ces derniers et les rémunérations versées aux cadres dirigeants. Les statistiques sont sans équivoque : au sein des quarante-sept grandes entreprises du CAC 40 et du SBF 120 – Société des bourses françaises, un indice qui prend en compte les plus grandes capitalisations boursières –, seules treize entreprises pratiquent un écart de salaire « admissible » au sens où le concevait Henry Ford, c’est-à-dire ne dépassant pas un écart de un à quarante. Un P-DG gagne en moyenne soixante-dix-sept fois plus que ses salariés. Et cette échelle prend encore en compte tous les éventuels « avantages » dont bénéficient, en plus de leurs salaires, les employés !

Cet écart est inadmissible, parce que ces patrons et cadres dirigeants s’accaparent en réalité une part importante des richesses créées dans les entreprises, richesses dont les salariés sont privés. Cela a forcément des conséquences sur les cotisations sociales qui sont versées à la sécurité sociale. C’est pourquoi nous regrettons vivement que notre proposition d’une nouvelle rédaction de l’article 1er, instaurant notamment un écart de rémunération maximum de un à vingt, ait été déclarée irrecevable socialement. L’adoption de cette mesure aurait eu pour effet d’accroître concrètement les salaires nets perçus par les salariés, dans des proportions plus importantes que la rédaction actuelle de l’article 1er, tout en renforçant le financement de la sécurité sociale. C’est pour cette raison de fond que nous ne voterons pas l’article 1er.