M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Monsieur le secrétaire d’État, la législation en vigueur prévoit que le montant de la réduction de cotisations est fixé par décret.

Or voici ce que vous déclariez à ce propos à l’Assemblée nationale, le 1er juillet dernier : le Gouvernement « pourra fort bien envisager une majoration [de la réduction de cotisations]. C’est ce que nous sommes en train de calibrer, en fonction de l’avancement du texte et des équilibres ou déséquilibres budgétaires qui sortiront de la discussion parlementaire. Nous verrons alors si cette réduction, fixée aujourd’hui à 0,75 euro, sera portée à 1 euro, 1,25 euro, 1,50 euro, 1,75 euro ou 2 euros. »

Vous aviez envisagé de porter le montant de la réduction de 0,75 euro à 2 euros. Je souhaiterais donc savoir pourquoi vous l’avez arrêté à 0,75 euro, et non pas, comme nous le proposons, à 1,50 euro, voire à 2 euros.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé des abus. C’est toujours facile, et je me souviens de débats de l’année dernière sur le sujet, où on nous avait déjà raconté ces histoires de coaches, entre autres.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Parce que cela existe !

M. Éric Doligé. Je pense qu’il est tout de même plus sérieux et plus intéressant de s’occuper des cas généraux plutôt que des exceptions et des abus. D’ailleurs, quand c’est nous qui vous parlons d’abus, vous n’êtes pas très réceptifs !

Enfin, si j’ai bien compris, passer de 1,50 euro de réduction à 2 euros, c’est passer de 120 millions euros à 160 millions euros environ.

Or, il n’y a pas très longtemps, sans tenir compte du problème de la surcharge pour les départements, le Gouvernement a décidé d’augmenter le RSA de 2 % par an pendant cinq ans, sans d’ailleurs aucune concertation avec les conseils généraux chargés du versement de ces prestations.

Le Gouvernement a alors multiplié les déclarations publiques en affichant sa générosité envers les personnes en difficulté. Or une telle augmentation doit bien représenter, pendant cinq ans, 200 à 300 millions d’euros par an, soit une somme assez considérable à la charge des conseils généraux.

En l’occurrence, monsieur le secrétaire d’État, nous demandons simplement au Gouvernement, qui a des moyens bien supérieurs à ceux des conseils généraux, qu’il accepte de passer de 120 millions d'euros à 150 ou 160 millions d’euros, ce qui ne représente tout même pas un effort considérable quand on voit le nombre de personnes qui peuvent être concernées.

Par conséquent, en ce qui nous concerne, nous voterons pour l’amendement qui a été présenté par M. le rapporteur général. J’ajoute que revenir au système antérieur me paraît être la moindre des choses de la part du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 18 et 46.

(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 227 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 343

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

L'amendement n° 56, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

pour les contrats dont la durée de travail est égale à la durée définie à l’article L. 3121-10 du code du travail

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. De manière constante, la Cour des comptes, chaque fois qu’elle a remis un rapport sur les exonérations de cotisations sociales, a fait remarquer que ces dernières avaient un effet négatif sur l’emploi, qu’il s’agisse de la nature des emplois ou du renforcement de leur caractère précis.

Le fait que les employeurs reçoivent un encouragement financier à recourir à des emplois dont la rémunération est proche du SMIC les conduit à maintenir les salaires à ce niveau.

De la même manière, les exonérations de cotisations sociales consenties aux employeurs pour recruter des salariés à temps partiel ont effectivement atteint leurs objectifs : les contrats à temps partiel se sont multipliés, au point, dans certains secteurs, de concurrencer les emplois à temps plein.

Les temps partiels, dans les secteurs de la grande distribution, du commerce et de l’hôtellerie, sont devenus la règle. Ils sont même devenus une méthode d’organisation du temps de travail puisque le cumul des exonérations de cotisations sociales sur les emplois à temps partiel rend cette forme d’emploi particulièrement attrayante, du moins pour les employeurs.

Les salariés, quant à eux, subissent des salaires insuffisants pour leur permettre de vivre dignement de leur travail. Cela n’est évidemment pas sans répercussion, plus tard, en matière de retraite.

Qui pis est, ces temps partiels sont plus souvent subis que choisis et concernent majoritairement des femmes.

Si l’on peut comprendre l’existence de contrats à temps partiel pour quelques nécessités de service, on ne saurait admettre qu’ils deviennent des outils au service du patronat pour flexibiliser encore plus l’emploi et organiser une forme de dumping social entre les salariés à temps plein et ceux à temps partiel.

De la même manière, cette forme de contrat de travail, qui doit demeurer atypique, ne peut en aucun cas être une technique d’optimisation sociale.

Les aides publiques et sociales, les fonds qui sont mobilisés en direction des employeurs justifient que les décideurs et les pouvoirs publics soient exigeants. Dès lors, il nous semble légitime de poser comme exigence que ces exonérations de cotisations sociales soient consenties pour des emplois de qualité et offrant une rémunération correcte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à exclure les contrats à temps partiel des allégements de cotisations. Comme ceux qui le suivent, il tend à introduire une conditionnalité dans le bénéfice des allégements qui ne va pas dans le sens de la confiance, mot qui est au cœur du pacte de responsabilité.

Par ailleurs, la question des temps partiels a été traitée par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Mme Laurence Cohen. Mal traitée !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On le sait, la nécessité du recours au temps partiel peut être très variable selon les entreprises, selon les secteurs d’activité, en fonction des contraintes. Il est parfois imposé, et c’est alors scandaleux, mais il ne l’est pas toujours. Or votre amendement, madame la sénatrice, n’opère pas de distinction – ce qui serait de toute façon difficile – entre le temps partiel subi et le temps partiel choisi.

Des études ont essayé de quantifier ce qui relevait du temps partiel subi et ce qui relevait du temps partiel choisi. La DARES, pour sa part, parle de 70 % de temps partiel choisi. (Mme Marie-Noëlle Lienemann manifeste son scepticisme.) Même en supposant qu’elle se trompe et que la moitié de ce chiffre serait plus proche de la réalité, cela signifierait qu’il y a plus de 30 % du temps partiel choisi.

Votre amendement me paraît avoir une portée trop générale et son adoption pénaliserait de façon indifférenciée les entreprises sans considération de la diversité des situations qui peuvent se présenter, et il est difficile d’établir dans la loi une distinction opérationnelle à cet égard.

Le rapporteur général a rappelé qu’un certain nombre de dispositions destinées à lutter contre le temps partiel imposé avaient été prises dans le cadre de textes récemment adoptés. Celles-ci, du reste, ne vont pas toujours sans poser quelques difficultés d’application. Mais on peut les traiter par le dialogue, par la négociation sociale.

Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Cohen, maintenez-vous cet amendement ?

Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président, parce que le temps partiel subi est un véritable problème. Ne touche-t-il pas la majorité des femmes travaillant à temps partiel ?

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, sans même parler du fond, votre argumentation n’est pas du tout convaincante. Vous nous dites que notre amendement est d’une portée trop générale et que son adoption pénaliserait celles et ceux qui choisissent le temps partiel. Doit-on alors comprendre que, selon vous, il faut laisser celles et ceux qui le subissent être pénalisés ? Cet argument ne tient absolument pas la route !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

travail

insérer les mots :

dont la durée est conforme au premier alinéa de l’article L. 1221-2 du code du travail

II. – En conséquence, alinéa 17, dernière phrase

Supprimer les mots :

ou qui ne sont pas employés sur toute l’année

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement s’inscrit dans la recherche d’une conditionnalité des exonérations que nous nous apprêtons à accorder aux entreprises. En l’espèce, il s’agit de réserver ces exonérations aux contrats de travail à durée indéterminée, aux CDI.

Je rappelle que, selon le code du travail, « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail ». Malheureusement, ce principe devient de plus en plus théorique. On a constaté au cours des dernières années un recours accru aux contrats à durée déterminée, précaires par nature. D’après la DARES, l’embauche en CDD a dépassé 83 % en 2013.

Le dispositif d’exonération de cotisations patronales qui nous est proposé sans distinctions, sans conditions ni contreparties suscite de nombreuses inquiétudes, que nous avons clairement exposées.

Il nous semble fondamental de veiller à ce que les exonérations ne favorisent pas le recours systématique au CDD par les employeurs. Nous proposons donc de réserver les baisses des cotisations employeur au recours à des CDI, ce qui devrait inciter les employeurs à choisir ce type de contrat de travail et favoriser la qualité et la stabilité de l’emploi, et donc la qualité de vie de nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de restreindre les allégements de cotisations aux seuls contrats à durée indéterminée.

Les contrats à durée déterminée sont une forme de contrat réservée aux cas prévus par le code du travail. De plus, la coordination rend l’article difficilement lisible.

Comme sur d’autres amendements à caractère restrictif, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La problématique soulevée par cet amendement est similaire à celle que nous avons abordée lors de l’examen de l’amendement précédent.

Un certain nombre de contrats à durée déterminée peuvent correspondre à une nécessité économique. Pour autant, il arrive aussi que des employeurs recourent de façon abusive à ce type de contrat. Il reste que le renouvellement de ces contrats, leur volume et leur durée sont encadrés par le code du travail.

Le Gouvernement ne souhaite pas introduire une sélectivité dans l’exonération des cotisations employeur ne serait-ce que parce que cette entreprise serait de toute façon assez difficile à réaliser et qu’on risquerait, ce faisant, de pénaliser de façon excessive le recours au CDD dans des cas où sa justification serait parfaitement avérée.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous voterons cet amendement.

Je suivrai un raisonnement analogue à celui qu’a formulé ma collègue Laurence Cohen à propos du temps. De la même façon qu’on ne peut renoncer à lutter, par le biais des exonérations de cotisations, contre le temps partiel subi au prétexte que certains salariés sont volontaires pour travailler à temps partiel, on ne peut se résigner devant la multiplication des CDD abusifs au prétexte que certains sont justifiés. Faut-il laisser perdurer des situations dont nous savons tous très bien qu’elles relèvent parfois d’abus inacceptables ? En votant des amendements comme celui-ci et d’autres que nous examinerons ensuite, nous signifierions que nous voulons mettre fin à de tels abus !

Chacun l’aura compris, nous sommes opposés à cet article 2, mais nous avons déposé des amendements qui tendent à en réduire la portée et le groupe écologiste a fait de même. Nous voterons cet amendement n° 23 parce qu’il va dans le sens de notre démarche.

Nous regrettons qu’aucun signe fort ne soit donné pour manifester que ce dispositif d’exonérations aille aussi, un peu, dans le sens de la protection des salariés, ne serait-ce qu’en prévoyant que ces exonérations ne peuvent pas s’appliquer uniformément dans toutes les entreprises, sans aucune conditionnalité.

Les réponses qui sont faites sur ces amendements doivent conduire certains de nos collègues à réfléchir sur le vote qu’ils émettront à l’issue de nos débats sur l’article 2. En tout cas, pour notre part, nous voterons évidemment contre.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement de notre collègue Desessard, car j’ai toujours entendu parler, au sein du parti socialiste, de la nécessité de moduler les cotisations sociales pour favoriser le CDI par rapport au CDD.

D’une certaine manière, exclure les CDD du bénéfice de l’allégement est une façon indirecte de procéder à cette modulation et, à mon sens, cela devrait inciter les employeurs à proposer plutôt les CDI. Or il y a actuellement peu d’incitations en ce sens.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certains des propos qui viennent d’être tenus par Mmes David et Lienemann pourraient laisser croire que le Gouvernement ne souhaiterait pas être rigoureux quant à l’utilisation des CDD ni encourager le recours aux CDI. Non, mesdames les sénatrices, il n’est pas question pour le Gouvernement de « laisser faire ».

Il n’est pas illégitime de se demander si les mesures fiscales ou les allégements de cotisations sociales constituent les bons outils pour agir. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe un droit du travail qui pose en principe le recours aux CDI et encadre très précisément l’utilisation des CDD. Du reste, certains, siégeant plutôt sur le côté droit de cet hémicycle, s’en émeuvent, se plaignant du caractère trop contraignant de ce droit, de son manque de souplesse, allant jusqu’à dire qu’il pénalise l’emploi.

M. Éric Doligé. C’est sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très clair : il souhaite bien entendu privilégier le CDI.

Mme Isabelle Debré. Il faut simplifier le droit du travail !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je ne pense pas que l’exonération de cotisations sociales ou la fiscalité sur le revenu soient les bons outils pour améliorer la situation en la matière.

Aussi, tout en étant rigoureux sur le recours abusif aux temps partiels ou aux CDD, donc très attentif au respect du droit du travail, le Gouvernement considère que le principe des exonérations de cotisations est un levier inadapté en la matière.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

travail

insérer les mots :

dont la durée est conforme au premier alinéa de l’article L. 3121-10 du code du travail

II. – En conséquence, alinéa 17, dernière phrase

Supprimer les mots :

ou qui ne sont pas employés sur toute l’année

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a un petit air de « déjà entendu », puisqu’il ressemble beaucoup à l’amendement présenté tout à l’heure pas nos collègues du CRC : il vise à privilégier les contrats à temps plein.

Néanmoins, avant de le présenter, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous poser une question, à laquelle vous n’êtes, bien entendu, pas obligé de répondre (Rires.)

Mme Isabelle Debré. Ne la posez pas ! (Nouveaux rires.)

M. Jean Desessard. Je la pose quand même, car, malgré tout, notre activité de parlementaire ne peut simplement se résumer à pointer le mardi à dix heures, avant de repartir à dix-sept heures. Nous sommes là pour interroger le Gouvernement sur ses grandes options. Comme je l’ai déjà dit, les téléspectateurs attendent de nous des réponses politiques et nous devons leur proposer les conditions d’un débat pédagogique, passionné et intéressant. Pas aussi intéressant que la finale de la Coupe du monde de football, évidemment. Mais nous, au moins, nous allons en « finale », en tout cas moi, car je serai là demain soir ! (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez déclaré que la lutte pour les CDI ne pouvait pas passer par la fiscalité ni par les cotisations sociales. Cependant, force est de constater que la précarité augmente. Aussi, quelles sont les mesures que vous allez prendre ?

Mme Christiane Demontès. Elles ont déjà été votées !

M. Jean Desessard. Nous avons naïvement proposé un certain nombre de mesures qui nous paraissaient intéressantes, mais vous nous avez répondu qu’elles n’étaient pas bonnes et que vous alliez en prendre d’autres, ou du moins c’est ce que j’ai cru comprendre. Je pourrais développer mon propos, mais je m’aperçois que j’ai atteint la limite de mon temps de parole et que je n’ai pas eu le temps de présenter mon amendement. Je me contenterai donc, pour l’instant, de réitérer ma question : quelles sont ces mesures ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’ai sans doute eu tort de passer autant de temps à poser ma question, car je n’ai finalement pas reçu de réponse de M. le secrétaire d’État. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Monsieur Eckert, vous avez dit de façon intelligente, du moins en apparence,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Merci ! (Rires.)

M. Jean Desessard. … aux camarades communistes, aux camarades écologistes, à quelques camarades socialistes (Nouveaux rires.), que le Gouvernement était attentif au respect du CDI, qui doit être la forme de contrat la plus souhaitable.

Nous avons tous insisté sur la montée de la précarité, mais vous récusez toute mesure fiscale ou sur les cotisations sociales au bénéfice d’autres mesures.

Monsieur le secrétaire d’État, j’y insiste, quelles sont ces autres mesures que vous allez nous proposer ?

J’en reviens à mon amendement. Dans la logique de celui qu’ont défendu tout à l'heure nos collègues du groupe CRC, il vise à conditionner les baisses de cotisations employeur au recours à des contrats à temps plein.

D’après l’INSEE, plus de la moitié des faibles rémunérations annuelles découlent du travail à temps partiel. La proportion de tels contrats a progressivement augmenté au cours des années pour atteindre, en 2012, 18 % des contrats en cours.

Monsieur le secrétaire d’État, on y revient toujours : contrat à temps partiel et CDD étant sources de précarité, quelles sont les mesures que vous envisagez pour lutter contre le recours à ces contrats ?

Deux attitudes sont possibles à cet égard. On peut considérer que le CDD est devenu la norme, en raison notamment de la concurrence : tel est le discours de l’opposition.

Mme Annie David. C’est le discours Dassault !

M. Jean Desessard. Il faudrait donc l’accepter, l’organiser même.

L’autre solution est de lutter contre, mais comment ?

Si l’on s’en accommode, comment fait-on pour que les gens vivent mieux en étant à temps partiel ou en CDD, notamment pour trouver un logement ?

Il est important de noter que les femmes sont particulièrement touchées par cette précarité : elles sont proportionnellement deux fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel.

Le dispositif d’exonération de cotisations patronales proposé sans distinction ayant été fortement mis en question lors de cette séance, du moins par quelques-uns, cet amendement vise à réserver l’exonération à des contrats à temps plein pour inciter les employeurs à choisir cette durée de temps de travail, condition nécessaire pour favoriser non seulement la qualité de l’emploi, mais aussi l’égalité salariale entre les femmes et les hommes,…

M. Jean Desessard. … puisque la précarité touche davantage les femmes.

Il faut donc soit lutter contre la précarité, soit trouver un dispositif améliorant le revenu des précaires.

Monsieur le secrétaire d’État, pour conclure, je vous demande une nouvelle fois quelles mesures vous allez prendre pour faire en sorte que le CDI demeure la norme et ainsi enrayer la montée de la précarité en France. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Éric Doligé. Vous avez déjà posé la question quatre fois !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer les mots :

et d’un cœfficient

par les mots :

, d’un cœfficient et du taux d’évolution des effectifs de l’entreprise sur un an

II. – Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux d’évolution des effectifs de l’entreprise sur un an est égal au rapport entre les effectifs de l’entreprise tels que définis à l’article L. 1111-2 du code du travail en début d’année et ces effectifs en fin d’année.

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Les effets sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales sont des plus contestés. Aucune étude ne peut donner avec certitude le nombre d’emplois créés grâce à ces mécanismes, au point que l’on entend parler de chiffres très éloignés les uns des autres, allant du simple au double.

Les économistes, y compris ceux qui défendent la théorie dite de l’élasticité du coût du travail, sur laquelle est fondée cette politique, reconnaissent eux-mêmes que les choses sont souvent « plus complexes que ce que l’on pourrait croire de prime abord », comme le précisait l’étude « Audric, Givord et Prost » de 2009, quand l’étude dite « Legendre et Le Maitre » parlait, elle, « d’une énigme non résolue ».

Vous le savez, pour notre part, nous sommes opposés à ces mécanismes, car nous considérons que, si l’État souhaite soutenir une politique de l’emploi, il doit le faire avec ses propres ressources, avec un levier fiscal, et non avec les cotisations sociales, qui appartiennent aux salariés, dont la gestion et les choix d’affectation devraient revenir aux salariés, notamment via leurs organisations syndicales.

Qui plus est, les cotisations patronales étant des éléments de salaire socialisés, chaque réduction de ces prélèvements s’apparente à une réduction de ce salaire mis en commun qui, sous une forme indirecte et parfois différée, profite aux salariés.

Toutefois, bien qu’étant opposés à ces mécanismes, nous ne nous interdisons pas d’imaginer des dispositifs destinés à contrôler leur application, ou même de tenter de les rendre moins nocifs pour les salariés comme pour les comptes sociaux.

L’objet de cet amendement est donc de proposer que l’application des exonérations de cotisations sociales dans les entreprises soit clairement liée aux évolutions des effectifs au sein de chacune d’entre elles.

L’objectif serait, a minima, de s’assurer que ces mécanismes ne subventionnent pas des suppressions d’emplois et de vérifier que les bénéficiaires jouent réellement le jeu de l’emploi.

Nos concitoyens ne comprendraient pas, à juste titre, que le bénéfice de ces milliards d’aides publiques ne soit ni conditionné ni contrôlé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement, qui a pour objet d’établir un lien entre les allégements de cotisations et l’évolution des effectifs de l’entreprise, a reçu un avis défavorable de la commission.

Je me permets d’ajouter que, s’il était voté, il pourrait aggraver la situation d’entreprises en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je profite de la discussion de cet amendement pour répondre à M. Desessard, qui a l’impression que je l’ai méprisé. En fait, à un moment, je ne savais plus très bien s’il défendait un amendement sur les CDI ou sur le temps partiel.

Ma réponse est claire : l’outil qui me semble adapté est un livre, souvent rouge, mais pas toujours, que certains trouvent trop épais et qui s’appelle le code du travail.

Monsieur Desessard, le droit du travail a encore récemment connu des avancées concernant le temps partiel ; j’ai rappelé tout à l’heure l’obligation de consigner le volontariat pour un temps de travail inférieur à vingt-quatre heures dans un texte qui a été adopté récemment par le Parlement.

Le Gouvernement est décidé à lutter à la fois contre le temps partiel imposé et contre les CDD reconduits à l’excès alors qu’ils pourraient utilement être transformés en CDI.

L’amendement n° 57 touche à un sujet proche, car il vise à assujettir la réduction de cotisations à la création d’emplois. Là encore, cette disposition me paraît assez difficile à mettre en œuvre puisque l’évolution de l’emploi dans une entreprise n’est pas toujours complètement choisie : elle peut également être subie.

L’adoption de cet amendement pourrait malheureusement avoir des effets pervers. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.