M. Philippe Dallier. Reculer sans cesse n’est pas la solution !

M. Jean Germain. Cependant, il est important de montrer que nous sommes collectivement capables d’utiliser les « flexibilités » qui permettent la prise en compte de la réalité économique dans l’application des règles européennes.

Ce projet de loi de programmation trace une perspective de réduction de nos déficits publics à un rythme qui prend en compte le taux de croissance. La conséquence en est que le déficit baissera, en l’état de nos prévisions de recettes et de dépenses, passant de 4,4 % en 2014 à 4,3 % en 2015.

Quant aux objectifs d’économies que nous avons fixés, ils ne sont pas remis en cause. Cet effort est prévu. Nous avons besoin de faire des économies de dépenses, non seulement pour pouvoir baisser les impôts, mais aussi pour retrouver des marges de manœuvre dans les budgets publics.

Sur ces questions, l’avenir tranchera. Toujours est-il que, pour le groupe socialiste, utiliser la flexibilité que nous permet l’Union européenne pour éviter de décider des économies supplémentaires qui viendraient encore ralentir la croissance et augmenter le chômage est une bonne solution.

Je souhaite maintenant insister sur plusieurs aspects du texte que nous a transmis l’Assemblée nationale.

L’article introduit par les députés pour sécuriser le recours aux partenariats publics privés me semble particulièrement bienvenu. Les PPP ont leur utilité et leur raison d’être pour certaines opérations complexes, mais y avoir recours comme solution de facilité quand la complexité vient non de l’opération elle-même, mais de la difficulté du maître d’œuvre à dominer son sujet peut se révéler très dangereux.

M. Philippe Dallier. Et très coûteux !

M. Jean Germain. La sécurité juridique vient d’une certaine relation d’égalité entre les cocontractants. Il ne faut pas que des collectivités locales et des administrations, croyant trouver une solution facile, se trouvent sous la dépendance de grands groupes privés.

Cette disposition issue des travaux de l’Assemblée nationale vise à introduire un équilibre, à alerter ces maîtres d’œuvre potentiellement vulnérables. Elle est opportune en ce qu’elle permettra d’éviter des catastrophes et du contentieux. En ce sens, elle bénéficie aux partenaires privés des administrations.

Beaucoup ont contesté, en commission ou dans cet hémicycle, l’objectif d’évolution de la dépense locale. Ce dispositif est issu d’une proposition du rapport Malvy-Lambert intitulé Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l’engagement de chacun. Il vise à associer les collectivités à l’élaboration du programme de stabilité.

S’agit-il d’une remise en cause de la libre administration des collectivités territoriales ? Pas du tout ! Il s’agit de se parler, d’échanger des évaluations chiffrées d’objectifs souhaités. Il s’agit de la publication des hypothèses de travail de l’État sur ce que pourrait être l’attitude des collectivités territoriales dans le contexte de l’effort général auquel nous sommes appelés.

Faire part d’hypothèses de travail peut-il être assimilé à une injonction insupportable ? Je ne le crois pas. J’y vois au contraire un signe de respect. Certes, les collectivités entendent, à travers cet objectif, des nouvelles qui ne leur plaisent pas, mais depuis quand, dans une démocratie, le langage de vérité est-il inconstitutionnel ?

Pour finir, je veux revenir sur la principale critique que ses adversaires adressent au texte qui nous vient de l’Assemblée nationale et qui traduit la politique du Gouvernement. Selon eux, les efforts ne seraient pas assez rigoureux. Je crois au contraire que les objectifs du Gouvernement sont justes et équilibrés. Ils sont ouverts à des adaptations.

Il y a encore peu de temps, l’Allemagne, gonflée de certitudes, était citée en exemple : elle était austère, et elle l’était franchement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’équilibre du budget !

M. Jean Germain. Certains d’ailleurs voulaient qu’on la suive.

Depuis quelque temps, nous voyons les Allemands douter. Les effets attendus…se font attendre, alors que les effets provoqués sont bien là !

Si le chômage est, en Allemagne, deux fois plus bas qu’en France, les travailleurs pauvres y sont deux fois plus nombreux. Et si les chômeurs de longue durée vont, nous dit-on, sortir du chômage, c’est tout simplement parce que, comme il est impossible de ne pas les aider, mais que l’on ne veut pas parler d’allocations, on va leur verser un salaire, payé par l’État !

Ils ne toucheront pas un salaire parce qu’ils sortiront du chômage, mais ils sortiront du chômage parce qu’ils toucheront un salaire. Le ministre du travail allemand vient de débloquer une enveloppe annuelle de 150 millions d’euros pour subventionner ces emplois, au moment même où un rapport de ses services a établi que les fameuses réformes Hartz IV, qui ont libéralisé le marché du travail en 2004, ont coûté 350 milliards d’euros aux caisses de l’État en une décennie.

Parallèlement, le ministre allemand de l’environnement, peu suspect de laxisme dans son domaine, envisage de revenir sur les aides aux énergies dites « renouvelables », comme les éoliennes industrielles, pour lesquelles les Allemands s’étaient enthousiasmés. Les effets en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre se révèlent contre-productifs et les dépenses liées aux subventions d’ici à 2040 se compteront en trillions d’euros, c’est-à-dire en milliers de milliards d’euros, si le modèle n’est pas réformé. Pendant ce temps, la France, avec le projet de loi relatif à la transition énergétique qui est actuellement en navette, fait porter l’effort sur les économies d’énergie.

Le modèle allemand, que certains mettent en avant pour défendre l’austérité, a surtout un vice intrinsèque : il est fondé sur un important excédent commercial. Par définition, ce modèle n’est pas « exportable ». Tous les pays ne peuvent pas se retrouver excédentaires en même temps. Il faut avoir des balances commerciales équilibrées : c’est le sens des messages que le Gouvernement fait passer à l’échelon européen, et nous soutenons son action.

Voilà deux jours, nous apprenions qu’un audit interne du bureau d’évaluation indépendant du Fonds monétaire international critique les mesures d’austérité budgétaires prises après la crise. Selon cette étude, le FMI a certes d’abord apporté une réponse appropriée à la récession mondiale de 2008-2009 en appelant à une relance budgétaire massive dans les pays riches, « mais son appel en 2010-2011 à un basculement vers la consolidation budgétaire dans quelques-unes des plus grandes économies était prématuré ».

Personnellement, je vois dans cette appréciation du bureau d’évaluation du FMI une justification à la fois de l’effort de 50 milliards d’euros d’économies demandé par le Gouvernement et du fait que cet effort ne soit pas plus important. Nous regrettons donc que la nouvelle majorité sénatoriale se mette des œillères (M. Philippe Dallier s’exclame.) et nous approuvons les choix équilibrés assumés par le Gouvernement dans ce projet de loi, ainsi que les amendements qu’il va présenter pour rétablir la légalité constitutionnelle de celui-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, tel qu’il a été remanié par la commission des finances du Sénat, n’a que peu à voir avec une loi de programmation des finances publiques au sens du TSCG – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – ou de la loi organique.

La majorité sénatoriale a fait le choix d’exprimer son désaccord avec la politique budgétaire du Gouvernement –c’est son droit le plus absolu – en supprimant une grande partie des articles relatifs aux orientations pluriannuelles des finances publiques.

Je regrette néanmoins que, de ce fait, nous ne puissions discuter de l’effort important en matière de maîtrise de la dépense publique et des mesures en faveur de la croissance et de la compétitivité des entreprises que le Gouvernement met en œuvre dans le prolongement du pacte de responsabilité et de solidarité.

Les récentes annonces sur le ralentissement de l’économie allemande accroissent le risque déflationniste dans la zone euro. Nous mesurons la difficulté de fixer la trajectoire budgétaire de notre pays dans cet environnement macroéconomique incertain.

La tentation de privilégier un scénario optimiste, voire irréaliste, fut le péché originel des précédentes lois de programmation des finances publiques, qu’elles aient été l’œuvre de majorités de droite ou de majorités de gauche.

Je ne rappellerai pas l’ampleur des décalages permanents, s’agissant notamment de l’objectif à moyen terme. Le seuil de 0,5 % de déficit structurel est semblable à l’horizon : plus on avance, plus il s’éloigne !

Le texte du Gouvernement reposait sur une projection de croissance potentielle moyenne de 1,1 %, conformément aux estimations publiées par la Commission européenne en mai dernier.

En termes de croissance effective, pour les exercices 2014 et 2015, les prévisions du Gouvernement s’accordaient avec celles de l’OCDE ou du FMI et pouvaient être qualifiées de raisonnablement optimistes. Tel est en substance l’avis du Haut Conseil des finances publiques. Plus récemment – nombre des orateurs qui m’ont précédé l’ont rappelé –, la Commission européenne a abaissé sa prévision à 0,7 %.

En revanche, il faut souligner que les projections gouvernementales pour 2016 et au-delà relevaient plutôt de l’incantation et du vœu pieux de l’arrivée d’une reprise forte dont nous ne voyons pas les prémices.

Mes chers collègues, permettez-moi de m’attarder sur l’article 11, qui prévoit la création de l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, l’ODEDEL. Cet objectif a suscité des interrogations, pour ne pas dire des inquiétudes, en commission et, au-delà, chez nombre d’élus.

Cette prescription, qui a été assouplie lors de l’examen du texte en commission, ne contrevient-elle pas aux principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, si durement conquis par ces dernières ?

La participation des administrations publiques locales au redressement de nos comptes publics est une nécessité largement admise sur l’ensemble de nos travées. Il y aurait cependant beaucoup à dire sur les conséquences des baisses des concours financiers de l’État aux collectivités, notamment sur le risque récessif lié à la diminution des dépenses publiques d’investissement. Nous aurons largement l’occasion d’y revenir lors de l’examen du projet de loi de finances et nous attendons avec intérêt les conclusions du rapport de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard.

S’agissant des articles du titre II, qui fixent les règles relatives à la gestion des finances publiques, nous vous rejoignons, monsieur le rapporteur général, lorsque vous améliorez les mécanismes d’information et de contrôle par le Parlement de l’exécution des lois de finances. Je pense notamment aux informations relatives aux opérateurs de l’État.

D’autres amendements adoptés en commission nous paraissent relever davantage de l’affichage politique. Il en est ainsi du mécanisme de « frein à la dette ».

La majorité des sénateurs du RDSE regrette la suppression des articles du titre Ier. Néanmoins, certaines dispositions adoptées par la commission des finances, au titre II, ne sont pas dénuées d’intérêt. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si, vous l’aurez compris, nous sommes plutôt réservés sur le texte élaboré par la commission des finances et la nouvelle majorité sénatoriale, nous ne déterminerons notre vote qu’à l’issue des débats, car nous sommes adeptes de l’écoute, du dialogue et de la liberté. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi intervient à un moment clé. Vous devez faire face, monsieur le secrétaire d’État, à la Commission européenne, aux marchés et, surtout, aux entreprises, qui connaissent des difficultés. Le chômage s’aggrave et le mur de la dette se rapproche.

En toute logique, l’objet de ce projet de loi devrait être de nous contraindre à nous inscrire collectivement dans une véritable démarche de réduction des déficits publics, ainsi que de donner une visibilité et une perspective au corps social, aux marchés, aux investisseurs, à l’ensemble du pays.

Or, paradoxalement, on aboutit au résultat inverse, et ce au moment où nous sommes dans le viseur de nos partenaires européens et de la Commission européenne, qui jugent nos efforts insuffisants.

Ce projet de loi est d’abord fragile par construction ; M. le rapporteur général de la commission des finances l’a excellemment rappelé. Je pense aux économies projetées, en particulier à celles qu’il est prévu d’imposer aux collectivités territoriales.

La mise en œuvre des dispositions de ce projet de loi est en outre aléatoire, car trop sensible à la conjoncture. Le scénario proposé pourrait se dégrader fortement si le taux de croissance baissait simplement de 0,5 point. Or, selon la Commission européenne, la croissance sera systématiquement plus faible que celle qui est prévue par le Gouvernement pour les années 2014 à 2016. Ainsi, notre déficit budgétaire s’établirait à 4,3 % du PIB en 2014, à 4,5 % en 2015, enfin à 4,7 % en 2016. Plus personne ne croit qu’il s’établira à 3 % en 2017. Quant à la dette, selon ce scénario, elle frôlerait les 100 % du PIB en 2016.

Ce projet de loi de programmation, qui devrait s’inscrire dans la durée, nous est paradoxalement présenté dans l’urgence. Vous avez obtenu un répit de Bruxelles, monsieur le secrétaire d’État ; il aura été de courte durée, puisque la Commission européenne a invalidé vos prévisions voilà quelques heures. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Au-delà, nous devons soulever une question de fond : la priorité affichée de réduire les dépenses est largement contredite par l’ampleur du déficit, qui continue d’augmenter. Nous reconnaissons bien entendu la difficulté de votre tâche, monsieur le secrétaire d’État, mais on a le sentiment que votre stratégie repose sur l’espoir que le retournement économique à l’échelle mondiale profitera à la France. Nous le souhaitons, bien sûr, mais il est permis d’en douter, et ce doute méthodique s’appuie malheureusement sur des indices sérieux.

Certes, faire des prévisions économiques est difficile, et tous les gouvernements sont confrontés à cette difficulté, mais tout de même ! Notre divergence principale est sans doute là : vous poussez les difficultés devant vous et vous faites le pari que la croissance réglera tout.

Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, notre scepticisme et, pour tout dire, notre déception à la lecture de ce projet de loi de programmation. La vertu de l’exercice est, en théorie, de donner de la crédibilité à la trajectoire des finances publiques. Vous espérez des lendemains meilleurs : pourquoi pas, mais encore faut-il que l’hypothèse soit construite et crédible.

Au-delà, ce projet de loi de programmation souffre d’un défaut majeur : il risque de renforcer l’effet d’éviction que subit notre pays, dans une économie mondialisée et dans une Europe ouverte, en raison de l’état de ses finances publiques. Dans cette économie, les capitaux sont investis après une analyse très fouillée de la stabilité financière du pays, et donc de la trajectoire de ses finances publiques. Ces investissements, ce sont les emplois de demain. Les investisseurs regardent nos fondamentaux, mais les marchés, qui financent notre dette, s’intéressent tout autant à cette trajectoire.

Nous souffrons déjà d’un effet d’éviction des investissements. Cet effet peut s’aggraver si les perspectives pour nos finances publiques ne s’améliorent pas. Nous risquons également de souffrir demain d’attaques spéculatives contre notre dette, avec les conséquences désastreuses et prévisibles que cela emportera pour nos finances. À cet égard, les chiffres donnés par M. le rapporteur général lors de la réunion de la commission des finances font froid dans le dos. Je le remercie de nous les avoir donnés, mais je pense que mieux vaut ne pas les reprendre ici…

Ce projet de loi devrait nous rassurer sur ces deux points, mais tel n’est malheureusement pas le cas. S’ajoute aux risques que j’ai évoqués celui d’un décrochage brutal en matière de croissance : la France risque de rester à l’écart de la croissance mondiale qui repart. C’est un risque que nous devons considérer lucidement. Nous ne voyons pas ce qui pourra nous permettre de l’écarter si de véritables réformes structurelles ne sont pas engagées pour rendre notre pays réellement compétitif. Au-delà des mots, il faut des actes.

Il faut entreprendre les réformes structurelles que nos voisins, eux, ont faites : réforme du marché du travail, même si elle est difficile et doit être négociée, redéfinition du périmètre des interventions et des missions de l’État – sachant que nous sommes presque arrivés à l’os, nous ne pourrons plus faire d’économies supplémentaires dans deux ou trois ans si ces missions ne sont pas redéfinies –, réforme de l’assurance chômage, dans la concertation et le dialogue, réforme de la protection sociale… Ce sont là des enjeux majeurs. Toutes ces réformes sont sans cesse reportées ou escamotées : à cet égard, il est vrai que l’on peut jeter la pierre aux différents gouvernements qui se sont succédé. Ce n’est qu’à la condition de mener de telles réformes que nous retrouverons le chemin de la croissance et que nous assainirons durablement nos finances publiques.

Il faut revenir à une vision stratégique de ce que fait l’État et de la trajectoire de ses finances. La France est scrutée, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez fort bien. Nous attendions de ce projet de loi de programmation qu’il redonne une lisibilité et une perspective à votre stratégie financière. Trop d’incertitudes, trop de paris sur l’avenir, trop d’hypothèses fragilisées par les avis du Haut Conseil des finances publiques et la Commission européenne font que ce texte est, à bien des égards, une occasion manquée.

En conclusion, tout repose sur le retour de la croissance et le maintien de taux bas. Nous bénéficions de ce point de vue, monsieur le secrétaire d’État, d’une conjoncture extrêmement favorable aujourd'hui. Nous savons malheureusement que cette conjoncture positive peut être temporaire. Surtout, elle est due à des facteurs totalement extérieurs, en particulier le bien moindre recours aux marchés de l’Allemagne et des pays ayant fait leurs réformes, qui nous est évidemment favorable. Poser ce constat, c’est dire que, faute de véritables réformes, nous sommes entre les mains des marchés.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI-UC soutiendra la rédaction du projet de loi issue des travaux de la commission des finances du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
Discussion générale (suite)

5

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 6 novembre 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi de question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 442-3 du code de la construction et de l’habitation (habitations à loyer modéré) (2014-442 QPC et 2014-443 QPC).

Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, en accord avec le Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Questions cribles thématiques

logement étudiant

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques posées à M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports, sur le logement étudiant, thème choisi par le groupe communiste républicain et citoyen.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC.

M. Claude Kern. Le logement est un sujet de préoccupation majeure pour l’ensemble des Français. Les causes de leurs inquiétudes sont parfaitement connues : le manque dramatique de constructions nouvelles et la hausse constante des loyers.

Les craintes sont encore amplifiées pour les plus jeunes, a fortiori pour les étudiants. Selon les dernières études disponibles, le taux d’effort nécessaire en matière de logement est d’environ 22 % pour les jeunes de moins de 25 ans et avoisine 53 % pour les étudiants. De plus, une enquête de l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, révèle que le prix des loyers des petites surfaces dans le privé a augmenté de 3,1 % pour cette dernière rentrée universitaire.

Les difficultés financières s’ajoutent à la pénurie grandissante de logements étudiants. Par exemple, en région parisienne, 3 % seulement des étudiants sont logés en cité universitaire.

Les réponses apportées, comme la caution locative étudiante, la CLÉ, vont dans le bon sens ; je les salue, mais elles sont largement insuffisantes et ne s’attaquent pas à la racine du problème, à savoir l’offre insuffisante de logements.

Le « plan 40 000 », lancé au début de cette année, fixe des objectifs ambitieux et nécessaires, mais je crains que ceux-ci ne puissent être atteints, par manque de financement et de réserves budgétaires.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser où en est la construction de logements étudiants ? Par quels moyens précis pouvez-vous la favoriser et remédier ainsi aux difficultés croissantes rencontrées par nos étudiants ?

Une autre mesure, pour développer l’offre, serait de prendre en compte les besoins des étudiants dans le projet d’aménagement et de développement durable, le PADD, qui est un document du plan local d’urbanisme, le PLU. Quelle est votre opinion sur cette proposition ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, avec le « plan 40 000 », le Gouvernement a véritablement érigé le logement étudiant en priorité. Quel bilan de cette opération peut-on établir ? En 2013, 8 500 nouvelles places ont été créées au sein des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – les CROUS –, dont 3 900 constructions et 4 600 réhabilitations. En 2014, même s’il est prématuré de dresser un bilan définitif à ce stade, 8 130 places devraient être livrées, dont 2 241 constructions et 4 071 réhabilitations.

Ces données ne prennent en compte que les places relevant des CROUS ou gérées par eux. Les chiffres concernant les logements construits par les organismes d’HLM et gérés en régie ou par des associations, ainsi que les logements conventionnés à loyer plafonné créés par les opérateurs privés, ne sont pas totalement consolidés et ne sont pas intégrés au décompte : remédier à cette situation est précisément l’un des objectifs de la mission qui vient d’être confiée à M. Prévot. À titre d’information complémentaire, je puis cependant indiquer que 7 661 logements étudiants ont été financés en 2013 et 1 938 en 2014, mais ce dernier chiffre devrait augmenter, car pour l’heure le décompte est arrêté à l’été.

Toutefois, malgré ces chiffres positifs, il convient de faire preuve de beaucoup de vigilance sur la conduite des opérations de logement, en particulier de logement social, y compris étudiant. En effet, certains projets se trouvent bloqués, ce qui n’est pas acceptable. M. le Premier ministre est lui-même intervenu sur le sujet voilà quelques jours. Il convient d’appeler chacun à prendre ses responsabilités, afin que, dans le contexte actuel de crise du logement, la mise en œuvre des projets de construction de logements ne soit pas retardée.

La construction de logements étudiants est une priorité de l’action du Gouvernement. Le logement ne doit pas être un obstacle à la poursuite d’études et à la réussite étudiante. Il faut explorer toutes les pistes en matière de financement, y compris celles qui ont trait au développement durable.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Je prends note des efforts réalisés, mais je souhaiterais néanmoins exprimer un regret : sans nullement mettre en cause vos compétences, monsieur le secrétaire d’État, je trouve tout de même dommage, étant donné l’importance du sujet, que la ministre chargée du dossier n’ait pas pris la peine de se déplacer au Sénat aujourd'hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe UMP.

M. Jacques Grosperrin. Ma question porte sur la caution locative étudiante.

Le logement est le premier poste de dépense pour les étudiants : il représente 48 % de leur budget à l’échelle nationale et 55 % en Île-de-France. Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 1,1 million d’étudiants sont locataires d’un logement du parc privé, mais 16 % d’entre eux, soit 180 000 étudiants, ont du mal à fournir une garantie et à régler la caution demandée par le bailleur. La création d’un dispositif de cautionnement par l’État vise donc ces étudiants, qui sont souvent issus de familles modestes.

Après une période de test en 2013, la CLÉ a été étendue à toutes les académies au mois d’août dernier. Alors que le dispositif concernait jusqu’à présent moins de 2 000 bénéficiaires, tous les étudiants de moins de 28 ans pourront désormais demander la caution de l’État, à condition que leur loyer soit inférieur à 500 euros en province, à 600 euros en Île-de-France et à 700 euros à Paris. En cas de non-paiement du loyer, l’État se substituera au locataire pour une durée pouvant atteindre six mois.

Je regrette les hésitations marquant la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, ainsi que le caractère tardif de la réforme, qui ont empêché la plupart des étudiants de bénéficier d’une telle aide lors de cette rentrée universitaire.

Ensuite, je m’interroge sur le financement du fonds de garantie qui interviendra en cas d’impayés. Il est prévu que plusieurs acteurs l’alimentent : l’État, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires et la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 600 000 euros, les régions partenaires ajoutant chacune 100 000 euros et les étudiants concernés versant une cotisation de 1,5 % du montant du loyer.

Si le dispositif rencontre la faveur des étudiants, ces sommes apparaîtront rapidement insuffisantes. Je souhaiterais donc connaître les conditions de sa montée en charge. Je m’interroge également sur la capacité réelle de l’État à recouvrer les dettes contractées par de jeunes mauvais payeurs, car il y a un risque de déséquilibre des comptes.

Enfin, je m’étonne du plafonnement des loyers prévu par le dispositif.