M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je formulerai quelques remarques sur cette question.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé d’amorcer un mouvement global de simplification de la fiscalité en proposant de supprimer des taxes dites « petites et diverses » et dont le rendement serait trop faible ou trop anecdotique pour justifier leur maintien.

Ce matin, au sujet des niches fiscales, vous avez dit qu’on mélangeait un petit peu tout dans le domaine de la fiscalité et qu’il fallait faire du tri dans les crédits d’impôt et les niches fiscales.

En l’occurrence, j’ai l’impression que l’on mélange aussi un peu tout. Les petites taxes sont très diverses : certaines sont perçues au profit de l’État, d’autres, au profit des collectivités territoriales ou d’agences qui mènent des actions en lieu et place de l’État. Aussi, il nous faut engager un véritable débat sur ces questions.

Toutefois, comme l’ont fait de nombreux autres collègues, je veux revenir sur la libre administration des collectivités territoriales.

Concernant la question de l’imposition, le Parlement nous offre des possibilités, que nous saisissons ou pas. C’est un choix local. Cela vaut tant pour les DMTO que pour la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines ou la taxe de trottoirs.

J’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre. En effet, dans le cadre de la loi GEMAPI, gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, une nouvelle taxe a été créée pour, soi-disant, permettre aux collectivités territoriales de prendre en charge la gestion des digues, car l’État veut leur transférer cette gestion. Il s’agit aussi en soi d’une petite taxe, puisque la somme est limitée.

La taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines procède du même esprit. Comme l’a rappelé notre collègue Vincent Delahaye, cette taxe a pour objet de faire en sorte que des eaux pluviales soient dirigées non pas dans le réseau, mais dans des rues ou des bassins de rétention, pour éviter qu’elles ne viennent grossir trop vite la rivière en cas d’orage. Elle est donc un élément de la lutte contre le risque d’inondation. Aussi a-t-elle sa pertinence, et elle présente un intérêt selon les territoires concernés, qui peuvent la mettre en place ou non.

Si les règles de mise en œuvre de cette taxe figurent dans un document énorme, monsieur le rapporteur général – je le sais bien, car je l’ai consulté ! –, et sont complexes, cela signifie qu’il faut sans doute les simplifier. Supprimer cette taxe n’est pas obligatoirement la bonne solution.

Si un travail doit être fait aujourd'hui, il faut peut-être, selon moi, le faire porter sur un certain nombre de taxes. En tout cas, il ne faut pas ôter aux collectivités, qui sont face à des responsabilités importantes, la possibilité de pouvoir choisir leur mode de gestion, d’autant que la responsabilité de l’État n’est pas très engagée dans cette démarche.

Je suis d’autant plus attentive à cette question que, comme l’ont souligné certains collègues, vous nous enlevez la possibilité de répondre à des besoins particuliers au moment même où vous nous imposez des contraintes en termes de dépenses.

Mme Marie-France Beaufils. C’est vraiment contraire à la libre administration des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends votre agacement. (M. le secrétaire d’État hoche la tête en signe de désapprobation.)

Depuis vingt ans, les gouvernements de droite et de gauche ont fait en sorte que l’autonomie fiscale des collectivités soit mise à mal.

M. Roger Karoutchi. Lorsque j’ai commencé à exercer mes fonctions au niveau régional, la part du budget de la région d’Île-de-France relevant de l’autonomie fiscale était comprise entre 38 % et 39 %, contre 11 % aujourd'hui. Je ne dis pas que c’est depuis deux ans ; c’est depuis vingt ans, c’est vrai, que les contraintes ont considérablement augmenté. Voilà, on le dit !

Une réforme est nécessaire. En effet, il faudra bien, à un moment, engager une véritable réforme des collectivités concernant leur financement, leur autonomie. Et il faut se mettre d’accord, car cela ne sert à rien de courir l’un après l’autre pour constater, au final, que, d’année en année, on a moins de capacités et moins d’autonomie.

Certes, je vais voter ces amendements. Mais reconnaissons que nos débats de cet après-midi sont quelque peu surréalistes : nous livrons une bataille rangée pour 1,5 million d’euros,…

M. Jean-Claude Boulard. Petite bataille…

M. Roger Karoutchi. … tandis que le Gouvernement réduit de 11 milliards d’euros les dotations des collectivités territoriales.

M. Roger Karoutchi. Force est de reconnaître que nous employons le marteau pour écraser un moucheron !

Monsieur le secrétaire d’État, je vous le dis en toute franchise, en tant que président de la commission des finances de la région d’Île-de-France : certains procédés ne sont pas acceptables.

En 2012, la région d’Île-de-France a renégocié avec le Gouvernement le financement du Grand Paris Express. J’ai pris part à ces discussions, je l’avoue volontiers, avec l’exécutif régional de gauche, car à mon sens, elles relevaient de l’intérêt général. Un important apport de l’État s’ajoutait alors aux financements des entreprises et de la Société du Grand Paris, la SGP. Assez vite, on nous a déclaré que l’État ne pourrait pas participer, pour des raisons budgétaires que l’on conçoit.

On nous a expliqué que l’ensemble des réserves de la SGP seraient mobilisées, et qu’elles se substitueraient à cet apport. Las, ces fonds sont formés à partir des impôts payés par les Franciliens et les entreprises de la région.

Ensuite, nous avons signé la convention de 2013 sous l’égide de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre. À cette occasion, on nous a assuré que l’État apporterait 150 millions d’euros supplémentaires au titre du plan de rénovation énergétique de l’habitat et du Grand Paris Express.

Au bout d’un an, nous avons compris que nous ne recevrions pas les crédits en question. Nous avons protesté, en exposant que l’État risquait de mettre à mal tous les investissements, et partant le Grand Paris Express. En conséquence, vous avez demandé au Parlement d’autoriser l’augmentation des taxes pesant sur les entreprises et les ménages pour dégager la somme de 140 millions d’euros, que Manuel Valls a persisté à présenter comme « l’apport de l’État au financement du Grand Paris Express ».

Je m’excuse, mais il ne s’agit pas d’un apport de l’État : c’est un simple transfert ! En somme, l’État autorise le conseil régional à augmenter les impôts pesant sur les ménages et sur les entreprises. Voilà où est le problème.

Il ne me semble pas qu’une seule commune d’Île-de-France perçoive une taxe sur les eaux pluviales ou sur les trottoirs. Parallèlement, je comprends très bien votre souci de simplification. L’État, selon vous, réduit les impôts en simplifiant l’imposition. Mais, parallèlement, il ampute de 11 milliards d’euros les dotations des collectivités ! Et, au lieu de s’impliquer dans un grand projet, conformément à ses engagements, le Gouvernement, faute de moyens – ce que l’on peut comprendre –, demande au Parlement d’autoriser les collectivités à augmenter les impôts pour « constituer » la part de financement de l’État. Le serpent finit par se mordre la queue !

Notre région veille à ne pas écraser les entreprises sous le poids des charges, alors même que l’on nous suggère d’augmenter le versement transport. La situation devient intenable. J’appelle donc d’urgence à une remise à plat du dispositif d’ensemble, à une réforme du millefeuille. Car, pour l’heure, nous sommes dans la pure folie. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je laisserai à MM. Boulard et Germain le soin d’évoquer spécifiquement ces amendements.

Je constate, pour ma part, que nous venons d’assister à un petit échauffement, avant les débats de lundi ou de mardi.

M. Didier Guillaume. On le sait très bien, la question du budget des collectivités territoriales va enflammer le Sénat,…

M. Alain Joyandet. Mais non !

M. Didier Guillaume. … étant donné l’intérêt que nous y portons,…

M. Alain Fouché. C’est logique !

M. Didier Guillaume. … ce qui est bien normal.

M. Alain Fouché. Bien sûr, puisque nous sommes touchés !

M. Didier Guillaume. Nous, sénatrices et sénateurs, sommes particulièrement les représentants des collectivités territoriales.

M. Karoutchi l’a rappelé fort justement : il y a bien plus de deux ans que les collectivités sont étranglées par les charges.

M. Philippe Dallier. Mais ce n’est pas une raison !

M. Didier Guillaume. M. Eckert a évoqué l’augmentation des DMTO. Pourquoi cette hausse a-t-elle eu lieu ? Parce que, entre 2004 et 2012, face aux multiples transferts opérés par l’État – je songe notamment au RSA –, les conseils généraux ont fini par ne plus pouvoir assumer leurs missions.

M. Didier Guillaume. Pis, vingt à trente départements auraient été jugés en dépôt de bilan s’ils avaient été, non des collectivités, mais des entreprises.

M. Didier Guillaume. L’effet de ciseaux entre les dépenses et les recettes a dégénéré en effet de garrot : les départements ont été étranglés.

Il fallait trouver une solution, ce qui n’a pas été fait entre 2004 et 2012. Aussi l’Assemblée des départements de France a-t-elle pris, entre 2009 et 2010, une décision unanime : effacer la dette de l’État vis-à-vis des conseils généraux. Nous sommes partis de ce principe : quelle que soit la majorité élue en 2012, personne ne remboursera ces créances – ces dernières s’élèvent à 3,5 milliards d’euros pour le seul RSA. Il faut donc privilégier de nouvelles recettes.

En conséquence, nous avons conclu un accord, dont je remercie le Gouvernement. Ce texte portait sur deux points, que la Haute Assemblée a examinés.

D’une part, les collectivités territoriales ont obtenu le droit d’augmenter les DMTO. Il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation ! (M. Michel Bouvard s’exclame.) À l’époque, tous les élus de droite se sont opposés à cette mesure, en déclarant qu’ils refusaient de créer un nouvel impôt, une nouvelle charge. Aujourd’hui, quatre-vingt-treize départements de France ont augmenté les DMTO. (M. Michel Bouvard s’exclame de nouveau.)

M. Philippe Dallier. Parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement !

M. Didier Guillaume. J’en conviens tout à fait, il n’y avait pas d’autre possibilité : le transfert du RSA nous a étranglés.

D’autre part, grâce aux accords conclus à Matignon avec le soutien de la droite et de la gauche, la France a connu, l’année dernière, et pour la première fois depuis dix ans, une péréquation positive de l’État envers les départements faisant face à de grandes difficultés. Il faut en savoir gré aux uns et aux autres.

Nous débattrons plus avant de ces questions lundi. Dans la situation actuelle, pour réduire la dette, les déficits, la dépense publique, tout le monde doit faire un effort, notamment les collectivités territoriales, nous en convenons tous, à divers degrés. Cela étant, on ne peut procéder en dépit du bon sens et en se faisant taper, ici ou là, des petites taxes !

Certes les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais là n’est pas l’essentiel : il faut se concentrer sur l’effort que les collectivités vont devoir accomplir au cours des trois années à venir, et qui s’établit entre 10 et 11 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros dès l’année prochaine. Surtout, cet effort doit être réparti le plus équitablement possible, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Aussi, nous voterons bien sûr les amendements déposés par nos collègues, car il s’agit d’un signe.

M. Philippe Dallier. Je n’avais pas tout compris !

M. Didier Guillaume. Monsieur Dallier, pour ma part, j’ai parfaitement compris !

M. Philippe Dallier. En tout cas, pas moi !

M. Didier Guillaume. Le Gouvernement doit entendre le message du Parlement. Les efforts sont nécessaires, mais gardons-nous de frapper de manière trop aléatoire. Les collectivités territoriales finiraient par ne plus pouvoir suivre.

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.

M. Jean Germain. M. Guillaume a parlé d’« échauffement ». Pour ma part, en souvenir de mon service militaire, je parlerai de « hussards ». (Sourires.)

M. Philippe Dallier. Vous avez donc servi sous Napoléon ? (Nouveaux sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. (Désignant les bustes de l’hémicycle.) Ah ! Gouvion-Saint-Cyr ! Masséna !

M. Jean Germain. Les hussards peuvent être envoyés en éclaireurs pour explorer la route et assurer la progression des troupes – j’emploie cette image avec le plus grand calme : il ne me semble pas que ceux qui soutiennent ces amendements soient en guerre avec le Gouvernement.

Nous avons participé à toutes les réformes de la fiscalité locale. Certains d’entre nous ont en outre salué le redécoupage régional, même s’ils en ont été exclus. Ainsi, la région dont je suis l’élu souhaitait être réunie à d’autres territoires, pour former un vaste ensemble. On nous a répondu : « Non ! Vous le voulez peut-être, mais votre région restera toute seule. » (M. Roger Karoutchi rit.) Soit ! Nous poursuivons notre route.

Nous sommes, en l’occurrence, face à un autre enjeu : nous préparons un débat futur, sur la base d’une analyse de la situation générale fondée sur la consultation de chaque département. Personne ne refuse d’accomplir des efforts, mais il faut rester attentif au contexte dans lequel nous nous trouvons.

Ce n’est nullement une attaque contre le Gouvernement,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ouf ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Germain. … ou contre l’Inspection générale des finances, même si je relève au passage que nous n’avons jamais reçu le rapport en question…

M. Jean Germain. On s’est contenté de nous le promettre.

Au reste, si nous éprouvons pour l’Inspection générale des finances et pour la Cour des comptes tout le respect qui leur est dû, nous nous gardons, à leur égard, de toute déification.

M. Jean-Claude Boulard. Nous les connaissons trop bien pour cela !

M. Jean Germain. Nous sommes au Parlement, et la représentation nationale est ici dans son rôle. Nous ne nous exprimons pas, à cet égard, en tant que responsables de collectivités territoriales.

D’ailleurs, en procédant ainsi, nous nous inscrivons à mon sens dans la perspective tracée par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous souhaitons préserver un dialogue de qualité, fondé sur la confiance, entre l’État et les collectivités. C’est dans cet esprit que les membres du groupe socialiste ont déposé leur amendement.

On peut bien sûr décider de ne pas nous écouter du tout,…

Mme Chantal Jouanno. Nous vous écoutons !

M. Jean Germain. … en avançant que nos propos sont médiocres, que nous sommes des figures du passé, que nous ne comprenons rien à rien, que nous nous méfions des administrations,…

M. Jean-Claude Boulard. Ça c’est vrai ! (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Jean Germain. ... ce qui n’est pas du tout le cas !

M. Jean-Claude Boulard. Si, si ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Germain. Notre constat est très simple : on observe aujourd’hui une forme d’ébullition. On peut très bien refuser d’en tenir compte et passer outre, mais, dès lors, ce qui doit arriver arrivera.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Et ça viendra !

M. Jean Germain. Voilà tout. Bien sûr, les membres du groupe socialiste voteront ces amendements, et renouvellent leur confiance au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – MM. André Gattolin et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

M. Philippe Dallier. Ça c’est une sortie !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, je vais redescendre au niveau des trottoirs et des caniveaux… (Exclamations amusées sur quelques travées de l’UMP.) Je voterai ces amendements, notamment parce que l’une de ces taxes me paraît excellente : la taxe sur les eaux pluviales.

En tant que maire, j’aurais aimé disposer de ce formidable dispositif pour empêcher les habitants de rejeter ces eaux sur la voie publique.

Je songe par ailleurs à l’époque où nous restaurions un boulevard de notre ville. Il a fallu refaire des canalisations et aménager un exutoire. Quand on est, comme c’est le cas de notre commune, dans les causses, on n’a pas de rivière à sa disposition. Pour obtenir un exutoire, il faut donc qu’un propriétaire accepte de vendre un terrain, qu’on l’achète et qu’on l’aménage. Mais les riverains protestent, car, selon eux, cet équipement favorise la prolifération des moustiques, des serpents, et est source de pollution.

Une telle taxe aurait permis de financer ces travaux. Toutefois, le système existant est si complexe – M. le rapporteur général l’a souligné – que nous avons dû abandonner. Ma commune compte au rang de celles qui auraient peut-être appliqué ce dispositif si sa mise en œuvre avait été plus simple.

Voilà pourquoi je voterai ces amendements. Au reste, pour paraphraser la formule bien connue, une taxe ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ! (Sourires sur plusieurs travées. – MM. Vincent Capo-Canellas et Richard Yung applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je serai bref car, plusieurs de nos collègues l’ont dit, nous sommes appelés à revenir prochainement sur la question des collectivités territoriales.

M. Vincent Delahaye. Je ne crois guère au grand soir de la refonte des dotations et des aides de l’État, de la révision des valeurs locatives, de la réforme de la péréquation, etc.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Une révision à la baisse !

M. Vincent Delahaye. On verra bien ce qui nous sera annoncé et ce qui va se passer.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est simple, une baisse !

M. Vincent Delahaye. J’attends de voir.

Cela étant, le moment me semble assez mal choisi pour supprimer des taxes…

M. Vincent Delahaye. … qui, si elles sont modestes, sont d’un grand secours pour certaines de nos communes.

Monsieur le secrétaire d’État, vous appuyez votre administration, soit ! Il serait tout de même bon que vous donniez les instructions pour qu’un guide comme celui dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui compte quelque quatre-vingt-treize pages, ne puisse plus être imprimé à l’avenir. Ces publications, qui exigent en outre le travail de nombreux fonctionnaires, sont à mon sens bien excessives.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. J’abonde dans le sens de Mme Des Esgaulx, et je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. le secrétaire d’État notamment quant aux recettes des collectivités et aux taxes prélevées par les départements.

Les conseils généraux ont besoin de recettes. Dès le début de la décentralisation, au temps de Pierre Mauroy, l’État a transféré des charges aux départements sans leur accorder les recettes correspondantes, et ce quel que soit le gouvernement en place. Ce mouvement s’est encore accentué au cours des dernières années.

De plus en plus, les conseils généraux assurent les politiques de solidarité. L’État se désengage désormais de nombre de missions régaliennes, qu’il s’agisse des anciennes directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, les DDE et les DDA. De multiples services sont en train de fermer. Qui prend le relais ? C’est, naturellement, les collectivités territoriales, et au premier chef les départements.

J’entends des ministres faire des conférences de presse pour dire que les départements sont mal gérés, qu’ils embauchent trop… Mais les départements n’embauchent que parce que l’État se désengage ! Ils sont donc obligés d’accomplir ses missions et de recruter des personnels de l’État. C'est d'ailleurs pourquoi les personnels de la DDE sont accrochés au département pour se faire embaucher.

En outre, il est question de supprimer le fonds de péréquation – on y reviendra dans quelques heures, au début de la semaine prochaine. Mais qui le remplacera auprès des collectivités ? On sollicitera encore le département !

Je crois donc que, sur le principe, ce n’est pas le moment de sanctionner les collectivités qui, depuis des années, on fait des choix qui sont visiblement approuvés par leurs électeurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Boulard. Cela fait des mois que je demande sans succès – en dépit des promesses – la transmission du rapport de l’Inspection générale des finances. Compte tenu de l’importance de ce rapport, il serait tout de même normal que le Sénat l’obtienne !

Pour ma part, je ne vous cacherai pas que les rapports de l’Inspection générale des finances, tout comme les propos de la Cour des comptes, ne m'impressionnent guère – peut-être parce que je connais un peu ce monde, ce qui me permet d’avoir un jugement légèrement distancié. Et puis il y en a un peu assez de voir l’Inspection ou la Cour penser à notre place !

Ici, c'est le Sénat ; là-bas, c'est l’Assemblée nationale. Et c'est à nous, au Parlement, qu’il revient d’élaborer un certain nombre de propositions dans le cadre de l'intérêt collectif.

Seconde considération, ce débat n’est pas un petit débat ! Le nombre important des intervenants ne m'étonne pas. On voit bien le procédé, on commence par une ou deux taxes pour nous tester : « Vont-ils résister ? », se demande-t-on. Au fond, nous sommes de gentilles personnes, et le mot « simplification » est propre à nous séduire…

Mais, derrière le mot « simplification », se cache le mot « suppression ». Alors commençons par simplifier avant de supprimer ! De même, derrière le mot « toilettage », il y a « tondu ». Et derrière l’expression « mise à plat », on trouve « sur les jantes » – car les pneus se dégonflent…

Prenons donc garde à ces mots qui s'avèrent extraordinairement « piégeux », d’avec lesquels il convient de prendre parfois ses distances !

Le message que nous voulons faire passer est donc le suivant : alors que les dotations vont baisser, ce n’est pas le moment de remettre en cause, au motif de simplifier, des taxes qui participent de l’autonomie des collectivités locales, quelle que soit la modestie de leur rendement.

C’est un message utile car il y a des idées ! Si nous avions acquiescé à ce premier mouvement, on se serait dit : « Ils ont accepté, on va pouvoir continuer ! ». Non, décidément, il fallait porter un coup d’arrêt.

Par ailleurs, c'est une vieille idée, à Bercy, que de remplacer toutes nos taxes par des dotations. (M. Roger Karoutchi opine.) Depuis quarante ans, toutes majorités successives confondues, la continuité l’emporte toujours sur le changement lorsqu'il s'agit de remettre en cause l’autonomie fiscale des collectivités locales.

Même s'il ne s'agit que de petites taxes, le vote que vous allez émettre portera ce message : « On ne touche pas, quelle que soit la modestie des impôts en cause, à l’autonomie fiscale des collectivités locales ! »

M. Alain Fouché. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Au moment où nous avons abordé les amendements portant sur l’article 8, je ne pensais pas que la discussion susciterait autant de passion !

Depuis longtemps, année après année, budget après budget, le débat sur l’autonomie financière des collectivités est largement engagé. Ici, on parle de petites taxes – je découvre même l’existence de certaines d’entre elles. Par ailleurs, nous recevons divers rapports et documents, notamment de l’Inspection générale des finances et de la Cour des comptes, autant d’organismes que nous respectons. Mais chacun d’entre vous a-t-il le temps de les lire ? (MM. Jean-Pierre Caffet et François Marc acquiescent. – M. Jean-Claude Boulard s’exclame.) La question est là ! Même en travaillant nuit et jour, je ne suis pas certain que l’on parviendrait à tout lire !

D’un côté, on est donc noyé sous l’information. Mais de l’autre côté, la réforme des collectivités territoriales, la revalorisation des bases, cela fait des années que ça dure, quels que soient les gouvernements, de gauche ou de droite. ! Il ne faut donc jeter la pierre à personne ! Il arrive un moment où tout le monde devient responsable. Chacun doit alors se remettre en question, à tous les niveaux.

L’autonomie financière des collectivités territoriales, c'est une question qui, ici, nous engage tous, compte tenu de ce que sont nos missions et nos domaines d’activité. Et la passion qui nous anime, c'est bien celle de servir nos collectivités territoriales et l’État !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Petites taxes, grand débat ! (Sourires.) En réalité, le sujet qui nous occupe ce n’est pas celui des eaux pluviales ou des trottoirs, c’est, d'une façon générale, celui des ressources des collectivités locales, ce qui laisse augurer un vaste et beau débat sur l’article 9 !

Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai bien entendu tout à l'heure, et la commission des finances, dans sa majorité, ne vous suivra pas sur un point. Certes, on annonce une baisse des dotations de 11 milliards d’euros en trois ans. Lorsque nous avons débattu de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, nous avons essayé de regarder quelles seraient les conséquences de cette diminution, et deux d’entre elles nous inquiètent.

En premier lieu, la baisse de l’investissement : elle résultera mécaniquement de l’évolution des dotations, et cette baisse sera d’autant plus forte que les charges de fonctionnement continueront à progresser d’après les chiffres communiqués par le Gouvernement lui-même – à cause, par exemple, du GVT, le glissement vieillesse technicité.

En second lieu, nous sommes préoccupés par ce que l’on appelle « l’effet taux ». La décomposition de la baisse de 11 milliards d’euros, telle qu’elle résulte des chiffres du Gouvernement, montre que les collectivités locales seront contraintes d’augmenter leurs taux d’imposition pour plus de 4 milliards d’euros. Un tableau, qui figure dans la loi de programmation, le montre très précisément.

Alors, oui, on peut toujours dire que les collectivités seront libres d’augmenter ou non leurs taux d’imposition. Mais l’exemple des DMTO est à cet égard tout à fait significatif. Pourquoi cet exemple est-il venu spontanément ? Parce qu'on a dit aux départements qu’ils pouvaient augmenter leurs droits de mutation, alors qu’en réalité, ce n’est pas pour eux une possibilité, mais une obligation !

Si la quasi-totalité des départements ont recours au déplafonnement des droits de mutation, ce n’est pas par choix ou pour le plaisir d’augmenter les prélèvements obligatoires. C'est, d’une part, parce que des charges ont été transférées – on l’a dit – et, d’autre part, parce qu’un dispositif de péréquation pervers avait été mis en place,…