M. Michel Canevet. La France compte 5 millions de fonctionnaires pour environ 60 millions d’habitants, soit près de 10 % !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous sommes à 7 ETP pour 100 habitants, hors défense. Or j’ai bien entendu tout à l’heure que nous avions trop diminué les postes dans la défense.

M. Jean-Louis Carrère. C’est la droite qui a le plus diminué les emplois dans ce secteur !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ces chiffres concernent l’action publique de l’État.

Ces questions sont en débat. Vous pensez que les fonctionnaires sont responsables des déficits ; j’estime, pour ma part, que les raisons sont bien plus variées.

Pour ce qui est du jour de carence, nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de l’examen d’un amendement ultérieur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Emorine. À entendre nos débats, j’ai l’impression que l’on n’a pas pris conscience, sur les travées situées à gauche de cet hémicycle, que notre pays n’a plus de croissance, c’est-à-dire qu’il est en train de s’appauvrir,…

M. Jean-Louis Carrère. C’est l’état dans lequel vous nous l’avez laissé !

M. Jean-Paul Emorine. … et qu’il faut faire des économies.

Madame la ministre, je ne dispose pas tout à fait des mêmes chiffres que vous. Par rapport aux autres membres de l’OCDE, la France est le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé, de l’ordre de 46 % ou de 47 %, et ses dépenses publiques représentent 57 % du PIB.

L’écart par rapport non pas au Canada mais à l’Allemagne est de 10 à 11 points, soit 200 milliards à 220 milliards d’euros.

Pour ce qui concerne les emplois dans la fonction publique, regardez les tableaux, madame la ministre : 22 % des actifs en France occupent des emplois publics - fonction publique nationale, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière – contre 11 % en Allemagne.

Nous avons 30 millions d’actifs – moins, comme mon collègue l’a souligné, 5 millions de personnes, dont 3 millions sont au chômage et 2 millions exercent un emploi précaire.

Alors que notre déficit budgétaire se situera vraisemblablement autour de 80 milliards d’euros, nous finançons les mesures que vous souhaitez à crédit.

Vous vous interrogez beaucoup sur la fonction publique. Il se trouve que ma famille comprend des fonctionnaires. Pour ma part, j’ai été éleveur et je connais des chefs d’entreprise.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Moi, j’ai travaillé dans le secteur privé.

M. Jean-Paul Emorine. Vous inquiétez-vous autant pour l’éleveur qui a perdu tout son pouvoir d’achat en six mois, pour le céréalier ou pour l’artisan et ses employés qui ont perdu leur emploi ? La fonction publique, c’est la garantie de l’emploi. Dans la période que nous vivons, c’est un atout majeur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-50.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 58 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l’adoption 189
Contre 141

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

L'amendement n° II-271, présenté par M. Husson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

225 000 000

225 000 000

Dont Titre 2

225 000 000

225 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

Dont Titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

Dont Titre 2

Entretien des bâtiments de l’État

Fonction publique

Dont Titre 2

Total

225 000 000

225 000 000

Solde

- 225 000 000

- 225 000 000

 

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Cet amendement a déjà été, pour l’essentiel, présenté par le rapporteur général.

Il vise à aller un peu plus loin que celui de la commission, c’est-à-dire à demander un effort non pas de six mois – ce qui avait été accepté en commission des finances et qui vient d’être voté à l’instant en séance publique –, mais de neuf mois.

Je ne souhaite pas engager une polémique entre les fonctionnaires des trois volets de la fonction publique et les salariés du secteur privé, en contrat à durée indéterminée, déterminée ou en intérim.

Vous nous avez appelés à la raison, madame la ministre, et je pense que la nation tout entière, l’ensemble des actifs, doit participer à cet effort qui concerne également notre dispositif de protection sociale.

Par ailleurs, je souhaiterais attirer votre attention sur les mauvais résultats de l’emploi privé depuis deux ans. Il fut un temps où l’on nous promettait l’inversion de la courbe du chômage ; deux ans et demi plus tard, nous comptons 500 000 chômeurs supplémentaires…

Madame la ministre, je sais que ce sujet vous préoccupe, tout comme le Gouvernement et l’ensemble des parlementaires.

En cette période difficile, nous nous devons d’être attentifs. Cela ne rend pas forcément populaire, mais notre rôle n’est ni de nous comporter en petits comptables d’épicerie ni de rechercher la popularité. Nous devons prendre, en conscience, nos responsabilités.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le débat sur l’incidence du jour de carence et la maîtrise de la masse salariale de l’État, qui oscille entre 121 et 122 milliards d’euros, vient d’avoir lieu. Je n’y reviendrai pas.

Le présent amendement vise à aller un peu au-delà de ce qui est prévu, et à porter le ralentissement du GVT de six à neuf mois. Il ne s’agit pas d’un gel complet.

À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, qui a en outre le mérite de poser clairement la question de l’inadéquation de la grille de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je crois, madame la ministre, que nous nous rejoignons au moins sur ce point.

Le système du GVT est aujourd’hui bloqué, obsolète. C’est la raison pour laquelle, je voterai cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ma position n’étonnera personne : je suis défavorable à cet amendement de repli.

L’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique a accepté, alors que le point d’indice est gelé et que sont programmées 11 781 suppressions de postes pour compenser les créations d’emplois dans l’éducation nationale – j’espère que nul ne les remet en cause –, de parler du parcours professionnel, des rémunérations, des carrières, du régime indemnitaire et de l’allongement des carrières, c’est-à-dire de revoir l’ensemble des parcours. Je salue ce sens des responsabilités qui est l’apanage non pas des seuls élus ou de l’exécutif, mais bien aussi des syndicats.

Cette négociation, qui n’a pas été ouverte depuis trente ans – personne n’a proposé de bloquer le GVT au cours des dix dernières années… –, nous donne l’occasion de saluer la qualité de nos fonctionnaires. Vouloir toujours rechercher des économies – 550 millions d’euros, en l’espèce – sur le dos des fonctionnaires n’est pas de bonne politique pour réécrire l’action publique de la France.

Chaque jour, des membres de think tank nous rabâchent à la télévision ce chiffre de 57 % de PIB. Du coup, nos concitoyens ont l’impression que ce sont les fonctionnaires qui en sont responsables. Or je tiens à rappeler que les dépenses de l’État s’élèvent à 250 milliards d’euros, celles de nos collectivités à 360 milliards d’euros et celles de la protection sociale à près de 600 milliards d’euros.

Remettons les pendules à l’heure : nous ne discutons pas des trois. Nous parlons ici des dépenses de l’État relatives aux APU – quelle dénomination horrible, mais c’est ainsi –, les administrations publiques, et des dépenses des collectivités locales, puisque nous discutons des dotations.

Un petit entrepreneur des États-Unis vous expliquera longuement que, en l’absence de système de protection sociale et d’action publique lui permettant de profiter de négociations, d’infrastructures, de recherches de terrain et j’en passe, il a deux motifs d’insatisfaction : premièrement, il forme du personnel qui part ensuite dans les grands groupes offrant une protection, notamment un jour de carence ; deuxièmement, il doit disposer de ses propres moyens de transport en raison d’une action publique insuffisante.

Il faut essayer de comparer ce qui est comparable : nous discutons de 250 milliards d’euros, non de l’ensemble des dépenses de l’État. À moins de dire clairement que l’on souhaite remettre en cause la sécurité sociale, les retraites, les ASSEDIC, l’ensemble de la protection des citoyens français. Mais ce n’est pas ce que vous souhaitez…

M. Emorine disait avoir de la famille dans la fonction publique. Ce n’est pas mon cas : je viens du secteur privé, tout comme l’ensemble des membres de ma famille. Certains ont pu perdre leur emploi, mais aucun d’entre eux n’a jamais réclamé la suppression du jour de carence des fonctionnaires. Tout au plus demandent-ils à ce que chacun participe au redressement de notre pays.

Par ailleurs, je suis peut-être la seule dans cette enceinte à avoir vécu neuf mois et demi de chômage. Je pourrais vous expliquer ce que cela signifie concrètement…

À un moment, il faut discuter clairement des choses. Nos fonctionnaires ne sont pas les salariés les mieux payés de France. Il existe certes une haute fonction publique, dont les membres ont passé moult examens et doivent être reconnus par le salaire. Toutefois, je ne peux me satisfaire qu’une personne seule, responsable chaque nuit de soixante-dix lits dans un EHPAD ne gagne que 1 350 euros par mois.

M. Éric Bocquet. Très juste !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Et je peux encore moins me satisfaire de lui annoncer que sa carrière va être bloquée pour trois ou six mois supplémentaires.

Arrêtons ces amalgames ! Non, nos fonctionnaires ne sont pas feignants, planqués, privilégiés ! En revanche, oui, ils sont mal payés ! Je vous rappelle que près de la moitié d’entre eux – 58 % dans les collectivités – relève de la catégorie C.

Or à force de « taper » sur ces personnes, qui rendent des services éminents – je pense à l’eau, à l’assainissement, aux ordures ménagères, à la prise en charge des personnes vulnérables, à l’accompagnement des élèves, aux routes, et j’en passe… –, de leur répéter qu’elles sont la cause de notre déficit,...

M. Jean-François Husson. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … vous allez finir par les démoraliser. Et une fois démoralisés, elles quitteront toutes les familles politiques représentées dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-François Husson. Vous caricaturez ! Allez au bout de votre raisonnement et revalorisez le traitement des fonctionnaires !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je partage vos propos, madame la ministre.

Je voudrais rappeler que la France a fait le choix historique de développer les services publics. Elle a choisi de répondre aux besoins des habitants à travers la mise en place non seulement de services publics, mais aussi d’un système de protection sociale.

Si vous ajoutez aux dépenses publiques des États-Unis les dépenses des familles pour leur protection sociale et leur retraite, vous verrez que la situation de notre pays est largement comparable.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Marie-France Beaufils. Il faut regarder les choses telles qu’elles sont.

Par ailleurs, je voudrais également rappeler que les salariés de la fonction publique paient aussi des impôts. Comme pour la grande majorité des habitants et à l’instar des salariés du secteur privé, la TVA est la charge la plus importante de leur budget. En effet, Mme la ministre vient de le rappeler, 58 % de ces fonctionnaires relèvent de la catégorie C, c’est-à-dire perçoivent les plus faibles salaires de la fonction publique.

M. Jean-Louis Carrère. Ce sont ceux qui font le moins de défiscalisation !

Mme Marie-France Beaufils. Les fonctionnaires contribuent donc au budget de l’État par leurs ressources comme par leurs dépenses.

Depuis le début du débat budgétaire, chers collègues de la majorité sénatoriale, chaque fois que nous vous avons proposé d’alléger la dépense publique en revenant sur les dégrèvements d’impôts, vous avez refusé. Quand accepterez-vous, par exemple, de supprimer les allégements fiscaux sur les dividendes perçus par les actionnaires ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Nous aurions là pourtant, me semble-t-il, la possibilité de dégager une ressource non négligeable. Hier, lors de l’examen en séance publique de la mission « Remboursements et dégrèvements », dont j’étais rapporteur spécial, nous avons constaté que les allègements d’impôts, payés par le budget de l’État, représentaient une somme de 87,7 milliards d’euros. Voilà de quoi améliorer le bilan de l’État ! Le déficit public s’alourdit en effet de l’ensemble de ces allègements, profitant à ceux qui pourraient pourtant participer à l’impôt.

Dès lors, ne demandez pas aux fonctionnaires d’endosser une responsabilité qu’ils n’ont pas ! Ils sont déjà investis d’un travail suffisamment important. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à faire appel régulièrement à eux, à constater leur capacité d’intervention, dont nous mesurons la qualité. Nos populations ont besoin de leur apport. Adopter le présent amendement reviendrait à leur envoyer un très mauvais signal, alors que leur salaire est gelé depuis plusieurs années.

Regardez de surcroît le montant des pensions de retraite des fonctionnaires de catégorie C ; vous verrez qu’ils sont loin de rouler sur l’or ! C’est pourtant à eux que vous demandez le plus gros effort, quand vous refusez de le faire porter par ceux qui pourraient payer. C’est tout bonnement inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Dire que la droite est responsable de la situation actuelle des fonctionnaires et qu’elle veut tout leur mettre sur le dos n’est pas acceptable ! (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.) Ce n’est pas du tout notre intention, ma chère collègue ! Vous clamez également que les salariés du public ne sont pas responsables de leur situation ; je vous répondrai que les nombreux chômeurs, venus du secteur privé, ne sont pas non plus responsables de la leur !

Mme Marie-France Beaufils. Je n’ai pas dit qu’ils l’étaient !

M. Éric Doligé. Leur sort, d’ailleurs, est certainement pire que celui des agents de nos collectivités. Il faudrait peut-être vous en souvenir, ma chère collègue ! J’ajoute que leur situation n’est pas sans conséquence sur les fonctionnaires des collectivités territoriales. La plupart de ces derniers, en effet, ont un conjoint qui n’y travaille pas. Or nous n’avons jamais vu autant d’agents venir nous demander, en cours de mois, des aides financières pour faire face à de grandes difficultés.

M. Éric Doligé. Cela étant, lorsque le rapporteur général a évoqué un rapport de la Cour des comptes, vous lui avez répondu, madame la ministre, qu’il fallait le lire en entier. Je vous dirai, moi, qu’il faut plutôt lire la situation de la France,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Éric Doligé. … laquelle est catastrophique ! Il est donc nécessaire de prendre des mesures, mes chers collègues. Alors, bien sûr, Mme Beaufils répondra que les retraites chapeaux sont inadmissibles.

M. Éric Bocquet. Cela existe !

M. Éric Doligé. Arrêtons de monter en épingle certains cas pour faire croire aux Français qu’ils sont répandus !

M. Jean-Louis Carrère. Il faudrait s’excuser pour les retraites chapeaux ?

M. Éric Doligé. La situation est difficile. La collectivité territoriale que je dirige, par exemple, emploie 2 600 collaborateurs. Je suis persuadé qu’ils ne seront plus que 2 500 l’année prochaine, 2 400 l’année suivante, etc. Les prélèvements que vous opérez sur les recettes, sur les budgets des collectivités territoriales, tendent non seulement à diminuer la capacité d’investissement de celles-ci, madame la ministre, ce qui aura un effet sur le secteur privé, mais également à entraîner des départs en leur sein.

Dès lors, il vaut peut-être mieux, finalement, ralentir l’évolution du GVT, et instaurer un peu plus de jours de carence : cela permettra de préserver les emplois actuels ou de ne pas réduire leur nombre aussi rapidement que cela risque d’arriver.

Les décisions prises à propos des jours de carence ont eu des effets très importants au sein de nos collectivités territoriales. Dans celle que je préside, ce sont 11 semaines de congés payés qui s’ajoutent aux 35 heures. Quel autre pays connaît une telle situation ? Certainement pas l’Allemagne ou les États-Unis, dont nous parlions tout à l’heure. Avec les autres possibilités de congé, que je ne citerai pas, il arrive que des personnes soient absentes pendant trois mois. Par conséquent, il n’est pas simple de gérer une collectivité !

On pourrait donc accepter, de manière collective, de faire de petits efforts ; la situation de la France, assez dramatique, s’améliorerait certainement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas en faveur de cet amendement. En effet, j’ai un peu de mal à comprendre le lien tiré entre la diminution du pouvoir d’achat – en l’espèce, celui des fonctionnaires – et la sortie de l’état de stagnation économique et de chômage élevé que connaît notre pays. Je n’ai toujours pas saisi comment, en réduisant le pouvoir d’achat, c’est-à-dire les débouchés possibles, on réglera le problème, ni comment la réduction de la demande incitera les entrepreneurs à investir. Vous allez devoir me l’expliquer, mes chers collègues ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

L’investissement privé est censé prendre le relais, selon vous. Mais les entrepreneurs n’investissent pas sans raison ; ils le font s’ils ont des perspectives de vente, des débouchés.

M. Pierre-Yves Collombat. Ils ne sont pas complètement fous !

M. Jean-Louis Carrère. Ni complètement philanthropes…

M. Pierre-Yves Collombat. J’ai également du mal à comprendre comment le fait de chipoter sur quelques millions d’euros, en l’occurrence sur l’évolution du GVT, permettra de régler le problème massif auquel nous sommes confrontés : le blocage progressif de toute notre économie. Je rappelle que les dernières statistiques de l’INSEE font apparaître que notre appareil de production tourne à 80 % de ses capacités.

Tout cela n’est pas sérieux ! J’ai vraiment l’impression d’assister à un débat tout à fait irréel, qui ne prend pas en compte la situation dramatique – je suis d’accord avec vous sur ce point, monsieur Doligé – de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. La situation de la France est particulièrement difficile. Le groupe UDI-UC en est conscient ; il regrette donc les propos caricaturaux tenus par certains sur sa façon de considérer le rôle et les missions des fonctionnaires.

Pour nous, les fonctionnaires sont nécessaires, bien entendu. Il faut reconnaître le travail important qu’ils effectuent, dans la fonction publique hospitalière, territoriale, sans oublier, bien sûr, la fonction publique d’État.

Il convient néanmoins d’être réaliste. J’en reviens à ce qui vient d’être souligné : il faut arrêter de fonctionner à crédit. Le déficit du budget de l’État comme de la sécurité sociale est important. Nos dépenses d’aujourd’hui pèseront sur les générations futures. Il faut y mettre un terme, car ce sont autant de possibilités en moins d’aborder l’avenir avec sérénité.

M. Collombat vient d’évoquer la manière dont nous pourrions sortir de la crise. Pour mon groupe, il est bien évident que l’effort doit être collectif ; il est déjà fourni, d’ailleurs, par un grand nombre de salariés du secteur privé, lesquels ont des salaires parfois trop bas. L’ensemble de la fonction publique doit également participer à cet effort de rigueur. Il s’agit non pas de réduire les salaires, mais d’en freiner la hausse.

Par ailleurs, c’est par l’accroissement de nos exportations que nous arriverons à résoudre nos problèmes. La balance commerciale de la France connaît un déficit de l’ordre de 5 milliards d’euros par mois ; il était de 30 milliards d’euros au premier semestre, et se montera aux alentours de 60 milliards d’euros à la fin de cette année, une somme équivalente à celle de l’année dernière. Avec des exportations qui se développent, nous ferons entrer des devises dans notre pays, qui retrouvera un niveau d’activité permettant de relancer l’économie.

Pour ce faire, nos entreprises doivent être plus compétitives. Le prix de revient des marchandises doit donc être moins élevé, afin qu’elles puissent se vendre sur le marché international. Tant qu’on n’aura pas compris cela, entre autres choses, on ne s’en sortira pas ! Il ne faut pas attendre que l’action publique seule le permette ; les entreprises doivent renouer avec la confiance pour exporter plus et relancer l’économie.

Cela étant, le groupe UDI-UC considère qu’un effort important a déjà été fait avec l’adoption de l’amendement n° II–50. Par conséquent, il ne votera pas en faveur de l’amendement n° II–271.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Le présent amendement, comme le précédent, permet d’aborder une question majeure : la gestion des ressources humaines de l’État. Vous avez en effet évoqué les différentes fonctions publiques, madame la ministre. Or nous n’avons l’ambition, en cet instant, que de vous obliger à vous exprimer sur la gestion des ressources humaines de la fonction publique d’État.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, la décentralisation et la dissémination de milliers d’employeurs sur le territoire rendent possible une approche plus immédiate, plus directe, de l’optimisation des moyens des administrations locales, ainsi que de la mobilisation des meilleures compétences, au bénéfice du service public.

La remise en cause du caractère automatique du GVT revient à obliger les directions des ressources humaines des grandes administrations civiles et militaires à réfléchir à la meilleure utilisation de la masse financière dont elles disposent, au service des administrés.

Par conséquent, nous n’attaquons pas les fonctionnaires ; nous posons seulement la question de la responsabilité, de l’imagination, de la faculté d’innover des patrons des ressources humaines de ces grandes administrations, et donc de leur ministre.

Je prendrai l’exemple du ministère de la défense, où le GVT pose problème, effectivement. Une forme de réponse a néanmoins été adoptée lors de la professionnalisation des armées. Il a été décidé que les hommes du rang seraient engagés sur la base d’un contrat, lequel n’est pas sans perspective, puisque la moitié des sous-officiers viennent du rang, et la moitié des officiers sont issus du corps des sous-officiers. Le système contractuel n’est donc pas un système fermé ; il est adapté à une forme particulièrement noble, mais aussi singulière, du service public.

Par la remise en cause du caractère automatique du GVT, nous nous tournons donc vers les ressources humaines, voire vers la direction générale de la fonction publique – mais peut-elle faire quoi que ce soit, compte tenu des masses en jeu ? Je pense que c’est au sein de ces APU, dont vous parliez, madame la ministre, que l’exigence d’imagination peut être formulée. Il convient en effet de séparer les différents types de fonction publique qui n’obéissent pas nécessairement aux mêmes règles. Ainsi, l’organisation des corps n’est pas la même : certains d’entre eux répondent à une forme de pyramide forte ou de pyramide aplatie ; d’autres systèmes sont tronconiques ou tubulaires. En un mot, tous ces modèles sont profondément différents.

Par une loi inévitable, la loi des grands nombres, le système s’aligne sur les avantages obtenus par les catégories de fonctionnaires qui obéissent à des contraintes très particulières. Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui relève de l’anecdote ; depuis que la gendarmerie est sous l’autorité du ministre de l’intérieur, un phénomène de ricochet est à l’œuvre : les policiers, des fonctionnaires civils syndiqués, parlent aux gendarmes, des fonctionnaires militaires non syndiqués, qui exercent pourtant les mêmes missions qu’eux. Ces gendarmes, quant à eux, échangent avec les militaires, qui n’ont pas le même statut. De proche en proche, les règles particulières s’étendent à tous ces corps, alors que leurs conditions d’activité ne sont pas les mêmes.

Je terminerai mon intervention en réagissant à votre propos sur le ratio entre le nombre de fonctionnaires de l’État et la population totale de la France, madame la ministre. Je ne conteste nullement ces chiffres : c’est M. Gerondeau, libéral passionné, polytechnicien bien connu, qui les a rendus publics. Notre pays a en effet à peu près le même nombre de fonctionnaires de l’État rapporté à la population totale que le Canada, dont vous avez cité l’exemple. Le seul ennui, c’est qu’il faut rapporter ce nombre à la population active ! Lorsque vous faites ce calcul, vous réalisez que le taux d’encadrement dans le secteur public de l’État est de 20 % à 25 % supérieur à celui du Canada ; la France ne compte en effet que 40 % d’actifs sur la population totale, quand le Canada en a plus de 52 %.

Comparez des chiffres comparables, madame la ministre, et vous comprendrez que cet effort, qui pèse sur l’ensemble de la société civile, est particulièrement lourd lorsque le ratio se dégrade, ce qui est le cas en France.

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.

M. Jean Germain. Il y a plusieurs questions dans ce débat.

Personne ne conteste la nécessité de contenir les dépenses publiques ou de stabiliser le nombre de fonctionnaires, ce qui a d’ailleurs déjà été entrepris, mais, en l’occurrence, le sujet est différent, puisqu’il s’agit du GVT, le glissement vieillesse technicité, qui porte sur la carrière des fonctionnaires en activité.

Même si beaucoup d’entre vous, dont certains sont à l’origine de ces amendements, déclarent qu’ils ne sont pas les ennemis des fonctionnaires, des inquiétudes se font jour parmi ces derniers, d’autant que l’on a entendu récemment le responsable national de l’UMP remettre en cause leur statut, ajoutant que sa préférence allait vers des CDD de cinq ans. C’était un candidat, qui est devenu le responsable du parti, avant de redevenir candidat à un autre poste…

Il s’agit d’un choix politique, que l’on n’est pas obligé de partager, même s’il doit être respecté, mais il faut tout de même comprendre les interrogations des fonctionnaires, voire de l’ensemble des Français, devant de tels choix.

Y a-t-il trop de fonctionnaires dans notre pays ? Il y a plusieurs façons de traiter le sujet, ce qui transparaît bien dans les positions de notre assemblée.

Il y a la façon populiste, qui consiste à dire que tout va mal en France parce qu’il y a trop de fonctionnaires. Cependant, mes chers collègues, allez interroger nos concitoyens, y compris ceux qui se plaignent du nombre trop élevé de fonctionnaires.

Y a-t-il trop d’enseignants dans les écoles ? Non !

Y a-t-il trop de pompiers dans les casernes ? Non !

Y a-t-il trop de magistrats dans les tribunaux ? Non !

Y a-t-il trop de personnel dans les hôpitaux ? Non !

Y a-t-il trop de policiers dans les commissariats ? Non, au contraire !

Y a-t-il assez de gendarmes dans les gendarmeries ? Non !

Et, dans les collectivités territoriales, qui, ces dix, quinze ou vingt dernières années, y compris ici, a osé bloquer le GVT ? Quel maire, quel président de conseil général aura le courage demain de réunir l’intégralité de son personnel pour annoncer que le GVT est bloqué, parce que la France doit faire des efforts ?

Il y a véritablement, sur le sujet, un double discours chez les responsables politiques. À mon sens, vos amendements interviennent dans une période un peu particulière.

Je suis entièrement d’accord avec M. Longuet lorsqu’il dit qu’il faut s’occuper du management de la fonction publique, mais il me semble que cela se fait déjà.