M. Charles Revet. C’est une certitude !

M. Éric Doligé. Le Gouvernement a promis, à juste titre, de baisser les prélèvements des entreprises de 40 milliards d’euros entre 2014 et 2017 dans le cadre du pacte de responsabilité. Il ne faut toutefois pas oublier que les entreprises avaient supporté 36 milliards d’euros de hausses de leurs prélèvements les trois années précédentes. Ces 36 milliards d’euros sont une réalité, alors que les 40 milliards d’euros ne sont pour le moment qu’un objectif.

Le Gouvernement a également annoncé 50 milliards d’euros d’économies en trois ans. Il a pour cela décidé de ventiler les économies entre l’État, la santé et les collectivités.

Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les économies les plus faciles à réaliser, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour atteindre ces 50 milliards d’euros sont précisément celles que vous imposez aux collectivités territoriales !

Au fil des dernières années, l’autonomie fiscale des collectivités a été progressivement confisquée. Le piège s’est à présent refermé. Les collectivités ne maîtrisent plus leurs recettes, qui passent forcément par la case « État ». Celui-ci peut prélever son pourcentage au passage. Dans certains milieux, on appellerait cela du racket ! (Mme la ministre s’exclame.)

Cette confiscation n’est pas marginale : elle représente 11 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter au 1,5 milliard d’euros déjà prélevés en 2014.

Permettez-moi de faire quelques remarques, toutes fondées sur des réalités de terrain, conséquences de votre politique d’étranglement des collectivités.

Les investissements vont dramatiquement s’effondrer. Les premiers effets ont été largement ressentis en 2014. L’étude de conjoncture de La Banque postale constate un fort repli des investissements locaux, moins 7,4 %, qui s’accompagne d’une baisse très dangereuse des capacités d’autofinancement L’étude du cabinet Michel Klopfer, présentée il a quelques jours, montre que, dans les trois ans, de nombreuses communes de plus de 10 000 habitants et la majorité des départements seront en faillite.

Combien d’entreprises du bâtiment et des travaux publics dépendent des commandes des collectivités ? La courbe du chômage n’est pas près de s’inverser, bien au contraire !

Vous avez mis au point un système pervers de hausse des DMTO, les droits de mutation à titre onéreux, en instaurant le droit d’augmenter le plafond des DMTO de 3,8 % à 4,5 % en compensation, très partielle, du reste à charge des AIS, les allocations individuelles de solidarité. Lors de sa mise en place, vous avez affirmé que ce mécanisme n’était pas un impôt nouveau et que ses effets passeraient inaperçus. Je peux vous assurer qu’il s’agit bien d’un impôt nouveau qui ne passe pas inaperçu, mais pèse sur les ménages et sur la construction.

Vous donnez ainsi le mauvais rôle aux collectivités qui compensent les pertes résultant de votre décision d’augmenter les AIS par une taxe nouvelle, et vous introduisez un système de péréquation, je l’ai dit, très pervers. Vous mettez ainsi en place des dispositifs inefficaces au regard de l’ampleur des dépenses sociales.

Je prendrai l’exemple de mon département. Après application des mécanismes du fonds de solidarité DMTO 2014, le solde des DMTO perçus n’aura couvert que 27 % du taux d’accroissement du reste à charge.

Au fil des années, vous accumulez complexité et illisibilité des dispositifs et des critères de péréquation, ce qui conduit à de flagrantes anomalies. Plus le taux d’administration est élevé dans un département, plus il bénéficie du fonds de solidarité des DMTO. Ainsi, celui qui est économe est pénalisé et, inversement, celui qui n’a pas tenu ses frais de gestion est récompensé. La péréquation devrait s’appuyer sur de véritables critères de bonne gestion !

Dans le cadre des relations avec les collectivités, un sujet mérite toute votre attention : les contrats de projets État-régions. J’aimerais entendre votre analyse sur l’avancée, ou plutôt les retards des CPER. Ils devaient être signés avant l’été 2014. En pleines difficultés financières des collectivités, les préfets sollicitent au dernier moment les départements pour les forcer à des cofinancements.

Cette mission, qui porte le beau titre de « Relations avec les collectivités territoriales », devrait vous interpeller. Les communes ont signé plus de 13 000 pétitions pour vous faire part de leur colère. Les intercommunalités sont déstabilisées face à l’ineptie de ce nouveau seuil annoncé de 20 000 habitants. Les départements ne savent toujours pas quel sera leur avenir. Quant aux régions, elles vont être totalement paralysées pendant une longue période.

Ne croyez pas que nous refusions de participer à l’effort national. Vous le constaterez : nous acceptons de baisser les dotations de l’État de 2,5 milliards d’euros, montant qui nous paraît juste, mais nous ne pouvons approuver les 3,7 milliards d’euros en moins que vous proposez.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mon dernier mot sera pour regretter les mauvaises relations qui ont été construites au fil des derniers mois entre le Gouvernement et l’ensemble des niveaux de collectivités. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.- Mme la ministre s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous ici, la situation économique et financière de la France est fragile. Les efforts de redressement sont engagés, et il nous faut garder le cap.

Le Gouvernement a courageusement décidé de réaliser des économies à hauteur de 50 milliards d’euros sur trois ans : un effort important, mais à un rythme compatible avec le retour de la croissance, et un effort équitablement réparti auquel les collectivités territoriales doivent prendre part.

Nous défendons tous ici les collectivités, et personne ne trouvera agréable de diminuer leurs recettes, mais nous sommes aussi responsables et tous conscients que ces efforts sont nécessaires. D’ailleurs, certains sur ces travées considèrent qu’ils devraient être plus importants : on entend des propositions d’économies de 80 milliards d’euros, 100 milliards d’euros, voire 150 milliards d’euros. Et l’on voudrait nous faire croire que le doublement ou le triplement des économies n’aurait aucune incidence sur le budget des collectivités. Personne n’y croit, pas même ceux qui le disent !

Je note d’ailleurs que, finalement, la majorité sénatoriale propose de modifier seulement à la marge le budget proposé par le Gouvernement en le réduisant de 1,5 milliard d’euros, bien loin des 100 milliards d’euros supplémentaires demandés.

Le Gouvernement, quant à lui, a choisi le sérieux et la justice.

Le sérieux, tout d’abord. La participation des collectivités territoriales à la mise en œuvre du plan d’économies s’élèvera à 3,67 milliards d’euros en 2015 et à 11 milliards d’euros sur trois ans, soit 21 % des 50 milliards prévus correspondant à la stricte proportion de la part des dépenses des collectivités dans les dépenses publiques globales.

L’effort est significatif, mais cette diminution ne signifie pas que les recettes des collectivités territoriales diminueront d’autant, car leurs ressources fiscales, suite à l’évolution positive des bases, contribueront en partie à compenser cette réduction.

M. Jacques Chiron. C’est vrai !

M. Didier Marie. Le montant des baisses sera réparti par strate de manière, là aussi, strictement proportionnelle : environ 2 milliards d’euros pour le bloc communal, 1,148 milliard d’euros pour les départements et 451 millions d’euros pour les régions. Il est à noter que c’est le bloc communal qui a la fiscalité la plus dynamique, alors que les départements ne peuvent compter que sur un hypothétique redressement des DMTO et que les régions, quant à elles, disposent de marges encore plus réduites.

Ces diminutions sont importantes. Même partiellement compensées, elles pèseront sur les budgets, et c’est la raison pour laquelle au sérieux le Gouvernement allie la justice.

En effet, fidèle à sa philosophie, le Gouvernement propose, dans cette période difficile, de soulager les collectivités les plus fragiles par une augmentation importante de la péréquation – j’y reviendrai.

Ainsi, cette mission, qui ne représente qu’une part modeste des concours de l’État aux collectivités et qui comporte des annonces positives, doit être appréciée dans un cadre plus large.

Nous étions nombreux à demander que le Fonds de compensation pour la TVA soit retiré de l’enveloppe normée globale : c’est fait, ce qui permet une majoration de 166 millions d’euros accompagnée d’une hausse de 5 % de son taux de remboursement. C’est une bonne nouvelle.

Les présidents de départements, confrontés notamment à la hausse continue du RSA, ont obtenu la pérennisation du déplafonnement des DMTO et du fonds de solidarité alimentée par un prélèvement de 0,35 % sur cette recette. C’est une autre bonne nouvelle.

Les bases fiscales seront revalorisées de 0,9 %, ce qui représente un gain global de 500 millions d’euros, alors que l’inflation est faible. C’est encore une bonne nouvelle.

Le fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires est pérennisé : une autre bonne nouvelle ! (Exclamations ironiques sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Antoine Lefèvre. À vous entendre, tout va bien !

M. Didier Marie. Enfin, et c’est à mes yeux le plus important, la péréquation est renforcée, puisque sa progression est doublée : là, c’est une excellente nouvelle !

Ainsi, à l’article 58, la péréquation verticale augmente de 228 millions d’euros : 208 millions d’euros pour le bloc communal, 120 millions d’euros de dotation de solidarité urbaine, 78 millions d’euros de dotation de solidarité rurale, 10 millions d’euros de dotation nationale de péréquation, et 20 millions d’euros pour les départements.

Sur la dotation de solidarité urbaine, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les suites que vous réserverez à l’amendement déposé par M. Pupponi à l’assemblée nationale visant à augmenter cette enveloppe de 99 millions d’euros.

J’y suis favorable à titre personnel car, malgré l’augmentation significative initialement prévue et dont je mesure l’ampleur, 73 % des communes éligibles à la DSU cible verraient leur dotation stagner ou baisser.

Nous connaissons les fragilités financière et sociale auxquelles elles sont confrontées. Elles ont besoin de la solidarité nationale.

La péréquation horizontale évolue elle aussi dans le bon sens, avec la poursuite des décisions prises en 2011, faut-il le rappeler, par le gouvernement de M. Fillon d’augmenter le FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dont les ressources seront accrues cette année de 210 millions d’euros.

Mes collègues de l’opposition, et je le regrette, loin de suivre ces recommandations, ont décidé au contraire de réduire de moitié la hausse des crédits du FPIC, comme ils l’ont fait pour la péréquation verticale.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à saluer vos propositions d’assouplissement des règles de répartition de ce fonds. Pour autant, si elles vont aussi dans le bon sens, elles ne doivent pas nous amener à faire l’économie d’une réflexion plus approfondie.

Nous savons que, dans bon nombre de territoires – c’est le cas, par exemple, dans mon département –, le calcul du FPIC peut créer des difficultés. On voit ainsi des communes pauvres situées dans des intercommunalités riches contribuer à ce fonds, et, à l’inverse, des communes favorisées situées dans des intercommunalités plus pauvres en être bénéficiaires alors même que leur situation individuelle aurait justifié le contraire.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser vos intentions pour améliorer ce dispositif utile, mais perfectible ?

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont voulu avec votre accord aller encore plus loin dans le soutien à l’investissement des collectivités en créant un fonds spécifique. L’intention est louable ; toutefois, son financement par les FDPTP, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, soulève de graves difficultés.

Dans mon département, ce sont 698 communes qui seraient pénalisées, perdant 25 millions d’euros au total. Certains objecteront que, eux, ils n’ont rien. Certes, mais est-ce une raison pour mettre en difficulté ces communes dont ce fonds représente une part significative des recettes de fonctionnement et, plus important encore, des capacités d’autofinancement ? Or, vous le savez, sans autofinancement point d’investissement.

Aussi, madame la ministre, nous attendons que vous nous confirmiez l’abandon de cette mesure et que vous ouvriez des discussions pour réformer ces FDPTP – ils n’ont plus de raison d’être depuis la suppression de la taxe professionnelle -, mais sans pour autant pénaliser les communes défavorisées.

Pour conclure, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce budget, dans le contexte que nous connaissons, est un bon budget, et le groupe socialiste soutiendra les propositions du Gouvernement sur ces crédits et les votera sans modification.

Ils allient la responsabilité nécessaire pour faire face à une situation très difficile à la prise en compte des besoins de nos collectivités les plus vulnérables. Des pistes d’économie existent sur les ressources humaines, la pertinence de certains investissements ou encore la mutualisation de services, notamment au sein du bloc communal.

Mais, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous avons aussi besoin d’une meilleure lisibilité, d’une plus grande visibilité des concours de l’État. Il est temps de réformer notre système, qui a tendance à reproduire et à renforcer certaines inégalités.

Permettez-moi de citer votre collègue Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, qui déclarait, lors du dernier congrès des maires de France, que la DGF est « non seulement injuste, mais complètement illisible et complètement déresponsabilisante ». Il faut, et cette fois je vous cite, monsieur le secrétaire d’État, « une refonte totale de la DGF » en allant « dans deux directions : la clarté et l’équité ».

C’est ce que nous attendons. Le Gouvernement est prêt. Prêts, nous le sommes aussi et nous serions heureux que vous nous précisiez le calendrier de cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Canevet. Tout n’est pas rose, alors !

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, trop fort et trop brutal, voilà comment je qualifierais d’emblée les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Si nous avons tous conscience, depuis 2008, que la crise des finances publiques que traverse notre pays nous oblige à un effort inédit en matière de discipline budgétaire, et ce à tous les échelons, à tous les niveaux, la diminution des dotations aux collectivités qui nous est présentée cet après-midi est sans précédent dans l’histoire de la Ve République.

Faut-il rappeler une nouvelle fois les chiffres ? Ce sont quelque 3,7 milliards d’euros en moins qui sont prévus pour 2015 et, au total, pour la période 2015-2017, la baisse des dotations s’élèvera à 11 milliards d’euros.

Alors que 70 % de l’investissement public vient des collectivités, nous savons tous que, d’ores et déjà, cette baisse aura des conséquences importantes sur l’emploi et sur le développement économique de nos territoires. Certains maires anticipent une baisse des investissements publics locaux de 20 %.

Rarement nous avions entendu l’Association des maires de France lancer un tel cri d’alarme, soutenue par plus de 14 000 communes ou intercommunalités, sur les dégâts inévitables que produira ce budget sur l’investissement, l’emploi, mais aussi sur les services à la population.

À travers la baisse des dotations, c’est une partie du développement économique de nos territoires qui va brutalement ralentir, puis stagner et enfin se contracter fortement. Les infrastructures, routes, crèches, écoles, seront inévitablement touchées par ces décisions. Comment ne pas mentionner aussi le secteur du BTP, qui connaît déjà une crise sans précédent, avec une perte de 30 000 emplois en deux ans ?

En outre, je suis particulièrement inquiet quand j’entends dire que la diminution des recettes des collectivités sera compensée par une « évolution positive des ressources fiscales ». À l’heure où le Président de la République et le Gouvernement parlent de « ras-le-bol fiscal » et où François Hollande promet qu’il n’y aura plus de hausse d’impôt supplémentaire d’ici à la fin de son mandat, de tels propos soulèvent une question simple : le Gouvernement demande-t-il de manière insidieuse aux collectivités de compenser la baisse de leurs dotations par le relèvement des impôts locaux ?

M. Bernard Fournier. Beaucoup de maires refusent une telle éventualité, car ils savent mieux que quiconque que leurs concitoyens sont déjà étranglés par la fiscalité.

L’équation budgétaire pour les collectivités est de plus en plus difficile. Les départements, qui ont fait l’objet ces derniers mois de déclarations contradictoires invraisemblables sur leur suppression ou leur maintien, devront supporter des dépenses sociales de plus en plus importantes, notamment au titre du RSA.

Les communes sont encore et toujours noyées sous des normes qui coûtent des milliards d’euros, et elles sont particulièrement inquiètes face aux rumeurs d’une disparition du fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires. Président de l’union des communes rurales de mon département, je soutenais naturellement la proposition de l’Association des maires ruraux de France d’une pérennisation de la part forfaitaire de ce fonds.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Fournier. Rappelons qu’il ne couvre même pas la moitié, voire le tiers du coût supporté par les communes. Ainsi, nous sommes de plus en plus proches d’une impasse financière !

Les seules collectivités territoriales prendront sur elles 50 % de la diminution des dépenses publiques prévue dans le pacte de stabilité.

Bien évidemment, je ne peux que saluer l’adoption par la commission des finances, grâce à notre majorité, d’un amendement minorant de 1,2 milliard d’euros la baisse des dotations, afin de tenir compte des dépenses nouvelles imposées par l’État aux collectivités.

En outre, je soutiens l’amendement de notre collègue Alain Houpert à l’article 58, qui vise à instaurer un même montant de DGF par habitant pour toutes les communes. J’ai toujours milité pour défendre l’égalité des territoires, et cet amendement va dans la bonne direction.

En conclusion, je ne voterai pas ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur les relations de l’État avec les collectivités territoriales des outre-mer. Devant votre silence sur cette question, votre façon de l’occulter ou de la traiter avec une certaine légèreté dans les instances les plus officielles, il nous appartient à nous, ultramarins, de nous en préoccuper, en profitant du moindre espace qui nous est offert pour vous faire mieux connaître nos réalités locales, bien différentes de celles des collectivités de métropole.

Vous avez voulu que la France soit diverse, en l’étendant pratiquement sous toutes les latitudes. La Constitution française reconnaît la nécessité d’adapter la législation à la réalité des outre-mer. Son article 73 est plus que formel sur ce point, puisqu’il met l’accent de façon explicite sur les lois et règlements qui « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d’outre-mer.

Dois-je vous insister fortement en vous le rappelant pour que vous en teniez compte ? Car ce n’est pas le cas actuellement. Pour ce qui est des finances locales, sujet qui nous intéresse aujourd’hui, nous sommes en effet dans un mode de fonctionnement assez particulier, avec quelquefois des « zestes » de droit commun et, d’autres fois, des exceptions, des dérogations, au nom des spécificités ultramarines.

Vous préférez d’ailleurs employer le terme de « spécificités » au lieu de reprendre l’expression « caractéristiques et contraintes particulières », qui figure dans la Constitution. Le sens est loin d’être le même, « spécificités » renvoyant à une comparaison, en l’occurrence une comparaison avec les collectivités de métropole, « caractéristiques et contraintes particulières » renvoyant à la réalité, à ce qui existe effectivement.

Vous refusez de considérer le problème. Le produit intérieur brut des outre-mer, leur indice de développement humain, à la traîne par rapport aux collectivités de métropole, ne retiennent pas l’attention.

En conséquence, les collectivités des départements et régions d’outre-mer subissent des doubles, voire des triples peines.

Par exemple, le droit commun leur est appliqué sur le prélèvement de la dotation globale de fonctionnement à un niveau plus élevé qu’en métropole, parce que le niveau moyen de recettes – mais aussi de dépenses – par habitant y est aussi plus élevé. En revanche, il ne leur est pas appliqué quand cela leur permettrait de faire valoir la faiblesse relative du niveau de revenu de leurs habitants, notamment via le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

De même, pour la dotation de base des communes de Guyane, on applique intégralement le droit commun, à savoir le critère du nombre d’habitants multiplié par le coefficient multiplicateur de la population de la commune. En revanche, on refuse de tenir compte de la population non recensée volontairement par l’INSEE pour cause de dangerosité – les agents de l’INSEE refusent en effet de recenser la population guyanaise des zones aurifères, pour des raisons de sécurité – en ne mettant pas en place un indice de majoration comme on le fait en France métropolitaine pour les communes qui accueillent des gens du voyage.

L’exemple de la dotation superficiaire des communes de Guyane est plus explicite encore. En dépit de toutes les problématiques que rencontrent bon nombre de ces communes en raison de leur grande superficie – vous n’ignorez pas que la Guyane est un vaste département de plus de 83 000 kilomètres carrés, qui se caractérise par une occupation humaine éclatée sur tout le territoire, avec toutes les normes françaises à respecter –, cette dotation est plafonnée, au prétexte que ces communes consommeraient 5 % de l’enveloppe pour 0,37 % de la population. Au titre de cette dotation, la Guyane ne perçoit que 1,44 euro par hectare, alors que toutes les communes de France perçoivent 3,22 euros et que les communes métropolitaines de montagne, en raison de leurs contraintes particulières – j’insiste sur ce terme – perçoivent 5,37 euros. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » !

En fait, on applique le droit commun aux outre-mer quand cela leur est défavorable. En revanche, quand il leur est favorable, on ne l’applique pas. L’ancien Premier président de la Cour des comptes, feu Philippe Séguin, avait tout à fait raison de considérer que les causes structurelles des difficultés rencontrées par les collectivités des outre-mer venaient en grande partie du problème de l’adaptation des dotations de droit commun à ces collectivités.

Vous m’objecterez, monsieur le secrétaire d’État, que les communes de Guyane sont mieux dotées que les autres, que le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, comme les autres fonds de péréquation, bénéficie fortement aux outre-mer. Il est toutefois trop réducteur de se focaliser ainsi exclusivement sur les recettes. L’autonomie financière des collectivités repose autant sur leur niveau de ressources que sur celui de leurs dépenses.

Monsieur le secrétaire d’État, il vous faut appréhender que les outre-mer font face à des charges incontestablement plus élevées que la métropole, en raison, d’une part, d’une situation économique et sociale beaucoup plus tendue, d’autre part, des éléments liés à leur environnement propre.

À la demande du Président de la République, de vous-même et de deux autres de vos collègues, mission m’a été confiée de formuler des propositions d’amélioration de la situation financière de ces collectivités. Je vous ai remis mon rapport en septembre 2014. Il comprend 41 propositions portant sur un meilleur travail fiscal, qui relève de la responsabilité de l’État, et sur une réelle adaptation des dotations aux réalités locales. Vous m’avez tout récemment dit que ces propositions étaient en cours d’analyse… J’espère qu’elles ne le resteront pas éternellement, et que j’obtiendrai déjà certaines avancées lors de la présentation de mes amendements dans quelques instants.

En 2015, seront réformées la dotation globale de fonctionnement et la fiscalité locale. Des groupes de travail vont être constitués. Nous tenons, nous, ultramarins, à y être associés, et ce dès l’amont. C’est l’une de nos légitimes revendications que d’être plus représentés dans toutes les instances compétentes en matière de finances locales. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales » représente 5 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Avec un montant total de crédits de 2,7 milliards d’euros, elle s’inscrit dans un contexte de rigueur et de maîtrise des déficits sans précédent.

Si nous avons un objectif commun, qui vise à remettre nos finances publiques sur la voie de l’équilibre et du désendettement, pour garantir la souveraineté de la Nation, préserver notre potentiel de croissance et la compétitivité de nos entreprises, et s’il est tout à fait légitime que les collectivités territoriales y prennent leur part, encore faut-il que l’État cesse d’imposer de nouvelles normes ou charges non ou mal compensées.

Les élus locaux ont été fort marris des conclusions du rapport de la Cour des comptes sur l’année 2013, affirmant que les collectivités territoriales n’avaient pas apporté la contribution attendue à la réduction des déficits publics, notamment sur les dépenses de fonctionnement, alors qu’elles sont les premières contributrices à la réduction du budget.

Après le gel triennal de 2011-2013, et une baisse des dotations sur 2014-2017, les collectivités prennent largement leur part, me semble-t-il. Saluons le travail du Sénat, qui, dans la première partie du projet de loi de finances, a fait montre de sa capacité à tenir compte des effets de cette baisse, en l’atténuant de 1,4 milliard d’euros, tout en préservant le solde budgétaire.

L’article 58, rattaché pour son examen à cette mission, répartit ainsi la diminution des dotations entre les différents niveaux des collectivités territoriales selon des critères identiques à ceux qui ont été retenus en 2014.

Il prévoit une hausse de la péréquation verticale de 228 millions d’euros, financée sans majoration de l’enveloppe normée, pour moitié par redéploiements au sein de la DGF, pour l’autre au moyen d’une minoration des variables d’ajustement. En résumé, le financement est assuré par les collectivités elles-mêmes !

Quant à la péréquation horizontale, la hausse de 230 millions d’euros a été revue à la baisse par la commission des finances, considérant qu’en l’absence d’évaluation des effets combinés de la hausse de la péréquation et de la baisse des dotations, il convenait de ralentir la progression de la péréquation.

Nous verrons ce qu’il adviendra des différents amendements aux articles rattachés pour leur examen.

Nous ne cessons de le rappeler dans cette assemblée, les uns après les autres : les collectivités locales contribuent à plus de 70 % du total de l’investissement public, lequel est intrinsèquement lié à la dynamique de nos territoires, de nos entreprises et des emplois afférents.

Selon une étude récente de La Banque postale, citée par Éric Doligé, le recul des investissements locaux accuse l’une des plus fortes baisses depuis les lois de décentralisation.

Les conclusions du rapport d’information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017 ne disent pas autre chose : la baisse des dotations aura un effet récessif sur l’investissement local et entraînera une augmentation de la pression fiscale locale.

Le congrès des maires, qui vient de s’achever, a mis en exergue les principales préoccupations des élus, qui tournent autour du triptyque dotations aux collectivités, réforme des rythmes scolaires et nouvelle organisation territoriale.

Les élus de nos territoires sont d’autant plus inquiets que, en début de mandature, d’aucuns avaient ambitionné des projets d’investissements ou de nouveaux services à la population, dont ils se demandent comment ils vont bien pouvoir les financer.