M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement vise à créer un abattement au prélèvement dû au titre du FPIC pour les communes supports de stations de montagne. Il serait déterminé par un rapport entre la population de la commune et la population touristique.

Il ne nous semble pas souhaitable d’introduire de nouveaux critères spécifiques pour répartir le prélèvement au titre du FPIC. Les critères actuels sont certes critiquables, nous l’avons vu, mais ils garantissent une certaine lisibilité.

Certaines communes, comme les bénéficiaires de la « DSU cible », par exemple, voient en effet leurs prélèvements au titre du FPIC diminués, voire annulés. Il s’agit alors, toutefois, de considérer le cas particulier de communes pauvres au sein d’un EPCI riche. Dans votre amendement, monsieur Bouvard, vous ne faites pas référence à la richesse relative à la commune, mais uniquement à son statut.

En outre, s’agissant des communes recevant la « DSU cible », c’est bien l’EPCI auquel elles appartiennent qui prend en charge le prélèvement dont elles sont exonérées. L’amendement proposé tend, lui, à diminuer le prélèvement non seulement pour la commune mais également pour l’EPCI auquel elle appartient.

Chacun doit bien comprendre que cette exception au calcul du prélèvement ferait financer l’abattement par les autres collectivités prélevées au titre du FPIC.

Pour toutes ces raisons, et malgré le caractère spécifique de cet amendement qui ne concerne que les communes supports de stations de sports d’hiver, je dois émettre à son sujet un avis défavorable.

M. François Marc. On pourrait parler également des communes côtières !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les spécificités liées aux communes touristiques et aux communes de montagne sont traitées au sein de la DGF, d’une part, avec la dotation forfaitaire des groupements touristiques et, d’autre part, avec les majorations opérées pour les communes situées en zone de montagne.

Concernant le FPIC, monsieur Bouvard, en 2014, 334 EPCI, rassemblant 4 millions d’habitants, sont intégralement constitués de communes de montagne. Le solde de ces EPCI au titre du FPIC 2014 est globalement à l'équilibre : ils contribuent au fonds à hauteur de 37 millions d’euros et en bénéficient à hauteur de 36 millions d’euros.

Les EPCI en zone de montagne à dominante rurale, ceux qui comptent moins de 20 000 habitants, sont au nombre de 298 en 2014. Ils sont bénéficiaires nets du FPIC à hauteur de 1,1 million d’euros.

Vous évoquez des contraintes. Elles existent. Mais nous parlions tout à l'heure des éléments pris en compte dans le PFIA : la taxe sur les remontées mécaniques n’en fait pas partie.

M. Michel Bouvard. C’est normal, il s’agit d’une taxe affectée !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En outre, votre amendement présente quelques inconvénients opérationnels puisque les éléments que vous prenez en compte ne sont pas juridiquement fiables. Vous évoquez une population touristique, qui est par nature fluctuante, et vous proposez de la faire authentifier par décret. Tout cela est assez délicat, et empêcherait de fait, d’opérer un retraitement de la population telle qu’elle est prise en compte pour le calcul de la DGF. Mais je ne m’attarderai pas sur ces éléments techniques, car il m’a semblé que votre amendement était plutôt un amendement d’appel. Il me revient cependant que vous comptez le maintenir quoi qu’il arrive… Ce n’est donc pas un appel ! (Sourires.)

M. Claude Raynal. Ou alors un appel pressant ! (Nouveaux sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En résumé, vous pouvez constater que le FPIC ne pénalise pas les communes de montagne, que le calcul de la DGF tient compte de leur spécificité et qu’un certain nombre de leurs ressources ne sont pas prises en compte dans le calcul du PFIA.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je n’ai pas de raison de mettre en doute les chiffres qui viennent d’être avancés par M. le secrétaire d’État, mais j’ignore comment la consolidation a été opérée pour les communes de montagne. Ce que je sais, c’est qu’il y a 600 communes dans les départements de Savoie et de Haute-Savoie, que le prélèvement sur ces communes et sur les intercommunalités des deux départements est globalement de de 29 millions d’euros et qu’aucune commune ni aucun EPCI ne reçoit rien. Tous contribuent au FPIC !

Que la taxe sur les remontées mécaniques ne soit pas intégrée dans le PFIA, c’est normal : c’est le cas de toutes les taxes affectées ; il en va de même pour les taxes de séjour, par exemple.

Quoi qu'il en soit, dans ces communes supports de stations, le niveau d’investissement atteint 985 euros par habitant. Pour une commune touristique quelconque, il est de 523 euros et, dans une commune « ordinaire », il est à peu près de 340 euros.

C’est simplement un problème de compétitivité du territoire.

Certes, d’un côté il y a le besoin de justice que porte le FPIC, mais de l’autre côté, il y a l’impératif de compétitivité de l’économie touristique française. Elle est créatrice d’emplois, elle rapporte beaucoup de devises au pays et elle constitue également l’un des moyens d’améliorer notre situation économique, ainsi que le niveau de nos recettes fiscales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-261 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-248 rectifié ter, présenté par MM. Patient, Cornano, Desplan, J. Gillot et S. Larcher et Mme Claireaux, est ainsi libellé :

Après l’article 58

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2336-4 est ainsi modifié :

a) À la première phrase et à la deuxième phrase (deux fois) du I, les mots : « des départements d’outre-mer » sont remplacés par les mots : « du département de Mayotte » ;

b) La dernière phrase du I est supprimée ;

c) Le II est abrogé ;

2° Au premier alinéa et au b du 2° du I de l'article L. 2336-5, les mots : « de métropole » sont supprimés.

La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Cet amendement vise à corriger une injustice dans les critères de répartition du fonds de péréquation intercommunal en outre-mer.

Ce fonds est alimenté par un prélèvement sur les recettes du bloc communal destiné à atteindre 2 % des ressources, soit un montant estimé à plus de 1 milliard d’euros en 2016. L’éligibilité au prélèvement est fonction du potentiel financier agrégé par habitant. Sur ce prélèvement, les outre-mer sont dans le droit commun et participent à l’alimentation du fonds national.

Pour effectuer la distribution du FPIC, un système de quote-part est mis en place pour les collectivités d’outre-mer. Cette quote-part est calculée sur la base du rapport entre la population des outre-mer et la population nationale majorée de 33 %. Au sein de cette quote-part, comme pour les ensembles intercommunaux métropolitains, seuls 60 % des ensembles intercommunaux d’outre-mer bénéficient du FPIC.

Comme en métropole, sont bénéficiaires les ensembles intercommunaux les mieux classés en fonction d’un indice synthétique tenant compte du revenu par habitant, du potentiel financier agrégé par habitant et de l’effort fiscal. Dans la mesure où les ensembles intercommunaux d’outre-mer se comparent entre eux, ce mécanisme de quote-part aboutit à ce que, mécaniquement, 40 % des ensembles intercommunaux ultramarins soient exclus du bénéfice du FPIC, soit sept ensembles intercommunaux sur dix-huit, représentant la moitié de la population des départements d’outre-mer.

Le recours à ce système de quote-part, couramment utilisé dans le calcul de nombreuses dotations en outre-mer, s’explique généralement par la difficulté à comparer les potentiels fiscaux et financiers ultramarins à ceux de France hexagonale. En effet, les collectivités d’outre-mer disposent de nombreuses ressources qui leur sont spécifiques, comme l’octroi de mer, mais aussi des dépenses plus importantes, notamment en raison de la situation sociale particulièrement détériorée dans les outre-mer.

Néanmoins, dans le cas spécifique du FPIC, le principal critère de distribution est le revenu moyen par habitant. Or celui-ci est parfaitement comparable entre les outre-mer et la France hexagonale. Par conséquent, le système de la quote-part est moins légitime. Il conduit en effet à mettre de côté une partie des populations ayant le plus de difficultés financières, qui sont appelées à se comparer entre elles, pour calculer les versements issus d’un fonds de soutien aux populations les plus défavorisées.

Il est donc proposé de supprimer la quote-part des départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte, sur le FPIC, de sorte que le revenu moyen par habitant ne soit plus comparé entre les outre-mer mais bien au niveau national.

Cette mesure serait sans incidence sur le budget de l’État puisqu’il s’agit simplement d’agir sur la répartition du FPIC.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Les communes d’outre-mer qui bénéficient du FPIC reçoivent aujourd’hui plus de 21 euros par habitant, quand celles de métropoles reçoivent environ 15 euros. Les communes des départements d’outre-mer bénéficient donc déjà de montants par habitant nettement supérieurs à ceux des communes de métropole.

J’ajoute que les territoires ultramarins bénéficient, dans le présent projet de loi de finances, d’une diminution de la contribution des régions d’outre-mer au redressement des finances publiques de 3,5 millions d’euros.

Dans ces conditions, il ne nous paraît pas opportun d’adopter un amendement qui modifierait le calcul du versement au titre du FPIC pour ce qui est des ensembles intercommunaux des départements d’outre-mer, et la commission a émis un avis défavorable.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, la question que vous avez soulevée est légitime.

Le Gouvernement a bien examiné les conclusions du rapport de votre collègue Georges Patient, en y relevant la demande que vous avez formulée.

Il est vrai que certaines collectivités d’outre-mer bénéficient plus que d’autres du FPIC. Même si je ne dispose pas des mêmes chiffres que vous, monsieur le rapporteur spécial – vous avez fait le calcul par habitant, alors que nous avons considéré l’ensemble de la population des différents territoires –, l’écart est de l’ordre de 50 % environ. Toutefois, si nous retenions des critères identiques pour tout le monde, cela ne signifie pas que l’effet serait le même pour tous ; il pourrait même être amplifié. Je vais m’en expliquer.

Pour ce qui concerne la part redistribuée du FPIC, outre les critères connus, on tient compte d’une sorte de préciput pour les départements d’outre-mer. Or le rapport de M. Patient suggère d’appliquer les mêmes critères à tout le monde. Si l’on a fixé une quote-part pour les départements d’outre-mer, c’est que l’on pensait compenser les difficultés que rencontrent ces territoires. Mais il semble que ce ne soit pas aussi évident que cela…

À ce stade, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Il convient de poursuivre la réflexion sur cette question, soit en l’intégrant aux questions qui feront l’objet du rapport que j’ai évoqué précédemment, soit en traitant ce point de manière spécifique, à moins que – on ne sait jamais ! – un parlementaire du groupe de l’UMP ne décide de s’associer à la proposition qui lui a été faite de travailler sur la DGF… (Sourires.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Cela va venir !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans cette attente, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Claireaux, l'amendement n° II-248 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Karine Claireaux. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-248 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° II-264 rectifié ter, présenté par MM. Jarlier et Bonnecarrère, Mme N. Goulet, M. Guerriau, Mme Gatel et MM. Luche et Namy, est ainsi libellé :

Après l’article 58

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 2336-6 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2336-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2336-6-… – À compter de 2015, les ensembles intercommunaux et les communes n’appartenant à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour lesquels le montant de l’attribution prévue au I de l’article L. 2336-5 diminue de plus de 50 % par rapport à celle perçue l’année précédente, perçoivent, à titre de garantie, une attribution égale à la différence entre la moitié de l’attribution perçue l’année précédente et celle calculée en application du I de l’article L. 2336-5. Les sommes nécessaires sont prélevées sur les ressources du fonds avant application du I de l’article L. 2336-5.

« Pour les ensembles intercommunaux, cette attribution est répartie entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses communes membres dans les conditions prévues au II du même article L. 2336-5. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. J’en reprends le dispositif, au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-466, présenté par M. Charles Guené, au nom de la commission des finances, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-264 rectifié ter.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement prévoit que les bénéficiaires du FPIC ne peuvent voir l’attribution qui leur est versée à ce titre diminuer de plus de 50 % d’une année sur l’autre.

Un mécanisme de garantie, non renouvelable, est déjà prévu lorsqu’une commune ou un EPCI cesse d’être éligible au FPIC, mais aucun dispositif spécifique n’a été mis en place dans le cas où l’attribution au titre du FPIC diminue de plus de 50 %.

C’est pourquoi la commission a souhaité reprendre cet amendement, sur lequel elle avait émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il existe déjà des garanties de sortie pour éviter que les ensembles intercommunaux ou les communes isolées qui perdent leur éligibilité au titre du FPIC ne subissent des pertes trop brutales d’une année sur l’autre.

Par ailleurs, la mise en place d’une telle garantie me paraît peu compatible avec les mouvements des périmètres des EPCI. L’attribution d’un EPCI au titre du FPIC peut fortement diminuer d’une année sur l’autre ; tel est le cas lorsqu’un EPCI fusionne avec un autre, qui bénéficie, lui, d’une attribution moins importante, car il est plus riche, ou lorsqu’un EPCI accueille de nouvelles communes plus riches.

Enfin, en figeant excessivement les montants au travers de baisses limitées, on risque d’entraver le fonctionnement du mécanisme.

C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. S’agissant du dernier amendement relatif au FPIC, je tiens à adresser une demande un peu insistante au Gouvernement.

Le Comité des finances locales observe régulièrement que des mouvements contradictoires se produisent du fait de l’intercommunalisation du fonds de péréquation : des communes dans des situations analogues peuvent se retrouver dans des situations très différentes au regard du fonds de péréquation selon la communauté à laquelle elles appartiennent.

Personne ne remet en cause le fait que la péréquation s’opère à l’échelle des communautés, mais il faut tout de même que cela ne se traduise pas par une iniquité puisque l’objectif est précisément d’assurer le plus d’équité possible entre les communes.

Cela fait un moment que le Comité des finances locales demande une analyse sur cette question. Pardonnez-moi d’insister, monsieur le secrétaire d'État, mais les factures de péréquation vont doubler cette année. Les effets liés à cette incohérence vont donc s’amplifier.

Le moment est venu de faire la lumière sur ce problème et d’essayer d’y remédier.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous soulevez là un problème connu ; je le sais pour avoir beaucoup fréquenté, à différents titres, le Comité des finances locales.

J’ai envie de vous dire que la réponse peut être assez souvent trouvée au sein même des intercommunalités. La répartition du produit ou des prélèvements du FPIC est du ressort des intercommunalités, avec, certes, un système assez rigide. Quelques assouplissements – ils sont probablement modestes – ont été suggérés par vos collègues de l'Assemblée nationale ; il conviendra effectivement de réfléchir à cette question.

Sans être torturé, le Gouvernement est…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … toujours un peu tiraillé entre l’idée d’accorder une certaine souplesse, afin de tenir compte de l’autonomie et de la capacité de décision des collectivités territoriales, et la volonté d’éviter certaines situations de blocage, qui pourraient contraindre des collectivités du fait de la législation, de règles d’unanimité ou, au contraire, de règles trop souples, lorsqu’il s’agit de partager des ressources, ou des contributions.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur cette question, en annulant un certain nombre de dispositions au motif que l’excès de liberté des uns réduit celle des autres.

Il s’agit d’une question complexe. J’espère que ceux qui participeront aux réflexions à venir sur ces différents sujets – ceux qui voudront bien y travailler ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) – examineront aussi celui-ci.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-466.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 58.

L'amendement n° II-272 rectifié bis, présenté par MM. Vandierendonck, Guillaume et Germain, Mme M. André, MM. F. Marc, Botrel, Raynal, Raoul, Boulard, Berson, Carcenac, Chiron, Eblé, Lalande, Patriat, Vincent, Yung, Marie et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 58

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3114-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV - Au cours des trois années suivant le regroupement de plusieurs départements en un seul département, et lorsque le regroupement a été réalisé après le 1er janvier 2015 et avant le 1er janvier 2016, ne s’appliquent au département ainsi créé ni le dernier alinéa de l’article L. 3334-1 ni le dernier alinéa du III de l’article L. 3334-3 du présent code. »

La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Au moment où nous sommes engagés dans une série de réformes territoriales, nous proposons, par cet amendement, de faciliter les initiatives locales, sans que pour autant puissent être remis en cause un certain nombre de principes.

Le regroupement de départements dont il est ici question se fait évidemment à l’intérieur d’une même région. Le passage d’un département d’une région à une autre est un autre sujet.

Un certain nombre de départements ont déjà manifesté leur volonté de fusionner et entamé des discussions à cette fin.

Une proposition de loi en cours d’examen a pour objet de favoriser la création de communes nouvelles. Le regroupement des départements procède du même esprit.

Cette mesure favorise l’initiative locale, car le dispositif proposé n’est pas une obligation imposée d’en haut. Elle permettra vraiment de réaliser une mutualisation à l’intérieur d’une même région et de laisser derrière nous les restes de l’histoire, qui n’ont plus rien à voir avec la période contemporaine.

Cette disposition s’inscrit dans le cadre de l’enveloppe normée. D’un point de vue budgétaire et financier, cet amendement ne présente pas un grand danger : il prévoit de maintenir pendant trois ans la stabilité de la dotation pour les départements qui feront le choix de se regrouper.

Nous défendons avec force cet amendement, qui tend à fluidifier le regroupement de départements, qui va dans le sens de l’évolution actuellement envisagée pour ces derniers, qui rationalise la carte territoriale et qui favorise les initiatives locales. Voilà autant d’éléments qui plaident en faveur de l’adoption de cet amendement.

M. François Marc. Il n’a que des avantages !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement, dont le dispositif est une sorte de « Pélissard départemental », prévoit d’appliquer aux départements la logique qui vaudra pour les communes nouvelles, avec, en l’espèce, une exonération de la baisse des dotations pendant trois années pour les départements qui fusionnent avant le 1er janvier 2016.

À titre personnel, je pense que cette mesure est un vecteur d’économies d’échelle.

La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement entend bien les arguments qui ont été énoncés et, surtout, le caractère incitatif de la mesure proposée. Toutefois, il avance avec prudence, et il s’est livré à quelques simulations.

Si cette disposition avait déjà été introduite dans la loi, le référendum alsacien aurait peut-être connu une issue différente…

L’impact de cet amendement peut se révéler considérable. Imaginons que la Haute-Savoie fusionne avec la Savoie. (Sourires.)

M. Claude Raynal. Au hasard !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet ! Mon regard s’est par hasard porté sur Michel Bouvard. (Nouveaux sourires.)

Imaginons que trois départements de la couronne parisienne, ou même deux, fusionnent : l’impact sur les autres départements en termes de déport serait énorme.

Si l’intention est louable, les effets ne sont pas négligeables.

Vous vous êtes référé, monsieur Germain, à la proposition de loi relative aux communes nouvelles. Mais, dans ce cas, l’assiette, si je puis dire, ce sont les 36 000 communes. En regard de cette masse, on le sait, le nombre de communes nouvelles ne sera pas considérable. Même s’il était le double du nombre qui est « dans les tuyaux », cela n’entraînerait pas une modification très importante pour les autres communes.

En revanche, si deux ou trois regroupements venaient à se produire parmi la centaine de départements que compte notre pays, les conséquences seraient considérables pour les autres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous voulez vous en convaincre, livrez-vous à un rapide calcul sur la base d’une baisse de dotation globale appliquée aux départements de l’ordre d’un milliard d’euros. C’est raisonner sur des moyennes, me direz-vous. Certes, mais prenez donc des départements moyens, voire un peu au-dessus de la moyenne : à n’en pas douter, vous constaterez des déports financiers très importants, et même trop importants.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, encore que son adoption, comme M. Germain l’a signalé, ne doive avoir aucune incidence sur le solde budgétaire de l’État – de même, du reste, que celle de la plupart des amendements que nous examinons depuis le début de cette séance. Je me permets simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, d’appeler votre attention sur le risque de déports financiers.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.

M. Jean Germain. Comme nous pouvions nous attendre à une réponse de cette nature, nous avons pris la précaution de prévoir dans notre amendement une date limite : le 1er janvier 2016. En d’autres termes, l’exonération ne profiterait qu’à des départements qui préparent déjà leur regroupement.

Pour avoir suivi les débats sur la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ainsi que les autres débats sur l’évolution des collectivités territoriales, je pense que le regroupement des départements de la région d’Île-de-France et celui des deux départements de la Savoie ont assez peu de chances de se produire avant le 1er janvier 2016 !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. En effet !

M. Jean Germain. En revanche, un nombre réduit de petits départements a une volonté très forte d’aboutir. Si, pour une fois, des élus locaux de bonne volonté ne se voyaient pas opposer des statistiques improbables, je pense vraiment que ce serait de bonne politique.

Nous maintenons donc notre proposition, d’autant plus que, ayant bien mesuré les conséquences que M. le secrétaire d’État vient de signaler, nous avons prévu la date limite du 1er janvier 2016 pour éliminer tout risque.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaite tempérer mes propos et présenter une suggestion.

Monsieur Germain, la date limite prévue dans l’amendement n° II-272 rectifié bis m’avait échappé ; il est vrai qu’elle est de nature à atténuer quelque peu les conséquences que j’ai décrites. (M. Jean Germain approuve.)

Néanmoins, je pense qu’un critère de taille serait au moins aussi fondé qu’un critère de date ; du reste, vous avez vous-même parlé de départements de taille modeste, dont il est probable qu’ils vont se regrouper.

Si un tel critère était prévu, le Gouvernement pourrait être mieux disposé à l’égard de cet amendement. Pour le moment, il maintient son avis défavorable, avec seulement un peu moins de virulence qu’il y a quelques instants… (Sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Et un peu moins d’inquiétude !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Les dispositions de cet amendement présentent l’avantage d’inciter les départements à se regrouper, ce qui serait sans doute une véritable source d’économies.

De fait, la cartographie des départements, qui date de deux cents ans, ne correspond plus forcément aux bassins de vie et aux bassins économiques d’aujourd’hui – souvenons-nous, mes chers collègues, de la journée de cheval depuis la préfecture ! Dans ces conditions, des regroupements de départements à des échelles petites et moyennes seraient certainement un facteur de meilleure efficacité, beaucoup plus que la création de très grandes régions comprenant parfois jusqu’à trois régions actuelles, d'ailleurs. En tout état de cause, ces regroupements méritent d’être encouragés.

Partout où des regroupements de collectivités territoriales sont proposés, des incitations sont prévues. C’est ainsi qu’une prime est proposée pour encourager le regroupement des intercommunalités. Or rien n’est prévu pour inciter les départements à se regrouper !

Encore l’incitation que nous proposons est-elle non pas une prime, mais la neutralisation d’une diminution de dotation. Du reste, cette mesure serait aussi un moyen de compenser une partie des coûts de la réorganisation. On sait très bien, en effet, qu’un regroupement coûte dans un premier temps, avant de susciter des économies liées aux gains d’efficacité.

Je voterai donc cet amendement, qui me paraît pleinement cohérent avec le souhait du Gouvernement, exprimé lors des débats sur la réforme territoriale, d’inciter au regroupement et à la restructuration des collectivités territoriales. Quant à fixer un seuil, par exemple d’un million ou de deux millions d’habitants, pour éviter quelques effets d’aubaine dans les très grands départements, on peut en effet l’envisager.