M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les membres du groupe CRC ont demandé l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de cette résolution souhaitant un moratoire concernant les plans de prévention des risques technologiques.

Pour ma part, j’ai fait quelques recherches, afin de mieux comprendre les risques auxquels mon territoire, le département du Morbihan, est exposé.

J’ai donc tout d’abord navigué sur le site du Gouvernement, risques.gouv.fr, que j’ai trouvé très pédagogique mais un peu simpliste. J’ai finalement trouvé les informations très pertinentes sur le site de la préfecture du Morbihan, à savoir les cartographies détaillées des risques départementaux.

Sur ma commune de Saint-Nolff, nous ne sommes concernés, en termes de risques technologiques, que par le transport de marchandises dangereuses par la voie ferrée Paris-Quimper, qui traverse le bourg de part en part, un risque qui fut l’un des arguments pour nous empêcher d’agrandir une école publique.

Pour le Morbihan dans son ensemble, les risques technologiques majeurs sont liés aux sites industriels – ils ne sont pas en grand nombre mais peuvent malgré tout présenter des risques –, au transport de matières dangereuses, aux barrages, qui peuvent se rompre, au dépôt de munitions près de l’école militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan, aux dépôts de carburants, de gaz, d’engrais et de produits phytosanitaires.

On constate que, entre le dépôt de la résolution le 18 octobre 2013 et aujourd’hui, l’État a progressé, car le pourcentage des PPRT approuvés est passé de 56 % à 73 %. C’est indéniablement un progrès.

Approuver ces plans, c’est une chose ; les mettre en œuvre, c’en est une autre… Nous entendons bien les critiques formulées par nos collègues à l’égard de la mise en œuvre de ces plans de prévention des risques technologiques.

Tout d’abord, la concertation laisse trop souvent à désirer – une remarque qui vaut d’ailleurs bien au-delà des PPRT.

Pourtant, la concertation, une véritable concertation, est aujourd’hui indispensable. C’est une condition nécessaire pour aboutir à l’acceptabilité des populations concernées.

Le Gouvernement nous a rappelé à plusieurs reprises ses engagements pour une plus grande transparence, une meilleure association des citoyens aux processus de décision et un raccourcissement des délais d’instruction.

Nous soutenons ces engagements et nous plaidons pour leur mise en œuvre rapide, notamment en ce qui concerne une véritable concertation citoyenne.

L’enquête publique comme unique moyen de démocratie locale est aujourd’hui une procédure dépassée, tout comme une concertation réunissant principalement des élus, des fonctionnaires, la société concernée et seulement deux ou trois associations locales, comme on a pu le voir dans certains arrêtés de prescription.

De la même manière, un financement tripartite – entreprises, État, collectivités –, qui limite de fait la participation du premier responsable au tiers seulement du financement, est dommageable pour les finances publiques des collectivités locales.

Il est essentiel de reconnaître la responsabilité de l’État, mais également des collectivités locales lorsqu’elles ont approuvé l’implantation de ces projets, mais aussi le développement de l’urbanisation alentour.

De même, faire peser une partie du coût des travaux de mise en conformité sur les habitants eux-mêmes semble méconnaître certains principes fondamentaux de notre droit. Ici, les riverains supporteront des frais dont ils ne sont en aucun cas responsables. Les subventions et crédits d’impôt alloués ne couvrent que très partiellement les coûts engendrés.

Nous n’entrerons pas non plus dans les méandres du principe de précaution, qui est largement évoqué dans l’exposé des motifs. Nous connaissons bien les critiques qu’une partie de notre assemblée formule à son encontre, mais nous aurons d’autres occasions d’en débattre.

Après une phase de réduction des risques à la source, dont nos collègues ont très bien montré les limites dans l’exposé des motifs de leur proposition de résolution, le PPRT est prescrit sur un périmètre d’étude issu de l’étude de dangers du site.

Après instruction technique, concertation et enquête publique, le PPRT est approuvé.

Il peut prévoir plusieurs types de mesures : des mesures foncières sur l’urbanisation existante, des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source, des travaux de renforcement à mener sur les constructions voisines existantes, des restrictions sur l’urbanisme futur – ce point est très important, de même que l’obligation d’information aux acquéreurs et locataires sur les communes concernées par les risques majeurs.

Si nous, les écologistes, soutenons la démarche qui conduit à réaliser les PPRT, nous sommes également sensibles aux arguments de nos collègues du groupe CRC.

Nous constatons les efforts déployés par le Gouvernement pour accélérer l’approbation de ces plans, et nous espérons qu’il déploiera autant d’efforts, si ce n’est plus, afin d’améliorer les processus de concertation et le financement de ces mises en conformité pour que ce ne soient pas les riverains qui assument encore une fois les risques que les industriels leur font courir.

Mieux que dans le cadre d’un moratoire, on pourrait envisager ces évolutions à travers un processus de révision de ces plans qui prendrait en compte l’ensemble des critiques que nous avons formulées, ou en poursuivant un processus d’amélioration continue du texte.

Aussi, pour ces raisons, mais presque à contrecœur, les écologistes s’abstiendront.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe CRC a déposé cette proposition de résolution afin de demander un moratoire et une refonte de la réglementation encadrant les plans de prévention des risques technologiques.

Plus de dix ans après l’adoption de la loi dite « loi Bachelot » sur la réduction des risques, son bilan d’application n’est pas à la hauteur des enjeux de sûreté sur les sites industriels à hauts risques, pour les riverains comme pour les salariés.

À ce titre, une circulaire de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, publiée le 30 avril 2013, constatait que seulement « un peu plus de la moitié » des PPRT avaient été approuvés. La ministre avait alors décidé, à juste titre, de lancer un plan de mobilisation nationale avec un objectif chiffré : 75 % des PPRT devraient être approuvés d’ici à la fin de 2013 et 95 % à la fin de 2014. Au 1er août 2014, 76 % des plans ont été approuvés. C’est mieux mais il y a encore beaucoup à faire.

Selon le rapport pour avis sur le programme 181 de la mission « Écologie » dans le projet de loi de finances pour 2015, d’une part, les crédits ouverts à l’action « Prévention des risques technologiques et des pollutions » sont en baisse de plus de 30 % pour les autorisations d’engagement, d’autre part, l’objectif du Gouvernement est désormais d’atteindre les 95 % de plans approuvés à la fin de l’année 2015. On perd un an, mais ce n’est pas encore dramatique.

Au-delà de la mauvaise application de la loi et des blocages souvent dus, il faut bien le dire, aux manœuvres dilatoires de certains industriels, de nombreuses voix se sont élevées, du côté tant des riverains que des élus locaux ou des associations de défense de l’environnement, pour alerter les autorités et dénoncer les conditions d’élaboration des PPRT et leurs conséquences pour la vie de nos concitoyens.

C’est ce débat de fond que nous souhaitions porter devant notre assemblée. Ma collègue et amie la sénatrice Marie-France Beaufils a détaillé plusieurs défaillances de la réglementation qui nous conduisent à demander ce moratoire.

Pour ma part, je centrerai mon intervention sur la question des mesures de sûreté des installations. Comme vous le savez, la réalisation par l’exploitant d’une étude de dangers constitue un élément essentiel de la réglementation de la prévention du risque industriel.

Exigée par l’article L. 512 du code de l’environnement, elle doit justifier, selon les modalités prévues à l’article R. 512-9, que le site doit atteindre, « dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l’état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l’environnement de l’installation. »

La notion d’« économiquement acceptable » nous semble restreindre la réduction des dangers à la source puisque les industriels peuvent l’invoquer pour refuser les modifications lourdes nécessaires parfois pour réduire effectivement les dommages potentiels encourus.

Pourtant, au-delà de la mise en danger des personnes, si l’accident survient, les coûts sont souvent bien plus importants. L’argument économique ne devrait donc pas entrer en ligne de compte.

C’est dans la même logique, dans la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement de 1995, que contrairement à la définition du principe de précaution retenue dans la déclaration de Rio de 1992, le législateur français avait utilisé cette mention.

Ainsi, il précisait que « l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ; le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. » La formulation « économiquement acceptable » est employée à deux reprises.

La France a ainsi ajouté à la définition de Rio les notions de réaction proportionnée et de coût économiquement acceptable.

Ensuite, la notion d’« économiquement acceptable » semble incompatible avec les lois constitutionnelles et européennes. Ainsi, lorsque le Parlement réuni en Congrès a inscrit dans la Constitution la charte de l’environnement, installant par là même le principe de précaution au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques, il n’était alors pas question de limites économiques.

L’article 5 énonce très précisément que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Ces réserves de compatibilité que nous formulons à l’égard de la législation nationale relative aux PPRT valent également pour le droit européen. Nous avons ajouté dans le droit français la notion « économiquement acceptable », qui n’était pas dans la définition de Rio et qui ne sera pas dans le droit européen.

En effet, à compter du 1er juin 2015, de nouvelles exigences seront applicables à certaines activités industrielles, de stockage, d’exploitation de transport, détaillées à l’article 2 de la directive, afin de prévenir et de mieux gérer les accidents majeurs impliquant des produits chimiques dangereux.

Or, au titre des « obligations générales de l’exploitant » mentionnées à l’article 5 de la directive, il est précisé que « les États membres veillent à ce que l’exploitant soit tenu de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir les accidents majeurs et pour en limiter les conséquences pour la santé humaine et l’environnement. »

Quant à la définition de la « politique de prévention des accidents majeurs », on peut lire à l’article 8 : « La politique de prévention des accidents majeurs est conçue pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Elle est proportionnée aux dangers liés aux accidents majeurs. Elle inclut les objectifs globaux et les principes d’action de l’exploitant, le rôle et la responsabilité de la direction, ainsi que l’engagement d’améliorer en permanence la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs et d’assurer un niveau de protection élevé. » C’est vraiment le seul objectif. Il n’est jamais fait mention de la limite exprimée dans la loi française par le recours au principe d’« économiquement acceptable ».

Dans le cadre d’échanges mondialisés où la concurrence libre et non faussée est la règle économique, la question se pose légitimement de savoir si le législateur n’a pas été tenté d’introduire cette notion d’« économiquement acceptable » pour protéger les industriels au détriment des particuliers et des salariés.

Il serait donc souhaitable de revoir notre législation. Les acteurs industriels ne doivent plus être juge et partie si nous voulons renforcer encore le niveau de protection, en particulier la prévention des accidents majeurs sur les sites industriels à hauts risques.

Venant d’un département dans lequel les conséquences sociales et environnementales de dizaines d’années d’exploitation minière se font encore sentir – en tant que maire de Trieux, vous êtes également bien placé pour en avoir conscience, monsieur le secrétaire d’État –, je sais combien les populations sont souvent délaissées alors même qu’elles sont lourdement impactées par les activités industrielles passées ou présentes.

C’est dans ce sens que nous vous demandons d’adopter cette proposition de résolution afin de revoir la réglementation relative aux plans de prévention des risques technologiques en tenant compte de l’expérience dans chaque territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il semble plutôt contradictoire de militer pour la protection des populations contre les dangers induits par l’activité industrielle et, en même temps, de proposer un moratoire de la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques censés précisément apporter ladite protection.

Cependant, à y regarder de plus près, la contradiction est moins évidente. La question est en effet de savoir si les PPRT, tels qu’ils sont théoriquement conçus et réellement mis en œuvre, atteignent leurs objectifs. Pour m’être intéressé de plus près aux PPRN, les plans de prévention des risques naturels, aux PPRI, les plans de prévention des risques d’inondation, et aux PPRIF, les plans de prévention des risques d’incendies de forêt, je constate que leur conception et leur mise en œuvre posent le même type de problèmes que ceux qui sont soulevés en matière de risques dits « technologiques » – en réalité, ce sont plutôt des risques industriels.

Dans tous les cas, on fait deux constats.

Premièrement, la mise en œuvre d’une procédure laborieuse et conflictuelle à l’origine de retards importants dans l’application des plans de prévention. Ainsi, nous dit-on, seuls 225 PPRT prescrits ont-ils été approuvés, ce qui d’ailleurs ne signifie pas acceptés et encore moins mis en œuvre.

Deuxièmement, des plans de financement complexes, pour ne pas dire hasardeux.

Dans tous les cas, les principaux intéressés, les collectivités et la population, ne sont associés ni à la définition des risques et des méthodes permettant de les mesurer, ni à l’élaboration de la carte des aléas.

Dans le cas des PPRN, cela relève uniquement de l’administration ou plutôt de ses cabinets sous-traitants. Aucune information n’est fournie sur les principes de fabrication des modèles qui serviront aux simulations.

S’agissant des PPRT, c’est l’exploitant lui-même, sous la surveillance de l’administration – on respire ! –, qui est chargé de l’étude de dangers. Avouez que l’on doit pouvoir trouver mieux en matière de garantie d’objectivité. Mais cela pose aussi la question de l’obsolescence de la capacité de l’État dans ses missions d’expertise.

C’est une fois que la carte des risques, dans un cas, l’étude de dangers, dans l’autre, est achevée, une fois donc que la messe est dite, que débute la concertation puis l’approbation. Je dis bien : une fois que la messe est dite car il est clair que les mesures de protection à prendre découlent directement de l’évaluation des risques et de leur localisation.

Ce qui, d’ailleurs, – et ce n’est pas le moindre des paradoxes – conduit à cet étrange échange de risques contre des droits à construire ou des réductions de niveau de protection à quoi se réduit en général la concertation. Il y a de quoi en être quelque peu surpris.

Pas étonnant que cette concertation prenne l’apparence d’un dialogue de sourds sur fond de conflit. Pas étonnant que la procédure patine et s’éternise.

La seule manière d’en sortir, à mon avis, c’est que collectivités locales et représentants des personnes directement intéressées soient associés, avec leurs experts, à la définition et la mesure des risques ainsi qu’à l’élaboration de leur traduction cartographique. C’est d’ailleurs, si j’ai bien compris, ce que proposent les auteurs de la proposition de résolution.

L’accord peut plus facilement se faire sur des éléments objectifs et cet accord réalisé, l’approbation du plan sera plus facile à obtenir.

Je constate cependant que l’administration n’est absolument pas disposée à accepter cette démarche. Seuls les savants, même d’une science incertaine, et la bureaucratie céleste sont habilités à dire ce qu’il convient de voir et de penser. J’en ai fait l’expérience en déposant une proposition de loi sur la prévention des inondations qui n’a pu être votée en première lecture au Sénat qu’une fois expurgée des dispositions que je viens d’évoquer. Proposition de loi qui, je viens de le rappeler à M. le secrétaire d’État tout à l’heure, attend depuis un an d’être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Mais l’actualité montre qu’il n’y a pas le feu au lac.

J’en viens à la question du financement, qui, dans les deux cas, pose problème.

Sur ce point, une amélioration essentielle a été apportée par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », avec l’institution possible d’une taxe pour financer les politiques de prévention de l’inondation.

S’agissant de la prévention des risques technologiques, la complexité des montages financiers et le fait qu’une part de la charge revient aux riverains – comme dans l’ancien système pour le risque inondation – impose à l’évidence des mesures nouvelles. Ce serait la garantie d’une exécution effective dans des délais raisonnables des mesures de protection légitimement imposées par le PPRT.

En tout cas, mon intime conviction est qu’il faut changer la façon de poser la question du risque si l’on veut avoir une chance de lui apporter une réponse pérenne partout où le problème se pose. Il faut élargir la question de la protection à celle de l’aménagement d’un territoire pour permettre à celui-ci de continuer à vivre et se développer en maîtrisant les effets du risque.

Toutes les questions soulevées par les auteurs de la proposition de résolution sont pertinentes. Qu’un moratoire soit la réponse, même provisoire, je suis loin d’en être convaincu. Je crois nécessaire et urgent de faire évoluer la législation dans le sens indiqué quel que soit le type de risque concerné. Plus on sera à pousser dans cette direction, plus on aura de chance d’aboutir.

Tel est le sens de mon abstention et de celle de mon groupe sur cette proposition.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, je vous prie d’excuser l’absence Mme Ségolène Royal qui est à Lima pour une conférence dont vous avez certainement toutes et tous entendu parler.

Je m’efforcerai de répondre en son nom à vos interrogations qui peuvent, comme beaucoup l’ont dit, apparaître légitimes. Légitimes, parce que la sécurité des sites industriels français est un impératif, comme nous le rappellent l’accident de Toulouse le 21 septembre 2001 ou, plus récemment, l’incendie dramatique de la raffinerie d’Amuay au Venezuela ou l’explosion meurtrière d’une usine de fabrication d’engrais à West au Texas.

La bonne maîtrise des risques inhérents à l’activité industrielle est également un facteur de compétitivité pour les entreprises, étroitement associé au maintien sur notre territoire d’activités à forte valeur ajoutée.

Le Gouvernement est bien entendu mobilisé sur ce sujet, afin d’assurer aux populations le meilleur niveau de sécurité et d’accompagner les industriels dans la mise en place des investissements, avec des modalités d’organisation adaptées.

Les plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, sont des outils efficaces pour intégrer les sites industriels dans leur environnement. Comme cela a été rappelé, la loi du 30 juillet 2003 est née, après la catastrophe d’AZF, du constat de l’existence de situations héritées du passé : l’urbanisation s’était dangereusement rapprochée des sites industriels à risques. Au vu de la diversité des cas rencontrés, la responsabilité de cette proximité ne pouvait être imputée à un seul acteur, qu’il s’agisse de l’industriel, de la collectivité, des riverains ou de l’État. C’était un héritage partagé.

C’est pourquoi la loi de 2003 a entendu faire porter la charge des actions à mener de la manière la plus équilibrée possible, afin que chacun contribue à un objectif commun : améliorer la sécurité, en sachant bien entendu – plusieurs d’entre vous l’ont souligné – que l’on ne peut pas atteindre le risque zéro, car seul l’arrêt de toute activité industrielle permettrait – et encore… – de garantir l’absence totale de danger.

Les PPRT, élaborés pour les sites à plus hauts risques – les sites dits « SEVESO seuil haut » –, prévoient une palette de mesures. Certaines d’entre elles visent à protéger les riverains exposés aux risques : il s’agit, d'une part, de mesures foncières touchant à l’urbanisation existante, qui se composent d’expropriations, dans les zones à plus forts risques, et de droits à délaissement volontaire des biens, et, d'autre part, de travaux à mener sur les constructions existantes dans le voisinage des sites industriels pour en réduire la vulnérabilité. D’autres mesures visent à garantir un maintien du niveau de risque dans la durée : il s’agit de restrictions ou de règles relatives à l’urbanisation future autour des sites.

Aujourd'hui, – vous êtes nombreux à l’avoir relevé – sur les 407 PPRT à réaliser, plus des trois quarts – 313 –, dont de nombreux plans jugés très complexes, sont approuvés. Les PPRT restants sont maintenant en bonne voie, de sorte que la très grande majorité d’entre eux devraient être approuvés d’ici à la fin de l’année 2015. Cette progression démontre que, grâce aux améliorations législatives successives et à l’engagement des acteurs, le dispositif est maintenant largement applicable.

Pour autant, votre résolution pose des questions légitimes, qui concernent les obligations fixées aux industriels, les modalités de financement des mesures ou encore leur mise en œuvre opérationnelle. Je répondrai à ces questions de manière détaillée.

Je commencerai par l’obligation faite aux industriels de réduire les risques à la source. La réglementation relative aux installations classées repose sur le fait que les industriels, via la réalisation d’études de dangers, sont tenus de réduire autant que possible les risques à la source, par le recours aux meilleures techniques disponibles à un coût « économiquement acceptable ».

Madame Didier, je ne partage pas complètement votre analyse s'agissant du droit constitutionnel ou de l’adaptation au droit européen. Le principe de la réduction des risques à la source, qui repose sur la notion de comportement économiquement responsable, découle directement de principes constitutionnels, au même titre que le principe de précaution, qui est cité dans votre proposition de résolution. Il est notamment inscrit dans la définition du principe de prévention qui figure au tout premier article – l’article L. 110-1 – du code de l’environnement.

J’ajoute que l’évaluation du caractère « économiquement acceptable » des mesures de réduction du risque n’est nullement laissée à la seule appréciation de l’industriel : elle est soumise à l’expertise des services de l’État, qui en sont garants. Les obligations sont in fine prescrites par le préfet à l’industriel, et elles s’imposent à lui.

Contrairement à ce que j’ai entendu, cette phase est bien un prérequis à l’adoption d’un PPRT. Il n’est fait appel à des mesures foncières qu’en l’absence de solutions relevant de la responsabilité de l’industriel. Ce sont ainsi près de 2 000 études de dangers qui ont été instruites. Les investissements réalisés par les industriels pour la réduction du risque à la source ont été compris entre 200 millions et 300 millions d'euros par an – à leur seule charge – durant les premières années ayant suivi la promulgation de la loi.

En complément, les PPRT peuvent prévoir d’autres mesures de réduction du risque, allant au-delà des exigences réglementaires – un déplacement d’installation, par exemple –, lorsque leur mise en œuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu’elles permettent d’éviter. Le processus d’élaboration des PPRT ne fait donc pas obstacle à la responsabilité première de l’industriel de maîtriser ses risques.

J’entends également vos interrogations, légitimes, là aussi, concernant les modalités de financement des PPRT. Ces modalités, inscrites dans la loi de 2003, reflètent la responsabilité partagée des acteurs, que j’ai évoquée au début de mon propos.

Pour les mesures foncières ou les mesures supplémentaires de réduction du risque à la source – ce sont les mesures les plus lourdes, puisque leur montant total est estimé à un peu plus de 1 milliard d'euros –, la loi prévoit un financement tripartite entre les exploitants à l’origine du risque, les collectivités locales percevant la contribution économique territoriale des sites industriels et l’État.

Pour les travaux sur les constructions existantes dans le voisinage, les particuliers peuvent – vous l’avez souligné – bénéficier d’un crédit d’impôt représentant 40 % du montant des travaux, ainsi que de contributions des industriels et des collectivités représentant chacune 25 % de ce montant. Cela porte l’aide à 90 % du montant des travaux, dans une limite de 20 000 euros, qui est suffisante dans la très grande majorité des cas pour mettre en sécurité un logement non couvert par une mesure foncière.

Ces modalités de financement, ajustées plusieurs fois depuis 2003 – vous vous en souvenez certainement, et le secrétaire d’État au budget que je suis s’en souvient également –, sont équilibrées. C’est l’accompagnement des travaux qui doit nous mobiliser.

J’entends aussi dire que le cas particulier des entreprises riveraines justifie des aménagements complémentaires. Les premiers cas de mise en œuvre des PPRT ont effectivement révélé – cela a été rappelé à juste titre – des difficultés d’application pour les entreprises riveraines des sites à risques. Les mesures foncières d’expropriation et de délaissement et les prescriptions de travaux peuvent mettre les entreprises en difficulté, et ne constituent pas toujours la meilleure façon de mettre les salariés en sécurité ; ce point a été évoqué à raison par certains d’entre vous.

Une disposition habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance en ce sens est incluse dans le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, en cours d’examen par le Parlement. Il s’agit, d'une part, de permettre, pour les entreprises riveraines, la mise en œuvre de mesures alternatives aux mesures d’expropriation et de délaissement. Le mode de financement jusqu’à présent réservé aux mesures foncières serait maintenu dans la limite du montant des mesures foncières évitées ; c’est un dispositif classique. Cette souplesse permettra de trouver des solutions moins chères que les mesures foncières, ce qui profitera aux collectivités, à l’État et à l’industriel à l’origine du risque. Il s’agit, d'autre part, d’assouplir les obligations de travaux de renforcement des locaux des entreprises riveraines, afin de permettre le recours à d’autres méthodes de protection des salariés, par exemple via des mesures organisationnelles.

Vous avez également émis des interrogations légitimes concernant l’accompagnement de la mise en œuvre des PPRT. Le projet de résolution souligne à juste titre que l’accompagnement des acteurs dans la mise en œuvre des PPRT est un enjeu fondamental. Le Gouvernement partage ce point de vue, même s’il ne lui semble pas pour autant nécessaire de prendre des dispositions législatives ou réglementaires additionnelles, et il s’emploie à organiser une mise en œuvre structurée des PPRT, en particulier pour la réalisation des travaux de renforcement chez les particuliers ; 30 000 logements sont potentiellement concernés.

Un programme de formation des artisans amenés à conduire les diagnostics préalables et un référentiel pour la réalisation des travaux sont opérationnels depuis l’été 2013. En outre, le Gouvernement expérimente actuellement, sur sept plateformes industrielles, un dispositif d’accompagnement collectif des riverains par des opérateurs du logement dans chacune des étapes nécessaires à la réalisation des travaux. Ce dispositif sera généralisé en lien avec l’Agence nationale de l’habitat.

Enfin, le ministère de l’écologie organisera dès 2015 un accompagnement des collectivités chargées de la mise en œuvre des mesures foncières.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition de résolution. Le dispositif issu d’améliorations législatives successives apparaît désormais équilibré et applicable, même s’il a rencontré – c’est bien compréhensible – des difficultés de mise en œuvre les premières années. Le remettre en cause aboutirait à retarder la mise en sécurité des riverains et pourrait fragiliser l’activité économique du pays.

En conséquence, le Gouvernement estime que les forces de l’ensemble des acteurs doivent désormais être employées à la mise en œuvre effective des plans, dans une démarche d’accompagnement des riverains et des collectivités.