M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. La situation a beaucoup évolué en vingt ans, car la dynamique du développement s’est poursuivie. On peut donc comprendre le décalage actuel.

L’amendement dont nous examinons aujourd'hui la ratification constitue – c’est rassurant ! – un début de réponse à la question de l’après-Kyoto. Il prolonge le protocole pour une deuxième période d’engagement allant jusqu’en 2020 s’il est ratifié rapidement, comme nous l’espérons tous. L’objectif fixé est la réduction des émissions de gaz à effet de serre des parties concernées d’au moins 18 % par rapport aux niveaux de 1990.

Un autre élément important est que l’amendement de Doha prévoit l’ajout d’un septième gaz à effet de serre : le trifluorure d’azote. Les spécialistes en comprendront tout l’intérêt. En effet, souvenez-vous, mes chers collègues, de l’émotion de la communauté scientifique et de la société civile lorsqu’on a commencé à parler de la destruction de la couche d’ozone. La convention de Vienne et en particulier le protocole de Montréal ont donc pris des mesures visant à supprimer les gaz responsables de cette situation. Les progrès ont été réels, mais ce nouveau gaz est, lui, 17 000 fois plus polluant que le dioxyde de carbone. Vous imaginez les dégâts !

L’amendement de Doha entrera en vigueur le 90e jour suivant la date de réception par les Nations unies des instruments d’acceptation d’au moins trois quarts des parties concernées. Actuellement, seuls 21 États ont transmis les leurs sur les 144 États requis. Il serait souhaitable que ce gap soit comblé avant que nous ne nous réunissions à Paris.

L’Union européenne s’est engagée, je le répète, à ratifier cet amendement, la France aussi. Seulement, cela fait trois ans que le processus est en cours ; il serait temps que la ratification ait lieu. Comme nos amis députés ont adopté ce projet de loi et comme il n’y a, me semble-t-il, aucune difficulté pour qu’il en soit de même ici, au Sénat, nous allons pouvoir faire un pas supplémentaire ; le Gouvernement pourra déposer les instruments de ratification auprès de l’Union européenne qui a elle-même, au nom de la collectivité, pris l’engagement de ratifier l’amendement de Doha en février prochain.

Un accord a été trouvé de justesse ce week-end au Pérou. À cet égard, je partage l’approche positive de M. le secrétaire d’État et de Mme la rapporteur : l’accord n’est pas extraordinaire, mais c’est mieux qu’un désaccord… Le texte, adopté à l’unanimité, fixe la feuille de route pour l’année 2015. Le délai commence donc à courir : les négociations devront avoir bien avancé dans un an si l’on veut que la COP 21 aboutisse. Cependant, le texte adopté a minima laisse encore beaucoup de points sur la table.

Les négociations ont ainsi achoppé sur le principe de la différenciation entre les pays, qui est un sujet extrêmement compliqué, et sur le contenu des contributions à fournir par les États. La notion de « responsabilité commune mais différenciée » est un principe fondamental de la convention signée à Rio en 1992 sur les changements climatiques. En vertu de ce principe, tous les États sont solidairement responsables, mais la prise en compte de cette responsabilité doit être différenciée. Pour prendre un exemple, on peut dire, sans blesser les Sénégalais, que le Sénégal est moins responsable que la France en termes de contribution des émissions de gaz à effet de serre, le niveau de développement des deux États n’étant pas identique.

Reste que le sujet, je le répète, est extrêmement complexe. En effet, comment calculer la différenciation, d’autant que celle-ci peut varier, comme je l’ai souligné précédemment ? Au moment même où nous parlons, nous faisons des efforts pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, tandis que les États émergents accroissent leur consommation et donc leurs émissions de gaz à effet de serre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. D’ailleurs, le raidissement dont a parlé Mme Aïchi est évident. À Lima, nous l’avons bien senti, les pays d’Afrique francophones avec lesquels nous échangeons beaucoup ont durci leur position sur le sujet. Le principe d’équité est, pour eux, légitime. Notre collègue Ronan Dantec ne manquera sûrement pas de nous expliquer que les Suisses réfléchissent beaucoup à ce principe.

M. Ronan Dantec. Je n’ai que six minutes…

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Je viens donc de te faire gagner du temps ! (Sourires.)

M. le président. Quelle sollicitude ! (Nouveaux sourires.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Dans l’année à venir, nous devrions réfléchir à définir ce concept. C’est indispensable si nous voulons parvenir à trouver une solution.

Le deuxième point d’achoppement concerne les contributions nationales.

L’échec de Copenhague en 2009 tient au fait que les chefs d’État n’avaient pas pris part aux négociations qui avaient débuté plusieurs semaines auparavant. Pour éviter que cet échec ne se répète l’année prochaine, on a prévu que les États formaliseraient des contributions nationales avant la conférence de Paris.

Certes, des reculs se sont produits à cet égard : alors que, au départ, il était question que ces contributions soient déposées avant la fin du premier trimestre de 2015, ce délai a été repoussé à la fin du premier semestre, puis au 1er novembre. De même, le tiers qui devait examiner la qualité des productions a été supprimé : un simple avis sera émis sur les contributions par Mme Figueres, secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Il n’en demeure pas moins que, pour participer à la conférence, chaque État devra avoir formalisé la contribution qu’il entend apporter à l’effort global. Le rapport de synthèse établi par Mme Figueres devra nous être transmis pour que nous puissions, au moment du début de la conférence, nous forger une idée précise des points d’achoppement.

L’accord de Lima comprend une annexe de trente-sept pages : un document intéressant, quoique non central, car il constitue un brouillon pour l’accord de Paris. Dans les négociations internationales, un texte est mis sur la table dans une « version martyre » : certaines stipulations sont mises entre crochets, la négociation consistant, pour les diplomates, à faire sauter les crochets les uns après les autres. Or l’annexe à l’accord de Lima comporte de nombreuses stipulations entre crochets, signe qu’on n’est pas d’accord sur grand-chose. L’année prochaine, on essaiera de se rapprocher d’un accord en levant le plus grand nombre possible de crochets, de sorte que les chefs d’État puissent prendre la responsabilité politique de faire disparaître les derniers.

Il faut que les problèmes examinés lors de la conférence de Paris ne soient pas inextricables. Or de vraies difficultés demeurent indéniablement, même si des avancées réelles ont été accomplies, qui méritent d’être saluées. Nous espérons tous qu’elles ouvriront la voie au succès de la conférence de Paris, à la faveur de la volonté collective que notre pays a d’aboutir.

« Le temps ne joue pas en notre faveur », a signalé M. Ban Ki-moon. De fait, les événements climatiques qui secouent le monde à intervalles réguliers, faisant la une de la presse écrite et de nos journaux télévisés, nous avertissent qu’il ne faut pas trop tarder. Aussi était-il urgent de réparer les erreurs tactiques commises à Copenhague, où la confiance avait été atteinte. Aujourd’hui, la confiance a été partiellement, mais solidement rétablie ; il convient d’œuvrer à sa consolidation.

De ce point de vue, une responsabilité importante pèse sur la France, non seulement parce qu’elle sera le pays d’accueil de la conférence, mais aussi parce que, dans son histoire, elle a toujours pris part aux grandes décisions collectives. Et Dieu sait si cette affaire de climat appelle de grandes décisions collectives pour assurer l’avenir de notre pays et de la planète tout entière, et donc celui des générations à venir ! Je me réjouis d’ailleurs que, en ce moment, des enfants et des jeunes soient présents dans les tribunes du public.

Mes chers collègues, il faut que nous fassions preuve d’intelligence collective pour faire avancer ce dossier. Pour l’heure, la commission du développement durable vous invite, à l’unanimité, à adopter le projet de loi autorisant la ratification de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le principal mérite du protocole de Kyoto, adopté en 1997 sur la base du deuxième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est d’être, à ce jour, l’unique instrument juridique international contraignant visant à réduire ou à limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés et dans les économies émergentes. Il s’agit donc d’un instrument juridique d’une grande utilité, qu’il convient de développer.

Or les accords multilatéraux de ce type sont le résultat d’un processus difficile : les États de la planète mènent des négociations longues et complexes, sous l’œil vigilant des organisations non gouvernementales. En apparence, ces négociations se déroulent avec le seul souci de trouver un juste équilibre entre les exigences du développement et celles de la protection de l’environnement. En effet, les conférences des Nations unies sur les changements climatiques se placent, à juste titre, sous les auspices des valeurs et des grands principes communs à toute l’humanité. Seulement, il faut bien admettre que les résultats sont loin d’être toujours à la hauteur des ambitions affichées. De fait, les négociations menées lors de ces grandes conférences sont essentiellement le reflet du rapport de force international du moment, fondé sur la défense d’intérêts nationaux ou privés souvent contradictoires. Le protocole de Kyoto et l’amendement soumis à notre ratification ce matin ont été négociés dans ce contexte.

Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto portait sur une première période d’engagement, de 2008 à 2012. En 2009, la conférence de Copenhague n’a pas réussi à adopter un dispositif applicable à l’après-2012. Cette conférence a offert une illustration concrète de la difficulté dont je viens de parler : celle de concilier le développement des peuples et des sociétés, les intérêts économiques et la préservation de la planète.

Si grande est la difficulté d’engager une dynamique de préservation de la planète qu’il aura fallu attendre encore deux ans pour que les États se mettent simplement d’accord, en 2011 à la conférence de Durban, sur une procédure de négociation d’un accord universel contraignant, destiné à être adopté en 2015 au sommet de Paris et à entrer en vigueur en 2020. La fixation de ce calendrier a rendu impératif de couvrir la période intermédiaire, comprise entre la fin de 2012 et 2020. Tel est l’objet de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto, dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification. Cet amendement représente une solution d’urgence pour préserver l’actuel protocole de Kyoto et, ainsi, maintenir une action collective internationale de lutte contre les changements climatiques.

La ratification de cet amendement s’impose aussi au regard de l’agenda international, puisque, à l’issue de la vingtième conférence sur le climat qui vient de s’achever à Lima, notre pays va devenir officiellement l’organisateur de la vingt et unième conférence mondiale, la COP 21. Dans cette perspective, il est évident que nous devons absolument être à jour de nos engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique.

À propos de la conférence de Lima, je tiens à souligner qu’elle a accouché dans la douleur, après quinze jours de négociations prolongées de quarante-huit heures, d’un accord qui a profondément déçu les pays du Sud et les ONG. En effet, rien de ce qu’ils demandaient ne figure clairement dans le compromis adopté. Ainsi, s’agissant des contributions présentées par les pays, aucune avancée n’a pu être réalisée pour prendre en compte aussi bien le niveau d’atténuation des gaz à effet de serre que l’aide à l’adaptation et aux financements. Rien non plus sur la transparence et les aides technologiques, ni sur l’équité dans le partage des responsabilités en matière de réchauffement climatique !

En définitive, je crains que les maigres résultats de ces négociations n’aient pour effet d’aggraver ce que certains appellent la fracture Nord-Sud. De fait, la conférence de Lima a donné une nouvelle fois le spectacle d’un véritable affrontement entre les pays en développement et les pays industrialisés. Résultat : aucune des questions autour desquelles doit s’ordonner le futur accord de Paris n’a pu être précisée. Dans ces conditions, la signature en 2015 d’un accord universel, ambitieux et équitable, mais aussi légalement contraignant, ce qui est le gage de son efficacité, pour prendre le relais du protocole de Kyoto à partir de 2020 apparaît comme le terme d’un chemin semé d’embûches.

Monsieur le secrétaire d’État, je mesure toutes les difficultés qui vous attendent, et qui attendent notre diplomatie, pour réussir la conférence tant attendue de Paris. Pourtant, parvenir à un accord global et différencié est possible, à condition de faire prévaloir une vision véritablement solidaire du développement humain durable à l’échelle mondiale. Dans le cadre d’une telle vision, différente de celle qui a prévalu à Lima, la réduction des émissions de gaz à effet de serre de chaque pays doit tenir compte des réalités et des projets de développement de celui-ci.

Penser ce qu’on appelle parfois la société « post carbone » suppose d’avancer vers un mode productif apte à répondre aux défis technologiques, sociaux et écologiques de nos sociétés d’aujourd’hui : un modèle fondé sur la fin de l’obsolescence programmée, l’écoconception, l’économie solidaire et l’efficacité énergétique.

L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, s’il est accepté par tous…

Mme Chantal Jouanno. Il ne l’est pas !

Mme Michelle Demessine. … et atteint, peut entraîner des répercussions positives de grande portée sur l’avenir de millions d’êtres humains.

Pour concrétiser une vision partagée du développement humain durable, les pays riches doivent abonder le Fonds vert pour le climat et le Fonds « pertes et dommages » créés par l’ONU. Il faut aussi qu’ils coopèrent avec les pays les moins avancés, au travers de transferts de technologies et de brevets associés. Ces quelques idées, souvent partagées par les ONG et par les opinions publiques, ne sont pas simplement généreuses ; elles sont la seule alternative à la catastrophe qui guette les générations futures, si nous n’agissons pas. Je souhaite qu’une telle conception anime avec force tous les efforts diplomatiques de la France pour la réussite de la conférence de Paris.

Dans l’immédiat, le groupe CRC votera bien évidemment le projet de loi autorisant la ratification de l’amendement de Doha. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi qu’aux bancs des commissions.)

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans doute serait-il assez tentant de considérer que la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto est une formalité, voire que le présent débat est une perte de temps. En effet, depuis 1997, comme les orateurs précédents l’ont souligné, les résultats de ce protocole sont extrêmement limités. Il faut dire que, à l’époque, les pays développés ont pris des engagements minimes : je rappelle qu’il s’agissait de réduire de 5 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990. En outre, les États-Unis, premier émetteur mondial, n’ont pas souhaité ratifier le protocole. Pis, certains grands pays s’en sont très rapidement éloignés, voire y ont renoncé ; c’est en particulier le cas du Canada, du Japon et de la Nouvelle-Zélande. Quant à la Chine, n’étant pas directement liée par cet accord, elle a continué d’augmenter ses émissions.

Résultat : au cours de la période couverte par le protocole de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre ont crû de 54 %. Dans ces conditions, on pourrait être porté à conclure que le protocole n’a vraiment pas fait la preuve de son efficacité. Sans compter que la nouvelle période dans laquelle nous sommes entrés, qui s’étend de 2013 à 2020, est encore moins ambitieuse, puisque les pays engagés représentent seulement 15 % des émissions de gaz à effet de serre. De fait, cette fois encore, les principaux émetteurs, en particulier les États-Unis, la Chine, le Canada, la Russie et le Japon, ont fui leurs responsabilités.

Dès lors, nous savons que la ratification de l’amendement de Doha ne suffira pas pour que la trajectoire souhaitée de limitation des émissions soit respectée. Au contraire, des scénarios décrits par le GIEC dans son dernier rapport, c’est le pire qui semble avoir les plus grandes chances de se réaliser : une augmentation de 4,8 degrés de la température moyenne d’ici à 2100. À Paris, pourrait-on penser, ce serait plutôt agréable… Seulement, il faut se rendre compte que, au cours de l’ère glaciaire, la température moyenne n’était inférieure que de 5 à 6 degrés par rapport à celle d’aujourd’hui. C’est dire si nous n’avons pas conscience des conséquences qu’entraîneront les changements climatiques !

Les pays développés font-ils preuve de cynisme ? Le fait est que la tentation de la résignation et du renoncement est aujourd’hui très forte, alimentée – disons-le clairement – par la puissance financière des lobbies pétroliers, qui ont été extrêmement actifs et efficaces dans le cadre des dernières négociations. Les projections montrent aussi que les pays les plus pauvres sont appelés à être les plus touchés. Or c’est oublier que nos pays le seront indirectement.

Aujourd'hui, l’Europe, qui est le seul continent réellement engagé, n’arrive pas à convaincre. D’abord, parce qu’elle a fait le choix d'être un nain diplomatique ; ensuite, parce qu’elle parle de l’exemplarité de sa responsabilité, quand elle devrait parler de l’exemplarité de son nouveau modèle de développement.

Nous pourrions être tentés de ne pas applaudir à la ratification de cet amendement. Au contraire, le groupe UDI-UC la souhaite avec ferveur. En effet, comme Jérôme Bignon l’a rappelé, c'est le seul instrument international juridiquement contraignant. Je suis d'ailleurs à peu près certaine que, si l’on devait aujourd'hui renégocier Kyoto, on ne parviendrait pas à l’accord qui a été trouvé en 1997 tant on assiste à une véritable régression de l’action à l’échelle internationale, en dépit des rapports du GIEC.

Si nous approuvons cette ratification, c’est parce que le protocole de Kyoto constitue l’un des derniers instruments multilatéraux. Or la tentation des accords régionaux est forte… Prenons l’exemple du dernier accord entre la Chine et les États Unis. Nous nous sommes tous sentis obligés d’applaudir, parce que, pour la première fois, ces deux pays prenaient des engagements. En réalité, c'est une attaque frontale contre le processus multilatéral, qu’il faut préserver coûte que coûte, sans quoi l’on ne parviendra pas à régler le problème du climat.

Si nous apportons notre soutien, c’est aussi parce que la COP 21 de Paris ne pourra être un succès que si nous créons une dynamique positive. La plupart des intervenants l’ont dit : il faut parvenir à une ratification à l’échelle internationale. Il faut donc que cet amendement passe, que toutes les petites pierres pouvant servir à paver la route conduisant à Paris soient posées avec optimisme.

Certes, à Lima, il y a eu un accord, mais a minima. Avec Jérôme Bignon, Hervé Maurey et Ronan Dantec, nous avons entendu des discours beaucoup plus durs et fermés qu’auparavant, notamment de la part des pays africains. Aujourd'hui, il faut donc trouver tout ce qui peut créer une dynamique positive. C'est pour cela que nous serions également favorables à des déclarations communes du Sénat avec d’autres Hautes Assemblées du monde. Nous sommes en effet les représentants des territoires. Or ce sont eux qui seront les plus touchés par ces changements climatiques, de même qu’ils seront les premiers à les combattre. N’oublions pas que, en politique, nous savons très bien transformer les petites pierres en œuvre d’art… Utilisons au maximum cette capacité ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi devait être examiné selon une procédure simplifiée. Toutefois, je pense que ce débat, en dépit de la qualité des interventions et des orateurs, nous laissera un peu sur notre faim. En effet, le sujet est important, trop important pour être traité en une heure. Néanmoins, cela nous permettra de présenter quelques éléments de réflexion en vue de la préparation de la vingt et unième conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015 – la COP 21. Je sais que notre commission travaillera sur le sujet, et je tiens à en remercier son président.

À cet instant, mes chers collègues, je voudrais citer une phrase qui, plus que jamais, est tragiquement d’actualité : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs ». Il y a douze ans déjà, lors du sommet de la terre, le 2 septembre 2002 à Johannesburg, Jacques Chirac, devant tous les représentants de la scène diplomatique mondiale, tirait ainsi la sonnette d’alarme sur les conséquences des bouleversements climatiques.

Oui, la planète brûle du fait du réchauffement climatique anthropique, dont une part est largement due aux gaz à effet de serre ! C’est l’objet de notre vote aujourd’hui : permettre la poursuite du protocole de Kyoto pour la période 2013-2020. L’urgence de la situation et l’importance de la réussite de la COP 21 ne sont plus à démontrer. Les conséquences géopolitiques et humaines des changements climatiques sont planétaires. Dès lors, le scepticisme et l’attentisme sont des postures intolérables.

Comme l’a également dit Jacques Chirac en 2002, « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ». N’en déplaise à M. Claude Allègre, les analyses et les rapports du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ne peuvent être remis en cause.

Je tiens à féliciter ma collègue Leila Aïchi, avec qui j’ai toujours plaisir à travailler, pour son rapport et à remercier notre collègue Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, à qui je fais remarquer que la tour de Babel n’a pas été une franche réussite. Je te le dis en toute amitié.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Je sais !

M. Alain Gournac. Sur de tels sujets, il ne peut y avoir, sur le fond, ni clivage politique ni polémique partisane. Il est de notre responsabilité non seulement de trouver des solutions et des mécanismes permettant d’atteindre les objectifs fixés à ce jour, mais également de nous préparer aux futurs critères de réduction d’émission des gaz à effet de serre.

Je ne reviendrai pas sur l’historique du protocole depuis 1997. Je veux toutefois appeler votre attention, mes chers collègues, sur le décalage qui existe entre les négociations, les ratifications et, in fine, les applications réelles de ces accords par les États. Je tiens surtout à signaler les revirements de la part de pays signataires au début du protocole. En réalité, les enjeux d’aujourd’hui tiennent aux évolutions de certains de ces pays. Beaucoup d’entre eux ont changé de statut : ils n’en sont plus au stade de « pays en voie de développement » ; leur croissance et leur niveau de production industrielle sont tels qu’on peut les qualifier d’« énergivores ». Pour ma part, je pense qu’ils ne font plus vraiment partie des pays émergents.

Certains de ces pays ont ainsi annoncé qu’ils ne renouvelleront pas leur engagement, estimant que cela pénaliserait leur économie – je pense à la Russie et aux déclarations de Dimitri Medvedev d’octobre 2012. D’autres se sont carrément retirés des négociations et du protocole, comme le Canada. Si l’on pense au projet d’exploitation du Grand Nord qui est mis en place actuellement, nous pouvons concevoir quelques inquiétudes...

Les États-Unis et la Chine, quant à eux, ont signé le 12 novembre dernier un accord que tous les observateurs qualifient d’« historique ». Il est heureux que les deux premières puissances économiques de la planète, et les plus polluantes, s’engagent dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais si cet accord fixe des objectifs chiffrés d’ici à 2030, il ne contient aucun instrument juridique contraignant. Il permet en revanche que se renforce l’axe diplomatique sino-américain, conformément à la volonté américaine de se concentrer sur l’Asie.

Dans la perspective de la COP 21 qui se tiendra à Paris l’année prochaine, nous devons nous interroger sur cet accord. Que signifie-t-il pour l’avenir des négociations internationales sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

La Chine avait ratifié le protocole, puis elle s’en est retirée en 2007. Les États-Unis, quant à eux, ne l’ont jamais ratifié, et le Canada a annoncé en décembre 2011 qu’il souhaitait se désengager – c’est chose faite aujourd’hui. Les pays qui le respectent sont actuellement responsables de moins de 26 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, contre 56 % au moment de la signature de l’accord en 1997.

Par ailleurs, quid de l’Inde et du Brésil, pays émetteurs, pays signataires, mais pays exemptés de contraintes ? Ces deux pays en plein développement ont mis en place des politiques nationales de limitation des émissions, mais restent réticents face à un engagement international contraignant susceptible de menacer leur croissance économique.

Aujourd’hui, il est à craindre que les pays les plus émetteurs préfèrent entamer des négociations avec des États non signataires du protocole, en refusant tout mécanisme qui constituerait une contrainte.

Le groupe UMP votera bien sûr ce texte,...

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Alain Gournac. … mais il demande au chef de l’État de s’engager totalement dans ce combat. Il faut en effet qu’il réussisse à convaincre ses homologues pour que les efforts engagés depuis 2005 et la COP 21 ne débouchent pas sur un échec. La diplomatie, dans ce domaine, doit être le fer de lance de notre détermination. Il y va de la préservation de notre planète ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a quelques jours, la conférence de Lima s’est conclue difficilement, dans la nuit de samedi à dimanche, par un appel, qui, à son point 17, « encourage toutes les parties au protocole de Kyoto à ratifier et mettre en œuvre l'amendement de Doha au protocole de Kyoto ». Notre débat de ce jour constitue donc une première réponse concrète et nécessaire de la France pour créer une dynamique en vue de la COP 21.

Soulignons qu’assez peu de pays ont jusqu’à présent ratifié l’amendement de Doha. Cela montre la faiblesse des dynamiques qui sont aujourd'hui à l’œuvre. On constate en effet beaucoup d’attentisme. Depuis maintenant une décennie, la phrase clé de ces négociations me semble bien être celle-ci : « Je bouge si tu bouges », et réciproquement ! Pourtant, l’amendement de Doha est important. C'est l’un des socles de l’accord de Durban, qui, lui, a permis d’enclencher un nouveau cycle de négociation après l’échec de Copenhague, même si un texte a été ratifié l’année suivante à Cancún. C'est évidemment ce nouveau cycle de négociation qui devra déboucher dans douze mois à Paris.

Rappelons que l’accord de Durban a été obtenu par la mobilisation du groupe Afrique, un peu à la surprise des grands pays émergents. Il prévoit, pour la première fois, des engagements de la part de tous les pays, et pas seulement des anciens pays développés concernés par l’accord de Kyoto, ceux des annexes I et II. Cette avancée est absolument essentielle pour créer un nouveau cycle. En effet, les pays parties au protocole de Kyoto ne représentent aujourd'hui qu’une part minime des émissions mondiales. Or sans l’engagement des grands pays émergents et des États-Unis, on ne peut pas rentrer dans une trajectoire limitant le réchauffement à 2 degrés.

Si le cadre est maintenant fixé par l’accord de Durban, complété aujourd'hui par l’appel de Lima pour l’action sur le climat, la précision – pour ne pas dire la beauté – du tableau final reste à apprécier. Plusieurs écoles s'affrontent : les impressionnistes, qui souhaitent que les traits restent légèrement flous, les pointillistes… Espérons que l’accord de Paris ne deviendra pas un cadavre exquis, cher aux surréalistes.

Je ne vous raconterai pas mes nuits à Lima,…

M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Oh, surtout pas !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Dommage !