M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce qui est proposé n’y changera rien !

M. Pierre-Yves Collombat. La gestion équilibrée et durable des ressources, ce n’est pas la prévention de l’inondation ! C’est une autre compétence ! (M. le rapporteur s’exclame.) Je ne lis pas très bien, mais ça, j’arrive à le comprendre ! C’est : comment assurer l’approvisionnement en eau d’un ensemble ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La région n’a pas aujourd'hui de compétence dans ce domaine.

M. Pierre-Yves Collombat. On peut effectivement décider qu’elle n’en aura pas. Mais on peut aussi penser que si la région est amenée à développer une vision stratégique, à intervenir sur les compétences stratégiques, elle est en droit d’agir en matière d’approvisionnement en eau. En Provence, jusqu’à ce que Gaston Defferre crée, avec d’autres élus, notamment des départements, le canal de Provence, nous rencontrions de très sérieux problèmes d’approvisionnement en eau. Ces problèmes ont été réglés de cette manière.

Je ne prétends pas que le système peut être reproduit partout, mais, très franchement, il ne me paraît pas scandaleux qu’il incombe à la région de se préoccuper d’un sujet tout de même essentiel pour le développement ! Quelle articulation prévoir avec d’autres s’agissant des réalisations concrètes ? Peut-être faut-il se poser la question… Mais ne confondons pas tout !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sur ce point, nous sommes d’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je ne suis pas toujours d’accord avec mon collègue Pierre-Yves Collombat sur ces sujets.

M. Pierre-Yves Collombat. Ça, c’est vrai !

Mme Marie-France Beaufils. Mais, en l’occurrence, je suis, moi aussi, très surprise. En effet, il nous est formellement proposé d’insérer les mots « la gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant », mais l’argumentation développée dans l’objet de l’amendement porte sur de nombreux points concernant la protection face au risque d’inondation.

Cela me pose une difficulté car je ne sais pas quelle question les auteurs de l’amendement souhaitent véritablement évoquer. S’il s’agit de la gestion de la ressource en eau, il y a effectivement un sujet, me semble-t-il. En revanche, s’il s’agit des risques d’inondation, cela nous renvoie véritablement à la question de fond dont nous avons débattu au tout début de la séance de cet après-midi. La suppression de la clause de compétence générale de la région et des départements soulèvera une véritable difficulté en matière de gestion du risque d’inondation.

On le sait bien, la plupart des problèmes d’inondation ne s’arrêtent pas aux limites des intercommunalités et, souvent, le sujet posé les dépasse même très largement. Sur un bassin comme celui de la Loire, que nous sommes quelques-uns, ici, à bien connaître, le dispositif de protection – les digues situées tout au long du fleuve – est du ressort de l’État, mais ces digues n’ont pu être renforcées que par l’intervention complémentaire des conseils généraux et conseils régionaux. Si cette participation disparaît, c’est un délai absolument impossible à mesurer aujourd'hui qui sera nécessaire pour pouvoir améliorer la protection des populations.

Cet amendement soulève donc une question, mais repose sur un argumentaire de nature différente. Dès lors, et ne voyant pas quelle direction ses auteurs entendent suivre, je ne sais pas trop quoi faire, sinon m’abstenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement a tout son sens, compte tenu de la nouvelle dimension territoriale qui est celle des régions.

On revendique une compétence économique au niveau de la région – c’est ce qui est proposé. Comment pouvons-nous envisager de dissocier, dans des ensembles régionaux ayant désormais une taille importante, la compétence en termes de gestion équilibrée et durable des ressources en eau par bassin versant et l’action économique ? Comment pouvons-nous l’imaginer ? Sur cet aspect – mais il en va de même sur un sujet comme celui de l’artificialisation des sols –, le niveau communal est dépassé !

L’enjeu est donc le lieu de cohérence, et je suis étonné par les propos de notre rapporteur. Nous proposons, me semble-t-il, une solution de simplification, une colonne vertébrale à l’action, par l’addition des compétences. Sans ce niveau supérieur que constitue une grande région, et les liens pouvant exister, dans ce cadre, entre développement économique et gestion de la ressource en eau au niveau du bassin versant, il manque d’une certaine manière un outil fondamental. L’agence de bassin ne peut remplir ce rôle puisque la compétence en matière de développement économique est attribuée à la région.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout cela n’a rien à voir avec le développement économique.

M. Daniel Gremillet. Bien sûr que si !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Alors, tout est dans tout !

M. Bruno Sido. Et inversement !

M. Daniel Gremillet. Tel est en tout cas le sens de notre amendement, et c’est pourquoi je le défends. Cette proposition a au moins une finalité très intéressante : mettre en cohérence à la fois l’action économique, la protection des ressources et la notion de bassin versant.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je reconnais également l’intérêt de cet amendement. Peut-être la problématique est-elle effectivement double. D’un côté, la question des ressources en eau, qui est fondamentale – le sujet a été évoqué par nos collègues. Comme on ne cesse de le répéter, l’eau est un bien précieux. De l’autre, la lutte contre les inondations constitue également une préoccupation quotidienne, chaque année apportant, dans de nombreux départements, son lot de drames humains liés à des crues violentes.

Je vais, à cet égard, me référer à l’exemple du fleuve Meuse, qui prend sa source dans le département de la Haute-Marne, avant de traverser les départements des Vosges, de la Meuse et des Ardennes, puis la Belgique et les Pays-Bas. Des inondations dramatiques ont eu lieu en 1993 et 1995. Sur l’initiative des régions Champagne-Ardenne et Lorraine, on a alors procédé à la constitution de l’Établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents – l’EPAMA – pour, justement, anticiper ce type de phénomène, qui a eu de terribles retombées sur l’habitat, avec un coût humain et économique considérable. Je ne parle pas des entreprises ayant malheureusement dû déménager ou de l’ensemble des documents d’urbanisme qu’il a ensuite fallu mettre en place.

La création de l’EPAMA, après les inondations de 1995, a nécessité une forte mobilisation de l’ensemble des élus et des forces vives, à l’échelle des deux régions, des départements, villes et intercommunalités concernés. Cet exemple montre, au regard de l’amendement examiné, tout l’intérêt que peuvent aussi représenter l’échelon régional et une compétence régionale élargie. Cette structure, qui mobilise tout de même de nombreux niveaux de collectivités territoriales, a permis, à travers l’aménagement de la Meuse, de lutter contre les inondations, de protéger les habitants, les aménagements urbains et les activités existantes.

Il y avait vraiment un coût humain. Cet exemple montre quel est le niveau d’action pertinent. Ensuite, c’est une question de bonne communication entre les différents échelons territoriaux, il faut trouver les financements et ce sont des compétences partagées.

Cet amendement a au moins le mérite de poser les bonnes questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je suis quelque peu nostalgique de la clause de compétence générale des régions. Si nous l’avions conservée, je crois que nous aurions pu gagner beaucoup de temps.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout ! Et pourquoi gagner du temps ?

M. Ronan Dantec. Mais passons…

La question de l’eau est complexe : selon les territoires, interviennent bien évidemment les communes et les intercommunalités, les agences de l’eau, mais souvent les régions – notamment en accompagnement de contrats de sous-bassin –, et parfois les départements.

Cet amendement, tel qu’il est rédigé, va nous poser d’autres problèmes : il précise une compétence, donc le conseil régional la prend et, à partir de là, on revient au point de départ.

N’aurions-nous pas intérêt à faire de la question de l’eau, laquelle a une tendance fâcheuse à ne pas respecter les limites administratives et notre beau découpage,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Ronan Dantec. … une compétence partagée, à l’instar de la culture ou d’autres domaines ?

Je ne vois pas d’autre solution. Beaucoup d’exemples ont été cités, mais examiner chaque projet en détail serait inextricable, car il n’existe pas deux projets identiques sur l’eau. (M. Gérard Longuet opine.)

Par ailleurs, quatre ou cinq questions différentes peuvent se poser : inondation, ressource, biodiversité… Une fois que l’on aura mis tout cela, on ne trouvera jamais la phrase miracle !

Nous ne pourrons sûrement pas le faire cet après-midi, madame la ministre, mais ne pourrait-on en revenir à une compétence partagée sur l’eau ? L’intelligence collective fera le reste, nos collectivités territoriales sauront trouver des stratégies communes. Je ne vois pas d’autre solution.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je suis rarement de l’avis de mon collègue Dantec, mais je trouve qu’il vient de parler d’or.

Les affaires d’eau sont en effet d’une grande complexité, et si je devais faire du mauvais esprit, je dirais que seule Pauline Réage a réussi à gagner un peu d’argent avec les histoires « d’O ». (Sourires.)

M. Bruno Sido. C’était trop tentant !

M. Gérard Longuet. Ces questions sont horriblement compliquées : on ne fait que perdre et on s’engage à peu près sans limite.

Pour être très simple, je suis favorable à la suppression de la clause de compétence générale. Il faut toutefois bien savoir que la suppression de cette clause, qui présente l’immense avantage de protéger les élus locaux que nous sommes de la tentation d’intervenir dans des domaines qui ne sont pas strictement de notre compétence – ce qui aboutit, il faut bien le reconnaître, au renchérissement permanent de la dépense publique –, présente un inconvénient : il est des domaines qui supposent des actions conjointes de différents niveaux sur un même projet.

Assez curieusement, nous avons tous remarqué que les limites des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre n’ont simplement rien à voir avec les causes et les conséquences d’une inondation.

J’ai participé, cher Marc, à la création de l’EPAMA après les grandes inondations de 1995. Or il apparaît très clairement que c’est la façon de traiter les sols, cher collègue Daniel Gremillet, en amont des communes inondées qui aboutit à l’inondation. Ce sont donc des territoires ayant fait un choix agricole ou urbanistique qui envoient le problème en aval à des communes qui n’ont pas les moyens de l’assumer. (M. le rapporteur acquiesce.) Il y a donc un devoir de solidarité entre territoires. C’est une première évidence.

Il en est une seconde. L’amendement proposé par notre collègue Jean-François Husson traite à la fois des inondations et de la ressource en eau. Et là notre collègue Mézard a tout à fait raison : la ressource en eau est au cœur de la compétence des régions. L’eau est un bien rare, indispensable au développement de notre économie. Dans un certain nombre d’activités industrielles, notamment dans l’agroalimentaire et la chimie, les capacités considérables en eau sont une sécurité pour le développement.

Si les régions n’ont pas le droit de participer à la gestion de cette ressource parce que la clause de compétence générale aura été – à juste titre – supprimée sans que l’on ait intégré dans leur compétence économique la capacité à intervenir en matière d’eau, il est évident que nous aboutirons à une paralysie.

Certes, il existe les établissements publics, mais ils ne disposent pas des moyens suffisants. Ils vont donc se tourner vers toute une série de partenaires, qui pourront à tout moment se retrancher derrière la fin de la clause de compétence générale pour expliquer qu’ils n’ont pas le droit d’intervenir (M. Jean-Pierre Grand opine.), quand bien même il s’agit d’une question passionnante…

Par ailleurs, pardonnez-moi d’être un peu long, ce ne sont pas les territoires qui ont les plus fortes ressources en eau qui en ont la plus grande utilisation. Il faut donc bien que l’eau des territoires qui en produisent soit mise au service des territoires industriels ou fortement peuplés qui, eux, en ont besoin. (M. le rapporteur acquiesce.)

De la même façon, ce ne sont pas les territoires les plus inondés qui sont à l’origine des sources d’inondation. Et ce sont parfois des territoires qui n’ont rien à voir ni avec les dégâts de l’inondation ni avec l’origine de celle-ci qui vont devoir stocker de l’eau intermédiaire pour écrêter les pointes d’inondation.

C'est la raison pour laquelle je ne suis pas certain que l’amendement de notre collègue règle le problème. Toutefois, en l’adoptant, nous mettons le pied dans la porte (M. Jean-François Husson opine.) et nous obligeons à une réflexion sur un problème majeur qui, s’il n’est pas évoqué dans le cadre de ce texte, risque d’affaiblir considérablement le sens de notre travail, en particulier sur la compétence des régions, dont il faut bien reconnaître que la taille et les nécessités de développement économique leur donnent un rôle principal, mais non exclusif.

En effet, si nous avons créé l’EPAMA, nous n’avons pas entendu pour autant exonérer l’État de ses responsabilités en matière de cours d’eau domaniaux. De la même manière, les collectivités locales n’ont pas à exonérer les propriétaires riverains de leurs responsabilités en matière de gestion des cours d’eau privés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Quand on construit les grandes régions, on doit leur donner toutes les compétences.

J’habite une région où a été construit un magnifique aménagement pour transporter l’eau : le canal Philippe Lamour.

M. Gérard Longuet. Absolument !

M. Jean-Pierre Grand. Si l’amendement de nos amis Husson, Calvet et autres n’était pas adopté, expliquez-moi comment un tel ouvrage pourrait aujourd’hui être bâti ? Ce ne serait pas possible ! (M. Gérard Longuet acquiesce.) À l’époque, l’État s’en chargeait, mais nous savons que ce n’est plus possible.

Nous avons des projets en Languedoc-Roussillon, notamment celui d’aller capter de l’eau dans le Rhône et de l’amener à Barcelone. Les blocs municipaux vont-ils gérer de tels projets ? Bien sûr que non !

Aujourd’hui, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en train de nous ligoter nous-mêmes ! Demain, notre seul argument sera de dire que nous ne pouvons le faire parce que nous n’avons pas les compétences.

Par ailleurs, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez une certaine expérience des collectivités locales, vous savez que le mal absolu induit par la suppression de la clause de compétence générale est la tutelle d’une collectivité sur une autre. On ne peut ignorer le fait politique, on ne peut ignorer qu’à partir du moment où une collectivité ne dispose plus de toutes les compétences, elle est totalement dans la main des autres collectivités.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vraiment ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Grand. J’habite une région où l’eau a une grande importance. Or, cette eau, il faut la transporter pour répondre aux besoins. Il faut donc, à un moment donné, une compétence globale : comment construire des tuyaux dans des espaces que l’on ne gère pas ? Cela me paraît quelque peu compliqué…

C'est pourquoi je considère que l’amendement n° 403 est un amendement de bon sens et qu’il faut absolument le soutenir. (M. Jackie Pierre applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Tout cela montre bien que nous sommes des apprentis sorciers. Nous votons texte sur texte sans tenir compte de ce qui a été fait précédemment.

Après l’adoption de la loi MAPTAM et la GEMAPI, ma première réaction a été d’écrire au préfet, mon département étant le premier, à égalité avec un autre, des dix-neuf financeurs de l’Établissement public Loire. Je souhaitais l’avertir que je n’apporterais plus le concours de mon département, les communes étant dorénavant en charge de ces problématiques. Pourquoi le conseil général devrait-il cofinancer des actions relevant d’une responsabilité de l’État ?

Le préfet m’a répondu que je ne pouvais faire ça, que nous allions trouver une solution pour contourner le texte…

M. René-Paul Savary. Cela n’a donc rien changé !

M. Éric Doligé. … et faire en sorte que toutes les collectivités participent au financement de ces ouvrages d'une importance telle qu’il était évident que l’État était incapable d’assumer cette responsabilité…

Nous ajoutons des textes à des textes sans jamais trouver la bonne solution. Cela pose de véritables problèmes.

Certains s’en souviennent peut-être, nous avons créé, il y a quelques années, les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB. J’en étais quelque peu à l’origine, ayant fondé le premier d’entre eux : l’Établissement public Loire. Ces organismes fonctionnent bien. Peut-être faudrait-il chercher une solution à ce niveau ?

Pourquoi ne pas se pencher sur ces questions dans un autre texte, au lieu de prendre un risque considérable en matière de gestion des inondations et de gestion de l’eau dans ce projet de loi ? Une réflexion de fond doit être menée. Si l’on s’amuse à rajouter une couche supplémentaire au détour de chaque texte que nous examinons, la question sera totalement intraitable : on ne trouvera pas de solution et l’État devra se dépatouiller seul avec des problèmes qu’il est totalement incapable de gérer, ne disposant ni des moyens ni des connaissances de terrain nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Je voudrais d’abord remercier un certain nombre de collègues de leurs interventions – même si elles ne sont pas toutes convergentes –, et notamment Gérard Longuet pour sa plaidoirie en faveur de cet amendement.

Ce dont il est ici question, c’est du vécu post-loi MAPTAM du 27 janvier 2014. Ce dispositif s’applique dans plusieurs départements de Lorraine. Les enjeux qui ont été rappelés au service et au titre du développement économique – mais pas seulement – sont portés par l’ensemble des territoires : communes, intercommunalités, départements, régions…

Ne nous voilons pas la face : en matière d’inondation, une partie de la compétence est, de fait, partagée. Or, si les régions ne sont pas autour de la table, les établissements publics territoriaux de bassin ne pourront assurer les financements nécessaires. C’est aussi clair que cela, et c’est ce qu’il est en train d’advenir entre la Meurthe-et-Moselle et les Vosges. D’ailleurs, cette demande est également portée par l’Association française des EPTB. Nous devons être vigilants.

Dans leur discours, les collectivités emploient de plus en plus souvent les mots « mutualiser », « rationaliser », « travailler ensemble »… Nous sommes également dans cet état d’esprit. Je ne suis d’ailleurs pas du tout choqué par la spécialisation, c’est-à-dire la suppression de la clause de compétence générale.

Toutefois, il ne faut pas tout faire disparaître. De vraies logiques ont été mises en place dans le cadre des bassins. Les rivières traversent plusieurs départements, parfois plusieurs régions. C’est plutôt faire preuve d’intelligence que de laisser collaborer les acteurs concernés.

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre n’ont pas les moyens de gérer seuls ces dispositifs. C’est pourquoi le Sénat, qui est aussi au service des communes et des territoires, doit adopter cet amendement. Ce faisant, nous mettrons le pied dans la porte afin que cette question soit traitée – sereinement – au cours de la navette parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. J’évoquerai deux arguments en faveur de l’adoption de cet amendement.

Le premier est d’ordre géographique : quand on parle de gestion de qualité de l’eau, de ressource en eau, on ne peut que parler des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, pour lesquels la notion de bassin versant est fondamentale.

Or si l’on prend le temps d’étudier la cartographie des grands bassins versant en France, il apparaît de manière évidente que la bonne dimension est la dimension régionale. Il s’agit d’ailleurs d’un périmètre minimal pour certains de ces bassins versants. À mes yeux, c’est un point essentiel.

Le second argument est d’ordre pratique. Il faut savoir que la plupart des investissements dans le domaine de l’environnement et de la gestion de l’eau ou en matière économique et touristique sont aussi appuyés par des financements européens, dont il faut rappeler que les régions sont les organes de gestion.

Ces deux arguments me semblent compléter ce qui vient d’être dit à l’appui de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Cet amendement, dont je comprends les motifs, me paraît très intéressant. Néanmoins, je le considère plutôt comme un amendement d’appel, qui mériterait d’être beaucoup plus travaillé en commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que j’ai dit !

M. Charles Guené. Sa motivation première, soyons clairs, revient en réalité à se demander à qui passer la patate chaude du financement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !

M. Charles Guené. Doit-on pour autant transférer cette compétence à la région ? On pourrait tout aussi bien la confier aux intercommunalités, surtout si la région, dotée de cette nouvelle compétence, confie ensuite la réalisation des travaux à des établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, ou aux agences de l’eau.

On le voit très bien, le problème de fond n’est donc pas tant celui de la compétence ou du niveau de gestion que celui du financement. À mon sens, transférer cette compétence aux régions dans l’idée qu’elles auraient les moyens de la financer n’est pas satisfaisant. Dans ces conditions, en effet, pourquoi garder les EPTB et les agences de l’eau ? Il nous faut par conséquent trouver un système qui permette de dégager des financements sans pour autant que l’échelon de base se dessaisisse de la compétence.

J’indique que des financements nouveaux ont déjà été trouvés ; je rappelle en effet qu’une taxe d’un montant maximal de 40 euros par habitant a été mise en place pour ce faire. Par ailleurs, une partie des services fournis dans ce domaine sont de nature industrielle et commerciale.

Dès lors, refiler le bébé à la région n’est pas forcément une solution satisfaisante ; la question mérite d’être regardée de beaucoup plus près.

M. Gérard Longuet. Il faut au moins donner cette possibilité à la région !

M. Charles Guené. Certes, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut lui en donner la compétence.

M. Gérard Longuet. Non, bien sûr !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais remercier Jean-François Husson d’avoir mis le problème sur la table. La gestion de l’eau est sans doute l’une des compétences les plus éclatées en France, y compris au sein des grandes directions de l’État.

Deux questions différentes se posent : celle de la compétence et celle du financement. Il me semble néanmoins possible de sortir par le haut de ce débat.

Ces sujets concernent tout particulièrement l’élu vendéen que je suis. Le département sort à peine du procès Xynthia, intenté à la suite des problèmes de submersion qu’il a connus. La Vendée compte également des réserves de substitution, dont fait partie le marais poitevin, visant à assurer un équilibre entre l’agriculture et le biotope.

S’agissant de la compétence, il me semble que l’échelon régional n’est pas le bon, car il est trop éloigné.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !

M. Bruno Retailleau. Très franchement, quand un « coup de grisou » est annoncé, en mer ou ailleurs, la gestion des digues doit être le fait de personnes, techniciens ou élus, situées à proximité.

Je sais également que nous ne parviendrons pas à mener les chantiers de stockage de l’eau ou de protection contre les submersions marines et les inondations si la région n’est pas partie au tour de table. Or je comprends que, pour l’auteur de cet amendement, les régions doivent y être associées, afin de pouvoir boucler les financements.

Attention, mes chers collègues, vous connaissez la règle : une compétence transférée ne peut l’être que de manière exclusive. Charles Guené l’a souligné, transférer cette compétence à la région, c’est dessaisir plusieurs acteurs locaux de cette responsabilité. Or il me semble qu’ils sont les mieux à même, parce qu’ils sont plus proches du terrain, de l’assurer efficacement.

Il y a deux façons de résoudre le problème.

La première est celle qui a été évoquée par Mme la ministre ; selon elle, les régions pourront sans problème financer les travaux de défense contre les submersions marines ou les inondations.

La seconde consiste à rectifier l’amendement dont nous discutons, afin d’indiquer que les régions pourront participer au financement des travaux. Cela aurait le mérite d’atteindre nos objectifs en matière de compétence comme de financement.

Je souhaite donc entendre Mme la ministre sur ce point : les régions pourront-elles financer les travaux en la matière, ce qu’en somme, bien légitimement, demande Jean-François Husson ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Démonstration a été faite que nous légiférons trop ! Il semble que tout le monde ait oublié que nous avons adopté la loi sur l’eau, qui traitait notamment des EPTB.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Bruno Sido. La Meuse est le seul fleuve français qui ne coulera que dans sa région ; tous les autres en traverseront plusieurs.

M. Jean-François Husson. Il n’y a qu’à faire une seule région en France ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Sido. Il est donc intéressant, dans ce cas, de constituer un EPTB.

Par ailleurs, l’idée de faire participer les régions comme les acteurs locaux au tour de table me semble bonne.

Pardonnez-moi ma perfidie, mes chers collègues, mais de nombreux amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Mme la présidente de la commission des finances, qui n’est hélas pas présente en séance actuellement – je reconnais qu’elle a beaucoup de travail –, aurait probablement invoqué cet article pour cet amendement, qui, à ce titre, ne me semble pas recevable.