compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaire :

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

nouvelle fracture et mobilité étudiante

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la question n° 941, transmise à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ma question s'adressait aussi à Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

À Paris comme à Bruxelles, on a célébré il y a peu la naissance du nouveau programme européen de mobilité des jeunes dénommé « Erasmus Plus ».

C’est un bilan plutôt qu’un projet qui a été salué, car Erasmus Plus est en vérité le rassemblement sous une même appellation de plusieurs programmes de mobilité – scolaires, étudiants, enseignants, formation professionnelle… – qui étaient jusqu’alors dispersés sous différents vocables.

Je m’empresse néanmoins de dire qu’avec trois millions de jeunes européens en mobilité depuis la création du programme en 1987, Erasmus est une réussite incontestable.

La réserve que j’apporte à ces célébrations « erasmussiennes » est donc de l’ordre non pas de la critique, mais plutôt du regret : celui que le programme Erasmus, compte tenu de ses qualités, ne parvienne toujours pas à toucher davantage d’étudiants. Et encore, la France, avec plus de 30 000 étudiants en mobilité entrante et 35 000 en mobilité sortante chaque année, fait figure depuis l’origine de très bon élève du programme. Mais chacun comprendra bien que 35 000 étudiants en mobilité sortante Erasmus chaque année, cela ne fait pas beaucoup rapporté à près de deux millions d’étudiants.

L’aspect financier reste sans doute le frein le plus fort. Avec une moyenne d’aide de 272 euros par mois, les dépenses sont toujours bien supérieures aux bourses. Le problème n’est pourtant pas que financier. On le sait, d’autres facteurs de blocage interviennent, qu’ils soient d’ordre linguistique, culturel ou académique. Une communication souvent insuffisante au sein des universités est également en cause.

Mon regret est d’autant plus vif qu’une telle situation pose une question à mon sens extrêmement importante dans le contexte de la mondialisation des savoirs et des emplois, et qui est au cœur de mon propos : celle de l’inégalité croissante des jeunes Français devant la mobilité étudiante. Pour faire simple, presque 100 % des étudiants des grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs effectueront une mobilité contre moins de 5 % des étudiants d’universités, auxquels on peut ajouter la grande majorité des étudiants en formations courtes. Et ces 5 % sont le plus souvent issus de familles aisées. Pourtant, la mobilité des jeunes est aujourd’hui vitale pour leur avenir.

Le monde étudiant est victime d’une vraie fracture de mobilité. C’est une vraie fracture sociale qui sépare les universités des écoles, les étudiants favorisés des plus modestes.

Autrefois, il y avait deux catégories : ceux qui avaient fait des études supérieures et ceux qui n’en avaient pas fait. Aujourd’hui, il y a, d’un côté, ceux qui ont fait une mobilité à l’étranger et, de l’autre, ceux qui n’ont pas eu cette chance.

On sait que sur ce sujet, c’est l’argent qui est le nerf de la guerre. Alors, madame la secrétaire d'État, je vous interroge : comment faire ? Comment réagir ? Que prévoit le Gouvernement ? Les prêts prévus dans Erasmus Plus et qui viendront s’ajouter aux bourses seront indéniablement utiles, mais ce ne sera manifestement pas assez. Nationalement, nous devons donc faire davantage pour nos étudiants, d’autant plus qu’un potentiel existe : trois quarts des étudiants se disent intéressés par une mobilité pendant leurs études. Certes, ma question s'adresse plus à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche…

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur Yves Pozzo di Borgo, accéder à la mobilité internationale est une chance dans la construction du parcours d’un jeune, et le Gouvernement considère que le programme Erasmus Plus, que vous avez cité, n’est pas la seule réponse à la mobilité internationale. Dans cette perspective, le Gouvernement a augmenté de 25 % le nombre de bénéficiaires en trois ans du volontariat international en entreprise, doublé les moyens dédiés à la mobilité des jeunes ultramarins dans les domaines associatif, éducatif, culturel et sportif, augmenté le budget consacré à l’Office franco-allemand pour la jeunesse et renforcé les programmes franco-québécois soutenus par l’Office franco-québécois pour la jeunesse. Le Gouvernement a également décidé de mettre en place de nouveaux outils de coordination pour informer les jeunes sur toutes ces opportunités et, bien sûr, de réformer les bourses sur critères sociaux en y investissant 458 millions d’euros depuis 2012.

Cet effort indispensable, je vais d'ailleurs l’amplifier en augmentant le nombre de jeunes s’engageant dans des programmes de solidarité internationale, notamment via le volontariat de solidarité internationale, mais pas seulement : nous réfléchissons aussi, aujourd'hui, à une mise en commun de l’ensemble de ces dispositifs d’engagement, ce que le Président de la République vient d'ailleurs de rappeler lors de ses vœux aux corps constitués et aux bureaux des Assemblées.

Je souhaite à ce titre donner toute sa place à des programmes du type « ville vie vacances-solidarité internationale », destinés aux jeunes issus des quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville.

Pour ce qui concerne Erasmus Plus, le budget du programme de mobilité européen a connu une augmentation de plus de 40 % pour la période 2014-2020 ainsi qu’une démocratisation du dispositif, avec un fléchage vers les filières technologiques et professionnelles et une ouverture sur des États tiers à l’Union européenne. Cela répond en partie à votre question.

France université numérique a en effet lancé des cours en ligne ouverts et gratuits, les FLOT – formations en ligne ouvertes à tous –, qui sont aussi un instrument de démocratisation du savoir et d’attractivité de notre pays.

Il en va de même pour les étudiants étrangers présents en France – 300 000 environ, vous l’avez dit. Selon Campus France, ils rapportent, chaque année près de 1,6 milliard d’euros nets, sans parler du rayonnement et de l’influence diplomatique à long terme qu’ils représentent pour notre pays. Les droits d’inscription, dont vous savez qu’ils sont souvent soumis à des accords internationaux, sont un véritable facteur d’attractivité s’ajoutant à la qualité de nos formations.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, la France se mobilise et favorise davantage, de jour en jour, la mobilité internationale de tous les jeunes.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État, je comprends que vous me donniez des pourcentages, mais cela ne répond pas aux chiffres, brutaux, de 35 000 étudiants en mobilité sortante pour deux millions d’étudiants. Par ailleurs, vous parlez de « chance », mais la mobilité au cours des études est devenue une obligation ! Si je puis me permettre, il me semble donc que vous ne mesurez pas l’importance du problème. J’avancerai donc quelques solutions, même si je sais que ce n’est pas simple et que nous connaissons des difficultés financières.

Selon moi, une partie de la solution au frein financier pourrait résider dans une augmentation raisonnable des droits d’inscription des étudiants étrangers qui viendrait abonder un fonds national. Je sais que cela dépend beaucoup des pays, mais est-il logique que près de 300 000 étudiants étrangers étudient chez nous quasi gratuitement, alors que nous ne trouvons pas les ressources pour aider nos étudiants les plus modestes, au nombre de seulement 30 000, à faire un séjour d’études à l’étranger. On peut s'interroger…

C’est pourquoi – mais ce n’est là qu’une invitation à réfléchir, nous sommes des parlementaires, nous ne sommes pas l’exécutif ! – je propose la création d’un fonds national de la mobilité étudiante qui serait alimenté par une hausse significative des droits d’inscription des étudiants étrangers, bien sûr en fonction des négociations qui ont lieu avec chaque pays. L’idée, derrière cela, est que la mobilité des uns finance la mobilité des autres.

Dernier point, cette fois positif, je voudrais vous féliciter d’avoir autorisé les enseignements non francophones à l’université dans la loi de 2012. C’est une bonne chance pour attirer des étudiants étrangers de nouveaux pays, mais c’est aussi un « plus » pour les étudiants français qui ne peuvent pas faire de mobilité.

Encore une fois, madame la secrétaire d'État, votre réponse ne répond pas vraiment au problème, fondamental, de la fracture entre étudiants.

pour un tourisme durable

M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, auteur de la question n° 944, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

M. François Commeinhes. Madame la secrétaire d'État, le tourisme en France est confronté à de sérieux défis : concentration forte dans l’espace et dans le temps, « capacité de charge » de certains territoires, vieillissement d’une partie des équipements, accessibilité, préservation de l’environnement, transports, gouvernance...

Si nous avons débattu ici de la compétence territoriale afférente, il faut clairement définir les enjeux et bâtir des projets territoriaux de développement touristique durables et partagés, promouvoir un tourisme accessible à tous les publics et mieux réparti dans l’espace et dans le temps, développer les nouvelles formes de tourisme respectant l’environnement et les caractéristiques locales, utiliser toutes les potentialités du numérique, améliorer la qualité de l’offre de transport, promouvoir la formation et améliorer la gouvernance.

La France, par la richesse de ses territoires, est la première destination au monde pour les arrivées de touristes internationaux et elle se place au troisième rang mondial quant aux recettes du tourisme international. Filière particulièrement porteuse pour l’emploi, le tourisme pèse à hauteur de 7,3 % du produit intérieur brut, représente le principal poste excédentaire de la balance des paiements et rassemble plus de 270 000 entreprises, pour un effectif salarié de plus de 1 million d’emplois en équivalents temps plein, sachant que le potentiel de touristes supplémentaires est immense.

Dans un rapport publié le 12 novembre dernier et intitulé « Tourisme et développement durable en France », le Conseil économique, social et environnemental – CESE – appelle à répondre de manière qualitative et quantitative à l’augmentation du nombre de touristes et à la diversité de la clientèle, à promouvoir un tourisme diversifié adapté à la capacité de charge des territoires et fondé sur leurs atouts, à amplifier l’apport du fonds « tourisme social investissement », à intégrer les plateformes de location d’hébergement entre particuliers dans les politiques touristiques en les faisant participer à la collecte de la taxe de séjour, ou encore à doter le ministère en charge du tourisme, avec l’appui de l’INSEE, d’une structure statistique renforcée pour produire plus vite des statistiques améliorées.

Face à ces conclusions, il se pose pourtant une question patente de financement. Une compétence locale ne peut maintenir seule une excellence nationale. Rappelons le poids économique considérable du tourisme, principal poste excédentaire de la balance des paiements.

Le fait de penser le tourisme de la production à la consommation de façon durable et d’encourager les bonnes pratiques a permis de donner une ligne directrice et une vraie originalité au rapport du CESE. L’excellence a un prix que nos territoires ne peuvent plus assumer seuls.

J’évoquerai simplement la taxe de séjour. Jusqu’à présent, le produit de cette taxe était versé aux offices de tourisme lorsqu’ils étaient constitués en établissement public industriel et commercial et, dans l’hypothèse inverse, aux communes pour des dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de manière générale, conformément à l’article L. 2333–27 du code général des collectivités territoriales. Aujourd’hui, l’insuffisance du produit perçu au titre de la taxe de séjour pour faire face aux charges relatives à l’animation du territoire se double de problèmes dus à la collecte. Elle n’est donc plus à la hauteur des enjeux.

Dès lors, comme beaucoup d’élus de territoires touristiques, je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement et connaître ses intentions quant à l’émergence de financements alternatifs pour soutenir notre tourisme, eu égard aux enjeux que j’ai pu évoquer. En me référant aux attentes du Conseil économique, social et environnemental, je ne citerai ici que des pistes évoquées lors de la rencontre consacrée aux opportunités présentées par les énergies renouvelables dans le tourisme en Méditerranée dans le cadre de la huitième Semaine économique de la Méditerranée, qui s’est tenue du 6 au 8 novembre 2014 à Marseille.

L’Association méditerranéenne des agences nationales de maîtrise de l’énergie a proposé, dans ce cadre, la mise en place de formations pour l’installation des énergies renouvelables, la mise en œuvre de projets et le partage d’expériences entre les pays, une telle démarche pouvant constituer une source de financement non négligeable. Considérant les différents programmes de partenariat euro-méditerranéen, n’est-il pas temps de prendre des initiatives et d’affirmer, avec de nouvelles politiques de coopération intra-méditerranéenne, la volonté et l’exigence française en la matière, en promouvant par la même occasion notre ingénierie en matière d’énergie, de développement durable et de tourisme ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur Commeinhes, permettez-moi tout d’abord d’excuser mon collègue Matthias Fekl, actuellement en déplacement en Savoie, à Chambéry, pour évoquer, justement, le thème du tourisme.

Les enjeux que vous soulevez sont réels. La relation entre le tourisme et le changement climatique est double : le tourisme doit tout mettre en œuvre pour limiter son empreinte écologique, mais il doit aussi développer des actions lui permettant de résister aux conséquences du dérèglement climatique : érosion côtière menaçant les infrastructures, réduction de la couverture neigeuse en montagne, les défis sont nombreux en la matière.

Parce qu’il s’agit d’un enjeu crucial pour ce secteur, le Gouvernement s’est saisi de cette question.

Tout d’abord, il participe activement aux travaux de l’OMT, l’Organisation mondiale du tourisme, qui fournit des orientations en liaison avec des entreprises privées et des organismes publics. Elle aide les pays, notamment méditerranéens, à intervenir en amont pour limiter les émissions liées au tourisme.

La France apporte également son concours à la « stratégie de l’environnement pour la Méditerranée », élaborée pour relever le défi environnemental au travers d’une coopération renforcée des partenaires de l’Union européenne, notamment ceux de la zone euro-méditerranée.

Elle a aussi créé des pôles d’excellence. L’un d’entre eux, lancé par François Huwart, concerne l’écotourisme.

Elle soutient les voyagistes responsables qui développent des circuits en lien direct avec les territoires, afin que ceux-ci puissent bénéficier directement des retombées économiques de la venue de touristes.

Par ailleurs, la France a été désignée pour présider et accueillir, en décembre 2015, la Conférence mondiale sur le climat, qui devra aboutir à un nouvel accord international sur le climat, universel et juridiquement contraignant ; nous y travaillons.

L’objectif est de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2 degrés Celsius. Ce nouvel accord devrait être applicable à tous les pays après 2020.

Cet accord doit aussi constituer une opportunité pour les secteurs économiques. Car il ne faut pas voir la lutte contre le dérèglement climatique uniquement comme une menace. C’est l’opportunité, y compris pour le secteur aérien, de se fixer des objectifs ambitieux et de mobiliser l’innovation. Je pense notamment aux carburants du futur, qui permettraient de réduire considérablement les émissions polluantes du secteur aérien.

Le processus de Davos sur le tourisme et le changement climatique, lancé en 2007, doit contribuer à cette évolution, qui permettrait à ce secteur de se découvrir de nouvelles vocations ou orientations.

Nous allons tous nous mobiliser sur ces questions et ce grand rendez-vous de décembre 2015.

M. le président. La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des bonnes intentions que vous venez d’afficher. Nous verrons quelle action réelle sera mise en œuvre…

problèmes de l'hôtellerie

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, auteur de la question n° 939, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

M. Gilbert Bouchet. Madame la secrétaire d’État, le tourisme est un secteur clé pour l’activité économique de la France.

Cette activité représente un chiffre d’affaires de 135 milliards d’euros, 7 % du PIB et plus de 2 millions d’emplois. Quatrième employeur privé de France, elle apporte une contribution majeure à l’économie du pays.

Les cafés, hôtels, restaurants, établissements de nuit présents sur l’ensemble du territoire sont les acteurs majeurs du tourisme. L’activité se caractérise par une très grande diversité liée à la nature des établissements : à côté de grands groupes à dimension internationale coexiste la petite entreprise familiale artisanale. Ces établissements sont implantés dans les grandes villes et les campagnes situées dans des endroits très touristiques ou des lieux plus reculés.

Ils ont tous un dénominateur commun, à savoir la création d’emplois non délocalisables, qui constituent aujourd'hui une vraie richesse pour notre économie. Ils participent également au maintien du lien social dans nos villes et nos campagnes.

Je me fais le relais de leurs préoccupations. Ces entreprises se sentent asphyxiées par les lourdeurs administratives et fiscales.

L’industrie du tourisme souffre de l’inflation de nouvelles normes en matière de sécurité incendie, d’hygiène ou de classement hôtelier. De nouvelles règles sont encore attendues, comme celle qui entre en vigueur cette année et qui prévoit que tout panneau de présignalisation situé à cinq kilomètres de l’entrée de la ville doit disparaître. Dans mon département, la Drôme, cette mesure aura des conséquences désastreuses sur la visibilité des petits hôtels et restaurants.

Ces réglementations sont difficiles à appliquer, et risquent d’engendrer à terme des inégalités entre professionnels. En effet, si les grands groupes parviennent à s’adapter, de nombreux indépendants vont jusqu’à cesser leur activité, car ils n’ont plus les moyens de répondre à ces nouvelles contraintes.

Quant à la fiscalité, notamment l’empilement des taxes, elle est trop lourde et pénalisante.

Ces professionnels demandent une pause ou, du moins, une stabilité réglementaire, afin de disposer d’une meilleure visibilité dans le cadre d’investissements futurs.

Je souhaite également évoquer le pari du numérique. Internet a révolutionné l’activité touristique. Si cela a eu un impact positif sur cette profession, en lui offrant une vitrine sur le monde, il en a résulté de nouveaux inconvénients pour les secteurs de l’hôtellerie traditionnelle.

Je pense, en premier lieu, à la réservation en ligne, qui représente aujourd’hui plus de la moitié des réservations d’hôtels. Les professionnels critiquent des méthodes commerciales agressives et dénoncent l’augmentation régulière des commissions pour apparaître bien placés sur les sites. Surtout, ils déplorent la transformation, qui ne correspond pas à l’esprit des petits établissements, de la relation avec le client.

Je souhaite en second lieu évoquer la concurrence que constituent certaines structures informelles en ligne, liées à l’économie de partage, comme l’échange de logements de particulier à particulier.

Ces structures exercent une pression sur le tarif des hébergements, alors qu’elles ne supportent pas les mêmes coûts d’investissement et de fonctionnement.

Les professionnels regrettent l’absence de contrôles effectifs sur le terrain pour verbaliser les activités illégales, lesquelles échappent à toute contrainte non seulement fiscale, réglementaire et sociale, mais aussi en matière d’hygiène.

Ma question, madame la secrétaire d’État, est la suivante : peut-on espérer voir adopter un plan spécifique de simplification des normes administratives et fiscales applicables au secteur du tourisme, assorti d’un calendrier de mise en œuvre ?

Enfin, je souhaite connaître les propositions que le Gouvernement entend mettre en place pour faire face aux défis du commerce en ligne posés au secteur HORECA – hôtellerie, restauration, cafés –, si important pour l’activité économique de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur Gilbert Bouchet, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Matthias Fekl, aujourd'hui en déplacement.

Vous abordez deux sujets essentiels pour l’hôtellerie française, à savoir le numérique et les lourdeurs administratives.

Le numérique, aujourd’hui composante essentielle du tourisme, est une opportunité extraordinaire pour atteindre l’objectif de 100 millions de visiteurs étrangers par an d’ici à 2020, fixé par M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le Conseil de promotion du tourisme a ouvert un chantier spécifique sur le numérique, pour proposer des actions concrètes : récupérer l’URL france.com, redonner du pouvoir de négociation à l’hôtelier et offrir une plus grande transparence au consommateur s’agissant des relations avec les Open Travel Alliance, ou OTA.

Par ailleurs, le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, a saisi l’Autorité de la concurrence, qui doit rendre un avis sur la possibilité d’un contrat de mandat.

En outre, les actions juridiques se poursuivent. Je pense notamment à l’assignation de Booking ou d’Expédia s’agissant des clauses abusives ou de la régulation des géants de l’internet au niveau européen.

Les députés Pascale Got et Daniel Fasquelle mènent une mission sur ce sujet : leurs propositions permettront, dans les mois à venir, d’aller plus loin.

Concernant les lourdeurs administratives, ce gouvernement a fait de la simplification, vous le savez, une priorité. Ce dossier est porté en particulier par M. Thierry Mandon.

Dans le cadre d’une loi d’habilitation, on procédera par voie d’ordonnance pour mettre en place, dans un calendrier resserré, les mesures législatives nécessaires pour alléger ces contraintes et formalités, en tenant compte des demandes des professionnels issues des assises du tourisme.

Cette ordonnance comportera notamment des mesures de simplification en matière de mise en œuvre des normes qui s’imposent aux hébergements touristiques. Ces dispositions législatives seront complétées par des mesures de simplification réglementaires. À ce stade, nous suivons donc l’ensemble des recommandations formulées par les professionnels.

Pour répondre à un nouveau contexte, ce calendrier est guidé par l’urgence : il s’agit de rendre efficientes au plus vite ces mesures de simplification.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet.

M. Gilbert Bouchet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de l’ensemble de ces précisions.

nouvelle contribution de la france à la stratégie européenne d'intégration des roms

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la question n° 948, adressée à M. le Premier ministre.

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, et je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de m’apporter la réponse du Gouvernement.

Cette question concerne la nouvelle contribution de la France à la stratégie européenne d’intégration des Roms, prévue dans le cadre de la communication de la Commission européenne du 5 avril 2011 et des conclusions du Conseil de l’Union européenne du 19 mai 2011.

Le gouvernement précédent avait élaboré une stratégie nationale, publiée le 9 février 2012, dont la Commission européenne avait, notamment, souligné les lacunes en termes de calendrier, d’objectifs et d’indicateurs chiffrés, ainsi que sur le plan budgétaire. La mise en œuvre effective de la stratégie, dans ses différents domaines, était ainsi incertaine.

Une nouvelle contribution à la stratégie européenne a été mise en chantier, sous la coordination du délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement, dans la ligne de la circulaire interministérielle du 26 août 2012.

Cette nouvelle stratégie a fait l’objet d’une concertation, au printemps 2013, et sa transmission à la Commission européenne était annoncée pour l’été 2013.

Or, à ce jour, à ma connaissance, la seule contribution française que la Commission européenne ait reçue reste celle de février 2012. Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, la date à laquelle le Gouvernement compte valider et transmettre à la Commission européenne la nouvelle contribution de la France à la stratégie européenne pour l’intégration des Roms.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Madame la sénatrice Marie-Christine Blandin, en réponse au cadre commun adopté par la Commission européenne en 2011, demandant à chaque État membre de définir une stratégie pour l’inclusion des Roms, la France a renvoyé, conformément à son cadre constitutionnel, aux politiques publiques qu’elle conduit en direction des citoyens français itinérants, ou gens du voyage, d’une part, et des populations migrantes vivant dans des campements illicites, d’autre part.

En effet, pour la France, le terme « Roms » renvoie à une notion ethnique, inopérante en droit national, ce qui n’empêche en rien de prendre les mesures nécessaires.

Ainsi, pour favoriser l’intégration des populations migrantes durant la période 2007-2013, la France a utilisé les fonds européens – le Fonds européen de développement régional, le FEDER, et le Fonds social européen, le FSE – qui peuvent intervenir pour cofinancer des opérations visant, sur la seule base de critères objectifs, qu’ils soient territoriaux ou socioéconomiques, à l’inclusion sociale de toutes les communautés marginalisées.

À la suite de la remise par la France de sa stratégie nationale à la Commission européenne, en janvier 2012, la circulaire du Premier ministre du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites a donné une impulsion nouvelle à l’action conduite en direction des populations migrantes vivant dans des campements illicites.

La politique que conduit la France depuis août 2012 vise à faciliter l’accès de ces populations au droit commun en matière d’emploi, de logement, d’éducation et de santé, sans approche ethnique ou communautariste.

Cette circulaire interministérielle a été présentée à la Commission le 30 novembre 2012 dans le cadre de la réponse des autorités françaises à son questionnaire annuel sur le « suivi des politiques d’inclusion des Roms ».

La Commission a ainsi mis en exergue, en 2013, comme exemple de collaboration étroite avec la société civile, le groupe national de suivi créé en France par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, la DIHAL, point de contact national pour l’intégration des populations marginalisées vivant en campement.

Pour l’année 2014, madame la sénatrice, les réponses au questionnaire sont en cours de finalisation. Le Gouvernement n’envisage pas, par conséquent, à ce stade, d’élaborer une nouvelle stratégie nationale, mais privilégie une mise en œuvre juste et efficace des règles existantes.