M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2005, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap », inscrit à l’ordre du jour du Sénat à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, que je remercie de cette initiative, rejoint pleinement l’actualité, puisque nous avons célébré voilà peu les dix ans de cette grande loi.

Avant de répondre à l’ensemble de vos questions et d’apporter un éclairage le plus complet possible sur le sujet, il me semble légitime de rappeler le rôle fondamental joué par le Président Chirac dans la genèse de la loi du 11 février 2005. C’est lui en effet qui, dès 2002, alors qu’il avait fait du handicap l’une des grandes causes prioritaires de son quinquennat, a engagé une réforme de la loi de 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

De la concertation organisée à cette fin est né le texte relatif à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L’objectif était de rompre résolument avec une vision compassionnelle des personnes en situation de handicap, en changeant les représentations et le regard posé sur le handicap par la société.

Malgré les réserves que j’ai pu entendre formuler sur le bilan de l’application de la loi, force est de reconnaître qu’il y a un avant et un après 2005 dans la manière d’appréhender le handicap dans notre pays. Si la notion de handicap suppose toujours une altération, elle est désormais appréhendée au travers des difficultés et des conséquences qui en résultent pour la vie en société des personnes handicapées, de façon à les compenser. En découle la création d’un droit à la compensation par le biais de la solidarité nationale.

Ce droit à la compensation se traduit concrètement, pour les personnes concernées, par la possibilité de bénéficier de la prestation de compensation du handicap, laquelle a pour objet la couverture de besoins aussi divers que les aides humaines, les aides techniques ou encore l’aménagement du logement.

En proclamant le principe d’accessibilité universelle, c’est-à-dire le droit accordé à toutes et à tous d’accéder à tout, la loi de 2005 ouvre également l’espace public dans sa totalité aux personnes handicapées, et ce quel que soit leur handicap – sensoriel, moteur, mental ou psychique. Cela implique de faire entrer les personnes dans les dispositifs de droit commun, en faisant en sorte que l’ensemble des politiques publiques intègrent la dimension du handicap dans leurs préoccupations : santé, éducation, emploi, équipement, aménagement, transports, culture, etc.

Enfin, la création des maisons départementales des personnes handicapées, créant un « guichet unique », marque un changement significatif dans le paysage institutionnel.

Depuis la promulgation de la loi du 11 février 2005 est intervenue, début 2010, la ratification par la France de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006. Cette convention a pour objectif de promouvoir et de protéger les droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux des personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres citoyens.

Son application nous engage à adopter, concernant les politiques du handicap, une logique d’inclusion accompagnée, qui s’inscrit dans le droit fil de l’esprit de la loi du 11 février 2005.

Cela implique d’adopter une « approche intégrée du handicap dans les politiques publiques », ce que fait la circulaire du Premier ministre rendant obligatoire, pour l’élaboration de chaque projet de loi présenté devant le Parlement, la prise en compte de dispositions relatives aux personnes en situation de handicap.

Tels sont les éléments de contexte que je souhaitais rappeler avant de me livrer, dans un premier temps, à un exercice de synthèse afin de dresser un bilan de la mise en application de la loi du 11 février 2005, exercice pour lequel l’excellent rapport consacré au sujet et publié le 4 juillet 2012 par Claire-Lise Campion et Isabelle Debré demeure une référence. Dans un second temps, j’aborderai les toutes dernières perspectives du Gouvernement en matière de politique du handicap.

La loi de 2005 a incontestablement donné une nouvelle impulsion à la politique du handicap, qui mobilise des moyens financiers importants : près de 38 milliards d’euros en 2013, soit une augmentation de 32,4 % en euros constants sur la période 2005-2010.

Rappelons que, depuis 2005, sous l’effet notamment de la reconnaissance du handicap psychique, le nombre des allocataires de l’AAH s’est fortement accru, pour franchir le million en octobre 2014. Aujourd’hui, la dotation inscrite pour 2015 dépasse 8,5 milliards d’euros. Parallèlement, le montant de l’AAH a été revalorisé de 25 % entre 2008 et 2012.

La prestation de compensation du handicap, créée par la loi de 2005, a connu une montée en charge importante. En 2014, 164 000 personnes en bénéficiaient, pour un montant de 1,5 milliard d’euros. Les montants versés – 800 euros mensuels en moyenne – correspondent au double de l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, l’ACTP, dont le nombre de bénéficiaires ne cesse de décroître, en raison notamment de la faculté ouverte à ces derniers par la loi de 2005 d’opter pour la PCH.

Un effort sans précédent a été consenti en faveur de la création de places en établissements et services, avec un programme pluriannuel pour la période 2008-2012 qui se prolongera en fait jusqu’en 2017. Ce plan prévoyait la création de 41 450 places, auxquelles s’ajoutent 10 000 places en établissements et services d’aide par le travail, soit plus de 12 250 places supplémentaires pour les enfants et plus de 29 200 pour les adultes. En 2015, 4 500 places seront encore créées, et près de 6 000 en 2016 et 2017.

Enfin, le plan autisme 2013-2017 a prévu la création de 3 400 places, dont 1 900 places pour les enfants et 1 500 pour les adultes.

Je veux rappeler le nombre total de places dans les établissements médicosociaux en France : tous types de handicaps et d’établissements ou services confondus, 157 751 places sont disponibles pour les enfants et 334 536 pour les adultes.

L’évolution de l’effort financier a donc été particulièrement importante, sous l’effet d’une volonté politique continue.

Le bilan de la mise en œuvre du principe d’« accessibilité universelle » est bien entendu plus nuancé, comme vous l’avez tous souligné. Ce principe gravé dans le marbre par la loi du 11 février 2005 concernait non seulement l’accessibilité physique, mais aussi tout type d’inclusion dans la société.

En matière d’accessibilité physique, la loi de 2005 se bornait à fixer au 1er janvier 2015 la date butoir à laquelle tout devait devenir accessible à tous les handicapés.

Or, nous le savons, avec 30 % seulement d’établissements recevant du public mis en accessibilité, ce rendez-vous a été manqué. C’est tout le mérite de la sénatrice Claire-Lise Campion que d’avoir proposé le dispositif des agendas d’accessibilité programmée, permettant de maintenir intacte l’ambition, tout en reportant les échéances pour rendre possibles les réalisations concrètes.

Nous évoquerons largement ces questions lorsque les dispositions de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées seront soumises au Parlement pour ratification. Bien entendu, cette ordonnance pourra faire l’objet d’améliorations à cette occasion.

Le principe d’« accessibilité universelle » a été fécond dans plusieurs autres domaines, en permettant une inclusion croissante des personnes handicapées dans la société. En matière de scolarisation, la mise en œuvre de la loi de 2005 a permis de doubler en dix ans le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, qui s’élève aujourd’hui à 260 000.

Les efforts entrepris par le ministère de l’éducation nationale sont axés sur la formation des professionnels, le recrutement et la professionnalisation des accompagnants d’élèves en situation de handicap, mais aussi sur l’amélioration de l’individualisation de l’accompagnement en prévoyant une meilleure coordination entre l’éducation nationale et les équipes pluridisciplinaires des MDPH.

Je veux enfin rappeler que, dans le cadre du troisième plan autisme 2013-2017, vingt-neuf unités d’enseignement pour les enfants atteints de troubles autistiques ont été ouvertes à la rentrée 2014-2015, soit une par académie. L’ouverture de soixante et onze nouvelles unités est programmée et budgétée pour les rentrées de 2015 et de 2016. Au terme du plan, cent unités d’enseignement pour les enfants atteints de troubles autistiques auront été créées.

Le principe d’accessibilité inscrit dans la loi du 11 février 2005 s’est aussi décliné dans le monde du travail.

C’est la loi du 10 juillet 1987 qui a prévu que les entreprises d’au moins vingt salariés aient l’obligation d’employer des travailleurs reconnus par l’administration comme handicapés, dans une proportion au minimum égale à 6 % de leurs effectifs, sous peine d’être assujetties à une contribution à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, organisme paritaire créé par cette même loi.

La loi du 11 février 2005 a donné une nouvelle impulsion à cette politique en confiant aux MDPH le soin d’accompagner, avec le service public de l’emploi, les personnes handicapées pour mieux les aider à intégrer le marché du travail, et en renforçant les sanctions financières pour les établissements. En outre, elle a étendu l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés au service public et créé le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, mis en place le 1er janvier 2006.

Par la suite, les efforts ont porté sur le renforcement du pilotage de la politique d’emploi des travailleurs handicapés, avec la signature de conventions partenariales entre les acteurs du service public de l’emploi, l’État, l’AGEFIPH et le FIPHFP, afin notamment d’assurer un suivi territorial et de faire converger l’action de tous les acteurs.

Par ailleurs, pour renforcer le contenu qualitatif des accords sur l’emploi des travailleurs handicapés, le décret du 20 novembre 2014 rend obligatoires les plans de maintien dans l’emploi au sein des accords agréés au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

En matière de formation, la loi du 5 mars 2014 contient des dispositions qui profitent à tous, et particulièrement aux personnes handicapées : le compte personnel de formation, l’entretien professionnel organisé dès le retour après un arrêt maladie, le conseil en évolution professionnelle, les périodes de mise en situation professionnelle. Cette loi prévoit en outre que les personnes handicapées bénéficient de dispositions spécifiques, notamment de la possibilité de se former pendant un arrêt de travail et de l’amélioration de leur protection sociale pendant les formations. Enfin, les régions sont désormais compétentes en matière d’accès à la formation et de qualification professionnelle des personnes handicapées.

Concernant le travail en milieu protégé, depuis 2005, le nombre des entreprises adaptées a augmenté constamment, passant de 614 en 2008 à 702 en 2013. Le budget consacré par l’État à ces entreprises s’élevait à 290 millions d'euros en 2013, auxquels s’ajoutaient 40 millions d'euros de subventions spécifiques destinées à contribuer au fonctionnement des structures. Quant au travail complètement « protégé », c'est-à-dire en établissements et services d’aide par le travail, il s’est également développé : au 31 décembre 2013, on comptait 1 349 ESAT accueillant près de 120 000 personnes à temps complet ou partiel, contre 103 000 en 2006.

Toutefois, avec 420 000 demandeurs d’emploi handicapés et un taux de chômage des personnes handicapées deux fois supérieur à celui des personnes valides, il faut reconnaître que le bilan de la loi du 11 février 2005 en matière d’emploi doit être particulièrement nuancé.

Je veux redire que, dans le secteur privé, le nombre d’accords d’entreprise agréés reste inférieur à 300 et ne concerne qu’à peine plus de 10 % des entreprises assujetties. Nous progressons vers l’objectif de 6 % de travailleurs handicapés assigné aux entreprises et aux employeurs publics, sans pour autant que la donne change substantiellement.

En matière d’accès aux soins, force est de constater que des inégalités importantes subsistent. Nous ne partons pourtant pas de rien pour les réduire : les nombreuses initiatives qui ont déjà été prises démontrent que, dans le domaine de la santé bucco-dentaire, par exemple, des réponses coordonnées entre la ville, l’hôpital et le secteur médicosocial existent. En 2008, l’audition publique de très nombreux experts et représentants associatifs organisée par la Haute autorité en santé, la HAS, a permis de mieux comprendre les obstacles rencontrés par les personnes handicapées et de les lever. Je vous présenterai les nouvelles mesures dans la suite de mon propos.

Créées par la loi de 2005, les MDPH constituent des lieux uniques où se concentrent les compétences en matière d’accueil, d’orientation, d’information, d’évaluation et de suivi des réponses proposées. Malgré toutes les difficultés que vous avez soulignées, la création de ce guichet unique a tout de même marqué la fin, pour les personnes handicapées et leurs familles, de ce que Claire-Lise Campion et Isabelle Debré ont qualifié, dans leur rapport, de « parcours du combattant ». Après une très forte montée en charge, les MDPH sont aujourd'hui, comme vous l’avez tous relevé, beaucoup trop absorbées par leurs tâches administratives, au détriment du suivi individualisé des personnes.

En réponse à certaines de vos questions, je préciserai que, en moyenne, on compte cinquante-cinq agents à temps plein par MDPH. J’ajoute, à l’intention de ceux qui estiment qu’il pourrait exister des conflits d’intérêts, pour les conseils généraux, à l’égard des MDPH, que ces dernières sont des groupements d’intérêt public, ce qui signifie que les associations et les services de l’État participent à leur gouvernance au côté des conseils généraux.

Le bilan contrasté de l’application de la loi de 2005 que je viens de dresser rapidement ne saurait remettre en cause la modernité de ce texte. Les perspectives que je vais maintenant tracer s’inspirent très largement de ses principes fondateurs.

La Conférence nationale du handicap de décembre 2014 a été l’occasion, pour le Président de la République, de fixer trois objectifs principaux : construire une société inclusive plus ouverte aux personnes en situation de handicap ; concevoir des réponses et des prises en charge adaptées à la situation de chacun ; simplifier la vie quotidienne.

Dans l’esprit de la loi de 2005 et conformément à la mise en œuvre progressive de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, le Gouvernement souhaite mettre en place une société plus inclusive, c’est-à-dire une société où l’on fait de la place aux personnes handicapées. Il ne s’agit ni de faire preuve de compassion – ce serait infâmant –, ni de se référer à une impossible intégration. Se rapprocher d’un objectif d’inclusion accompagnée consiste pour le Gouvernement à prendre en compte les personnes handicapées dans les politiques de droit commun, tout en prévoyant les aménagements qui leur sont nécessaires.

En matière de scolarisation, nous conduisons une politique résolue pour « déprécariser » et professionnaliser les auxiliaires de vie scolaire, ou accompagnants d’élèves en situation de handicap, comme on les appelle désormais. À terme, 28 000 AVS seront employés en contrat de travail à durée indéterminée ; 5 000 d’entre eux ont vu leur CDD transformé en CDI à la rentrée 2014-2015.

Afin d’assurer cette professionnalisation, un diplôme d’État est en cours d’élaboration par mes services. Sa création sera effective dès la rentrée de 2015. Il s’adressera notamment aux AVS employés en contrat aidé, qui ont besoin de se professionnaliser pour accéder à un CDD, puis à un CDI. Je rappelle qu’un AVS doit être employé depuis six ans en CDD pour pouvoir prétendre à un CDI.

Quelles sont les autres perspectives en matière d’inclusion scolaire ? La première est la relocalisation en milieu scolaire ordinaire d’unités d’enseignement actuellement implantées dans des établissements médicosociaux, sur le modèle des unités d’enseignement en maternelle pour les enfants atteints de troubles autistiques. Le Président de la République a annoncé qu’au moins cent unités d’enseignement seraient ainsi relocalisées à la rentrée de 2015. L’objectif est simple : il s’agit de permettre aux élèves en situation de handicap d’être scolarisés au milieu des autres enfants, même s’ils bénéficieront évidemment d’un accompagnement spécifique et d’enseignants spécialement formés. En effet, la meilleure façon de faire changer les regards, c’est de mélanger les élèves en situation de handicap avec les autres dès la maternelle, en classe, à la cantine, pendant les récréations.

Le Président de la République a également indiqué que la qualité des apprentissages des enfants sourds sera renforcée par une meilleure prise en compte de leur choix linguistique et par une formation adéquate, dès septembre 2015, des enseignants spécialisés en langue des signes française et en langage parlé complété.

En outre, chaque projet d’école devra désormais comporter un volet sur l’accueil et les stratégies d’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Je précise enfin, puisque certaines inquiétudes relatives au temps périscolaire se sont exprimées, que, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, l’effort des collectivités pour intégrer les enfants handicapés aux activités périscolaires sera soutenu dès la rentrée 2015-2016 par l’éducation nationale, avec les concours financiers de la Caisse nationale des allocations familiales.

Quant aux universités, dans trois ans, elles seront toutes dotées de schémas directeurs d’accessibilité.

En matière d’accessibilité et d’adaptation des logements, la liste des aménagements du domicile ouvrant droit à un crédit d’impôt sera mise à jour, afin de mieux répondre aux besoins actuels, notamment le recours à la domotique.

En outre, dans le cadre de la charte qui sera signée avec l’Union sociale pour l’habitat, les modalités de la programmation des adaptations de logement et du suivi de celles-ci seront précisées.

Conformément à ce que prévoit le rapport annexé au projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, la loi de finances initiale pour 2015 a prolongé le crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses d’installation ou de remplacement d’équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées.

En ce qui concerne les achats publics, des critères d’accessibilité seront pris en compte dans le cadre de la transposition de la directive européenne relative aux marchés publics, qui interviendra l’année prochaine.

L’accessibilité concerne également de nombreux autres domaines. Le Gouvernement se préoccupe en particulier de faciliter l’accès des personnes handicapées aux livres et à la culture. Le projet de loi relatif à la liberté de création proposera une nouvelle définition des publics bénéficiaires de l’exception du droit d’auteur – cette mesure est largement réclamée par les associations de personnes en situation de handicap –, afin d’élargir l’offre disponible et de créer les conditions d’un développement de l’offre de publications adaptées. Le projet de loi organisera également le dépôt systématique des fichiers des manuels scolaires, ce qui permettra de répondre plus rapidement aux besoins des élèves en situation de handicap.

Concernant l’offre audiovisuelle, une charte pour l’amélioration de la qualité de la traduction en langue des signes française a été signée avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel en janvier dernier. Il reste à ouvrir deux chantiers complexes, notamment avec les chaînes de télévision : l’audiodescription pour la télévision connectée et la mise en place d’une solution de diffusion en langue des signes française à la demande.

Un volet nous tient particulièrement à cœur : celui de l’accessibilité numérique. Il s’agit de ne pas prendre, en la matière, le retard que nous avons pris, au cours des dix dernières années, en matière d’accessibilité du bâti.

Le numérique permet l’accès à l’information et, plus largement, à la citoyenneté. Le Président de la République a donc fixé comme objectif la mise en accessibilité des élections à partir de la présidentielle de 2017, ce qui implique notamment d’organiser la diffusion adaptée de la propagande électorale. C’est la raison pour laquelle nous venons de finaliser la révision de la mise à jour technique du référentiel général d’accessibilité pour les administrations, qui permet d’organiser et d’encadrer la mise en accessibilité des sites internet publics. À l’issue de cette première étape, il conviendra bien sûr d’étendre la mise en accessibilité aux sites internet privés.

Le numérique, c’est également la promesse d’un meilleur accès à la consommation. C’est le sens de la convention que nous sommes en train de mettre au point avec la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance, la FEVAD. C’est aussi dans le cadre de l’accessibilité numérique qu’intervient l’expérimentation du centre relais téléphonique décidée lors du comité interministériel de 2013. Le Gouvernement déterminera prochainement dans quels délais et sous quelles conditions l’accessibilité téléphonique pourra être garantie pour les personnes malentendantes. Vous l’aurez compris, le Gouvernement tient à éviter de prendre du retard en matière d’accessibilité numérique.

En ce qui concerne la consommation, l’Institut national de la consommation, l’INC, signera prochainement avec l’État une convention visant à améliorer l’information des personnes handicapées sur les produits de consommation. En outre, d’ici à janvier 2016, l’INC élaborera une liste de produits, notamment électroménagers, préalablement testés et référencés comme conformes aux règles en matière d’accessibilité.

J’aborderai maintenant la question de l’emploi. L’accompagnement des travailleurs handicapés vers l’emploi et dans leur évolution professionnelle sera renforcé, notamment par le développement des passerelles entre emploi en milieu protégé et emploi en milieu ordinaire. J’ai demandé à l’AGEFIPH et au FIPHFP de travailler ensemble pour faire évoluer leurs prestations, en particulier en direction des personnes en situation de handicap psychique, lesquelles doivent bénéficier d’un accompagnement adapté et non ponctuel. De son côté, l’État lancera des travaux pour rendre plus incitatif le cadre des accords signés par les entreprises en matière d’accueil des travailleurs handicapés. Enfin, rappelons que le Président de la République a fixé un objectif de triplement du nombre des accords d’entreprise agréés d’ici à trois ans.

Afin d’encourager les travailleurs handicapés qui ont le projet de devenir travailleurs indépendants, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit de permettre la prise en compte des prestations des travailleurs indépendants handicapés au titre de l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées par les entreprises de plus de vingt salariés. Adoptée par les députés, cette mesure sera bientôt soumise à votre examen.

Comme l’ont demandé les associations, un dispositif identique sera adapté aux spécificités du parcours de découverte des métiers des collégiens et des lycéens en situation de handicap, afin de conforter tout ce qui permet aux entreprises et aux jeunes handicapés de se rencontrer et, surtout, de permettre à ces derniers de se projeter dans l’avenir.

Dans cet esprit, toujours pour les jeunes, le service civique sera facilité grâce à des aménagements de poste financés par l’AGEFIPH – ce n’était pas le cas jusqu’à présent –, ainsi que par le FIPHFP, et étendu jusqu’à l’âge de 30 ans pour les personnes en situation de handicap.

Dans la fonction publique, des adaptations importantes sont prévues pour rendre les concours d’encadrement et d’encadrement supérieur accessibles dans le cadre d’une sélection adaptée et pour soumettre à l’obligation d’emploi certaines autorités administratives indépendantes qui ne l’étaient pas jusque-là, mais aussi la Cour des comptes et le Conseil d’État.

Concernant la santé et l’accès aux soins, l’approche globale de la stratégie nationale de santé vise à coordonner prévention, soins, prise en charge médico-sociale et insertion sociale, ce qui répond parfaitement aux besoins des personnes handicapées.

La feuille de route du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, adoptée à l’issue de la Conférence nationale du handicap, et que vous pouvez consulter sur le site internet du ministère, comprend plusieurs mesures particulièrement volontaristes qui seront inscrites dans le projet de loi de santé. J’en cite quelques-unes : amélioration de l’accueil des personnes handicapées dans le cadre de l’exercice regroupé des professionnels de santé en maison de santé pluri-professionnelles et en centre de santé ; encouragement au déploiement de consultations spécialisées à l’hôpital dès 2015 ; intégration des conditions de prise en charge des personnes handicapées dans la procédure de certification des établissements, puisque, curieusement, ces conditions n’étaient pas prises en compte jusqu’à présent.

Bien sûr, nous ne pouvons qu’encourager la signature de la charte Romain Jacob, que Mme Claire-Lise Campion a évoquée.

L’effet conjugué de la réforme de la tarification des établissements et des services accueillant des personnes handicapées, lancée en novembre 2014, et du chantier de la refondation de l’aide à domicile permettront d’aménager l’offre dans une logique d’inclusion accompagnée.

Les établissements médico-sociaux devront, quant à eux, intégrer dans leur fonctionnement des actions de prévention et d’éducation à la santé, ce qui n’est actuellement pas toujours fait.

Je veux enfin mettre l’accent sur la mission confiée à Marie-Sophie Desaulle afin de mettre en œuvre les préconisations du rapport de Denis Piveteau intitulé « Zéro sans solution ». La mise en place progressive d’un accompagnement permanent des personnes est prévue à partir de septembre 2015, sa généralisation étant envisagée pour la fin de l’année 2017.

Un amendement au projet de loi de santé sera déposé prévoyant une obligation d’orientation permanente des personnes par les MDPH : il s’agira, idéalement, d’accompagner les personnes vers la solution la plus adaptée, en évitant de les laisser sans solution pendant la durée d’attente, situation que l’on constate malheureusement souvent.

J’en viens aux mesures concrètes de simplification pour les MDPH. Elles sont indispensables non seulement pour faciliter l’accès aux droits des personnes, mais aussi pour libérer du temps au personnel des MDPH.

Avant la fin du premier semestre de 2015, sur décision motivée des MDPH, la durée d’attribution de l’allocation pour adultes handicapés pour les personnes atteintes d’un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %, c’est-à-dire l’AAH 2, pourra être étendue à cinq ans, contre deux ans actuellement. À court terme, il est aussi prévu d’allonger de trois à six mois la durée de validité du certificat médical servant de justificatif aux demandes d’AAH.

Enfin, d’autres chantiers importants sont sur le point d’aboutir : la simplification des modalités de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ; l’évolution des modalités d’utilisation de la PCH afin d’en permettre l’usage mutualisé pour ceux qui le souhaitent ; la création d’une « carte mobilité inclusion », pour remplacer à terme les deux cartes « de stationnement » et « de priorité ».

S’agissant de la PCH, qui représente, cela a été dit, une dépense totale de 1,5 milliard d’euros pour un peu plus de 160 000 bénéficiaires, j’ai demandé à la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – une évaluation de ce dispositif, qui, bien qu’existant depuis 2006, n’a jamais été évalué sur le plan national ; or il existe des disparités. Ce travail est en cours et je ne manquerai pas de vous en communiquer les conclusions quand elles seront prêtes.

Néanmoins, je suis en mesure de vous livrer quelques éléments, notamment sur la limite d’âge : actuellement, la règle est que l’on peut obtenir la PCH jusqu’à l’âge de 75 ans si le handicap a été reconnu avant l’âge de 60 ans. Sur cette question, un rapport du Gouvernement sera rendu dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, conformément au souhait qu’ont exprimé plusieurs parlementaires.

Sachez également qu’un amendement sera déposé visant à permettre aux départements de mettre en place un tiers payant pour les aides techniques, ce qui évitera aux personnes d’avancer des sommes parfois importantes.

Enfin, une question ayant été posée concernant les aides financières à l’accessibilité, je vous informe que nous avons déjà signé avec la Caisse des dépôts et consignations et BPI-France une convention portant sur l’octroi de prêts bonifiés tant aux collectivités locales qu’aux entreprises pour leur permettre de réaliser les aménagements nécessaires.

Vous me permettrez de regretter, pour conclure, que le format et la durée des débats d’initiative parlementaire ne me permettent pas de répondre aussi exhaustivement que je le souhaiterais aux questions qui m’ont été posées. Cependant, l’inscription prochaine à l’ordre du jour du projet de loi de ratification de l’ordonnance sur l’accessibilité me permettra d’apporter des précisions supplémentaires sur ce sujet.

Par ailleurs, la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue conformément à la loi, doit donner lieu à la remise prochaine d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur tous les thèmes de la politique que nous menons en la matière. Ce sera pour le Sénat une autre occasion de recueillir des précisions sur cette politique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous avez tous fait le constat, le chemin est encore long pour aboutir à une société où tout le monde aura sa place et pourra vivre comme il le souhaite, quel que soit son handicap. Croyez bien cependant que notre volonté est intacte. De nombreuses améliorations concrètes sont en cours – et c’est bien ce qui nous importe : que la vie quotidienne des personnes en situation de handicap se trouve concrètement améliorée –, qui vont nous permettre d’approcher l’idéal d’accessibilité universelle. Comme le disait Jaurès : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. »