Mme Annie David. La commission spéciale a souhaité exclure du champ du texte les entreprises de moins de onze salariés situées en zone touristique. L’avis défavorable que vous avez émis, madame la corapporteur, sur ces amendements est donc logique.

Il me paraît toutefois dommage de priver ces entreprises d’une discussion collective. Rien n’étant inscrit dans la loi, l’accord pourrait être trouvé entre les parties prenantes à la discussion.

Il me semble donc que vous intentez un mauvais procès aux salariés de ces entreprises en prétendant par avance qu’ils ne seraient pas capables de rechercher l’intérêt de l’entreprise afin de maintenir leur emploi, et qu’ils chercheraient à négocier des contreparties inappropriées.

Vous nous dites que vous faites confiance au dialogue social, mais vous empêchez a priori le dialogue dans les petites entreprises. Il me semble au contraire qu’un accord collectif à la hauteur des entreprises concernées pourrait être trouvé. Il est dommage de refuser d’entrée de jeu la possibilité de discuter, de conclure des accords et de négocier des contreparties dans ces entreprises. C’est faire un mauvais procès à l’ensemble des parties en présence.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. La commission spéciale est intransigeante, mais elle introduit une discrimination qui n’est pas acceptable. Je sais bien que small is beautiful, mais quand même… Il n’est pas admissible que certains soient privés de négociation sous prétexte que leur commerce est petit et qu’il emploie moins de onze salariés. Il faut faire confiance aux acteurs territoriaux. En outre, dans les zones touristiques, ce n’est pas parce qu’un commerce est petit qu’il ne fait pas un très bon chiffre d'affaires pendant la saison. Votre argumentation trouve donc ses limites. Vous introduisez un biais, et même un contournement de la loi, qui n’est pas acceptable. Cela justifie le maintien de ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 616 et 1230.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur Vial, l’amendement n° 739 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Vial. Compte tenu des explications et de la demande de Mme la corapporteur, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 739 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux et Deseyne, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« V. – Lorsqu’un usage, visant à accorder aux salariés privés du repos dominical une ou plusieurs contreparties mentionnées au II de l’article L. 3132-25-3 et respectant les garanties mentionnées à l’article L. 3132-25-4, est appliqué depuis au moins cinq ans par une entreprise, un établissement ou un site regroupant un ensemble d'établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services et situé dans une zone touristique internationale ou dans une zone touristique caractérisée par une affluence particulièrement importante de touristes, les contreparties issues de l’application de cet usage doivent être intégrées dans les contrats de travail des salariés concernés dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi pour bénéficier de la faculté de donner le repos dominical par roulement pour tout ou partie du personnel prévue aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25. »

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à permettre aux établissements de vente au détail situés dans une zone touristique internationale ou dans une zone touristique caractérisée par une affluence particulièrement importante de touristes qui ont volontairement mis en œuvre des contreparties et des garanties pour leurs salariés privés de repos dominical de déroger à l’obligation de négocier un accord collectif à la condition qu’ils intègrent directement ces contreparties et garanties dans leur contrat de travail dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple des entreprises installées sur le site de La Vallée Village, en Seine-et-Marne, que vous connaissez certainement tous, mes chers collègues. Ce site est classé depuis la fin de l’année 2000 en zone touristique d’affluence exceptionnelle ; 6,5 millions de touristes, de 170 nationalités différentes, s’y sont rendus en 2013. Le site regroupe plus de cent entreprises, dont beaucoup sont internationales ; j’insiste sur ce point, car il n’est pas toujours facile pour les étrangers d’intégrer notre code du travail, qui, vous le savez, n’est pas si simple même pour des Français. Les enseignes emploient de onze – je cite ce chiffre à dessein – à cent vingt-huit salariés ; en tout, 1 200 personnes travaillent sur le site.

Depuis la création de La Vallée Village, les employeurs sont tenus d’appliquer strictement une charte sociale prévoyant – je préfère le préciser – le respect du volontariat, l’accord écrit du salarié étant nécessaire, le respect des contraintes personnelles et familiales, la possibilité pour le salarié de renoncer au travail dominical sur simple demande, une majoration d’au moins 50 % de la rémunération des heures effectivement travaillées le dimanche, un repos hebdomadaire de deux jours consécutifs et l’emploi en contrat de travail à durée indéterminée des salariés travaillant le dimanche.

Le présent amendement vise à sécuriser la position des entreprises des sites tels que La Vallée Village et de leurs salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Isabelle Debré soulève un véritable problème. Cependant, dans la mesure où il existe déjà une charte, on peut penser qu’un accord de territoire pourra tout à fait inclure ses dispositions. Je rappelle que nous avons prévu un délai de trente-six mois pour permettre aux acteurs de s’adapter. En outre, l’accord des salariés concernés sera nécessaire.

Il nous semble donc que l’amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi. Nous souhaitons toutefois connaître la position du Gouvernement. Il s’agit en effet d’un sujet important : il ne faudrait pas que des commerces qui existent depuis longtemps et ont mis en place des contreparties salariales et sociales non négligeables se retrouvent en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, la solution que vous proposez consiste à intégrer dans le contrat de travail des dispositions dérogatoires – une charte, en l’espèce – en vigueur depuis plus de cinq ans. Le problème, c’est que cela créerait un biais, un élément de complexité non nul. En outre, une question se pose : si de nouvelles structures commerciales s’installent dans le même ressort, devront-elles intégrer les mêmes dispositions dans leur contrat de travail ? Enfin, l’existant serait gelé, et cela pourrait avoir un effet déstabilisant en cas de développement ; ce serait particulièrement regrettable, et je crois que ce n’est pas votre objectif.

Vous souhaitez que ce qui fonctionne aujourd'hui ne soit pas déstabilisé. Je vous apporterai deux réponses. La première, c’est que la charte comprend des éléments d’organisation qui valent pour un territoire économique. C'est pourquoi nous avons prévu la possibilité de conclure non seulement des accords de branche ou d’entreprise, mais aussi des accords de territoire. Il me semble que, dans l’exemple que vous avez cité, il devrait être possible de conclure un accord de territoire sur la base de la charte, qui est tout à fait généreuse, puisqu’elle reprend les standards les plus élevés. Nul doute qu’un accord sera conclu.

Ce qu’il faut éviter, c’est de décomposer en accords d’entreprise les accords existants. En effet, si toutes les entreprises ne parvenaient pas à conclure un accord sur la base de la charte, il y aurait des déséquilibres, des hétérogénéités intenables d’une échoppe à l’autre. Le projet de loi prévoit la possibilité de conclure un accord de territoire sur la base de la charte. À mon sens, c’est la bonne réponse au problème que vous soulevez.

Le second point, c’est le délai d’adaptation. L’Assemblée nationale l’avait fixé à deux ans ; la commission spéciale du Sénat a rétabli le délai de trois ans que proposait initialement le Gouvernement.

Je pense que la possibilité de conclure un accord de territoire et le délai d’adaptation de trois ans sont de nature à répondre à votre préoccupation. J’ajoute que des évaluations régulières du dispositif seront réalisées pour éviter les blocages. Enfin, l’amendement n° 615 ayant été rejeté, il existe une dernière voie en cas de blocage ultime : l’employeur pourra prendre une décision, qui devra être approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés.

À la lumière de ces éléments, je vous invite à retirer votre amendement. Comme l’a souligné Jacques Mézard, les accords conclus dans les grandes zones touristiques ou commerciales de province ne sauraient être déstabilisés par le projet de loi. Je m’engage à ce que des évaluations régulières soient réalisées, afin que tous les blocages soient levés.

M. le président. Madame Debré, l'amendement n° 108 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Isabelle Debré. Puisque la parole fait loi dans cet hémicycle et que vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à suivre ce dossier particulièrement important pour le tourisme – il y en a d’autres, bien entendu –, je retire cet amendement.

Nous espérons que tiendrez votre engagement. De nombreux emplois sont en jeu. Allez à La Vallée Village : vous verrez qu’il y règne une ambiance magnifique. Je ne voudrais pas qu’elle soit cassée. Il y a certainement d’autres sites dans la même situation. Je vous remercie de votre engagement. Je vous fais confiance !

M. le président. L'amendement n° 108 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 970 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Daunis et Mme Espagnac, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« V. - Les accords collectifs de branche, d'entreprise et d'établissement et les accords territoriaux prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. J’essaierai de ne pas être long, car j’ai déjà exposé quelques éléments de mon argumentation. Je commencerai par rappeler le cadre général. Les dispositions relatives aux accords obligatoires et aux compensations ont fait l’objet d’un débat public assez soutenu, avec des positions affirmées et souvent des procès d’intention, qui tiennent probablement aux zones d’ombre qui subsistent dans le projet de loi.

Il s’agit bien, dans tous les cas et de façon générale, de négocier en partant du principe que des compensations sont nécessaires. Il ne peut y avoir de travail le dimanche sans compensation en termes de salaire ou de repos compensateur. Le présent texte décline d'ailleurs les compensations, avec des spécificités pour certaines catégories de salariés, comme les travailleurs handicapés ou les femmes seules.

Néanmoins, on peut avoir l’impression que le travail dominical pourrait être exempt de compensation, notamment s’il n’existe pas de rapport de force syndical ou si les négociations sont difficiles. C'est pourquoi je souhaite, à travers cet amendement de clarification, préciser explicitement que le travail dominical doit être assorti de compensations.

Je ne propose pas de fixer des seuils de compensation, car cela aurait un effet pervers : ou les seuils sont trop bas, et on n’aide pas les négociateurs à obtenir les meilleures compensations, ou les seuils sont trop élevés, et certaines catégories d’entreprises ne peuvent pas garantir les compensations.

Il s’agit de prendre acte du fait que tout accord doit prévoir une compensation. On ne travaille pas au même tarif le dimanche et les autres jours. Même si les uns et les autres me répondront que c’est évident, je connais les relations sociales : elles se composent également de rapports de force. En rendant les choses plus claires dans la loi, on aide les négociations à être plus claires, et on fait ainsi œuvre utile pour tout le monde.

Je sais que la commission spéciale n’a pas examiné cet amendement. J’espère avoir convaincu les corapporteurs. Je le répète, on peut me dire que cela va de soi, que c’est acquis, mais, si vous lisez bien ce qui est écrit, vous verrez que le principe général d’une compensation du travail dominical en termes de salaire ou de repos compensateur n’est posé à aucun moment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme vous l’avez dit, monsieur Assouline, cet amendement, tel qu’il est rédigé, n’a pas été examiné par la commission spéciale. Celui qu’elle avait étudié, et sur lequel elle avait émis un avis défavorable, était plus clair, avec une majoration substantielle de salaire et une journée de repos compensateur tous les quinze jours. Vous l’avez remplacé par cet amendement 970 rectifié bis, qui vise à préciser que les accords prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche.

Sans vouloir être désagréable en cette fin d’après-midi, je dirai qu’il n’apporte rien de fondamental au texte. Il me semble d’ailleurs qu’il est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 76, dans lequel il est prévu que tout accord collectif relatif au travail du dimanche fixe les contreparties, notamment salariales. Or si des contreparties sont octroyées aux salariés privés du repos dominical, c’est bien qu’il ne s’agit pas d’un jour comme les autres.

Cela dit, à titre personnel, je sollicite l’avis du Gouvernement, tout en m’en remettant, au nom de la commission spéciale, à la sagesse de la Haute Assemblée, pour être agréable à M. Assouline.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a dit Mme la corapporteur, on ne peut que partager l’ambition de cet amendement, qui a pour objet de préciser que la compensation est déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche, ce que ne prévoit pas aujourd’hui l’alinéa 7 de l’article 76.

Par cet amendement, monsieur le sénateur, vous donnez la justification de cette compensation. Il serait d’ailleurs préférable d’insérer l’alinéa en cause avant cet alinéa 7 et les autres alinéas qui traitent des compensations plus spécifiques.

À mon sens, cet amendement vise à poser le principe général indispensable qui confirme le caractère dérogatoire du travail du dimanche, d’une part, et à indiquer que la compensation est déterminée pour tenir compte de ce caractère dérogatoire.

J’émettrai donc un avis favorable, si vous vous engagez à repositionner l’alinéa en question avant l’alinéa 7 du présent article.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Permettez-moi juste d’ajouter une phrase courte, monsieur le président.

M. le président. Juste une phrase ! (Sourires.)

M. David Assouline. Je pense que la précision que vient d’apporter M. le ministre est importante.

Cet amendement a justement pour objet de fixer un cadre général, or, même si la rédaction que je propose est précise, j’en conviens, insérer l’alinéa en cause après l’alinéa 12 de l’article 76 peut paraître équivoque. L’insérer avant l’alinéa 7, comme le propose M. le ministre, j’y insiste, préciserait les choses, car, aujourd’hui, il n’est pas écrit de façon formelle dans le texte qu’est déterminée une compensation pour répondre aux dérogations.

À mon avis, c’est plus important que ce que certains veulent bien penser.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. M. le ministre a raison de dire qu’il serait plus cohérent, par rapport à l’objectif visé, de placer cet alinéa avant l’alinéa 7.

M. le président. Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par le Gouvernement ?

M. David Assouline. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 970 rectifié ter, présenté par MM. Assouline et Daunis et Mme Espagnac, ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les accords collectifs de branche, d'entreprise et d'établissement et les accords territoriaux prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 76, modifié.

(L'article 76 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 77.

Article 76 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 78 (priorité)

Article 77 (priorité)

(Non modifié)

L’article L. 3132-25-4 du code du travail est ainsi modifié :

1° Les premier et troisième alinéas sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– au début, sont ajoutés les mots : « Pour l’application des articles L. 3132-20, L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, » ;

– à la fin, les mots : « sur le fondement d’une telle autorisation » sont supprimés ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « bénéficiaire d’une telle autorisation » sont supprimés ;

c) Aux deux dernières phrases, les mots : « d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation » sont supprimés ;

2° bis Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’accord collectif mentionné au II de l’article L. 3132-25-3 détermine les modalités de prise en compte d’un changement d’avis du salarié privé du repos dominical. » ;

3° Au début de la première phrase du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Pour l’application de l’article L. 3132-20, » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. L’article 77 porte sur les modalités de mise en œuvre du volontariat en cas de travail dominical. Il précise, en assouplissant considérablement le code du travail, que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à l’employeur peuvent travailler le dimanche.

Toutefois, dans un contexte de chômage de masse, peut-on parler de volontariat, le salarié ayant le choix entre se plier aux injonctions de son employeur et perdre son emploi ?

Ce texte, vous le savez, n’emporte pas l’adhésion du groupe CRC. Le Gouvernement nie complètement, en particulier dans cet article, la réalité du monde du travail et le rapport de force totalement asymétrique existant entre l’employeur et l’employé, lequel pèse très lourdement en défaveur ce dernier.

Je n’aurai pas la naïveté de croire qu’il y a là méconnaissance de cette réalité par le Gouvernement ; je pense plutôt qu’il s’agit d’un renoncement. L’audition de François Rebsamen par la commission spéciale l’a d’ailleurs parfaitement montré : le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a en effet alors affirmé que le contrat de travail n’imposait pas un rapport de subordination entre employeur et salarié. Cette position est aux antipodes de la tradition politique dans laquelle je m’inscris, qui sait que, par essence, ce lien est fait de subordination.

La reconnaissance de l’inégalité intrinsèque entre l’employeur et le salarié est d’ailleurs un principe primordial en droit du travail. Pour pallier cette inégalité, un code spécial a d’ailleurs été élaboré : le code du travail. À cet égard, Annie David a montré tout ce qu’il pouvait renfermer, et combien il était important de bien savoir de quoi on parlait. De même, une juridiction spéciale existe – les prud’hommes –, ainsi qu’un corps de fonctionnaires – l’inspection du travail –, et des organisations de salariés – les syndicats.

S’il y a inégalité, s’il y a dépendance d’une partie à l’égard d’une autre, particulièrement en période de chômage, alors il ne peut y avoir de volontariat. Pour notre part, nous aurions soutenu sans réserves l’abrogation de cette notion, monsieur le ministre.

En réalité, les dispositions prévues dans cet article suppriment les garanties qui protègent un tant soit peu les salariés contre les chimères du « volontariat », du « contrat de gré à gré » ou de je ne sais quel « engagement libre et mutuellement consenti ».

Si le texte tend à généraliser le travail dominical, des articles tels que celui-ci contribueront, dans les faits, à le rendre obligatoire pour tous ceux qui signeront un contrat de travail avec des entreprises ouvrant le dimanche.

Vous comprendrez donc aisément notre ferme opposition à l’article 77, comme à tous ceux qui s’inscrivent dans la même logique.

Mme la présidente. L’amendement n° 1231, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. En supprimant le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 du code du travail, l’article 77 élimine toute consultation préalable avant la délivrance des autorisations de dérogation au repos dominical : plus d’avis du conseil municipal, de la chambre de commerce, de la chambre des métiers, et encore moins des syndicats de salariés de la commune ou des organisations patronales !

Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article prévoit que le prétendu choix de se déclarer volontaire ou non pour travailler le dimanche appartient individuellement au salarié. Or, comme je l’ai déjà dit, le groupe CRC considère qu’il n’y a pas, en la matière, de véritable choix possible. Qui pourra dire non à son patron ayant décidé d’ouvrir son magasin le dimanche, décision que ce dernier a d’ailleurs la possibilité de prendre seul ? N’oublions pas en effet que, si des accords sont bien prévus à l’article 76, l’alinéa 6 du même article précise qu’à défaut de leur conclusion, la décision de l’employeur prime.

À quoi sert-il donc d’inscrire dans la loi que le refus de travailler le dimanche n’entraînera aucune sanction, aucun refus d’embauche ? Pensez-vous franchement que les choses se passent ainsi dans la vie ? On invoquera n’importe quel motif pour ne pas embaucher, ou pour licencier, un salarié qui ne se porterait pas volontaire.

Quand on est payé au salaire minimum, voire souvent même moins – dans le commerce, les contrats à temps partiel fleurissent, hélas –, quand on n’arrive pas à finir le mois dignement, peut-on véritablement refuser d’être volontaire si travailler le dimanche peut permettre d’augmenter le montant figurant sur la fiche de paie ? Un tel point de vue est difficilement défendable.

Quant au dernier alinéa de l’article 77, il est particulièrement démagogique ; il s’agit, pour nous, d’une disposition d’affichage. Au mieux, l’employeur fera connaître le droit de vote par procuration !

De plus, cet alinéa ne fait référence qu’au droit de vote. Les droits des citoyens ne sont pas évoqués. Les salariés travaillant le dimanche ne disposeront donc plus de la plénitude de leurs droits.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l’article 77.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a adopté cet article sans modification. Il constitue en effet une avancée importante pour les salariés puisqu’il étend la règle du volontariat aux zones touristiques, aux zones commerciales et aux zones touristiques internationales. L’article 80 bis fait de même pour les « dimanches du maire », auxquels cette règle ne s’appliquait pas jusqu’à présent.

Vous pensez, ma chère collègue, que le volontariat pourrait ne pas être sincère compte tenu du lien de subordination qui unit le salarié et son employeur.

Si l’on ne peut nier que certains employeurs pourraient tenter d’abuser de leur pouvoir et de violer les dispositions législatives, le législateur ne doit pas en tirer un principe général. Les abus doivent être dénoncés s’ils existent, mais ils ne doivent pas nous conduire à remettre en cause le volontariat, car il est nécessaire s’agissant du travail le dimanche afin que ce jour, particulier dans la vie sociale de notre pays, puisse être respecté.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1231.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1232, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Notre amendement de suppression n’ayant pas été adopté, nous vous présentons, mes chers collègues, un amendement de repli tendant à supprimer les alinéas 3 à 10 de l’article 77, lesquels mettent fin au contrôle des dérogations au repos dominical par le préfet.

Les agents administratifs éprouvent déjà des difficultés à contrôler le respect par les employeurs des règles du travail dominical. En supprimant le système d’autorisation préfectorale, vous créez un appel d’air au profit de tous les patrons qui ouvriront le dimanche sans respecter leurs obligations en matière de droits des salariés.

Alors que vous étendez le travail le dimanche, alors que vous affirmez prévoir des contreparties plus importantes pour les travailleurs, vous ne prévoyez aucun moyen supplémentaire pour contrôler le respect des règles par les entreprises ! Vous n’avez même pas envisagé un seul instant de renforcer les pénalités en cas de non-respect des obligations par les patrons. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur ce sujet, que nous espérons vous voir soutenir, mes chers collègues.

Nous sommes convaincus que l’État doit conserver un rôle de garde-fou et qu’il doit contrôler les autorisations de déroger au repos dominical.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de ces alinéas.

Mme la présidente. L’amendement n° 1447 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 1644, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer la référence :

et L. 3132-25-1

par les références :

, L. 3132-25-1 et L. 3132-25-6

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Le présent amendement vise à appliquer le volontariat pour le travail dominical dans les commerces situés dans les gares, par cohérence avec ce qui prévaut dans les zones commerciales, les zones touristiques, et les zones touristiques internationales.

Mme la présidente. L’amendement n° 1233, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

– après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « , cet écrit ne pouvant intervenir qu’après la période d’essai, » ;

La parole est à Mme Évelyne Didier.