Article 15 ter B
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Demande de réserve

Article 15 ter C

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° L’article L. 302-5 est ainsi modifié :

a) (nouveau) Au premier alinéa, les mots : « dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » sont remplacés par les mots : « dans une unité urbaine » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les communes concernées, à compter du 1er janvier 2014, par l’application du premier alinéa du fait d’une modification du périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, d’une fusion de cet établissement public ou d’une modification des limites de communes membres de celui-ci, constatées dans l’inventaire mentionné au premier alinéa de l’article L. 302-6, sont exonérées du prélèvement prévu à l’article L. 302-7 pendant les trois premières années. »

1° bis (nouveau) Le VII de l’article L 302-8 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, l’année « 2025 » sont remplacés par l’année « 2034 » ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « Cet objectif de réalisation est porté à 33 % pour la sixième période triennale, à 50 % pour la septième période triennale et à 100 % pour la huitième période triennale. » sont remplacés par les mots : « Cet objectif de réalisation est porté à 33 % pour la sixième période triennale, à 45 % pour la septième période triennale, à 60 % pour la huitième période triennale, à 75 % pour la neuvième période triennale, à 90 % pour la dixième période triennale et à 100 % pour la onzième période triennale ».

2° À la première phrase de l’article L. 444-2, les mots : « du dernier » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier ».

M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, sur l'article.

M. Michel Delebarre. Monsieur le secrétaire d'État, l’obligation de réaliser 25 % de logements sociaux s’applique à toutes les communes de plus de 3 500 habitants en dehors de l’Île-de-France et à celles de plus de 1 500 habitants en Île-de-France qui sont comprises dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants.

Par l’effet de l’évolution de la carte des intercommunalités, des communes vont se retrouver soumises à cette obligation, alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant. Le Gouvernement a pris en compte cette situation, en leur aménageant un dispositif transitoire.

Et voilà que, lors de l’examen du texte en commission, une partie de nos collègues ont utilisé, de manière éhontée, cette mesure de bon sens pour relancer le débat sur le logement social, en faisant adopter des dispositions revenant sur les obligations des communes en la matière.

Ces mesures sont totalement déconnectées des réalités de notre pays. Elles sont inacceptables !

Ce qui manque à la France, ce sont des logements qui répondent aux besoins des Français. Quand l’offre existe, elle est souvent inadaptée aux ménages aux ressources modestes.

Pour une personne seule, avec un salaire équivalant à 1 SMIC et après déduction de l’aide au logement, le taux d’effort atteint 28,3 % dans le parc social et 35,9 % dans le parc privé. Pour un couple avec deux enfants, avec un salaire équivalent à 1,5 SMIC, le taux d’effort est de 23,3 % dans le parc social et de 35,1 % dans le parc privé.

Près de 60 % des Français sont éligibles à un logement social. Ils sont 10 millions à être touchés par la crise du logement, dont 3,5 millions souffrent de mal-logement.

On ne peut pas laisser les inégalités sociales s’incruster dans nos territoires. C’est la raison pour laquelle nous défendons l’application, dans tous les territoires, de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui produit des effets, même si ses résultats restent insuffisants au regard des besoins des Français. Ainsi, le nombre de logements sociaux réalisés est passé de 87 000 entre 2002 et 2004 à 140 000 entre 2011 et 2013.

Par conséquent, le groupe socialiste s’opposera à toute mesure qui ira à l’encontre de la loi SRU – il y en a parmi les amendements déposés sur l’article 15 ter C. Il a également, dans cet esprit, déposé deux amendements visant à supprimer les dispositions adoptées par la commission des lois.

M. le président. L'amendement n° 292, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, présenté en séance par le Gouvernement.

Il prévoit l’ouverture d’un délai de trois ans avant que ne soit opéré le prélèvement dû pour non-respect du taux légal de logement social locatif, au bénéfice des communes soumises à ce taux depuis le 1er janvier 2014.

En obligeant à des groupements intercommunaux de grande ampleur, ce projet de loi a pour conséquence directe de soumettre plus de collectivités au respect des obligations définies par la loi SRU. Il s'agit là d’un des effets non attendus du texte.

À nos yeux, la disposition qui prévoit un délai d’acclimatation de trois années pour les collectivités nouvellement soumises au respect de la loi SRU ne se justifie pas, car ce que pénalise la loi SRU, ce n’est pas seulement le non-respect du pourcentage de logements sociaux sur le territoire communal ; c’est également l’absence d’efforts pour l’atteindre.

Dans cette mesure, nous considérons que la facilité accordée n’est pas justifiée et que le délai consenti est trop important.

Revenons sur le fond des choses : aujourd'hui, les difficultés importantes et réelles des communes pour respecter les obligations légales ne nécessitent ni délai supplémentaire ni adaptations de la loi SRU, déjà largement assouplie. Bien au contraire, elles exigent de la puissance publique un effort pour rehausser le niveau des aides à la pierre, lequel baisse chaque année de manière dramatique, alors même que la crise du logement, plus particulièrement du logement accessible, atteint des sommets.

Il faut également rappeler que le prélèvement sur les communes ne respectant pas le taux légal de logements sociaux n’est pas forcément une pénalité, mais constitue aussi un élément de solidarité et de péréquation. Il n’y a donc pas de raison d’en exempter certaines communes. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Cette suppression est d’autant plus nécessaire que la commission a largement aggravé ce dispositif lors de l’examen du texte et ouvert une brèche majeure dans la loi SRU, que les élus de droite cherchent farouchement à remettre en cause.

Ainsi, le premier des deux amendements adoptés vise à substituer la notion d’unité urbaine à celle d’agglomération pour déterminer les conditions d’implantation d’une commune déclenchant sa soumission au taux légal de 25 % de logements sociaux. Une telle disposition réduit très largement le périmètre d’application de la loi SRU.

Le second amendement est encore plus grave : il tend à reporter de 2025 à 2034 la réalisation de l’objectif légal.

Nous le voyons bien, dès qu’une brèche est ouverte, tous s’y engouffrent pour vider la loi SRU de sa substance. Pour notre part, nous considérons au contraire qu’un maximum de communes doivent être soumises aux obligations légales pour répondre aux exigences de mixité sociale et d’accès au logement de l’ensemble de nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Cet amendement de suppression est incompatible avec la position de la commission : l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite la suppression des dispositions ajoutées à l’article 15 ter C par la commission des lois.

Ces dispositions remettent en effet en cause le dispositif créé par l’article 55 de la loi SRU en restreignant excessivement le champ des communes soumises à cet article et en reculant de neuf ans le calendrier de réalisation des logements sociaux par les communes ne respectant pas le taux de logements sociaux fixé par la loi SRU.

En revanche, le Gouvernement souhaiterait conserver les dispositions qui prennent en compte les cas particuliers de certaines communes entrant dans le champ de l’article 55 de la loi SRU en raison de la refonte de la carte intercommunale ou de la création d’une commune nouvelle, afin de les exonérer de prélèvements financiers pendant trois ans.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Favier, je vous propose de bien vouloir retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 696 du Gouvernement.

M. le président. Monsieur Favier, l'amendement n° 292 est-il maintenu ?

M. Christian Favier. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Ancien maire de Roubaix ayant, dans le cadre de la communauté urbaine de Lille, mis en place le plan local de l’habitat communautaire, je m’abstiendrai sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 292.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 193 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 139
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 417 rectifié n'est pas soutenu.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 809, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 5

1° Après les mots :

du fait

insérer les mots :

de la création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles deviennent membres,

2° Remplacer le mot :

trois

par le mot :

neuf

Veuillez poursuivre, monsieur le corapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 696, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéas 6 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Le Gouvernement a déposé l’amendement visant à insérer l’article 15 ter C en première lecture, à l’Assemblée nationale, afin de prendre en compte le cas particulier de certaines communes entrant dans le champ de l’article 55 de la loi SRU en raison de la refonte de la carte intercommunale ou d’une fusion de communes.

En revanche, le Gouvernement est opposé aux mesures générales introduites à l’alinéa 3, ainsi qu’aux alinéas 6 à 8 ajoutés lors de l’examen du texte en commission des lois au Sénat.

L’alinéa 3 exclut du champ de l’article 55 de la loi SRU les communes devenant éligibles en raison de leur appartenance à un EPCI de plus de 50 000 habitants, ce qui déséquilibre le dispositif de la loi SRU.

En outre, la notion d’unité urbaine n’est pas adaptée pour garantir l’application des dispositions de la loi dans de bonnes conditions.

Les alinéas 6 à 8 repoussent de neuf ans – de 2025 à 2034 – l’objectif de construction de logements sociaux fixé aux communes pour atteindre, selon les cas, le taux de 20 % ou de 25 % de logements sociaux.

Ces dispositions remettent en cause le calendrier de rattrapage des logements sociaux à un moment où le Gouvernement s’attache, comme l’a très bien dit Michel Delebarre, à renforcer les dispositions de la loi SRU dans le cadre du Comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté et à favoriser la production supplémentaire de logements sociaux dont notre pays a bien besoin.

M. le président. L'amendement n° 626, présenté par MM. Delebarre, Kaltenbach, Botrel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Michel Delebarre.

M. Michel Delebarre. Lors de l’examen de cet article en commission, la droite sénatoriale a remplacé la notion d’agglomération ou d’EPCI à fiscalité propre par la notion d’unité urbaine pour identifier les communes soumises à l’obligation de réalisation de 25 % de logements sociaux.

Il s’agit d’une forme de manipulation ayant pour effet de restreindre le champ de la loi SRU et de soustraire des communes à l’obligation de réaliser des logements sociaux.

Le groupe socialiste demande la suppression de la disposition votée en commission. Si l’on veut répondre à la demande de logements dans les régions les plus tendues, l’effort de solidarité doit en effet être porté par le plus grand nombre de communes.

M. le président. L'amendement n° 625 rectifié, présenté par MM. Delebarre, Kaltenbach, Botrel, Camani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Cet amendement tend à revenir sur le report à 2034, contre 2025, de l’obligation de réaliser des logements sociaux, voté en commission.

La demande en logement social est importante. Il s’agit d’une réalité à laquelle nous devons répondre par la construction de logements adaptés aux besoins des Français.

Pour accélérer le rythme de cette construction, la loi du 18 janvier 2013 renforce les exigences de production de logements sociaux : celle-ci est désormais portée à 25 % à l’échéance 2025 et les pénalités applicables aux communes refusant d’accueillir les ménages aux revenus modestes sont multipliées par cinq.

Beaucoup de villes sont encore en deçà du seuil de 25 %, voire de 20 %. Certaines font des efforts, d’autres pas du tout.

Pour faire face à l’urgence sociale et accélérer le développement du parc social dans les communes qui, volontairement, ne respectent pas leurs obligations de production, la ministre du logement a récemment demandé aux préfets de renforcer la mobilisation des outils liés aux arrêtés de carence : droit de préemption et reprise de l’instruction des permis de construire suspendus à la suite des élections municipales de 2014.

Le report à 2034 des délais de mise en œuvre du seuil de 25 % de logement sociaux, voté par la majorité sénatoriale, est contraire non seulement à l’objectif de recréer un équilibre social dans chaque territoire et d’éviter la concentration des logements sociaux sur les mêmes communes, mais aussi à l’attente légitime des Français de pouvoir accéder à un logement digne et abordable.

Le groupe socialiste demande le rétablissement de l’échéance de 2025 pour mener à bien les objectifs de réalisation de logements sociaux sur tous les territoires. (M. Philippe Kaltenbach applaudit.)

MM. Michel Delebarre et René Vandierendonck. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 696, 626 et 625 rectifié.

Depuis que je connais la loi SRU, que je n’ai probablement – voire certainement – pas votée (Sourires.), j’ai compris qu’y toucher revient, d’une manière ou d’une autre, à ouvrir toutes les portes.

J’ai toujours pensé que la politique du bâton ne permettait pas de progresser et que seules les politiques locales étaient à même d’apporter des solutions. Mais c’est un point de vue personnel !

On peut toujours fixer des règles, il est certains endroits où les objectifs de réalisation de logements sociaux ne seront pas atteints, tout simplement parce qu’il n’y en pas besoin. En revanche, là où les besoins existent, il est très difficile de faire construire ces logements. Les élus – quelle que soit leur couleur politique, monsieur le secrétaire d’État – sont bien souvent d’accord pour construire des logements sociaux... chez le voisin !

La commission était favorable à l’amendement n° 417 rectifié, qu’elle a repris et qui est de ce fait devenu l’amendement n° 809.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 809, 626 et 625 rectifié ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 809, mais très favorable aux amendements nos 626 et 625 rectifié déposés par M. Michel Delebarre.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Avec d’autres sénateurs des Yvelines, j’ai signé l’amendement devenu l’alinéa 3 de l’article 15 ter C du texte de la commission. J’entends parler de manipulation. Pas du tout, monsieur Delebarre, c’est une position assumée !

Le département des Yvelines compte des communes de 1 500 à 2 000 habitants – quelquefois à peine plus de 1 500 habitants -, qui se voient aujourd'hui, en vertu des différentes lois territoriales, agrégées à de grandes communautés d’agglomération. Or ces communes ne sont pas très éloignées de grands centres urbains, tels que Mantes-la-Jolie, Poissy, Les Mureaux, pour ne pas les citer, dans lesquels les logements sociaux représentent 40 %, 50 %, et même 60 % de l’ensemble des logements. Effectivement, il n’y a pas là de mixité sociale.

Ces petites communes rurales devenant éligibles à la loi SRU par le simple fait qu’elles sont intégrées dans ces agglomérations n’ont pas programmé un tel plan. Leur pourcentage de logements sociaux est très faible : l’une a transformé une grange, l’autre un ancien bâtiment agricole et, au bout du compte, elles ne disposent chacune que de trois, quatre, peut-être dix logements sociaux. Or c’est déjà un acte fort des maires que d’arriver à implanter des logements sociaux dans des villages qui, loin d’être compacts, sont constitués de plusieurs hameaux éloignés les uns des autres et du centre-ville.

Et ce sont ces mêmes petites communes rurales que nous allons charger d’accueillir des personnes en situation sociale parfois difficile, qui n’auront pas de moyen de transport individuel et qui seront éloignées des services de l’emploi comme des services sociaux… Autrement dit, aux difficultés sociales viendront s’ajouter, pour ces personnes, des difficultés géographiques !

Cet amendement, adopté par la commission des lois, a donc pour objet d’exclure ces communes, qui ne sont pas reconnues par l’INSEE dans l’aire urbaine de Paris, du champ de l’obligation légale de 25 % de logements sociaux. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends pas comment vous pouvez soutenir que l’aire urbaine de Paris ne suffit pas à définir dans de bonnes conditions l’éligibilité des communes : quand il s’agit de l’éligibilité à la loi SRU, vous n’hésitez pas à vous fonder sur cet indicateur !

Monsieur Delebarre, ce dispositif, nous l’avons voulu et nous l’assumons. Nous visons ces communes rurales qui, parfois dispersées entre plusieurs hameaux, n’ont ni transports ni services publics de qualité – je pense à l’emploi et à l’action sociale - et qui se trouvent aujourd'hui confrontées à des pénalités insupportables, notamment compte tenu de la baisse des dotations de l’État.

Tel est l’objet de cet amendement, qui n’est pas une manipulation : il résulte de l’observation de la réalité du terrain.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Je m’exprime ici non pas en tant que rapporteur, mais comme un sénateur sans importance (Sourires.) qui a eu la chance de travailler auprès de Pierre Mauroy, en tant que conseiller délégué chargé de ces questions dans une communauté urbaine à dominante rurale, puisque 50 % de son territoire est rural et qu’elle compte 85 communes.

Il peut être intéressant de savoir comment Pierre Mauroy gérait le problème, d’autant qu’il était directement à l’origine de ces textes.

Pierre Mauroy m’avait dit, dès le début, que l’une des plus belles dispositions de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen était pour lui la deuxième phrase de son article VI, s’agissant de la loi : « Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Fort de ce principe, il avait réuni l’ensemble des communes, pour les rassurer. Elles n’allaient pas, bien sûr, construire tous les logements sociaux requis du jour au lendemain, mais, en attendant d’avoir satisfait à leur obligation, elles devraient assumer les pénalités, que la communauté urbaine allait leur rembourser grâce à une majoration de la dotation de solidarité communautaire, et ce quelle que soit la couleur politique des élus, parce qu’ils étaient l’émanation du suffrage universel direct. Et Pierre Mauroy s’engageait à accompagner ces maires dans leur projet de territoire et à les aider, dans le temps nécessaire à la maîtrise du foncier, à produire du logement social.

Bien sûr, le logement social suscitait de grandes peurs ! Cependant, petit à petit, les maires commençaient à comprendre que la communauté urbaine, loin d’être une machine à injonctions et à interdiction, avait vocation à accompagner les projets, dans le respect du suffrage universel direct, indépendamment de la couleur politique des uns et des autres.

Eh bien, vous pouvez me croire, cela avait de l’allure !

Quand le maire établissait la liste des personnes éligibles au logement social, il constatait que près de 80 % des demandeurs étaient déjà des habitants de sa commune. J’étais fier de servir ce président de communauté urbaine.

Je vous livre ce simple témoignage, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Grand. Il n’y avait pas la loi DALO !

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Monsieur le président, je note que nos collègues de la majorité sénatoriale – UMP et UDI-UC - veulent marquer une différence.

S’agissant de quelques communes situées en périphérie urbaine, c’est un débat que l’on peut traiter autrement.

Pour ce qui concerne la disposition tendant à étaler encore plus dans le temps la réalisation de l’objectif des 25 %, j’observe simplement qu’elle est à l’opposé de ce qu’ont fait les mêmes familles politiques lorsqu’elles ont été au gouvernement pendant dix ans.

C’est une façon pour moi de leur rendre hommage. En effet, chers collègues, quand vos familles politiques ont été aux responsabilités entre 2002 et 2012, il n’a pas manqué d’initiatives pour ébrécher voire supprimer complètement cette disposition. Pourtant, tous les gouvernements successifs ont résisté à ces sollicitations et ont finalement été suivis par leur majorité.

Je veux donc croire qu’il s’agit d’un moment du débat, l’occasion d’une libération de la parole, mais que l’on en viendra à des positions plus convergentes.

En revanche, en reprenant l’exemple rapporté par René Vandierendonck, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur une incohérence du dispositif en place depuis 2000, c'est-à-dire depuis la première version de la loi SRU.

Cette loi permet de rendre communautaires les objectifs. Ainsi, si l’ensemble des communes intéressées sont d’accord pour assumer de façon solidaire l’objectif des 25 %, la loi le prévoit. Une commune peut faire plus, en remplacement d’une commune qui rencontre des difficultés. Simplement, la loi ne prévoit pas pour autant la fin de la pénalité…

Dans l’exemple cité par René Vandierendonck, la communauté urbaine, par un arrangement comptable probablement assez créatif, avait choisi de rembourser cette pénalité aux communes concernées, c'est-à-dire de l’effacer. Il me paraîtrait plus logique, dans le cas où un accord communautaire pour le partage de l’objectif a été conclu, en cohérence avec le développement des PLH, les programmes locaux de l’habitat, de supprimer la pénalité de la commune concernée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Ce qui est un peu pénible, au sujet de l’article 55 de la loi SRU, c’est que, à chaque fois que nous en débattons, c’est soit tout blanc, soit tout noir. Soit vous êtes absolument d’accord avec la loi SRU d’origine, bien que ce soit plutôt la modification introduite depuis qui soit en cause, à savoir le seuil des 25 % à l’horizon 2025, et vous choisissez de ne rien dire. Vous faites alors partie des gens respectueux des valeurs de la République et soucieux des plus défavorisés. Soit vous décidez de plaider des points de vue raisonnables, et vous êtes montré du doigt, ce qui est tout de même assez désagréable.

Selon moi, Sophie Primas a tout à fait raison de soulever la question, et je comprends qu’elle défende ce point de vue.

Je suis un élu de Seine-Saint-Denis, où la question, en termes de mixité sociale, est plutôt de savoir comment empêcher les classes moyennes de fuir. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Telle est la vérité. Pourtant, la règle est exactement la même.

René Vandierendonck nous dit, citant Pierre Mauroy et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que la loi doit être la même pour tous. Mais, quand il s’est agi des intercommunalités et du seuil de 20 000 habitants, dont nous avons débattu pendant un certain temps, notre collègue est venu nous expliquer qu’il fallait tenir compte des spécificités des territoires…

Pour ma part, je suis également de ceux qui pensent qu’on doit tenir compte des spécificités.

Au mois de juin prochain, cela fera vingt ans que je suis maire. J’ai pris la ville au parti socialiste, à une époque où elle comptait 7 % de logements sociaux. Elle en a 14 % aujourd'hui. J’ai toujours respecté mes engagements triennaux, j’ai même fait le double. Mais, comme je l’avais dit à l’époque à Mme Duflot, l’objectif de 2025 et le relèvement du seuil de 20 % à 25 % de logements sociaux vont me mettre dans le mur ! En effet, sur mes deux dernières périodes triennales, je serai incapable de produire 500 ou 600 logements sociaux.

Pourriez-vous simplement l’entendre et accepter l’idée que nous nous mettions autour d’une table, pour voir comment on peut adapter la loi, en fonction de la nature du territoire et de la bonne volonté des élus ? Souvent, on ne fait pas le tri entre les communes qui sont l’objet d’un constat de carence – elles ne sont pas très nombreuses –, et les autres. La plupart sont soumises au prélèvement mais respectent la quasi-totalité de leurs obligations. Pourtant, on met tout le monde dans le même sac et nous sommes tous montrés du doigt ! C’est pénible, mes chers collègues !

En définitive, j’aimerais que l’on remette la question sur la table et que l’on essaie de s’adapter. À mon avis, la loi, telle qu’elle a été modifiée par Mme Duflot, rend les choses impossibles pour nombre de communes, ce qui n’est pas juste non plus ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Je n’ai pas eu la chance d’être le collaborateur de Pierre Mauroy, je l’avoue, mais j’ai eu le bonheur de recevoir le président Mitterrand, venu rendre hommage à ma politique sociale, ce qui m’a permis d’être réélu confortablement. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Grâce au président Mitterrand ? Je l’ignorais ! (Sourires.)