Mme Laurence Cohen. Notre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a évoqué la question spécifique de la santé des femmes, notamment dans le rapport présenté par Françoise Laborde. Nous avons souligné que, si cette spécificité portait bien évidemment sur les questions de contraception et d’interruption volontaire de grossesse, elle concernait également les questions relatives à la ménopause et les conséquences des violences faites aux femmes.

Le groupe communiste, républicain et citoyen estime qu’il est extrêmement important d’introduire dans le parcours du développement professionnel pluriannuel des modules de formation sur la santé des femmes. Cette problématique, qui n’est pas suffisamment prise en compte, doit être mise en exergue.

Des études récentes montrent d’ailleurs que les femmes sont aussi très touchées par les maladies cardio-vasculaires. La question mérite donc vraiment réflexion, car il faut pouvoir apporter aux médecins une formation complémentaire sur cette question spécifique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ma chère collègue, l’ensemble de la commission est sensible au sujet que vous évoquez. Nous avons d’ailleurs déjà eu un débat sur les données sexuées, que vos contributions ont enrichi.

Cependant, mon avis, que vous estimerez certainement décevant, sera le même que sur les autres sujets déjà abordés. Si la question que vous soulevez est, bien sûr, éminemment importante, on ne peut cependant pas tout écrire dans la loi. Votre amendement relève du domaine réglementaire. Mme la secrétaire d'État nous indiquera si une attention plus particulière sera portée à la santé des femmes, l’année prochaine, dans les formations.

Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En ce qui concerne la série d’amendements que nous examinons, relatifs au handicap, à la précarité et maintenant aux femmes, je suis vraiment la bonne personne pour défendre aujourd’hui la position du Gouvernement ! Car ces thèmes, qui me tiennent à cœur, je ne cesse de les défendre.

Le Gouvernement veut vraiment améliorer la formation des professionnels de santé sur ces questions, en particulier sur les violences faites aux femmes. Telle est la volonté de la ministre de la santé, qui est également la ministre des droits des femmes. Elle a d’ailleurs annoncé ce matin même la mise en place d’un numéro vert pour informer tous ceux qui le souhaitent, notamment les femmes et les jeunes filles, sur la contraception et l’IVG. Toutes les mesures prises depuis trois ans vont dans le même sens, celui d’une meilleure information, à la fois sur la contraception et sur les violences faites aux femmes.

Néanmoins, ma réponse sera la même que celle que j’ai déjà donnée sur les autres sujets : la santé des femmes fera partie des thèmes prioritaires du DPC dans l’arrêté qui sera publié prochainement. Ce thème ne sera pas réduit à l’interruption volontaire de grossesse, à la contraception ou aux violences faites aux femmes.

Comme vous l’avez très bien dit, madame la sénatrice, la santé des femmes est un thème plus global. En effet – il faut être réaliste –, durant des années, l’enseignement en matière de santé, en particulier à destination des professions médicales, a été conçu par des hommes et pour les hommes. De nombreuses études cliniques ont été conduites uniquement sur un public masculin, car on considérait probablement que les conclusions devaient être les mêmes pour les femmes.

De façon plus globale, la médecine, elle aussi, a été conçue par les hommes et pour les hommes. Il est donc extrêmement important qu’il y ait maintenant un « rattrapage » sur la question de la santé des femmes.

C’est la raison pour laquelle Marisol Touraine a retenu ce thème parmi les questions prioritaires, notamment pour ce qui est des maladies cardio-vasculaires, mais aussi des cancers. Toutes ces questions ont besoin d’être actualisées. Je pense également aux maladies professionnelles : pendant longtemps, on s’est intéressé à celles qui touchaient essentiellement la population masculine. Il faut maintenant se pencher sur celles qui concernent les femmes, puisqu’il y a encore des métiers féminins.

Tous ces points seront donc traités prioritairement dans le cadre plus global de la santé des femmes. C’est la raison pour laquelle l’avis sera défavorable, même si le Gouvernement travaille bien évidemment dans le sens souhaité par les auteurs de cet amendement.

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 767 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d'État, pour vous avoir croisée en d’autres occasions, je n’ai pas de doute sur votre engagement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous maintiendrons néanmoins notre amendement parce que, comme vous l’avez souligné, un rattrapage doit être effectué.

Alors que la médecine a longtemps été faite par les hommes et pour les hommes, il me paraît symbolique que notre préoccupation soit inscrite dans la loi. Nous avons d’ailleurs maintenu d’autres amendements afin de montrer l’importance de faire figurer dans la loi les sujets que nous estimons importants, notamment la formation professionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 767.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1081, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il encourage les professionnels de santé à informer et à préserver leurs patients des risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement et des conditions de vie susceptibles de l’altérer.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement converge avec l’amendement n° 1080 que je viens de défendre : il s’agit de promouvoir des actions en matière de santé environnementale. Pour ne pas reprendre les mêmes arguments, je me contenterai de citer deux exemples, l’un pris dans la vie professionnelle et l’autre dans la vie quotidienne.

Dans le milieu professionnel, si une femme en âge de procréer est salariée dans une usine de solvants, elle pourra, si elle est bien informée par son médecin et avec le consentement de son employeur, être tenue à l’écart des postes où sont manipulés les éthers de glycol. Nous éviterons ainsi des détresses et des drames personnels, avec des enfants nés de sexe indéterminé ou des désordres dans la fabrication de l’appareil urogénital, et économiserons beaucoup d’argent.

Dans la vie quotidienne, on s’aperçoit, par exemple, que des familles d’agriculteurs sont victimes des drames que je viens de citer en raison de l’utilisation de certains pesticides. Sachez aussi qu’on rencontre ces troubles de la reproduction chez un nombre significatif de personnes végétariennes. Elles souhaitent adopter une meilleure hygiène de vie en mangeant moins de viande, mais, si elles ne s’alimentent pas avec des légumes biologiques, elles reçoivent une charge de pesticides incroyablement supérieure à celle d’une personne qui aurait une alimentation plus variée.

Un médecin bien formé pourra donner des conseils de base qui permettront d’éviter des drames aux répercussions financières coûteuses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ma chère collègue, je vous remercie de nous rappeler que, dans certains métiers, l’exposition aux dangers pour la santé peut être très forte. Pour mémoire, l’une des premières fois où les femmes ont été exposées à un produit nocif pour leur santé était lorsqu’elles manipulaient des aiguilles pour les placer dans les horloges, car ces aiguilles étaient trempées dans du radium.

Il faut donc être attentif à l’environnement dans lequel le travail est effectué. Les tâches, les outils et les matériaux évoluent sans cesse, avec le risque que de nouvelles maladies apparaissent. Nous devons y prêter une attention de tous les jours.

Néanmoins, je vous demanderai de retirer votre amendement ; sinon, la commission y sera défavorable. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, tout ne peut pas figurer dans l’article 28, que la commission estime très équilibré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. L’avis est également défavorable, pour les raisons que j’exposais précédemment. C’est une priorité du Gouvernement qui sera inscrite parmi les thèmes prioritaires du DPC dans l’arrêté qui sera bientôt publié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1081.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1141, présenté par M. Pellevat, n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 528, présenté par Mmes D. Gillot et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer les mots :

, à la dimension scientifique du

par le mot :

au

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à donner de la latitude aux universités pour intervenir dans le développement de la formation continue des professionnels de santé, que ce soit d’un point de vue scientifique, pédagogique ou méthodologique.

La formation initiale des professions de santé, dans laquelle l’université joue un rôle majeur, repose sur des référentiels de compétences qui procurent aux diplômés une qualification pour l’exercice de leur profession.

Les progrès constants en matière de santé imposent que les professionnels de santé puissent en permanence se requalifier pour pouvoir exercer leur métier dans les meilleures conditions. C'est d’ailleurs l’objet de la formation continue des médecins diplômés.

L’université a aussi, par son expertise pédagogique, toute sa place en matière de DPC. Cette expertise évolutive, créatrice de dynamiques et de partage des connaissances, ne peut être limitée à la seule dimension scientifique. Sa participation permet, par ailleurs, d’établir un continuum entre formation initiale et DPC, partie intégrée de la formation continue indispensable.

Par ailleurs, les innovations pédagogiques qui y sont développées, comme les plateformes d’échanges, les enseignements numériques, le développement de simulateurs ou la pédagogie inversée, lui permettent de contribuer au DPC, aussi bien pour la requalification des connaissances que pour les évaluations des pratiques professionnelles.

Cet amendement permet d’associer l’université dans toute sa dimension au développement de la formation des professionnels.

M. le président. L'amendement n° 769, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après les mots :

dimension scientifique

insérer les mots :

et psychologique

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. La discussion qui a eu lieu à l’article 26 bis B, à propos de plusieurs amendements identiques des groupes socialiste, écologiste et du nôtre, le groupe CRC, visant réintroduire la dimension psychologique dans le projet d’établissement, est tout à fait significative. Nous nous réjouissons que, malgré l’avis défavorable donné par la majorité de la commission des affaires sociales, cette idée ait pu l’emporter et que l’article 26 bis B ait été rétabli.

L’intervention de Marisol Touraine allait d’ailleurs en ce sens. Elle a indiqué que « jusqu’à l’adoption de la loi HPST, la psychologie était spécifiquement identifiée comme contribuant au projet de l’hôpital. La suppression de cette mention en 2009 a abouti à un déclassement de fait de la reconnaissance accordée à ces professionnels et à l’accompagnement qu’ils assurent. »

Cette constatation rend d’autant plus incompréhensible le fait que ce projet de loi n’aborde qu’à la marge la psychologie en tant que discipline et, pire, ne donne ou ne redonne pas à cette occasion un statut aux psychologues.

À l’heure où, dans notre société, la dimension psychologique est centrale dans l’explication et l’analyse du comportement d’une personne, à l’heure où suivre une psychothérapie n’apparaît plus comme un sujet tabou, il est paradoxal de constater tant de résistances à la reconnaissance du travail des psychologues !

Devant ces faiblesses et ces manques criants, il est indispensable, quel que soit le suivi médical, de prendre en compte la dimension psychologique du patient, car, on le sait, il existe des imbrications très subtiles et fondamentales entre le corps et la psyché.

Aussi pensons-nous que, lors de leur formation, les professionnels de santé doivent impérativement être sensibilisés à cette discipline relevant des sciences humaines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Alors que la loi HPST ne la prévoyait pas, la participation de l’université a justement été introduite dans ce projet de loi - on entend bien par là son expertise pédagogique et le lien essentiel entre formation initiale et formation continue. C'est un point à noter, car la participation de l’université est une notion très importante.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement présenté par Mme Gillot, parce qu’il nous a semblé important d’élargir la participation de l’université au développement professionnel continu, au-delà de la seule dimension scientifique.

En revanche, elle est défavorable à l’amendement de Mme Cohen, qui vise à introduire la notion de « dimension psychologique » à l’alinéa 16 de l’article 28.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. L’avis est le même que celui de la commission en ce qui concerne l’amendement n° 528, qui vise à appréhender de façon globale le rôle de l’université dans les formations, via le DPC. Le rôle de l’université dépasse effectivement la seule dimension scientifique.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

En ce qui concerne le second amendement, il est évidemment crucial, pour un professionnel de santé, de tenir compte de la dimension psychologique de la prise en charge d’un patient. Il convient donc que les professionnels de santé puissent travailler sur ce domaine au cours de leur formation, tant initiale que continue. C’est pourquoi des programmes de DPC peuvent intégrer cette dimension.

Toutefois, je le redis, on n’inscrit pas dans la loi toutes les composantes que devra contenir la formation.

En outre, si votre amendement était adopté, madame la sénatrice, la dimension psychologique de la formation médicale semblerait relever de la seule compétence de l’université. Or c’est l’ensemble des professionnels de la formation qui doivent la prendre en compte.

C’est pourquoi mon avis est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je ne suis pas convaincue par les arguments de Mme la secrétaire d’État.

Néanmoins, je vais retirer mon amendement, pour une autre raison. En effet, l’amendement n° 528 tend à rédiger de manière plus large l’alinéa 16 de l’article 28, qui disposera que « l'université participe, par son expertise pédagogique dans le domaine de la formation initiale et continue des professionnels de santé, au développement professionnel continu ». Dans la mesure où cet amendement a fait l’objet d’un avis favorable, il serait absurde d’ajouter la dimension psychologique au contenu de cette formation, d’où mon retrait.

J’espère toutefois que mon intervention concernant la prise en compte de la dimension psychologique et le statut des psychologues – ce n’est pas la première en ce domaine – trouvera un écho à l’occasion d’un autre véhicule législatif, puisque ce n’est jamais le bon… Je souhaite ainsi qu’il y ait très prochainement une réforme digne de ce nom et allant dans l’intérêt des professionnels de santé, notamment des psychologues.

Je retire donc l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 769 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 528.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 202 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Guérini, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 17, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les professionnels de santé déclarent avoir satisfait leur obligation de développement professionnel continu près des instances ordinales pour les professionnels de santé relevant d'un ordre professionnel, et pour les autres professionnels de santé aux employeurs et aux autorités compétentes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, dans la mesure où la Haute Assemblée a adopté précédemment l’amendement n° 201 rectifié, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 202 rectifié est retiré.

L'amendement n° 764, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Le nombre d’heures minimales de formation est dispensé.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. La formation professionnelle continue en santé constitue pour nous un élément clef de la qualité des soins dispensés.

Des professionnels bien formés, ouverts tant aux traitements et de protocoles de santé disponibles qu’à la spécificité des conditions sanitaires de la population ainsi qu’aux attentes des patients, sans oublier la connaissance de l’environnement pluridisciplinaire dans lequel ils agissent : voilà sans doute ce que nous devons viser.

Or le présent projet de loi nous semble, à cet égard, très en deçà des besoins, car, s’inscrivant dans le cadre des contraintes financières actuelles, il invite en conclusion à adapter le dispositif en passant d’une obligation annuelle de formation continue à une obligation triennale. En outre, il n’intègre pas d’évaluation suffisante des dispositifs ni de système de sanctions.

Il n’y a donc pas assez de garantie, selon nous, de l’effectivité de cette obligation de formation continue des professionnels de santé. On peut se demander si ce projet de loi répond vraiment au rapport de l’IGAS sur ce sujet. On peut en effet lire dans ce document qu’il peut arriver, dans le système actuel, qu’un professionnel de santé ne suive que quelques heures de formation continue, sans rapport avec sa profession.

Il ne semble donc pas certain que ce projet de loi améliore réellement les choses. Dans ce contexte, il nous paraît important de préciser la consistance et le nombre d’heures de stage et de formation suivies par le professionnel de santé, afin d’appréhender réellement les efforts accomplis.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, j’entends bien votre souhait de fixer un nombre minimal d’heures de formation. Toutefois la quantité est-elle facteur de qualité ? Je n’en suis pas sûre…En outre, fixer dans la loi le nombre minimal d’heures de formation me semble aller très loin.

Je veux par ailleurs vous rappeler que le texte souligne le rôle pivot, central, des conseils nationaux professionnels, lesquels définiront le parcours pluriannuel du DPC. En outre, l’ensemble des actions sera à retracer dans un document, le « portfolio », dont j’ai précédemment indiqué la raison d’être. La traçabilité de la qualité et de la réalité des heures de formation sera donc bien assurée.

C’est pourquoi la commission vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement est du même avis que la commission.

En effet, dans la définition du DPC par le présent projet de loi la nécessité pour les conseils nationaux professionnels de travailler à la conception du parcours de DPC qui soit adaptée et fonction des besoins de chaque profession est bien prévue.

On ne peut considérer que les besoins sont identiques pour tous les types d’exercice : un professionnel libéral n’est pas dans la même situation qu’un professionnel exerçant dans un établissement. En outre, il existe des différences énormes selon les spécialités, en raison de l’évolution différenciée des découvertes en médecine. On ne peut prévoir les mêmes obligations pour une spécialité n’ayant pas connu de découverte récente que pour, par exemple, la cancérologie, où les choses évoluent très vite actuellement.

Il existe donc manifestement des besoins variables selon les évolutions de la recherche.

En outre, il faut faire confiance à ces conseils nationaux professionnels et aux professionnels de santé eux-mêmes. Ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins de formation. Je vous signale d’ailleurs qu’une concertation est en cours avec les CNP pour définir le parcours minimal de DPC permettant au professionnel de satisfaire à son obligation de formation.

Introduire cet élément dans la loi rigidifierait donc le système sans garantie d’efficacité, parce que le minimum d’heures prévu ne garantira pas que les professionnels seront formés dans le domaine pertinent.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. Dominique Watrin. Je maintiens l’amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 764.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié.

(L'article 28 est adopté.)

Article 28 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 28 bis A

Articles additionnels après l’article 28

M. le président. L'amendement n° 431, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :

Après l’article 28

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 4113–13 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4113–13–... ainsi rédigé :

« Art. L. 4113–13–... - Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître lorsqu'ils s'expriment sur de tels produits lors d’un enseignement universitaire, d'une action de formation continue, d'éducation thérapeutique, dans un livre ou sur internet.

« L'information du public sur l'existence de ces liens est faite au début de la présentation de ce professionnel, par écrit lorsqu'il s'agit d'un livre ou d’un article diffusé sur internet, par écrit ou oralement lorsqu'il s'agit d’un cours universitaire, d'une action de formation continue ou d'éducation thérapeutique.

« Les manquements aux règles mentionnées au deuxième alinéa sont punis de sanctions prononcées par l'ordre professionnel compétent. »

La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici la cinquième tentative en vingt ans de réforme de la formation médicale continue : ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, dite « ordonnance Juppé », loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » et, aujourd’hui, l’article 28 du présent projet de loi.

La multiplication des réformes prouve en elle-même que le système ne fonctionne pas. Vous le savez d’ailleurs mieux que quiconque, madame la secrétaire d’État, puisque vous disposez depuis un an du rapport de l’IGAS commandé par Marisol Touraine, qui explique pourquoi la loi ne réglera pas le problème. Ce rapport indique notamment que les crédits inscrits au budget de l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu, l’OGDPC, « ne sont pas à la hauteur d’une formation continue dispensée à l’ensemble des personnels de santé du pays ».

L’IGAS chiffre ainsi à 565 millions d’euros le coût d’une formation généralisée ; or les ressources actuelles s’élèvent à 150 millions d’euros environ. La dotation de l’État a disparu depuis 2013 et la contribution de l’industrie pharmaceutique, de 120 millions d’euros environ, n’est plus versée à l’OGDPC, mais à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, qui opère une ponction avant reversement. Les syndicats médicaux sont d’ailleurs en colère et parlent de « hold-up ».

Ce n’est donc pas par un tour de passe-passe sémantique, consistant à renommer l’OGDPC « agence nationale du développement professionnel continu », ou ANDPC, que vous résoudrez le problème. Par conséquent, l’échec du DPC perdurera, à moins que vous ne nous annonciez la seule mesure susceptible d’y porter remède : les moyens d’un budget adéquat.

Autre conséquence : ici comme ailleurs, les firmes pharmaceutiques s’engouffrent et mettent la main sur le système – à travers les contrats d’orateurs, les cadeaux, les salles mises à disposition, les restaurants étoilés ou les congrès à Marrakech – pour promouvoir, hier, leur Vioxx, leur Mediator ou leur Isoméride et, aujourd’hui, la multitude de statines, d’antiagrégants hors de prix ou de nouveaux anticoagulants sans antidotes.

Tous ces produits sont promus par de soi-disant experts, véritables baudets à contrats et à conflits d’intérêts avec l’industrie. Mais pourquoi se gêneraient-ils, puisque vos propres services donnent l’exemple ? En effet, 39 % des vingt-huit membres du conseil de surveillance de l’OGDPC n’ont pas rempli leur déclaration publique d’intérêts obligatoire…

Puis-je vous suggérer une solution, madame la secrétaire d’État ? D’abord, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, reversez à l’ANDPC l’intégralité de la contribution qui lui est due au titre de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale. Ensuite, augmentez cette contribution pour doter suffisamment cet organisme. Pour finir, interdisez à l’industrie d’intervenir dans le DPC ; on y parlera enfin de médecine et de science et non plus de boîtes de comprimés à écouler.

Je sais que je rêve… Néanmoins, en attendant de telles mesures, madame la secrétaire d’État, remettons ensemble un peu de dignité dans ce mécanisme de la formation médicale continue. Ainsi, donnez un avis favorable sur mon amendement, bien modéré, visant à demander aux intervenants de fournir aux étudiants et aux médecins auxquels ils conseillent des traitements leur déclaration publique d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cher collègue, je ne dirai pas que nous rêvons avec vous, mais nous souhaiterions en effet que le monde de la science, du médicament et de la santé soit plus transparent.

Vous indiquez que l’IGAS met en évidence dans son rapport des insuffisances dans les déclarations d’intérêts des membres des commissions scientifiques indépendantes chargées du contrôle des formations offertes dans le cadre du DPC. Il est d’autant plus intéressant de le signaler au moment où nous évoquons ce sujet.

Néanmoins, pour les membres de ces commissions comme pour l’ensemble des professionnels de santé qui participent aux formations, les obligations de déclaration des liens d’intérêt existent déjà dans le code de la santé publique. Aussi l’amendement paraît-il satisfait ; en outre, bien que nul ne néglige la nécessité de l’indépendance de la formation des professionnels de santé, l’industrie y joue un rôle légitime.

Toutefois, nous admettons qu’il est nécessaire de traiter ce sujet et ce n’est pas au détour d’un article de projet de loi ou d’un amendement que nous pourrons changer les choses.

Nous vous demandons donc de retirer votre amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.