Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° 299 rectifié bis.

Mme Jacky Deromedi. L’article 35 se fonde sur la recherche de l’efficience, c’est-à-dire de l’évaluation médico-économique des stratégies diagnostiques et thérapeutiques dans le but d’établir des listes de médicaments à utiliser préférentiellement par les professionnels de santé.

L’objectif est louable, puisqu’il s’agit de réunir dans une même démarche l’amélioration des soins, la qualité des pratiques et le bon usage des médicaments sans sacrifier l’innovation. Forcément coûteuse, celle-ci participe d’une ambition que chacun peut faire sienne à condition de tenir compte des implications du dispositif.

Or il manque à cet article une ébauche de réponse aux questions que ne manqueront pas de poser les protagonistes de ce programme.

La HAS est investie d’une lourde mission : rédiger ou valider des stratégies diagnostiques et thérapeutiques, élaborer un guide des plus efficientes d’entre elles et établir des listes de médicaments de bon usage, après avis de l’Institut national du cancer dans le cas des médicaments anticancéreux.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, s’en est d’ailleurs inquiété : « La mise en place de ces fiches constituera une charge de travail conséquente pour la HAS », a-t-il déclaré.

Pourtant, la mission de la HAS ne s’arrêtera pas là. En toute logique, il lui faudra fournir régulièrement des mises à jour au fur et à mesure de l’arrivée de nouveaux traitements, classer les stratégies par catégorie ou indication, les décliner par ligne de traitement.

En effet, la stratégie de traitement d’un cancer du sein initial n’est pas la même que celle d’un cancer du sein métastasé. De même, l’évaluation médico-économique des stratégies pourra être différente entre la première et la énième ligne de traitement.

Par exemple, un patient atteint de sclérose en plaques peut répondre favorablement au traitement proposé ou y devenir réfractaire. Dans ce dernier cas, il faudra lui prescrire des médicaments plus coûteux, car plus récemment élaborés par l’industrie pharmaceutique.

Comment donc établir les classements attendus sans priver certains patients atteints d’une maladie grave – cancer, sclérose en plaques, polyarthrite, notamment – ou souffrant d’une maladie rare, de l’accès aux molécules innovantes, qui sont aussi les plus coûteuses ?

Personne ne peut imaginer l’introduction, comme au Royaume-Uni, de seuils de prise en charge ne permettant pas l’accès de l’ensemble de la population à des traitements de qualité. Les médicaments les moins chers y sont systématiquement choisis au détriment de l’efficacité et de la qualité des soins, cela étant particulièrement vrai pour les traitements les plus onéreux.

D’après l’étude d’impact, qui précise l’intention du Gouvernement, l’objectif est de fournir aux prescripteurs des outils réduisant les choix possibles parmi les médicaments présents sur le marché, notamment parmi les molécules les plus récentes et donc onéreuses.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 571.

M. Alain Vasselle. Je m’interroge également sur la pertinence de l’article 35. La HAS ayant déjà pour mission l’élaboration de fiches concernant l’utilisation des médicaments les plus efficients, cet article laisse à penser que la HAS ne va pas jusqu'au bout de sa compétence et ne fait pas son travail aussi correctement qu’il le faudrait.

Je souhaite donc que le Gouvernement clarifie le bénéfice attendu de l’introduction de cet article 35 en matière de qualité de soin et de choix des médicaments à l’initiative des professionnels de santé.

Je défends un amendement de repli visant à renvoyer à un décret en Conseil d’État une définition plus précise du périmètre d’action de la HAS.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l'amendement n° 584 rectifié ter.

M. Alain Houpert. Je défends le même amendement de repli. Nous aurions gagné du temps en votant les amendements de suppression des alinéas précédents !

La complexité de la mise en œuvre de ces listes préférentielles de médicaments soulève de nombreuses interrogations. J’estime donc préférable de nous en remettre à un décret en Conseil d’État qui préciserait les modalités d’application de cette disposition.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 250 rectifié bis est présenté par MM. Danesi et Commeinhes, Mme Duchêne, MM. Grand et Laménie, Mme Mélot et MM. de Raincourt, Reichardt, P. Leroy, Husson et Calvet.

L'amendement n° 581 rectifié bis est présenté par MM. Houpert, Saugey, Joyandet, Lefèvre, Charon, Guerriau et Cambon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Après le mot :

efficientes

insérer les mots :

évaluées en vie réelle

La parole est à M. René Danesi, pour présenter l'amendement n° 250 rectifié bis.

M. René Danesi. La mission d’évaluation de l’efficience des médicaments et technologies de santé a été confiée à la HAS par le décret du 2 octobre 2012. Réalisée par l’une de ses commissions, la CEESP, cette évaluation ne porte à ce jour que sur l’efficience prévisible, c’est-à-dire théorique, de quelques produits seulement. Or les conséquences à moyen et long terme de l’introduction d’une technologie dans l’éventail des biens et services remboursables sont souvent incertaines.

Cette incertitude peut porter sur différents paramètres : l’efficacité et la tolérance en situation clinique courante, les effets à moyen et long terme, les conditions réelles d’utilisation telles que la durée du traitement, la posologie, l’observance, le coût réel des médicaments et l’impact sur l’organisation des soins.

Le recueil des données en vie réelle est donc essentiel pour réduire l’incertitude entre ce que les essais cliniques ont laissé espérer et l’intérêt du produit dans la vraie vie.

L’amendement que je défends tend donc à imposer que le guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques repose sur des données d’efficience évaluées en vie réelle, et non sur les seules données extrapolées à partir des modélisations précédant la commercialisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l'amendement n° 581 rectifié bis.

M. Alain Houpert. Encore une fois, c’est quoi, l’efficience ? Je défends un amendement identique visant à privilégier les données d’efficience en vie réelle au détriment de données d’efficience hypothétique.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 251 rectifié bis est présenté par MM. Danesi, Calvet, Commeinhes et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Grand et Laménie, Mme Mélot et MM. Reichardt et Husson.

L'amendement n° 582 rectifié bis est présenté par MM. Houpert, Saugey, Joyandet, Lefèvre, Charon, Guerriau et Cambon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

de médicaments

par les mots :

des stratégies diagnostiques et thérapeutiques

La parole est à M. René Danesi, pour présenter l'amendement n° 251 rectifié bis.

M. René Danesi. Il serait préférable que la HAS élabore des listes de stratégies diagnostiques et thérapeutiques plutôt que des listes de médicaments utilisés préférentiellement par les professionnels de santé comme cela est prévu par l’alinéa 5. Dans la rédaction actuelle de cet alinéa, une grande incertitude demeure en effet quant à la manière dont les listes de médicaments seraient élaborées.

Or, dans une approche de recommandation fondée sur l’efficience, des listes de médicaments n’auraient de sens qu’au sein de chaque stratégie diagnostique et thérapeutique spécifique.

Prenons l’exemple d’un médicament destiné à traiter la sclérose en plaques initiale. L’efficience d’un tel médicament devrait être comparée avec celle des autres médicaments visant à traiter la sclérose en plaques initiale. Elle ne devrait pas être comparée à celle des médicaments indiqués dans la prise en charge de la sclérose en plaques progressant rapidement sous traitement.

Les efficiences respectives de ces deux types de médicaments devant donc être analysées séparément, il n’est pas souhaitable que la HAS élabore, dans des conditions non définies, des listes de médicaments. Il serait logique, en revanche, que la HAS, dans le cadre de l’élaboration d’un guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques, soit chargée d’en dresser des listes. Le guide et les listes seraient ainsi fondés sur les mêmes périmètres, les stratégies diagnostiques et thérapeutiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l'amendement n° 582 rectifié bis.

M. Alain Houpert. En tant que médecin, je suis opposé à ces listes de médicaments. Le médecin est le chef d’orchestre, et le seul responsable. Il est toujours très désagréable pour un médecin d’être en quelque sorte soumis à une autorité immanente lui dictant ce qu’il doit faire, d’autant que, de toute façon, c’est lui qui est présent quand tout bascule, et c’est toujours lui qui est responsable.

Il a été question précédemment de la différence entre le traitement du cancer du sein initial et celui du cancer du sein métastasique. Or c’est le médecin qui est alors aux côtés du patient, et non une haute autorité ou une liste de médicaments. Revenons à un peu d’humanité !

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 252 rectifié bis est présenté par MM. Danesi, Calvet, Commeinhes et de Raincourt, Mme Duchêne, MM. Grand et Laménie, Mme Mélot et MM. Reichardt et Husson.

L'amendement n° 572 est présenté par M. Vasselle.

L'amendement n° 585 rectifié ter est présenté par MM. Houpert, Saugey, Joyandet, Charon, Guerriau et Cambon.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les listes sont publiées par arrêté du ministre chargé des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

La parole est à M. René Danesi, pour présenter l'amendement n° 252 rectifié bis.

M. René Danesi. Ces listes de médicaments ou de stratégies diagnostiques et thérapeutiques qui seront établies par la HAS doivent absolument être rendues publiques. Elles doivent pouvoir faire l’objet de recours devant les tribunaux en tant que de besoin, et ce au nom de la transparence due tant aux médecins et aux patients qu’aux entreprises du médicament.

Si elle élabore de telles listes, la HAS devra en effet sélectionner certains médicaments et certaines stratégies au détriment des autres. Il est donc nécessaire que les entreprises dont les produits ne figurent pas sur les listes, et qui risquent en conséquence de ne plus être remboursés, puissent le cas échéant défendre en justice l’efficience de leurs produits.

Ainsi les patients auront-ils la garantie que leurs chances de guérison ne seront pas sacrifiées pour des raisons essentiellement financières, comme c’est déjà le cas actuellement dans un pays voisin.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 572.

M. Alain Vasselle. Il s’agit d’aller jusqu’au bout de la logique de l’article 35, qui prévoit que la HAS devra établir une liste de médicaments les plus efficients, et donc très fortement recommandés aux prescripteurs. Il faut, à notre sens, donner une validité juridique à cette liste de médicaments.

Nous demandons donc que le Gouvernement prenne un arrêté pour assurer la publication de ces listes et qu’il soit opposable afin que les industriels puissent défendre leurs intérêts, dans la mesure où certains produits seront inévitablement privilégiés par rapport à d’autres.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l'amendement n° 585 rectifié ter.

M. Alain Houpert. Je défends le même amendement de repli, mais j’espère que les premiers amendements tendant à la suppression des alinéas 4 et 5 seront adoptés.

On parle de listes de médicaments, mais de quoi s’agit-il, sinon de listes de courses pour le médecin comme pour le patient ? Alors, si listes de courses il doit avoir, nous souhaitons qu’elles soient publiées afin de les rendre opposables en cas de recours devant les tribunaux.

Mme la présidente. L'amendement n° 300 rectifié bis, présenté par M. Gilles, Mme Cayeux, MM. de Nicolaÿ, B. Fournier et Lefèvre, Mmes Deromedi, Hummel et Garriaud-Maylam, M. Trillard et Mme Gruny, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les listes sont publiées par arrêté du ministre chargé de la santé ;

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. L’article 35, qui confie une nouvelle mission à la HAS, est plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, l’élaboration d’un guide et de listes des stratégies diagnostiques et thérapeutiques les plus efficientes, est une tâche ambitieuse, mais risquée.

Les médicaments seront hiérarchiquement classés pour leur efficience selon un rapport médico-économique coût-avantages obtenu en fonction notamment de leur efficacité, de leur tolérance par le patient et de la qualité de vie de celui-ci, par comparaison à ceux des concurrents.

Les entreprises pharmaceutiques devront pouvoir défendre leurs produits et contester, le cas échéant, le choix opéré de privilégier des concurrents. Encore faut-il qu’elles aient connaissance de ces listes, des arguments déployés et des critères retenus pour leur établissement.

Aussi paraît-il opportun, pour ne pas déclencher l’hostilité de ces entreprises, que les listes de médicaments soient publiées en toute transparence, par arrêté ministériel.

D’ailleurs, les patients atteints de maladies graves comme le cancer, la sclérose en plaques, les polyarthrites, ou souffrant de maladies rares seront eux-mêmes rassurés s’ils sentent que l’intention et le processus sont clairs, et qu’il n’est pas question de sacrifier leur chance d’accès au progrès thérapeutique, voire leur survie, au nom d’économies à réaliser pour les comptes de la sécurité sociale ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les seize amendements restant en discussion commune ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je ne répéterai pas les explications que j’ai déjà fournies au Sénat lorsque je me suis exprimée sur l’article.

Le guide et les listes préférentielles dont l’article 35 du projet de loi confie l’élaboration à la HAS ayant une valeur informative, ils ne remettent nullement en cause la liberté de prescription des médecins, non plus que leur responsabilité, sur laquelle a insisté notre collègue Alain Houpert ; ils ne conditionnent pas davantage l’admission au remboursement.

Par ailleurs, ils constitueront une vraie nouveauté parmi les outils d’analyse et d’information que la HAS a pour mission de mettre à la disposition des professionnels : ils ne feront pas doublon avec les recommandations existantes, en particulier parce qu’ils reposeront sur une analyse de l’efficience des médicaments et des stratégies thérapeutiques. Leur élaboration permettra à la fois de lutter contre les affections iatrogènes et de prévenir un usage sous-optimal des ressources publiques, dans le cadre, en effet, d’une démarche médico-économique, que personne ne peut contester dans la situation actuelle.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 185 rectifié, 248 rectifié bis, 578 rectifié bis et 1169 rectifié, qui tendent à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 35.

En revanche, elle est favorable aux amendements identiques nos 249 rectifié bis, 299 rectifié bis, 571 et 584 rectifié ter, qui visent à renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’élaboration du guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques les plus efficientes et des listes de médicaments à utiliser préférentiellement.

Dans la mesure où les conditions d’élaboration du guide seront précisées par décret, les amendements identiques nos 250 rectifié bis et 581 rectifié bis ne relèvent pas, selon la commission, du domaine de la loi. Subsidiairement, l’évaluation des stratégies diagnostiques et thérapeutiques devra être la plus rigoureuse possible ; or une évaluation en vie réelle n’est pas toujours possible à court terme. La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques ; s’ils sont maintenus, elle y sera défavorable.

La commission est défavorable aux amendements identiques nos 251 rectifié bis et 582 rectifié bis, qui ont pour objet de faire élaborer par la HAS des listes de stratégies diagnostiques et thérapeutiques à utiliser préférentiellement, et non plus des listes de médicaments, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

Enfin, elle demande aux auteurs des trois amendements identiques n° 252 rectifié bis, 572 et 585 rectifié ter de les retirer au profit de l’amendement n° 300 rectifié bis, sur lequel elle a émis un avis favorable : en effet, si la compétence de la HAS pour établir une liste de médicaments est hors de doute, l’enjeu se situe également sur le plan de l’usage des médicaments, ce qui peut justifier que le ministre chargé de la santé intervienne en reprenant les listes sous forme d’arrêté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mesdames, messieurs les sénateurs, je dois avouer un certain étonnement, et même une certaine incompréhension, devant les interventions qui viennent de se succéder et devant certains propos qui ont été tenus.

Avant tout, je ne puis pas laisser dire, ici ou ailleurs, que nous nous engagerions dans une politique consistant à sacrifier sur l’autel financier des stratégies thérapeutiques. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Vous avez prétendu, madame Deromedi, que nous allions mettre en danger la prescription de médicaments à certains patients pour des motifs économiques : je vous épargnerai des considérations générales sur les stratégies qui ont été adoptées en France tous gouvernements confondus, mais je tiens à vous rappeler, par exemple, qu’ il y a deux ans nous avons défini des prix pour le Solvadi, qui permet de soigner l’hépatite C ; moyennant quoi, la France est le pays européen dans lequel le plus grand nombre de patients ont accès à ce traitement extrêmement coûteux. Nous faisons donc en sorte, madame la sénatrice, que l’accès à l’innovation soit garanti pour tous.

Quels doivent être les choix d’évaluation et d’organisation, et les stratégies mises en œuvre, il y a là un débat légitime, comme tout débat ; mais qu’on ne soutienne pas des affirmations qui ne correspondent pas à la réalité, et qu’on ne nous soupçonne pas de vouloir plus ou moins subrepticement sacrifier des patients – tel est bien le reproche que l’on nous a adressé – pour des raisons économiques !

J’en viens au débat de fond – car il s’agit d’un enjeu de fond.

La mission que nous souhaitons voir attribuée à la Haute Autorité de santé est nouvelle, dans la mesure où, aujourd’hui, la HAS ne produit pas systématiquement des listes de médicaments recommandés par stratégies thérapeutiques. M. Vasselle a suggéré qu’elle le fasse dans le cadre de ses missions actuelles ; peut-être cette idée ouvre-t-elle des perspectives, mais c’est un autre débat. Le fait est que, aujourd’hui, la HAS non plus que le Gouvernement ne considèrent qu’un tel travail figure parmi les missions confiées à cette autorité depuis sa création.

Remarquez, mesdames, messieurs les sénateurs, que de telles stratégies existent dans nombre de pays étrangers, dont certains ne suivent pas des stratégies médico-économiques par principe ; je pense en particulier aux pays scandinaves et à l’Allemagne, où l’on s’efforce d’avoir une démarche intégrée, aussi homogénéisée que possible, en commençant par les maladies les plus simples, si l’on peut dire, pour en venir aux maladies les plus complexes.

Au fond, il s’agit pour la France de s’inspirer de pratiques pour tout dire assez banales dans d’autres pays.

Les médecins seront-ils obligés de suivre ce guide thérapeutique ? La réponse est clairement : non !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Voilà !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agira d’un guide d’information et d’aide à la décision, fondé sur des évaluations médicales réalisées en relation avec ce qu’on appelait naguère les sociétés savantes. En d’autres termes, la HAS n’élaborera pas toute seule, d’en haut, les recommandations qu’elle mettra à la disposition de l’ensemble des professionnels, notamment sur son site internet ; elle élaborera ces guides pratiques en relation avec les différentes sociétés savantes, dont certaines, d’ailleurs, ont déjà commencé à réfléchir aux propositions qu’elles pourront avancer.

Certains d’entre vous m’ont paru ignorer que nombre d’établissements de santé, notamment médico-sociaux, pratiquent déjà de tels guides, sous la forme de règles qu’ils se donnent à eux-mêmes. Ainsi, ces établissements ont décidé que, dans tel cas, il faut prescrire tel médicament ; bien plus, un médecin qui ne veut pas prescrire ce médicament doit solliciter une dérogation. Le dispositif prévu à l’article 35 du projet de loi est très loin d’aller jusque-là.

C’est aussi pour éviter la multiplication de ces stratégies définies établissement par établissement que nous souhaitons l’élaboration d’une stratégie intégrée et de guides nationaux destinés à l’ensemble des professionnels, qui s’en saisiront ou ne s’en saisiront pas.

En somme, il s’agit d’une démarche assez simple : élaborer un guide pratique pour aider à la décision.

Le médecin a le libre choix de sa prescription ; ce principe est une évidence, et l’article 35 du projet de loi ne le remet pas en cause, mesdames, messieurs les sénateurs. C’est le médecin qui décide ce qu’il prescrit ! Dans certains cas, il adaptera le traitement à son patient qu’il connaît bien ; dans d’autres, par exemple en présence d’une pathologie secondaire, il pourra consulter les suggestions de la HAS, qui l’aideront à prendre sa décision.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, notamment ceux qui tendent à supprimer les alinéas 4 et 5.

En ce qui concerne le renvoi à un décret en Conseil d’État, que plusieurs orateurs ont défendu, je signale qu’il s’agit simplement de déterminer les règles de mise en œuvre opérationnelle des principes énoncés dans la loi ; il ne nous semble pas nécessaire de saisir le Conseil d’État, garant du respect des principes fondamentaux, pour la fixation de telles règles.

S’agissant enfin de la proposition de confier au ministre chargé de la santé le soin d’entériner les évaluations, je fais observer au Sénat que son application nous entraînerait dans un système assez compliqué, et qui même pourrait même aller à l’encontre du résultat voulu par certains qui ont exprimé cette préoccupation.

En effet, si l’on veut une totale autonomie des médecins et que l’on souhaite la définition d’un protocole sur un fondement exclusivement thérapeutique, il faut que la Haute Autorité de santé, c’est-à-dire les autorités sanitaires, se charge seule du travail. Si le ministère intervient ensuite pour entériner ou non les recommandations, on pourra toujours s’interroger sur les raisons de sa décision, ce qui fera naître le doute s’agissant d’une décision dont on pourra toujours soupçonner qu’elle a été prise sur des fondements économiques. La HAS est une autorité indépendante et autonome : il faut respecter cette autonomie, y compris dans l’élaboration des guides pratiques.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Je suis d’accord avec quasiment tout ce qu’a dit Mme la ministre.

Pour nous, corapporteurs, l’efficience est une meilleure efficacité au moindre coût. À aucun moment nous ne remettons en cause l’efficacité des médicaments ; nous souhaitons simplement qu’elle soit obtenue au moindre coût pour l’ensemble de la société.

Je tiens à signaler à mon collègue et ami Alain Houpert que, pour ma part, médecin je suis, mais sénateur je reste ! (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain applaudissent. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.) Je veux dire que le sénateur a vocation à écrire les lois au service de l’intérêt général, pour les médecins, certes, pour les soignants, certes, mais aussi pour l’ensemble de la population.

Après vous, monsieur Vasselle, je rappelle que la Haute Autorité de santé a été créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, dont le rapporteur au Sénat ne vous est pas inconnu, comme une instance scientifique d’aide à la décision pour les médecins. Elle dispose, en tant qu’autorité scientifique, d’une compétence large sur l’ensemble des soins ; d’ailleurs, elle pourrait sans doute établir elle-même les listes de médicaments dans le cadre de cette compétence, ainsi que vous le suggérez. Seulement, en 2004, le législateur a défini certaines missions auxquelles la HAS doit se consacrer en priorité.

Il ne s’agit ni plus ni moins que de fixer une nouvelle priorité à la Haute Autorité de santé.

Par ailleurs, les fiches de bon usage, les guides et les listes prévus par le présent article ont vocation à éclairer les professionnels sans remettre en cause le jugement personnel et la liberté individuelle de prescription.

Mes chers collègues, je tiens en outre à vous rappeler que, dans le cadre des auditions que nous avons menées, les syndicats de médecins ainsi que le Conseil national de l’ordre des médecins se sont déclarés en faveur de l’article 35, tel qu’il est rédigé. Tout comme eux, la commission est donc tout à fait favorable à ce qu’une nouvelle mission soit confiée à la Haute Autorité de santé.

Lors de ces mêmes auditions, le président de la Haute Autorité de santé a lui-même précisé que la HAS était prête à assumer la nouvelle charge de travail qu’entraîneront ces missions supplémentaires à moyens humains et financiers constants, bien qu’une révision de son programme de travail soit nécessaire. (M. Alain Vasselle s’exclame.)

Enfin, compte tenu de l'expertise de l'Institut national du cancer – l’INCa – en matière de prise en charge et de traitement du cancer, nous avons estimé que l’élaboration des fiches de bon usage et des listes préférentielles pour les médicaments anticancéreux par cet institut se justifiait.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à voter contre les amendements de suppression des alinéas 4 et 5 de l’article 35. Ces derniers nous semblent extrêmement importants pour le bon usage de médicaments que les médecins pourront prescrire en toute liberté à leurs patients.