M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 1184, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Bonhomme. Ma question porte sur le coût que représente pour l’État le nouveau recours au traitement social du chômage annoncé dernièrement et dans une certaine précipitation face à la hausse du chômage. D’ailleurs, les conditions dans lesquelles cette mesure a été annoncée donnent une impression d’improvisation.

À la fin du mois de novembre 2014 déjà, quelque 45 000 emplois dits « d’avenir » avaient déjà été ajoutés dans le projet de budget pour 2015. Au mois de mars dernier, 170 millions d’euros ont été débloqués, afin de concentrer plus d’emplois aidés sur le premier semestre.

Cette nouvelle annonce est plus importante. Son coût est estimé à entre 300 millions d’euros et 400 millions d’euros cette année et à 700 millions d’euros en 2016. Une telle rallonge doit, en principe, permettre de porter à 545 000 le nombre total d’entrées en contrats aidés cette année et de maintenir au second semestre le même flux que pendant les six premiers mois.

Plus significatif encore, le stock de bénéficiaires de contrats aidés avoisinera les 460 000 à 480 000 personnes à la fin de l’année 2015. C’est un chiffre inégalé depuis le début de la crise. Ces contrats s’adressent avant tout aux jeunes et au secteur non marchand.

Cette année, la mesure est financée par des redéploiements de crédits à l’automne, en mobilisant la réserve de précaution mise en place en début d’année. Pour 2016, les crédits seront intégrés dans le budget de l’emploi, en cours de discussion entre Bercy et le ministère. Or il était prévu que ce budget diminue.

Voilà qui illustre la difficulté à réduire le chômage des jeunes, malgré une régulière montée en puissance des emplois aidés. C’est d’autant plus dommageable que cela pèsera nécessairement sur les finances publiques, avec les conséquences que l’on sait.

Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir me préciser les modalités de financement de la nouvelle mesure, ainsi que les arbitrages qui sont envisagés pour l’année 2016.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, le projet de budget pour 2016 réaffirme la priorité du Gouvernement pour l’emploi.

Dans un contexte de redressement sans précédent de nos finances publiques, nous maintenons à un niveau élevé les crédits de la mission « Travail et emploi ». Au demeurant, ces crédits sont en hausse de 15 % par rapport à la dernière loi de finances de la précédente majorité, que vous souteniez, monsieur le sénateur. Ce budget nous donne donc les moyens de nos objectifs.

Le Gouvernement le réaffirme, les emplois aidés, les contrats uniques d’insertion et les emplois d’avenir contribuent de manière déterminante à la bataille pour l’emploi. Il s'agit d’un enjeu économique et social.

Un enjeu économique, tout d’abord, car des personnes sans formation gagnent en compétences au plus près des besoins des entreprises et bénéficient parfois d’une première expérience de travail, alors que cela leur fait souvent défaut pour intégrer le marché du travail.

Les emplois d’avenir ont été déployés dans un souci constant de qualité des parcours pour assurer la réussite des sorties des jeunes vers l’emploi. À la fin du mois de juin 2015, quelque 85 % des jeunes recrutés en emplois d’avenir sont ainsi concernés par un engagement de formation.

Un enjeu social ensuite, car les emplois aidés permettent de mettre en activité professionnelle des personnes éloignées du marché du travail. Le Gouvernement fait le choix de les aider et de les soutenir dans leurs projets.

L’État prend sa part dans cet effort, avec une participation financière à la rémunération. En contrepartie, l’employeur s’engage sur des actions d’accompagnement et de formation.

Les efforts produits en matière de contrats aidés se poursuivront en 2016, avec un maintien des budgets à un niveau significatif de 2,5 millions d’euros. Ce sont donc 1,2 million d’euros de crédits qui seront consacrés aux emplois d’avenir.

La programmation des emplois aidés à un niveau similaire à celui du projet de loi de finances pour 2015 est cohérente avec les perspectives de croissance et de création d’emplois marchands en 2016.

Oui, monsieur le sénateur, les contrats aidés représentent une dépense pour l’État. Toutefois, c’est une dépense utile et vertueuse, pour que les Français les plus en difficulté, en particulier les jeunes, retrouvent le chemin de l’emploi !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Simplement, les 15 % de crédits d’emplois supplémentaires dont vous vous targuez sont à apprécier au regard des résultats obtenus. Certains articles de presse évoquent des préfets travaillant avec les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les DIRECCTE, ou les missions locales pour faire du chiffre ! Et, selon des déclarations, il faudrait « accélérer le rythme de consommation » des contrats aidés. Outre que de tels propos sont très maladroits, il ne faut pas faire l’économie de réformes structurelles. Malheureusement, celles-ci peinent à arriver…

M. François Bonhomme. À mon sens, c’est là le cœur du problème.

J’en conviens, tous les gouvernements ont eu recours aux contrats aidés à un moment ou à un autre. Néanmoins, quand ces mesures tiennent lieu de politique de l’emploi, cela devient problématique.

avenir du train de nuit paris-briançon

M. le président. La parole est à Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 1194, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Ma question concerne l’avenir du train de nuit Paris-Briançon.

Depuis plusieurs années, en particulier depuis la disparition des forces armées à Briançon, la ligne ferroviaire des Alpes jusqu’à son terminus, Briançon, fait naître de nombreuses inquiétudes, tant les difficultés de circulation ou de réservation et les retards sont devenus récurrents. Cela fait craindre le pire localement, aux élus, aux usagers, mais aussi aux professionnels du tourisme.

Le rapport Duron, remis au mois de mai dernier dans le cadre de la commission des trains d’équilibre du territoire, nous rappelle pourtant que, pour sauver l’offre de ces trains « d’équilibre du territoire », il faut agir vite et regarder loin ; des mesures fortes s’imposent !

En France, les trains de nuit sont très consommateurs de fonds publics. Ils représentent 25 % du déficit, alors qu’ils ne comptent que pour 3 % du volume de voyageurs. Pour le train de nuit Paris-Briançon, le déficit est de 160 euros par voyageur.

Pourtant, les Hautes-Alpes ne bénéficient à ce jour d’aucune offre de substitution, en raison du caractère enclavé de leur territoire.

Je vous rappelle qu’une seule desserte quotidienne pour le train de nuit est largement insuffisante. En effet, de nombreuses stations de sports d’hiver sont concernées. Il est donc impératif de garantir la circulation de trains supplémentaires, en adéquation avec le calendrier des vacances scolaires, et de faire preuve d’une vigilance particulière sur des périodes telles que les vacances de fin d’année ou celles d’hiver, où les aléas climatiques viennent compliquer les conditions de déplacement.

Permettez-moi aussi d’insister sur la qualité du service, la fréquence, le prix et le temps de parcours, qui doivent également être améliorés, faute de quoi les usagers pourraient faire d’autres choix de transport, mais aussi de destination.

Enfin, alors que s’ouvre dans quelques semaines la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, la COP 21, je compte sur la volonté des pouvoirs publics pour mettre en œuvre des modes de transport public adaptés, qui soient conformes aux objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi incitatifs, afin que les usagers modifient leurs modes de déplacement.

Je souhaite donc savoir si des arbitrages ont été rendus sur le rapport Duron quant à la desserte ferroviaire des Hautes-Alpes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Alain Vidalies, qui ne peut être présent ce matin pour des raisons d’agenda.

L’État est depuis 2010 l’autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire, qui comptent notamment les Corail Intercités et les trains de nuit. Le Gouvernement partage le constat que les trains de nuit ne répondent plus de manière satisfaisante aux attentes des voyageurs, notamment en termes de niveau de confort. Leur fréquentation a globalement diminué de 25 % depuis 2011.

Le modèle économique actuel du service est à bout de souffle. Le déficit des lignes de nuit représente 25 % du déficit de l’ensemble des lignes d’équilibre du territoire, ou TET, alors qu’elles ne représentent que 3 % des voyages.

C’est la raison pour laquelle mon collègue a lancé le chantier de la renaissance de ces trains. Dans ce cadre, il a confié à une commission présidée par le député Philippe Duron et composée de parlementaires, d’élus régionaux et d’experts, le soin de formuler des recommandations. Celles-ci ont été remises le 26 mai dernier, puis présentées aux commissions compétentes du Parlement. Elles invitent à interroger la pertinence du mode ferroviaire de nuit au regard des enjeux d’aménagement propres à chaque territoire, de la demande et de l’existence des autres offres de transport.

Pour la ligne Paris-Briançon, la commission souligne qu’il n’existe pas aujourd’hui d’offre de remplacement performante à la desserte ferroviaire. Celle-ci revêt dans ces conditions un rôle essentiel d’aménagement du territoire. C’est la raison pour laquelle la feuille de route confirme que la ligne sera maintenue dans le cadre de la prochaine convention entre l’État et SNCF Mobilités.

Mon collègue a confié au préfet François Philizot la mission de conduire une large concertation avec les régions et les acteurs territoriaux, afin d’examiner les éventuelles évolutions d’offre et de gouvernance de ces trains, à partir des conclusions de la commission. La mission se poursuivra avec les nouveaux élus régionaux, afin de proposer des conclusions d’ici au mois de mai 2016.

Pour ce qui concerne le matériel roulant, la mise en service de locomotives thermiques récentes à partir de 2016 entre Valence et Briançon permettra d’assurer une meilleure fiabilité à cette desserte, nécessaire au développement du Val-de-Durance.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la secrétaire d'État, votre réponse ne me rassure que partiellement.

J’insiste sur le sentiment d’abandon qui règne dans notre département rural et de montagne, un sentiment renforcé depuis la fermeture de la RD 1091, au niveau du tunnel du Chambon, pour encore dix-huit mois au moins.

Nous avons donc réellement besoin de la ligne d’équilibre du territoire entre Paris et Briançon, et il faut veiller aux conditions de maintien et de mise en service de ces trains. Je serai particulièrement vigilante sur ce dossier.

continuité écologique des cours d'eau

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 1204, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur le principe de continuité écologique, introduit en 2006 par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Huit années se sont écoulées depuis l’adoption de cette loi qui, malheureusement, a donné lieu à une application aveugle et précipitée.

La restauration des continuités écologiques s’impose sur le terrain, sans concertation, dans un contexte budgétaire difficile pour tous les propriétaires d’ouvrages situés sur les cours d’eau classés en liste 2, qu’ils soient publics ou privés.

Certes, la continuité écologique est essentielle à la circulation des poissons migrateurs, au transport de sédiments, mais on ne peut ignorer les conséquences financières qui pèsent aujourd'hui sur les propriétaires de ces ouvrages, contraints de mobiliser de lourds moyens pour les aménager.

Nous assistons ainsi à une destruction du patrimoine des territoires ruraux, sans parler de la perte de potentiel hydroélectrique pour les barrages ou les installations qui contribuent pourtant aux objectifs de transition énergétique !

On délaisse également la fonction de réserve d’eau des biefs pour les usages locaux, et aucune garantie n’est apportée en ce qui concerne les risques pour les personnes, les habitations et les écosystèmes en aval.

Des études scientifiques démontrent pourtant que la continuité écologique n’a, en réalité, qu’un poids très faible sur les obligations de bon état chimique et écologique imposées par la directive-cadre sur l’eau. À l’heure actuelle, on le sait, les rivières souffrent de nombreuses pressions : changement climatique, prélèvements excessifs d’eau, pollutions. Il est réducteur d’imputer toute la responsabilité de ces phénomènes aux moulins, présents pour la plupart depuis plus de deux siècles !

Sans remettre en cause le principe de la continuité écologique, il est nécessaire de s’interroger sur sa réelle efficacité en matière de qualité des milieux. La dépense d’argent public doit aujourd'hui être justifiée par des bénéfices environnementaux avérés.

Entre la solution de l’arasement complet de ces ouvrages ou l’obligation d’équipement, il existe d’autres options respectueuses de l’intérêt collectif pour annuler ou a minima réduire les impacts sur la continuité écologique ; par exemple, l’abaissement de seuil ou l’ouverture de vanne. Le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable en date de 2013 avait d’ailleurs recommandé la gestion concertée des vannages et l’élaboration de grilles multicritères pour servir de base d’évaluation de l’intérêt des ouvrages.

Les propriétaires font face à un empilement de contraintes réglementaires. Les politiques de l’eau ont, elles aussi, besoin d’un choc de simplification !

Ces derniers jours, Mme la ministre de la culture a annoncé devant l’Assemblée nationale la mise en place d’un groupe de travail, conjointement avec les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et les parties prenantes pour traiter de la question des moulins à eau. S’agit-il d’un travail de concertation, en vue d’aboutir à plus de pragmatisme dans l’application de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, vous avez interrogé Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ne pouvant être présente, celle-ci m’a chargée de vous répondre, et je vous prie de bien vouloir l’excuser.

La préservation et la restauration de la continuité écologique des cours d’eau constituent un enjeu important pour le bon état des eaux et pour la préservation de la biodiversité.

En application de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, les cours d’eau classés en liste 1 sont à protéger de tout aménagement supplémentaire ; ceux qui sont classés en liste 2 doivent donner lieu à de véritables programmes de restauration de la continuité écologique centrés sur certains secteurs, afin de respecter les objectifs de bon état des eaux de la directive-cadre sur l’eau et les engagements de la France en matière d’amélioration de la biodiversité.

Parmi les 80 000 obstacles recensés aujourd’hui, tous ne sont pas des seuils d’anciens moulins ! S’il est indéniable que certains moulins sont des éléments importants du patrimoine culturel et paysager qui doivent être préservés, tel n’est pas le cas de tous les ouvrages hydrauliques abandonnés qui obstruent inutilement la continuité de nos cours d’eau.

Ségolène Royal tient à ce que ces choix se fassent à l’issue d’une procédure participative. C’est souvent le cas dès lors que les projets de restauration sont pris en charge par les groupements de collectivités ou élaborés dans le cadre des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau, à l’échelle d’un cours d’eau.

À l’échelon national, des discussions visant à l’élaboration d’une charte sont engagées depuis un an entre le ministère et les représentants des propriétaires de moulins, notamment. Cette charte vise à construire un partenariat entre les différents acteurs, autour des principes fondamentaux d’un compromis entre la restauration de la continuité écologique et la préservation des moulins. Les réflexions sur cette charte ont déjà abouti à la rédaction d’un projet, qui est actuellement en attente d’une validation officielle de la part des différents signataires.

Concernant les ouvrages de Rochefort-sur-Brévon et de Talfumière à Saint-Marc-sur-Seine, ils font l’objet d’études conduites par le syndicat intercommunal des cours d’eau châtillonnais.

Sur le premier, l’étude est au stade préliminaire et concerne trois ouvrages, où la dimension architecturale est prégnante et où les retenues d’eau sont inscrites au titre des monuments historiques. Aucune solution n’a été arrêtée pour le moment, mais la commune et le propriétaire des ouvrages participent au comité de pilotage.

Concernant le moulin de Talfumière, les études privilégient la gestion des vannes de l’ouvrage permettant l’alimentation en eau du moulin, afin d’assurer cet usage.

En ce qui concerne les deux autres moulins que vous mentionnez, les procédures contentieuses ne permettent pas d’avancer sur les projets pour le moment.

Sur l’ouvrage de Bézouotte, le projet initial de rétablissement de la continuité écologique, défendu par le syndicat intercommunal du bassin versant de la Bèze et de l’Albane, le SIBA, privilégiait l’effacement, mais il pourrait évoluer vers un aménagement du fait des risques entraînés par l’abaissement du niveau d’eau sur la stabilité des berges. La commune concernée est associée aux démarches engagées.

Concernant les ouvrages d’Is-sur-Tille, les études sont conduites par le syndicat intercommunal d’aménagement de la Tille, de l’Ignon et de la Venelle, le SITIV. La commune et les propriétaires des ouvrages participent au comité de pilotage. Les études se poursuivent, pour limiter les inconvénients d’une mise hors d’eau du bief où est implanté un parcours de pêche destiné aux jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, le dialogue avance sur le terrain.

Permettez-moi de rappeler que ces quelques dossiers suscitent de très nombreuses inquiétudes chez les acteurs locaux, compte tenu des investissements, qui sont très lourds, et du faible accompagnement financier de la part de l’État. La discussion est donc vive.

Aujourd’hui, vous l’avez souligné, un certain nombre de sites présentent un risque de catastrophe réel, reconnu par le préfet lui-même. Je pense à l’ouvrage hydraulique de la Bèze. Un certain nombre de désordres survenus dans des habitations riveraines et liés à la rétraction des argiles inquiètent les élus. Les dernières études réalisées par un cabinet d’experts mettent clairement en évidence que, si le niveau baisse encore, comme c’est prévu, au cours de la procédure d’effacement des ouvrages, le phénomène engagé, quelle que soit son origine, aura tendance à se poursuivre. Et en cas d’effondrement ou de préjudice immobilier pour les propriétaires, qui paiera ?

Il est important que le Gouvernement étudie ce sujet transversal, qui concerne à la fois l’écologie, mais aussi notre patrimoine architectural. Il est essentiel que les décisions prises soient fondées sur les réalités du terrain et fassent l’objet d’un engagement de la part des acteurs locaux, afin que nous pussions réellement avancer vers une meilleure prise en compte de notre environnement.

situation des conservatoires et des écoles de musique

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 1178, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, en mai dernier, le Premier ministre a confessé que la baisse du budget de la culture au début du quinquennat de François Hollande avait été « une erreur ».

Toutefois, le mal est fait, et aggravé par la baisse des dotations aux collectivités locales. Avec les « pactes pour la culture », vous avez engagé un nouveau type de partenariat avec les collectivités locales, mais, dans le même temps, vous avez fait disparaître les modestes crédits affectés aux conservatoires, et ce malgré les engagements de l’État lors du vote de la loi de décentralisation de 2004.

Je note que le Gouvernement affiche l’accès à la culture comme l’une de ses priorités. Alors que la réforme des rythmes scolaires supposerait une réelle mobilisation de l’ensemble des pouvoirs publics et des opérateurs culturels en faveur de l’éducation artistique et culturelle, votre ministère se contente d’afficher quelques redéploiements de crédits dans ce secteur.

Quels moyens comptez-vous mobiliser en faveur de ces établissements spécifiques, dont le rôle premier sur le terrain et dans les communes est de participer à cette mission ?

S’agissant à présent de l’enseignement artistique au cœur de ces établissements, comment comptez-vous rétablir la confiance perdue des collectivités locales, tout comme des opérateurs, des professionnels, des élèves et des familles ?

À la suite de l’émoi suscité au cours de l’été par la suppression de ces crédits, je note avec satisfaction, madame la ministre, que les budgets ont été rétablis ici et là, via des crédits déconcentrés des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles. C’est le cas, notamment, dans ma région. Dont acte ! Nous espérons néanmoins que cette décision sera confirmée dans la loi de finances.

Plus fondamentalement se pose la question structurelle de la préparation de l’avenir de ces établissements. Comment le Gouvernement entend-il, avec le Parlement, reprendre le dossier de la claire répartition des charges entre les différents niveaux de collectivité, conformément à la loi de 2004, pour que ces établissements ne demeurent pas à la seule charge des communes ou de leurs groupements, ce qui les condamne à terme ? Ma question se veut constructive, car il importe de sauver nos conservatoires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame Morin-Desailly, vous l’avez rappelé, et je vous en remercie, la culture est une compétence partagée. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ne prévoit rien d’autre s’agissant des conservatoires.

Je le rappelle, l’État a la charge du classement et du contrôle pédagogique. Les communes et leurs groupements sont responsables de la mise en œuvre des formations. Les départements, quant à eux, doivent concevoir des schémas d’égal accès aux formations sur leur territoire. Les régions, enfin, sont compétentes pour les enseignements préparant à l’entrée dans l’enseignement supérieur de la création, qui sont appelés « cycles d’enseignement professionnel initial » et qui conduisent à la délivrance par l’État du diplôme national d’orientation professionnelle.

Pour autant, je partage le constat que vous avez posé d’une situation de blocage pour les enseignements artistiques spécialisés. En réalité, ce qui a été prévu dans la loi n’a été que partiellement mis en œuvre, notamment pour la formation professionnelle initiale. Je suis d’accord avec vous : il faut que cela change.

C’est pourquoi, dans le nouveau paysage territorial qui se dessine actuellement, je souhaite clairement tourner une page et affirmer une politique lisible aux côtés des conservatoires et des collectivités territoriales. Mon objectif est d’encourager une ouverture toujours plus grande, de favoriser toutes les pratiques amateurs, y compris les plus expérimentales, et de promouvoir les projets novateurs.

Cette nouvelle ambition doit s’appuyer sur les grands principes définis en 2004, sur l’approfondissement des orientations données par la loi et surtout sur la mise en œuvre effective de cette dernière.

Cette réforme, j’entends la conduire autour de trois axes.

Tout d’abord, il faut réaffirmer le rôle de l’État en matière d’expertise et d’orientations pédagogiques. J’ai pour cela souhaité que soient inscrits dans le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui vient d’être adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, les « schémas nationaux d’orientation pédagogique ». Ils permettront de traduire les attentes de l’État en matière d’innovation pédagogique, de pratiques collectives et de méthodes d’apprentissage, afin d’attirer les jeunes et de diversifier l’offre artistique.

Ensuite, il convient de réengager l’État financièrement, dès 2016, dans le fonctionnement des conservatoires, avec des moyens spécifiques et nouveaux. J’ai ainsi engagé dès mon arrivée rue de Valois, il y a un peu plus d’un an, un travail visant à permettre à l’État de se réengager auprès des conservatoires, sous réserve des orientations pédagogiques précédemment indiquées, car ces établissements constituent un réseau extrêmement important de démocratisation culturelle.

J’ai obtenu plus de 8 millions d’euros, qui s’ajouteront aux moyens existants – 5,6 millions d’euros –, pour un montant global de 13,6 millions d’euros en faveur de l’ensemble des conservatoires classés ; sans compter les crédits pour l’éducation artistique et culturelle, qui bénéficient aussi aux conservatoires, soit 2 millions d’euros en 2015 – le montant sera quasiment identique en 2016. Bref, la masse globale de financement est de l’ordre de 15 millions d’euros.

Enfin, il importe de reprendre le dialogue avec les collectivités territoriales, qui ont la responsabilité première des établissements d’enseignement spécialisé. Le chantier de révision des critères d’intervention de l’État en faveur des conservatoires et, parallèlement, de leur classement, sera ainsi mené en concertation avec les collectivités territoriales dans le cadre d’un groupe de travail « Conservatoires » au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, le CCTDC.

Associations représentatives du secteur, enseignants, parents d’élèves, directeurs de conservatoire et, plus largement, acteurs culturels et éducatifs partenaires des conservatoires seront entendus sur ces sujets d’ici à la fin de l’année.

Vous le voyez, madame la sénatrice, au travers d’un dialogue régulier et constructif avec les collectivités locales et l’ensemble des acteurs concernés, je souhaite mobiliser pleinement les conservatoires, premier réseau de proximité pour l’accès et la formation des jeunes aux pratiques artistiques, afin qu’ils participent activement à la politique d’éducation artistique et culturelle et, plus largement, à la démocratisation culturelle.

Leurs savoir-faire et leurs compétences sont essentiels pour le développement d’une pratique amateur de qualité, exigeante, en direction d’un public de jeunes venus de tous horizons, ce qui constitue l’une des dimensions fondamentales de la mission de transmission que défend le ministère de la culture.