M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, auteur de la question n° 1169, transmise à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le secrétaire d’État, ma question sur l’impact de la réforme du collège sur l’enseignement des langues régionales s’adressait à vous, mais également à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, tout comme la réforme du collège, ambitionne de redonner ses lettres de noblesse à l’enseignement des langues régionales tout au long de la scolarité. Si louable que soit l’intention du législateur, des inquiétudes se font jour quant à sa mise en œuvre. En effet, il existe aussi, de l’aveu de certains enseignants et professionnels, un risque de déclassement de l’enseignement des langues régionales dans les collèges.

Ironie des agendas, ironie de l’histoire, je pose cette question orale en séance publique le jour même où doit être examiné le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je ne lancerai donc pas le débat sur cette question, puisqu'il aura lieu cet après-midi.

Bien entendu, le français est notre langue officielle, symbole de notre République, et la langue régionale un « plus » qui vient enrichir la culture et l’identité d’un territoire : elle mérite à ce titre respect et considération.

Les langues régionales sont donc une richesse pour notre cohésion sociale, elles sont notre patrimoine commun. Je sais, par exemple, à quel point l’apprentissage du catalan et de l’occitan, en plus du français, participe au développement personnel des élèves des classes bilingues de nos écoles publiques. Cet apprentissage est une force et une source indéniable de progrès pour les élèves.

Nous devons chérir ce bien culturel immatériel et, comme pour tout bien menacé de disparition, en assurer la préservation, la mise en valeur et le développement. Il nous faut aussi donner des gages à celles et à ceux qui, chaque jour, dans nos départements, dans nos régions, assurent la vitalité des langues régionales. Sur ces questions, la charge symbolique est forte et les réticences, les freins, les obstacles sont nombreux. Pourtant, nous devons prendre date pour l’avenir.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est d’une grande simplicité : quelle place voulez-vous réserver à l’enseignement des langues régionales de la maternelle au lycée ? Quelle place voulez-vous réserver aux langues régionales dans notre République ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je m’associe à la réponse que Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche souhaitait vous faire.

Comme vous le savez, l’objectif de la réforme du collège est de renforcer l’acquisition par les élèves des savoirs fondamentaux dans toutes les matières et de leur permettre de s’approprier le socle commun de connaissances, de compétences et de culture indispensable à leur futur parcours de formation. Ce socle intègre l’apprentissage des langues régionales. Ainsi, je tiens à vous assurer des conséquences positives de cette réforme pour l’enseignement de ces langues, qu’elle contribuera même à développer et à favoriser.

Par ailleurs, je vous rappelle que cet enseignement reste régi par la circulaire n° 2001-166 du 5 septembre 2001 et, en ce qui concerne l’enseignement bilingue, par les instructions pédagogiques figurant dans l’arrêté du 12 mai 2003. La réforme du collège ne remet pas en cause les dispositions de ces textes et je peux donc vous assurer que l’existence des sections bilingues de langues régionales est garantie dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, ainsi que celle des dispositifs bilangues de continuité et des enseignements d’initiation et de sensibilisation en classe de sixième.

De plus, au même titre que la deuxième langue vivante, les élèves pourront apprendre une langue régionale dès la cinquième, et non plus à partir de la quatrième comme c’est le cas aujourd’hui. Le volume des heures hebdomadaires dédié à cet enseignement sera également augmenté de 25 %, soit 54 heures supplémentaires sur une année.

Enfin, l’un des thèmes des enseignements pratiques interdisciplinaires est axé autour des « langues et cultures régionales ». Il pourra être proposé aux élèves dès la classe de cinquième et se poursuivre jusqu’à la classe de troisième. En faisant figurer les langues régionales dans ces enseignements, la réforme que nous avons engagée crée les conditions concrètes de l’utilisation de ces langues et des cultures qui leur sont associées.

Ces mesures permettront à un grand nombre d’élèves de découvrir une ou plusieurs langues régionales, ainsi que leurs environnements respectifs. Ils auront la possibilité de s’initier à leur pratique, d’en avoir une approche comparative et d’élaborer des projets visant à les valoriser.

Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, les langues régionales voient leur apport dans la scolarité des élèves tout à fait reconnu dans le cadre de la réforme du collège et leur enseignement disposera même de moyens renforcés.

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des précisions contenues dans votre réponse. Elles répondront aux attentes de tous ceux qui œuvrent pour que l’enseignement de nos langues régionales constitue un atout pour tous les élèves, de la maternelle au lycée – en particulier au collège, puisque c’est le point que vous avez abordé –, et contribue à renforcer notre République. Je n’en dis pas plus, puisque vous avez indiqué l’ensemble des moyens qui permettent d’assurer un développement satisfaisant de cet enseignement.

situation du secteur des travaux publics et notamment des canalisateurs

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 1208, transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur la situation très difficile à laquelle doivent faire face les opérateurs des travaux publics, en particulier les canalisateurs. Depuis un an et demi maintenant, ceux-ci ont constaté sur l’ensemble du territoire national une baisse d’activité d’une ampleur inédite. Ainsi, selon les métiers et les régions, on constate des diminutions de 5 % à 70 % de l’activité en valeur !

Dans la région Rhône-Alpes, après une baisse de 8 % sur douze mois à la fin de 2013, le chiffre d’affaires des canalisateurs a décru de 29 % à la fin de l’année 2014 ! Sur les six premiers mois de 2015, la diminution est déjà de plus de 17 %. Dans mon département, elle est de 25 % à la fin de 2014 et de près de 14 % au premier semestre de cette année !

Je me dois ici de rappeler que la clientèle de ces entreprises est très largement publique. C’est encore plus vrai pour les canalisateurs, dont plus de 93 % de l’activité émane des donneurs d’ordres publics.

Or ceux-ci, en particulier les communes et les intercommunalités, ont massivement freiné les appels à projets. En Haute-Savoie, par exemple, si l’on compare en valeur le premier trimestre de 2014 et le premier trimestre de 2015, les projets lancés par les communes ont diminué de 20 % ; ceux des intercommunalités ont baissé de 10 % ; quant à ceux de la région, ils ont « dévissé » de 69 % !

Cette chute de l’activité est directement liée aux réformes territoriales, source d’une grande incertitude pour les collectivités, notamment en termes de compétences et de finances, mais également à la baisse des dotations de l’État et à la montée en puissance du mécanisme du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. Ces deux dernières mesures grèvent fortement les budgets des collectivités territoriales, et donc leurs capacités d’investissement. Or ces collectivités sont à l’origine de plus des deux tiers de l’investissement public.

Des projets annulés, reportés sine die ou revus à la baisse représentent autant d’activité en moins pour les entreprises, et donc, malheureusement, des licenciements.

Parallèlement, dans notre pays, 20 % de l’eau traitée est perdue chaque année du fait des fuites des réseaux, soit 1,3 milliard de mètres cubes, ou encore l’équivalent de la capacité de 432 000 piscines olympiques ! Chaque année, 800 millions d’euros sont investis dans le renouvellement des canalisations, au lieu des deux milliards d’euros nécessaires pour assurer un remplacement. À ce rythme, il faudrait 170 ans pour renouveler l’ensemble des canalisations, ce qui est extrêmement long !

En revanche, de 2011 à 2014, les taxes dont les consommateurs doivent s’acquitter sur l’eau du robinet ont augmenté de 14,5 %, le prix moyen augmentant, lui, de 0,8 %.

Madame la ministre, je souhaiterais que vous m’indiquiez quelles décisions le Gouvernement serait disposé à prendre afin de lever les incertitudes pesant sur les collectivités locales, ce qui permettrait de relancer l’investissement, la commande publique, et ainsi de restaurer l’activité des entreprises, les recrutements, conformément à l’esprit de la loi Macron.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, je sais que vous connaissez bien ces sujets !

Monsieur le sénateur, le soutien à l’investissement est l’un des soucis du Gouvernement, pour employer les mots du vocabulaire habituel. En effet, les chiffres que vous avez indiqués sont justes : l’investissement a baissé. Ce phénomène s’observe toujours dans la période qui suit les élections municipales, avec la réécriture des plans pluriannuels d’investissement, mais cette période est derrière nous. Se pose également la question des conditions générales qui incitent les élus à investir.

Je tiens à attirer votre attention sur deux points.

Tout d’abord, il ne faut jamais oublier que les budgets consacrés à l’eau et à l’assainissement sont des budgets annexes. Par conséquent, ils ne peuvent être financés au moyen du budget principal et leurs dépenses et recettes doivent être équilibrées en fonction de la redevance demandée à l’usager, c’est-à-dire du prix, avec différentes atténuations que vous connaissez bien, monsieur le sénateur.

Par conséquent, la baisse des dotations n’a pas une incidence directe aussi forte sur les budgets consacrés à l’eau et à l’assainissement que sur l’ensemble de l’investissement. En revanche, si les services de l’eau et de l’assainissement voient leur existence justifiée par la nécessité de traquer les fuites d’eau potable ou les désordres liés à l’assainissement, leur activité est aussi liée aux travaux d’infrastructures routières. De ce point de vue, le ralentissement du rythme des travaux sur les réseaux d’eau et d’assainissement ne dépend pas uniquement du niveau des budgets qui leur sont affectés, il est également lié à la nécessité de remettre en état les infrastructures routières lorsque l’on veut rénover les canalisations.

Il s’agit donc de faire face aux problèmes tels qu’ils se posent en consentant un effort accru d’investissement. À cette fin, nous avons augmenté la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de 180 millions d’euros et la dotation de solidarité rurale, la DSR, de 117 millions d’euros.

S’agissant du FPIC, la question est posée depuis 2010 et nous avons discuté largement avec Gilles Carrez, qui suit ce dossier depuis l’origine. Je proposerai sans doute, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, de ralentir la progression de ce fonds, même si ce n’est pas une bonne nouvelle pour tout le monde.

J’ajoute que l’octroi de 1 milliard d’euros supplémentaire aux collectivités locales en faveur de l’accueil des populations, c’est-à-dire du logement et de tout ce qui va avec, leur permettra de disposer d’un peu plus de crédits d’investissement.

Enfin, outre ces grandes priorités, il faut continuer d’augmenter la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, puisque ce sont ces territoires qui devront effectuer le plus de travaux. Il faut également réfléchir, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, à une meilleure prise en compte de la TVA, de l’amortissement des équipements et du FCTVA ouvert au patrimoine des collectivités locales. Si nous réussissons à avancer dans tous ces domaines, les investissements dans l’eau et l’assainissement pourront repartir, de même que l’investissement global.

En conclusion, j’insisterai sur un point. Il faut indiquer aux entrepreneurs que, parallèlement à l’effort d’économie de 50 milliards d’euros que nous avons engagé, la décision d’accorder un allègement de charges extrêmement important aux entreprises – 6 % de la masse salariale brute – pour leur permettre de retrouver des marges, a eu pour « effet miroir » une baisse des dotations des collectivités locales. Nos entrepreneurs ont bénéficié d’une aide pour restaurer leur compétitivité, à laquelle s’ajoutera, dans trois mois, une nouvelle baisse du taux des cotisations des allocations familiales pour les entreprises. Il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces données lorsque vous discutez avec les chefs d’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je remercie Mme la ministre des précisions qu’elle a bien voulu m’apporter. Je note sa volonté de soutenir l’investissement, même si ses réponses ne me satisfont pas totalement. Je crains également qu’elles ne rassurent pas totalement les entreprises qui sont, pour bon nombre, tributaires des donneurs d’ordres publics.

Chacun connaît aujourd’hui les difficultés financières rencontrées par les collectivités locales et par l’État, notamment cette dette de 2 000 milliards d’euros. Cependant, sur ce total, madame la ministre, 1 800 milliards d’euros sont imputables à l’État et 200 milliards d’euros seulement – si j’ose dire ! – aux collectivités territoriales. J’insiste sur le fait que ces deux dettes ne sont pas de même nature : la dette de l’État est une dette de « voilure », de structure, de fonctionnement, alors que la dette des collectivités territoriales est une dette d’investissement. Il serait par ailleurs dangereux d’hypothéquer la relance par l’investissement des collectivités territoriales.

Je note avec satisfaction, madame la ministre, que vous avez exprimé la volonté de revoir le fonctionnement du FPIC. Je le dis d’autant plus facilement que ce fonds a été mis en place non pas par vous, mais par le gouvernement précédent. Force est de constater que, aujourd’hui, la contribution à ce fonds atteint des niveaux extrêmement importants pour certaines communes.

Je donnerai un seul exemple : la communauté de communes de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc devra payer 3 millions d’euros au titre du FPIC cette année. Il faut développer la solidarité, certes, mais pas au point de décourager celles et ceux qui investissent et entreprennent, sauf à voir le chômage augmenter à nouveau, ce que personne ne souhaite !

conséquences de l'afflux de migrants dans les alpes-maritimes

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, auteur de la question n° 1223, transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Colette Giudicelli. Le département des Alpes-Maritimes est confronté depuis plusieurs mois à une vague exceptionnelle de migrants, qui tentent de passer la frontière italienne.

Nous devons faire face à une augmentation significative du nombre de mineurs isolés étrangers. Ainsi, du 1er janvier au 15 octobre de cette année, c'est-à-dire en un peu plus de dix mois, le flux du nombre de jeunes accueillis par le département s’est élevé à 1 534, contre 173 en 2014. Nous souffrons notamment d’un manque de places d’hébergement. Le foyer de l’enfance est saturé depuis 2013, et les mineurs isolés sont aujourd’hui accueillis au centre international de Valbonne.

Par ailleurs, le budget consacré à ces mineurs est passé de 3,3 millions d’euros en 2011 à 6,2 millions d’euros en 2014, pour atteindre cette année, toujours durant la période précitée, près de 7 millions d’euros.

Il convient de comparer ce coût avec le montant de la dotation forfaitaire de l’État, qui devrait s’élever à moins de 1 million d’euros en 2015. Nous ne pouvons plus raisonnablement assumer seuls cette charge, d’autant qu’elle n’a rien à voir avec la protection de l’enfance, mais devrait plutôt relever de la solidarité nationale.

Dans ce contexte, quelles dispositions le Gouvernement entend-il adopter pour réduire le coût global de cette prise en charge qui incombe aux départements, alors que cela ne devrait pas être le cas ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, tout enfant en danger sur le territoire national peut bénéficier du dispositif de protection de l’enfance, ainsi que vous l’avez rappelé.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a expressément précisé que les enfants temporairement ou définitivement privés de la protection de leur famille relevaient de l’intervention des départements au titre de la protection de l’enfance. L’État intervient au titre de sa mission régalienne d’évaluation des situations de danger et contribue ainsi à répondre aux situations des enfants isolés étrangers.

Un protocole d’accord a été conclu le 31 mai 2013 entre l’Assemblée des départements de France et les ministères de la justice, des affaires sociales et de l’intérieur, afin d’organiser un système de solidarité entre les départements pour assurer la prise en charge de ces enfants au travers d’une répartition des accueils.

Le ministère de la justice a constitué une cellule nationale de répartition, qui recueille des données auprès de chaque département sur le nombre de mineurs isolés accueillis et propose aux tribunaux des réorientations. Ceux-ci mettent en œuvre cette réorientation si tel est l’intérêt de l’enfant.

Ce protocole prévoit également une participation financière de l’État à hauteur de 250 euros par jour et par enfant dans la limite de cinq jours de prise en charge. Le 17 octobre 2015, le Gouvernement a versé sa participation pour l’année 2015, soit 9,5 millions d’euros.

Au demeurant, les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ne sont pas toujours en mesure de prouver leur minorité.

Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, l’article 1183 du code de procédure civile permet à l’autorité judiciaire d’ordonner toute mesure d’information : une enquête sociale, des examens médicaux, des expertises psychiatriques et psychologiques. Ces questions sont en débat au Parlement dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, déposée le 11 septembre 2014 par la sénatrice Michelle Meunier.

Dans les Alpes-Maritimes, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s’est mobilisée, ainsi que les autres services de l’État et le conseil régional, pour soutenir le département face à une situation exceptionnelle.

Entre le 1er juin et le 4 septembre 2015, 453 jeunes ont demandé protection. L’évaluation effectuée conjointement par les services de la police aux frontières, le procureur de la République et le conseil départemental a permis d’établir, sans recours d’ailleurs aux tests osseux, que seuls 100 d’entre eux étaient mineurs. Le 9 septembre dernier, 32 de ces enfants étaient mis à l’abri dans un internat scolaire et 7 d’entre eux étaient accueillis dans d’autres départements.

Paradoxalement, cette situation a permis, permettez-moi de le souligner, une reprise de contact fructueuse avec le conseil départemental des Alpes-Maritimes, qui ne transmettait plus de données à la cellule nationale de répartition des mineurs isolés depuis janvier 2015. En l’espèce, nous avons progressé dans le cadre d’une solidarité effective.

Madame la sénatrice, il serait donc faux de dire que l’État ne participe pas à la prise en charge des mineurs isolés de manière régulière, comme en cas de situation exceptionnelle d’ailleurs, et ce alors qu’il s’agit d’une compétence des départements.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le secrétaire d'État, je savais bien que vous n’alliez pas nous annoncer des millions et des millions d’euros pour combler les dotations que vous avez supprimées.

Que dire ? Les chiffres que vous avez énoncés sont faux. Si vous en êtes d’accord, rencontrons-nous pour en reparler.

installation illégale des gens du voyage sur des terrains publics ou privés

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1242, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Chantal Deseyne. Ma question porte sur les difficultés à faire évacuer rapidement les gens du voyage qui s’installent illégalement sur des terrains publics comme privés.

La loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage impose aux communes de plus de 5 000 habitants et aux établissements publics de coopération intercommunale, qui exercent la compétence au titre de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion des aires d’accueil, d’organiser l’accueil des gens du voyage sur leurs territoires respectifs.

Malgré la mise à disposition d’aires d’accueil, des élus de petites communes ou des particuliers sont confrontés à l’installation illégale de gens du voyage sur des terrains publics ou privés.

Face à cette situation, les élus locaux et leurs administrés se trouvent mis devant le fait accompli et disposent de peu de moyens légaux pour agir rapidement.

Le coût de ces occupations illégales n’est pas supporté par ces populations non sédentaires. Ainsi, les dépenses liées à l’eau consommée, à l’électricité utilisée, aux déchets laissés après le départ et aux éventuelles dégradations sont inévitablement répercutées par les collectivités concernées sur les impôts des contribuables.

De plus, il ne faut pas sous-estimer l’impact humain : les élus des petites communes et leurs agents communaux, souvent à temps partiel, doivent consacrer beaucoup de temps et d’énergie pour remettre en état les lieux.

Les exemples d’installations illégales ne manquent pas ; il suffit de lire la presse locale pour s’en rendre compte. Que ce soit en Alsace ou en Bretagne, de nombreux campements sauvages fleurissent sur les territoires dès les beaux jours revenus. Dernièrement, c’est à Castres que plusieurs familles se sont installées à proximité de la gare, menaçant la sécurité des voyageurs et celle des agents de la SNCF. Le trafic a même été interrompu pendant presque deux semaines ! Il arrive aussi que les maires soient pris à partie, menacés et, dans certains cas – beaucoup plus rares –, agressés physiquement.

J’ai moi-même été confrontée, à deux reprises cette année, à ces difficultés. Et, malgré l’écoute du préfet et de la gendarmerie, la situation n’a pas évolué.

L’État peine à trouver une solution pour permettre des évacuations rapides en cas d’occupation illicite. Aussi les maires et leurs administrés ont-ils un sentiment d’impuissance et d’abandon. Il est nécessaire de donner plus de moyens aux maires et aux préfets, en mettant en place des mesures relatives à l’évacuation forcée et rapide des gens du voyage des terrains occupés de manière illicite.

Ainsi, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour faire évacuer rapidement et sanctionner les gens du voyage qui occupent illégalement des terrains publics ou privés ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. L’objet de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est de rechercher un équilibre entre les droits et les devoirs réciproques des gens du voyage et des collectivités, afin de concilier, d’une part, la liberté constitutionnelle d’aller et venir, et la possibilité des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes, et, d’autre part, la nécessité pour les élus locaux d’éviter des installations illicites, susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et d’occasionner des troubles à l’ordre public.

Ce texte créé pour les communes de plus de 5 000 habitants et, le cas échéant, les établissements publics de coopération intercommunale qui exercent la compétence dans ce domaine, une obligation de création d’aires d’accueil pour les gens du voyage sur leurs territoires respectifs. La contrepartie de cette obligation réside dans la possibilité donnée au maire ou au président de l’intercommunalité d’interdire par arrêté le stationnement sur leurs territoires respectifs des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil prévues à cet effet.

Sur ce sujet, vous avez évoqué, madame la sénatrice, les difficultés à faire évacuer rapidement les campements qui s’installent illégalement sur des terrains publics comme privés, et vous faites part des difficultés de mise en œuvre de la procédure administrative de mise en demeure et d’évacuation forcée.

Cette procédure, régie par les articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000, permet aux communes de plus de 5 000 habitants et aux intercommunalités compétentes en la matière ayant satisfait à leurs obligations au titre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, ainsi qu’aux communes de moins de 5 000 habitants non inscrites à ce schéma, de bénéficier de la procédure administrative de mise en demeure et d’évacuation forcée.

Le Gouvernement, sensible aux difficultés rencontrées par les élus qui sont confrontés sur le terrain aux stationnements illégaux, prête la plus grande attention aux réflexions des parlementaires sur ces sujets. Il entend d’ailleurs soutenir les évolutions législatives nécessaires pour donner aux élus locaux les moyens de mettre fin aux occupations illégales, notamment au travers de la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage présentée par le député Bruno Le Roux et dont Dominique Raimbourg est le rapporteur, qui a été adoptée, en première lecture, le 9 juin dernier par l’Assemblée nationale et a été transmise au Sénat.

Ce texte prévoit plusieurs avancées.

Premièrement, la mise en demeure initiale du préfet continuera de s’appliquer pendant un délai de sept jours, afin d’éviter qu’un groupe de caravanes ne procède à un nouveau stationnement illicite sur un même territoire, en violation de l’arrêté d’interdiction de stationnement et portant par là même atteinte à l’ordre public.

Deuxièmement, le délai laissé au tribunal administratif pour statuer sur un recours contre une mise en demeure sera fixé à quarante-huit heures au lieu de soixante-douze heures actuellement.

Troisièmement, enfin, le propriétaire ou le titulaire du droit réel d’usage d’un terrain affecté à une activité économique dans une commune de moins de 5 000 habitants pourra demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’évacuer les lieux occupés illicitement.

Aussi, j’invite la Haute Assemblée à inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de ses travaux dans le cadre d’une semaine d’initiative parlementaire.