Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’aborde moi aussi l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 avec solennité.

En cette année anniversaire, en effet, ce texte traduit plus que jamais notre volonté et celle du Gouvernement de faire vivre encore pour l’avenir et pour notre jeunesse le système de protection solidaire imaginé au sein de la Résistance française il y a soixante-dix ans. La lucidité n’exclut pas d’apprécier la présentation de résultats et de perspectives de nouveau positifs que nous ne connaissions plus depuis longtemps.

C’est un texte de responsabilité et de justice. Le double engagement de redresser les comptes sans réduire les protections est en voie d’être tenu. Les chiffres sont là. La part des dépenses qui restent à la charge des assurés a diminué de 9,1 % en 2012 à 8,5 % en 2015 et, en seulement trois ans, le déficit du régime général a été réduit de plus de 8 milliards d’euros, soit de 40 %.

C’est également un texte de progrès dont nous allons débattre, qui améliore durablement les droits sociaux, renforce la prévention et l’accès aux soins, poursuit la réforme des structures de notre système de protection sociale.

En 2014, une exécution meilleure que prévu a réduit le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base de 11,7 milliards d'euros à 9,3 milliards d'euros.

L’amélioration s’est poursuivie en 2015, avec un solde plus favorable que les prévisions initiales en loi de financement, de moins 10,1 milliards d'euros à moins 8,6 milliards d'euros. Ces résultats permettent de prévoir pour 2016, outre une situation plus favorable de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui est excédentaire depuis quatre exercices, un retour à l’équilibre de la branche vieillesse pour la première fois depuis 2004 – son déficit aura été divisé par huit –, tandis que la branche famille voit son déficit réduit des deux tiers.

Ainsi, le déficit du régime général, qui était de 17 milliards d'euros en 2011, est réduit à 9 milliards d'euros cette année et estimé à 6 milliards d'euros en 2016, soit son plus bas niveau depuis 2003. Le solde global permet d’apprécier la réalité de la trajectoire financière sur la période 2012-2015, avec une croissance des recettes à 8 %, supérieure aux charges en croissance de 6,4 %. Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base se réduira de 3 milliards d'euros et, en considérant le champ de l’ensemble des administrations de sécurité sociale, l’amélioration du solde prévue en 2016 est de 7,5 milliards d'euros.

Cette dynamique positive reste conditionnée, d’une part, à la réalisation des projections de conjoncture macroéconomique, et, d’autre part, à la poursuite de la politique de maîtrise des dépenses engagée depuis 2012. La prévision de croissance établie à 1 % pour 2015 est jugée cohérente par le Haut Conseil des finances publiques. Pour 2016, les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont construits sur une prévision de 1,5 %, conforme aux anticipations du FMI et de l’OCDE.

L’effort de régulation et de réduction des dépenses sociales, partie intégrante du pacte de stabilité, impose en 2016 de réaliser une économie de 7,4 milliards d'euros sur l’évolution tendancielle des dépenses des administrations de sécurité sociale, qui a été en moyenne de 3,5 % par an au cours de la période 2007-2012, soit une réduction de l’évolution des dépenses de 3,4 milliards d'euros dans le champ de l’ONDAM, dont le taux d’évolution est limité à 1,75 %, ce qui représente malgré tout une augmentation des financements de 3,3 milliards d'euros – il faut toujours le souligner, même si certains s’en réjouissent tandis que d’autres le déplorent. Cet objectif n’a pas appelé de réserves de la part du comité d’alerte, dans son avis rendu le 6 octobre dernier, qui estime réalisable ce programme d’économies.

Les économies annoncées porteront sur les dépenses hospitalières pour 690 millions d'euros, sur la poursuite du virage ambulatoire pour 465 millions d'euros, sur la pertinence et le bon usage des soins pour 1,2 milliard d'euros et sur les produits de santé pour 1,045 milliard d'euros. Sur ce dernier point, nous présenterons plusieurs propositions destinées à favoriser davantage encore le recours aux génériques.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la deuxième tranche du pacte de responsabilité et de solidarité porte sur 9 milliards d'euros d’allégements supplémentaires pour les entreprises en 2016. Rappelons qu’elle est entièrement compensée pour le budget de la sécurité sociale.

Ces mesures financières s’accompagnent de la poursuite de réformes structurelles, qui doivent permettre de simplifier le fonctionnement des organismes et des établissements, de renforcer leur efficacité. Il s’agit pour l’essentiel d’instaurer un nouveau mode de financement des soins de suite et de rééducation – c’est une réforme attendue depuis longtemps –, de pérenniser l’expérimentation d’une gestion régionale globalisant les forfaits d’astreinte et de régulation, mais aussi les honoraires résultant de la permanence des soins ambulatoires, de poursuivre la réforme du régime social des indépendants, qui arrive maintenant dans une position d’équilibre, en d’autres termes d’achever de réparer la « catastrophe industrielle » due à la réforme de 2008.

Au-delà de ces choix de responsabilité, dont les effets positifs sont aujourd’hui tangibles, ce texte comporte également deux autres volets qui sont la traduction concrète d’une politique sociale juste et réformatrice.

Cette politique est juste pour les Français auxquels sont reconnus de nouveaux droits, avec – c’est un progrès majeur – la création d’une protection universelle maladie, une meilleure prise en charge des victimes du terrorisme, le bénéfice d’une assurance complémentaire de santé de qualité pour les plus de 65 ans, ainsi que pour les travailleurs précaires, et la garantie des impayés de pension alimentaire.

Cette politique est réformatrice et s’inscrit dans le prolongement des axes tracés par la stratégie nationale de santé, qui investit dans la prévention et favorise l’accès aux soins, en assurant la prise en charge du repérage par le médecin traitant d’un risque d’obésité chez les enfants de trois à huit ans, la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein pour les femmes à risques et le renforcement de l’accès des mineures à la contraception.

Toutes ces mesures de progrès n’empêchent nullement, je l’ai dit, un regard lucide sur les difficultés qui demeurent.

Il s’agit tout d’abord du champ de l’assurance maladie. Son déficit, qui perdure à 6 milliards d'euros en 2016, est d’autant plus problématique que la situation du secteur hospitalier reste tendue, bien qu’elle connaisse de forts contrastes selon les territoires. Le réseau des officines de pharmacies, comme l’ont confirmé nos auditions, est aussi fragilisé. Des interrogations demeurent également sur le dispositif spécifique de couverture complémentaire de santé pour les plus de 65 ans, qui ne doit pas fragiliser le modèle mutualiste, fondé sur l’intergénération.

Il s’agit ensuite du fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit structurel reste en suspens, ce qui doit appeler notre vigilance. Même si l’on se souvient qu’il a été mis à mal en 2009 à la suite d’une ponction de deux points de CSG transférés à la CADES, sa fonction dédiée au financement de prestations non contributives le rend structurellement très dépendant du niveau de chômage et nécessite une ressource suffisante.

La dette sociale diminue en 2015, pour la première fois depuis douze ans, à hauteur de 3 milliards d'euros, l’amortissement réalisé par la CADES étant supérieur à la dette produite par les régimes sociaux. C’est une bonne nouvelle, d’autant que, M. le secrétaire d'État au budget l’a rappelé, ce mouvement se poursuivra en 2016.

Le taux exceptionnellement bas – il est même négatif – en 2015 ayant permis à l’ACOSS de compenser intégralement les charges financières de l’année, le Gouvernement a décidé d’anticiper la reprise de dette à hauteur de 23,6 milliards d'euros, représentant le reliquat des 62 milliards d'euros, dont le transfert a été fixé et compensé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. C’est une très bonne mesure.

Certes, demeure la question de la reprise des déficits à venir d’ici à 2019, dont le montant, selon la trajectoire prévisionnelle, est estimé à 29 milliards d’euros. D’autres mesures seront donc nécessaires ultérieurement, mais le moment n’est pas encore venu d’en parler. Je ne voudrais pas achever mon propos en semant un doute.

L’histoire nous enseigne, disait Jaurès, « la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements ». Dans l’accomplissement de cette grande tâche, vous pouvez compter, madame la ministre, sur l’entier soutien, la forte motivation et la grande conviction de l’ensemble du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que le Gouvernement nous présente l’année du soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale s’inscrit dans la continuité des précédents. Il se caractérise à mon sens par son manque incontestable de réforme structurelle et par un déficit toujours aussi élevé du régime général ; malgré les efforts qui ont été réalisés, celui-ci s’établit en effet à 12,8 milliards d’euros, Fonds de solidarité vieillesse inclus.

Pendant ce temps, les prélèvements obligatoires, dont près du quart bénéficie à la sécurité sociale, sont passés de 913,9 milliards d’euros en 2012 à quelque 971,4 milliards d’euros en 2015.

Malheureusement, le candidat Hollande ne tiendra pas sa promesse : « Moi président, je permettrai le retour à l’équilibre ». En effet, la Cour des comptes ne juge pas envisageable un retour à l’équilibre avant 2020, voire 2021, ce dont personne ne se réjouit. Nous savons tous que ce chantier est difficile, et parce que nous sommes tous attachés à notre modèle social, plus que des promesses, ce qu’il nous faut, c’est du courage ! Les réformes structurelles sont plus que nécessaires. Ce texte n’en contient malheureusement pas assez.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : les dépenses publiques sociales représentent 32 % du PIB, contre 22 % en moyenne dans les pays membres de l’OCDE, et sont financées à crédit depuis vingt ans. Il en résulte, selon l’INSEE, que la dette publique a été portée au premier trimestre de 2015 à quelque 97,6 % du PIB, contre 90 % en 2012.

En l’état, notre système de sécurité sociale ne sera pas centenaire, c’est une certitude. Il ne s’agit plus d’attendre que la conjoncture s’améliore. Notre protection sociale d’après-guerre n’est plus adaptée : en matière d’emploi, les parcours professionnels ne sont plus linéaires ; en matière de santé, le vieillissement de la population entraîne des pathologies qui prennent une place de plus en plus importante dans notre système de santé ; enfin, en matière de retraite, l’allongement de l’espérance de vie, dont nous ne pouvons que nous féliciter, doit nous conduire à mettre en œuvre une réforme systémique.

Force est de constater que, sur tous ces points, le PLFSS que nous examinons aujourd’hui est bien loin d’apporter des solutions fortes et pluriannuelles. Je n’ose imaginer que vous laissiez à vos successeurs le soin d’agir...

J’évoquerai maintenant l’aménagement du calendrier de reprise des déficits par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, prévu à l’article 17.

L’article 4 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale prévoit la reprise par la CADES des déficits portés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, au titre des années 2011 à 2017 avant le 30 juin de chaque année. Cette reprise de dette est encadrée par un double plafond, qui a été évoqué à plusieurs reprises cet après-midi, de 62 milliards d’euros sur la période mentionnée dans la limite de 10 milliards d’euros par an.

Cet article ouvre donc la possibilité de reprendre dès 2016 le solde permettant de saturer le plafond de 62 milliards d’euros, en franchissant la limite annuelle de 10 milliards d’euros. En 2016, la CADES reprendra donc quelque 23,6 milliards d’euros à l’ACOSS.

La Cour des comptes recommande cette reprise des déficits de l’ACOSS afin de profiter des taux d’intérêt, qui sont relativement bas en ce moment. En revanche, nous constatons que le Gouvernement ne prend pas ses responsabilités, contrairement à ce qu’avait fait le gouvernement précédent. Outre une forte reprise, la Cour des comptes recommande également une augmentation des recettes de la CRDS de l’ordre de 0,23 point.

Face à la crise de 2008 et après une réforme des retraites dont vous profitez aujourd’hui – les comptes de la branche vieillesse, hors Fonds de solidarité vieillesse, se rapprochent de l’équilibre grâce au report de 60 à 62 ans de l’âge de départ à la retraite –, une reprise de la dette de l’ACOSS avait été prévue et financée. La reprise de la branche vieillesse était en partie financée par le Fonds de réserve des retraites, ce qui répondait à une certaine logique.

Après avoir autorisé la reprise des déficits des branches maladie et famille sur ce contingent dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2014, votre gouvernement va, cette année, saturer l’enveloppe financée de reprise.

Comme l’a souligné en septembre dernier devant notre commission le Premier président de la Cour des comptes : « Une telle opération pourrait profiter des opportunités de marché liées à la faiblesse des taux d’intérêt ; elle comprimerait sûrement en 2016 la part de la dette sociale à court terme de l’ACOSS, mais cela n’aurait selon nous qu’un effet transitoire ».

Nous constatons que le Gouvernement se contente d’utiliser les capacités déjà financées et qu’il laissera à ses successeurs un bel héritage : selon la Cour, il restera encore de l’ordre de 26 milliards d’euros de dette sociale à l’ACOSS d’ici à la fin de 2018. S’y ajouteront les déficits supplémentaires liés au cadrage macroéconomique et aux fausses économies affichées par le Gouvernement. En outre, il ne faut pas écarter une potentielle remontée des taux à court terme. La facture pourrait s’élever à 30 milliards d’euros.

Au-delà de ce futur héritage, de nombreuses mesures présentées dans le PLFSS pour 2016 se caractérisent par un manque de préparation et par une grande précipitation.

Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales applicables aux bassins d’emplois à redynamiser, les BER, aux zones de restructuration de la défense, les ZRD, et aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, que vous envisagiez de supprimer à l’article 10, ont été fort heureusement conservés, l’Assemblée nationale ayant supprimé cet article.

Sous couvert de simplification, vous présentez à l’article 12 une mesure dont les conséquences n’ont pas été évaluées. Il s’agit ni plus ni moins de confier aux URSSAF le recouvrement des cotisations d’assurance maladie des professions libérales, jusqu’alors assuré, moyennant rétribution, par les organismes conventionnés – assurances et mutuelles – du régime social des indépendants, le RSI.

Selon l’étude d’impact, les URSSAF absorberaient cette mission à coût constant. Or elle ne tient pas compte des pertes de recouvrement, des coûts informatiques, de la reprise, en application du code du travail, des personnels des organismes conventionnés affectés à ces activités. Dans ces conditions, nous comprenons l’amendement de report présenté devant la commission des affaires sociales par le rapporteur général. Cependant, le groupe Les Républicains présentera en séance un amendement de suppression, car il juge nécessaire qu’une étude d’impact plus approfondie soit effectuée avant que cette mesure ne puisse entrer en vigueur.

Autre exemple, l’article 21, qui prévoit la généralisation de la couverture d’assurance maladie complémentaire pour les plus de 65 ans, n’a été préparé, au regard des réactions des acteurs concernés, d’aucune concertation ni étude d’impact.

Madame la ministre, il y a tout juste un mois, vous avez demandé à l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, un rapport sur les aides fiscales et sociales allouées aux contrats des complémentaires de santé afin d’évaluer l’efficacité et l’équité de l’architecture de ces différents dispositifs d’aide et de présenter plusieurs scénarios de refonte.

Aujourd’hui, vous nous demandez d’adopter une nouvelle mesure prévoyant un crédit d’impôt pour les organismes complémentaires sans même attendre le résultat de cette évaluation. Surtout, vous accentuez la segmentation de la population en prévoyant un système de mise en concurrence qui participe à la destruction des mécanismes de mutualisation. Nous saluons donc la position du rapporteur général, qui a proposé à la commission la suppression de cet article.

Quant à l’article 22, qui prévoit que les salariés en contrat court ou à temps très partiel puissent bénéficier d’un « chèque santé » de leur employeur en lieu et place d’une adhésion au contrat santé de leur entreprise ou de leur branche, nous considérons qu’il n’y a pas forcément lieu de le supprimer, quand bien même la généralisation serait remplacée par des négociations dérogatoires avec accord de branche. En effet, certaines branches professionnelles ont déjà mis en place des dispositifs efficients qui ont fait leur preuve. Je pense qu’il faut encourager les initiatives en ce sens.

Sur l’article 49, qui prévoit une réforme des soins de suite et de réadaptation, réforme dont le principe fait consensus, cela a été souligné, je présenterai un amendement visant à préconiser, en complément du rapport au Parlement proposé par le rapporteur général, une expérimentation préalable d’une durée de trois ans. Cette réforme apparaît aujourd’hui et en l’état comme étant prématurée.

En effet, le futur modèle de financement présenté dans le texte contient de nombreuses inconnues, qui n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact. Or il pourrait entraîner des effets contraires à ceux qui sont attendus, qu’il s’agisse d’un blocage de la filière de soins, que les soins de suite et de réadaptation ont vocation à fluidifier, ou d’une inflation non maîtrisée des dépenses d’assurance maladie.

Pour ma part, je pense qu’il est nécessaire de ne pas prolonger davantage le mode de calcul actuel du ticket modérateur, qui a pour seule conséquence de creuser les inégalités entre acteurs de santé publics et privés. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous proposerai un amendement de suppression de l’article 48.

Les mesures d’économies en matière d’assurance maladie sont de l’ordre de 3,4 milliards d’euros. Cependant, faute de réforme structurelle, vous prenez le risque de mettre à mal le secteur de l’industrie pharmaceutique, qui a déjà été lourdement mis à contribution. Ainsi, alors que la trajectoire financière de l’ONDAM est très contrainte, le taux fixé pour 2016 est historiquement bas, soit 1,75 %.

Au-delà des traditionnelles baisses de prix des médicaments, une série de mesures d’économies directes et indirectes aura un fort impact, pour plus d’un milliard d’euros, sur les entreprises de ce secteur. Or nous devons veiller à ne pas freiner le développement de ce secteur en matière d’emploi et surtout en matière de recherche et d’innovation. Alors que ces entreprises sont l’un des fleurons de notre pays à l’international, nous craignons que les mesures prises successivement depuis quatre ans ne mettent à mal leur développement.

Par ailleurs, madame la ministre, vous espérez économiser près de 500 millions d’euros en mettant l’accent sur le virage ambulatoire. Bien que nous soutenions cette démarche, nous n’acceptons pas la méthode si elle n’est pas dans l’intérêt du patient. Les intérêts financiers ont leurs limites : l’intérêt en termes de santé publique et l’intérêt du patient. Transférer le suivi et la prise en charge à domicile de patients de plus en plus lourdement atteints par la maladie ne peut se faire en continuant de réduire les moyens dévolus à la médecine de ville.

La médecine de ville doit être mieux traitée, et ce n’est pas – je suis désolée de le rappeler – avec la mise en place du tiers payant généralisé et obligatoire que vous allez mettre de l’huile dans les rouages !

Madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous allons examiner manque d’ambition et d’ossature. Certes, nous vous avons entendue, madame la ministre, mais il est certain qu’il sera insuffisant pour donner un souffle nouveau à notre système de protection sociale. Nous attendons du Gouvernement qu’il prenne des mesures fortes et pluriannuelles. Tel n’est malheureusement pas le cas aujourd'hui, et nous le regrettons vivement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens vivement à remercier le président de la commission des affaires sociales de la qualité des échanges au sein de notre commission et à féliciter le rapporteur général, M. Vanlerenberghe, ainsi que l’ensemble des rapporteurs par branche, de leur approche objective et de leur analyse détaillée et argumentée.

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 revêt un caractère particulier, alors que nous célébrons le soixante-dixième anniversaire de la création de la sécurité sociale. Mon intervention, au nom du groupe UDI-UC, portera sur les équilibres généraux du texte, ainsi que sur les branches famille et accident du travail et maladies professionnelles. Je laisserai à ma collègue Françoise Gatel le soin d’intervenir sur les autres branches.

Une fois de plus, les dépenses prévues dans le PLFSS pour 2016 sont plus élevées que le budget de l’État : elles s’établissent à 478,3 milliards d’euros, contre 472,8 milliards d’euros de recettes.

Le projet de loi ne prévoit pas cette année de mesures fortes d’augmentation des recettes. Pourtant, la persistance des déficits est injustifiable économiquement ; au reste, elle l’est encore moins socialement ! Mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer de penser que les générations futures paieront nos dépenses actuelles.

Pour revenir à l’équilibre, nous devrions peut-être changer de méthode et prévoir un plan non plus annuel, mais pluriannuel, qui permettrait une plus grande visibilité.

Depuis 2008, de substantiels efforts ont été consentis pour résorber les déficits, et la tendance est effectivement à l’amélioration des comptes ; je ne le conteste nullement. L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et par une plus grande maîtrise des dépenses, notamment au sein de l’assurance maladie.

Toutefois, quel message transmettre aux Français eu égard aux efforts demandés et à la faiblesse des résultats ? L’avenir de notre protection sociale inquiète particulièrement nos concitoyens. Selon les estimations, le retour à l’équilibre, initialement prévu en 2017, devrait être repoussé à l’horizon de 2020.

Mes chers collègues, nous nous devons de garantir la pérennité de notre système de santé, malgré un contexte économique et social sensible. Hélas, aujourd’hui, le déficit prévisionnel s’élève à 5,6 milliards d’euros et passe à 9,3 milliards d’euros si l’on tient compte du fonds de solidarité vieillesse.

Le déficit des deux branches principales reste très important, avec un déficit de 6,2 milliards d’euros pour la branche maladie et un déficit global de 3,7 milliards d’euros concernant le risque vieillesse. La dette de l’assurance chômage, quant à elle, s’établit à un niveau préoccupant, avec un montant de près de 25 milliards d’euros.

Je souhaite évoquer un autre point, celui de la fragilisation de la branche famille. Le retour à l’équilibre de la branche est désormais prévu pour 2018 et provient de certaines mesures qui ne sont malheureusement pas en faveur des familles.

La politique familiale française constitue depuis des décennies un atout majeur de notre pays. Elle assure une situation démographique favorable par rapport aux pays comparables.

N’oublions pas, mes chers collègues, que notre système de protection sociale est destiné « à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent. »

Notre politique familiale a pour but d’encourager la natalité et le report du versement de la prime à la naissance, passant du septième mois de grossesse au second mois suivant la naissance, a un impact négatif sur les familles. D’ailleurs, durant le premier semestre de 2015, la France a vu la natalité fortement reculer. Est-ce une coïncidence ?

Cette prime a pour objectif de permettre aux familles, notamment les moins aisées, d’acquérir les équipements indispensables à l’arrivée d’un nourrisson. Je me permets de faire un parallèle avec l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, qui est versée bien avant la rentrée.

Une étude de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, démontre que ce sont les aides en matière de garde d’enfants, avant les allocations, qui permettent aux mères de concilier travail et vie de famille. C’est l’ensemble de ces dispositifs qui soutient la natalité. Or le manque de places d’accueil en crèche est constant. Nous accumulons un retard inquiétant dans la création de places et la baisse du nombre d’enfants accueillis par les assistantes maternelles complique davantage la situation. Actuellement, nous comptons toujours une place en crèche pour deux enfants environ. Il est nécessaire d’agir !

En ce qui concerne les recettes, la baisse de la cotisation famille à la charge des employeurs, issue du pacte de responsabilité, s’appliquera pour tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC. Cela concerne neuf salariés sur dix, soit 3,1 milliards d’euros à compenser d’avril à décembre et 4,5 milliards d’euros les années suivantes.

Le PLFSS prévoit également le transfert au budget de l’État du financement de l’allocation de logement familial. C’est un choix de financement étonnant, puisque cette allocation est financée depuis 1946 par la branche famille.

Finalement, le déficit de la branche se réduit sous l’effet de la réduction des prestations offertes aux familles et par un jeu de trésorerie qui ne représente sur le fond aucune réelle économie. L’incidence cumulée de ces économies prive les familles de 2,63 milliards d’euros d’aides, ce qui est considérable.

En revanche, je tiens à saluer la généralisation du dispositif de garantie contre les impayés de pension alimentaire, ou GIPA. Aujourd’hui, 40 % des pensions alimentaires ne sont pas payées ou ne le sont que partiellement, ce qui renforce l’appauvrissement des parents isolés, des femmes dans la plupart des cas. Cette mesure va dans le bon sens.

Cependant, d’importants efforts doivent être encore réalisés, notamment concernant la réduction de la pauvreté des enfants et des familles, particulièrement des femmes. Assurer de meilleures chances à tous les enfants en développant de nouvelles structures dans les territoires ruraux et périurbains est important.

S’agissant de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, l’excédent des dernières années se confirme à hauteur de 525 millions d’euros pour l’année prochaine. Il convient de souligner la diminution du nombre d’accidents du travail.

Concernant les maladies professionnelles, même si nous constatons une progression des maladies reconnues, certaines sont marquées par un désengagement manifeste de la part de l’État. Je pense à la dotation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Le fonds est en effet doté de 4,74 milliards d’euros, dont 4,3 milliards d’euros en provenance de la branche AT-MP.

J’émets également une réserve quant au versement de la branche AT-MP à la branche maladie. Ce transfert ne doit aucunement être justifié au nom de la solidarité interbranches. De plus, si les partenaires sociaux avaient été consultés en 2014, il n’en est rien cette année !

L’année dernière, ce transfert correspondait à une réévaluation à la hausse du nombre d’accidents du travail non déclarés, et donc pris en charge en réalités par l’assurance maladie.