compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

M. Jean Desessard.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

devenir des services financiers de la poste à orléans-la source

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1235, adressée à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur le devenir des services financiers de La Poste – La Banque Postale – implantés à Orléans-La Source dans le département du Loiret, que j’ai l’honneur de représenter ici.

M. le président. Je m’y suis rendu lorsque j’étais ministre !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez bien fait, et je forme le vœu que vous reveniez, monsieur le président ! Madame la secrétaire d’État, si vous voulez faire de même, vous serez toujours bienvenue !

Le quartier de La Source, à Orléans, s’est constitué autour des « chèques postaux ». Nous sommes d’ailleurs très nombreux ici à avoir eu dans notre poche un carnet de chèques portant la mention « La Source ».

La force symbolique, la dimension humaine, l’importance économique et le poids en termes d’emplois des « chèques postaux » sont considérables dans ce quartier. J’en parle en connaissance de cause, madame la secrétaire d’État, car j’y habite.

Or l’état du grand bâtiment qui abrite ces services, une sorte de cathédrale, pose actuellement des problèmes de sécurité, de surdimensionnement et d’inadaptation.

J’ai toutefois fait part aux dirigeants concernés de la Banque Postale de mon désaccord total avec la méthode qu’ils ont choisie. Ils ont en effet annoncé la démolition du bâtiment – il en est question depuis quelque temps – sans avoir trouvé auparavant de solution alternative ni étudié sérieusement les possibilités concrètes de construction nouvelle destinée à accueillir les services financiers de La Poste qui y sont actuellement hébergés. J’ai fait connaître publiquement mon opposition à ce procédé, qui donne le sentiment d’une véritable improvisation.

Je vous rappelle que les postiers sont nombreux à La Source – il y en a par exemple beaucoup dans ma rue –, dans l’agglomération d’Orléans, ainsi que dans toutes les communes voisines, et que « les chèques », comme l’on dit, représentent un profond attachement au service public. En outre – j’en parle en connaissance de cause –, ils ont beaucoup compté et comptent beaucoup dans la vie culturelle, sportive, sociale, associative d’Orléans-La Source.

Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir nous faire part des interventions déjà effectuées ou prévues et des contacts noués ou envisagés – je sais qu’il y en a déjà eu – avec les responsables du groupe La Poste, afin, d’une part, que les 1 200 emplois actuels soient maintenus à Orléans-La Source et que ne se produise aucune diminution d’effectifs et, d’autre part, que de nouveaux bâtiments adaptés, modernes et fonctionnels y soient construits, de manière que les initiatives que le Gouvernement prendra ou a déjà prises permettent le maintien à Orléans-La Source du potentiel que représentent les services financiers de La Poste.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur Jean-Pierre Sueur, le Gouvernement est très attentif à garantir l’égalité d’accès de tous les citoyens aux services postaux, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire.

La Poste a pour mission, dans le respect du cadre législatif et réglementaire qui s’impose à elle et avec le souci permanent de la concertation et du dialogue, de mettre en place des solutions équilibrées afin d’assurer la présence postale sur l’ensemble du territoire.

Ainsi, La Banque Postale a pris en juin dernier la décision de se mettre en recherche d’un nouveau site pour abriter les activités du centre financier d’Orléans, car le bâtiment actuel, un immeuble de très grande taille datant de 1968 – vous l’avez qualifié de « cathédrale » – montre des signes importants de vétusté. Il importe donc de ne pas risquer, demain, la sécurité des agents et de préserver la qualité de vie au travail de l’ensemble des collaborateurs du groupe.

La Banque Postale a étudié la possibilité de réaliser des travaux sur le site existant, mais cette solution a été écartée, et ce pour deux raisons : d’une part, l’ampleur des travaux et des investissements de mise aux normes nécessaires à la réhabilitation du bâtiment construit voilà plus de cinquante ans, travaux qu’il faudrait en outre mener à bien sur un site occupé ; d’autre part, la configuration même du bâtiment qui n’est plus aujourd’hui adaptée aux activités ; ainsi, seuls 20 000 mètres carrés sont effectivement exploités, pour une surface totale de 40 000 mètres carrés.

La Banque Postale a pris le soin d’informer ses agents de ce projet en toute transparence avant d’entamer des recherches immobilières.

Depuis cet été, elle explore l’ensemble des opportunités qui lui permettraient de demeurer dans l’agglomération orléanaise, en privilégiant les quartiers Sud de celle-ci, dont fait partie La Source.

Les activités bancaires d’un des plus importants sites du groupe La Poste et tous les emplois correspondants seront donc maintenus dans l’agglomération d’Orléans.

Vous avez eu raison de souligner l’importance historique et financière de cette activité pour le quartier de La Source et les difficultés qu’un déménagement de ces activités provoquerait. C’est pourquoi le Gouvernement a demandé à La Banque Postale que le choix d’un nouveau site tienne compte d’un critère de proximité de l’implantation actuelle.

La Banque Postale a donc été appelée, dans le cadre de ces recherches, à examiner de manière approfondie des solutions permettant de maintenir les emplois dans le quartier de La Source qui vous est cher, monsieur le sénateur, y compris en envisageant – pourquoi pas ? – la construction d’un nouveau bâtiment sur le site actuel.

Lorsque l’ensemble des solutions aura été inventorié et examiné – nous en sommes encore là –, il conviendra alors que les directions de La Poste et de La Banque Postale fassent part aux élus, en toute transparence, des résultats de ces recherches.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, vous avez raison de continuer à appeler notre attention sur ce sujet. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour maintenir la présence postale sur tout le territoire tout en permettant au groupe La Poste de réaliser les adaptations nécessaires à l’évolution de ses activités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite remercier Mme la secrétaire d’État Axelle Lemaire pour sa réponse, qui apporte des éléments importants.

J’insisterai sur trois points.

Premièrement, vous avez employé un verbe au participe passé en affirmant que les emplois seront « maintenus ». C’est très important : il s’agit de 1 200 emplois, auxquels nous tenons absolument.

Deuxièmement, La Poste explore l’ensemble des possibilités, avez-vous dit, en privilégiant le sud de l’agglomération, dont fait partie le quartier de La Source. Je serai plus précis : je souhaite que le potentiel reste à La Source même. Il s’agit en effet de fidélité à une histoire, à une communauté humaine et du devenir de ce quartier auquel je suis, vous l’avez compris, profondément attaché.

Enfin, troisièmement, vous avez évoqué une possibilité dont, à ma connaissance, les représentants de La Poste n’avaient jamais parlé : vous demandez que des recherches approfondies de nouveaux locaux soient menées en privilégiant la proximité – c’est essentiel pour les salariés –, y compris en envisageant la construction de nouveaux bâtiments. C’est important, parce que la bonne solution serait, selon moi, de disposer de bâtiments neufs complètement adaptés à l’activité de La Banque Postale à Orléans-La Source.

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie sincèrement de vous être penchée sur cette question, qui préoccupe les salariés et leurs familles.

lieux de dépôt du produit des recettes collectées par les mairies dans le cadre d’activités gérées en régie

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 1246, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Dominique Bailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la réduction du nombre de lieux de dépôt du produit des recettes collectées par les mairies, dans le cadre d’activités gérées en régie.

Le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique et La Banque Postale se sont accordés à faire évoluer la gestion des fonds collectés par les mairies avec pour objectif de mieux répartir, sur un territoire donné, les points de collecte en fonction des besoins locaux.

Cependant, ce changement crée aussi un certain nombre de difficultés auxquelles doivent faire face les mairies et leurs agents. En effet, la réduction des lieux de collecte dans les zones rurales, en particulier, exige une réorganisation totale de la gestion desdits fonds, qui, de fait, est assurée par les mairies. Les agents municipaux se trouvent donc dans l’obligation de transporter des sommes importantes en liquide ou en chèques vers des lieux de dépôt éloignés et dont les horaires d’ouverture sont de faible amplitude.

Les collectivités doivent également assumer les risques nouveaux liés à ce changement, notamment en termes de sécurité, et faire face aux surcoûts qui en découlent : mise à disposition d’agents pour le transport des fonds ; obligation, parfois, de fermer les petites mairies pour assurer ce transport ; augmentation de la police d’assurance des régies liée aux risques encourus durant le transport.

Il est assurément complexe et difficile, pour des communes rurales et des mairies de petite taille, de supporter seules les répercussions d’une telle réorganisation.

Aussi, j’interpelle le Gouvernement quant à l’accompagnement envisagé en faveur des territoires ruraux, des petites mairies, afin de permettre une gestion plus équilibrée des fonds récoltés dans le cadre d’activités gérées en régie.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Dominique Bailly, la convention entre le ministère de l’économie et des finances et La Banque Postale signée le 13 mars 2014 annule et remplace les trois premières parties de la précédente convention.

Cette signature est intervenue à la suite, d’une part, du transfert des activités bancaires, financières et d’assurance de La Poste au groupe dénommé « La Banque Postale », et, d’autre part, de la création de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP.

Cette convention fixe les modalités de tenue des comptes chèques postaux d’approvisionnement et de dégagement dont les comptables publics sont titulaires.

Les opérations de dégagement et d’approvisionnement des régies sont soumises à l’ensemble des dispositions de ce texte, lequel comporte également la mention des types d’implantation de La Banque Postale pouvant recevoir ou non des opérations en espèces, en fonction des conditions de sécurité garanties dans chacun de ses sites, selon leur taille, le dispositif de sécurité en vigueur ou la présence suffisante de personnel, pour les agents de La Banque Postale comme pour les régisseurs et les comptables publics de la Direction générale des finances publiques.

Des discussions ont eu lieu au cours du premier semestre 2015 sur l’ensemble du territoire afin d’identifier les difficultés résultant de la fermeture de certains bureaux de poste ou de la modification des conditions de dépôts.

Le réseau de la DGFiP est mobilisé pour accompagner les régisseurs dans le cadre de la charte nationale des bonnes pratiques de gestion des recettes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Chaque collectivité publique peut donc solliciter l’expertise de son comptable public pour identifier et mettre en œuvre la solution la mieux adaptée à chaque contexte local.

Les services de la DGFiP sont à la disposition des collectivités locales pour leur permettre d’analyser leurs mouvements de fonds et de proposer à leurs usagers des moyens de paiements alternatifs au numéraire tels que le paiement par internet ou par carte bancaire.

Si les communes rurales éprouvent, malgré ces actions, des difficultés persistantes dans leurs opérations de dégagement et d’approvisionnement, un panel de solutions peut leur être proposé par les services de la DGFiP.

Le dégagement ou l’approvisionnement en monnaie fiduciaire par les régisseurs s’effectuent, par principe, auprès de la trésorerie de rattachement de ladite régie. Lorsque le siège de celle-ci est éloigné du poste comptable assignataire ou lorsque le régisseur s’en trouve momentanément distant, les opérations de dégagement peuvent être opérées à la caisse du comptable public de la DGFiP le plus proche de la résidence de la régie.

Enfin, si, dans l’éventail de solutions proposées, aucune ne convenait, et sous réserve que la collectivité réponde aux conditions, l’ordonnateur pourrait envisager de solliciter une dérogation à l’obligation de dépôt des fonds au Trésor afin d’ouvrir un compte bancaire dans un établissement de crédit autre que La Banque Postale.

Le cadre est contraint, mais l’objectif général de réduction des espèces et de dématérialisation des moyens de paiement demeure plus que jamais de l’intérêt commun de l’État et des collectivités locales. Dans ce processus, la DGFiP est au service de ces dernières pour leur garantir une transition douce.

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.

M. Dominique Bailly. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour votre réponse.

Vous avez bien indiqué qu’une attention particulière, s’agissant de ce dispositif, est attendue non seulement par les mairies, mais aussi par le ministère des finances.

On voit bien que nous partageons le principe général. Mais, dans la « vraie vie », il y a quand même un décalage et une phase transitoire ; cette dernière est importante, et il faut donc prévoir un accompagnement, surtout dans les zones rurales, pour que le dispositif soit le plus équilibré possible.

J’espère donc que toutes ces directives ont bien été passées dans tous les services et dans tous les territoires. C’était aussi le sens de mon intervention de ce matin.

régime fiscal des monuments historiques

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, en remplacement de M. Didier Marie, auteur de la question n° 1188, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

M. Jean-Pierre Sueur, en remplacement de M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir excuser notre collègue Didier Marie, qui, dans l’impossibilité d’être présent ce matin, m’a chargé de poser sa question.

Notre collègue Didier Marie appelle l’attention du Gouvernement sur le régime fiscal des monuments historiques, sujet qui se pose partout, y compris à Marseille. (Sourires.)

Chaque année, environ 500 immeubles et 3 000 objets mobiliers sont protégés au titre des monuments historiques, si bien que le parc de monuments historiques représente, dans notre pays, 15 000 immeubles classés et 28 000 immeubles inscrits à l’inventaire supplémentaire.

Or l’état de ce parc se dégrade constamment et les propriétaires, notamment l’État et les collectivités territoriales, n’ont pas toujours les moyens d’entretenir les immeubles. Un tiers de ces immeubles classés ou inscrits sont en situation de dégradation poussée, voire périlleuse. Leur restauration est coûteuse – un coût de 2 000 à 3 500 euros par mètre carré habitable, selon les évaluations – et, dans certains cas significatifs, la prise en charge de cette restauration par des copropriétés, seules à même de conduire de gros projets, permet de mener des projets de réhabilitation dont l’équilibre économique repose essentiellement sur l’appoint de l’aide fiscale prévue par l’article 156 bis du code général des impôts, qui compense partiellement la lourdeur des contraintes budgétaires, techniques et architecturales propres à ces opérations.

L’article 90 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a instauré de nouvelles règles pour l’application de l’agrément pour mise en copropriété ou en société, délivré par les ministères de la culture et du budget.

Le critère d’examen des charges d’entretien a ainsi été remplacé par l’obligation d’une teneur minimale de 75 % de logements dans l’immeuble ; un dispositif anti-abus imposant une ancienneté du classement de douze mois minimum a été mis en place, et sont exclus du bénéfice de l’article 156 bis du CGI à partir de 2015 tous les immeubles inscrits mis en copropriété ou détenus par des sociétés civiles non familiales, de même que les immeubles bénéficiant du label « Fondation du patrimoine ».

Si la volonté de clarifier les critères de décision et d’éviter les abus fait évidemment consensus, l’exclusion des immeubles cause, en revanche, de vraies difficultés. En effet, l’exclusion des immeubles inscrits de la possibilité d’une mise en copropriété menace les opérations significatives de réhabilitation ; il en est ainsi dans le cas d’une caserne, par exemple.

Or ces opérations sont pour la collectivité les plus créatrices de valeur et de logements. L’aide fiscale représente moins de 1 000 euros par mètre carré, alors que la vente par l’État ou la collectivité intervient rarement à un prix supérieur. Ainsi, or aide fiscale, seule une vente à prix négatif serait « viable ».

Le Sénat, dans sa sagesse, a adopté, lors de l’examen du projet de loi n° 539 [2014-2015] pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, un amendement tendant à revenir sur l’exclusion systématique des immeubles inscrits ou labellisés du bénéfice de la mise en copropriété. Cette disposition va dans le sens du réalisme, s’agissant de la restauration du patrimoine historique.

Les débats du Sénat ont démontré le respect des décisions prises à l’occasion de la loi de finances rectificative et ont souligné le caractère antinomique d’une exclusion systématique et aveugle par rapport aux objectifs, à savoir créer des logements et éviter les abus.

Aussi M. Didier Marie souhaite-t-il connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour assurer une meilleure protection des monuments historiques et faire évoluer ces dispositions fiscales.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, vous évoquez le dispositif prévu à l’article 156 bis du code général des impôts, et vous rappelez à juste titre l’importance du soutien apporté par l’État pour les collectivités territoriales qui souhaitent entretenir le parc des monuments historiques dégradés situés sur leur territoire.

Ce dispositif d’aide a été modifié par le Gouvernement l’année dernière dans la loi de finances pour 2015. Pour quelles raisons ?

Les conditions de l’agrément qui était donné par l’administration fiscale subordonnaient antérieurement le bénéfice de ce dispositif fiscal, en visant les immeubles détenus par une SCI non soumise à l’impôt sur les sociétés ou les immeubles faisant l’objet d’une division.

Ce dispositif utilisait des critères trop subjectifs et difficilement vérifiables. Pour tout dire, il ne permettait pas de soutenir les projets qui le méritaient.

Comme vous l’avez indiqué, des discussions nourries ont eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat pour trouver un équilibre qui devait permettre de faciliter l’aboutissement de ces projets.

La sécurité juridique à laquelle sont attachés les porteurs de projets a été renforcée par les nouvelles conditions d’agrément, qui, mieux harmonisées et plus objectives, apportent une meilleure visibilité sur les conditions dans lesquelles un projet de réhabilitation d’immeuble historique est susceptible d’être agréé par l’État.

Une clause d’ancienneté de quinze ans a de plus été introduite pour le classement de l’immeuble afin d’éviter d’éventuels abus, et, conformément à la priorité que s’est fixée le Gouvernement, le dispositif a été recentré sur les projets immobiliers principalement orientés vers la réhabilitation ou vers la construction de logements.

Enfin, comme l’avait indiqué mon collègue en charge du budget, M. Christian Eckert, lors des débats au Sénat, le dispositif a été ouvert aux projets portant sur des monuments historiques classés affectés au minimum pendant quinze ans à un espace culturel non commercial et ouverts au public, afin de répondre aux préoccupations qui se sont exprimées en matière de sauvegarde du patrimoine et d’animation des centres-villes.

Il s’agit donc d’un dispositif accordant une aide fiscale sans limitation de durée ni plafond de déduction. C’est pourquoi celui-ci a dû être limité aux immeubles classés.

S’agissant des immeubles inscrits sur la liste des monuments historiques ou labellisés par la Fondation du patrimoine, ils devaient continuer de bénéficier du dispositif jusqu’à l’expiration des engagements de conservation prévus dans le régime antérieur.

Vous vous inquiétez du sort de ces immeubles inscrits ; néanmoins, comme vous le savez, les modifications du régime que je viens de vous présenter ne sont plus applicables, car le Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, en cours de discussion, les a intégralement réécrites.

J’invite donc M. le sénateur Didier Marie à suivre les discussions sur l’ensemble de ces dispositions jusqu’à l’adoption définitive du projet de loi de finances, tout en l’assurant que le Gouvernement poursuit dans cette discussion les mêmes objectifs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d’État, vous avez fait allusion à l’examen du projet de loi de finances pour 2016, actuellement en cours de discussion au Sénat. Mais du fait de notre organisation, nous sommes dans l’obligation de poser les questions orales bien avant qu’elles ne soient inscrites à l’ordre du jour. J’ai ainsi eu l’honneur d’obtenir une réponse à ma question sur les chèques postaux le 1er décembre, alors que je l’avais posée le 31 juillet ! (Sourires.) M. Didier Marie ne pouvait donc anticiper sur le projet de loi de finances.

Votre réponse, que notre collègue lira avec grand intérêt, montre l’attention que le Gouvernement porte à cette question et qu’il portera, lors de la discussion du projet de loi de finances, aux arguments de M. Marie plaidant pour des ajustements du dispositif.

majoration de la taxe foncière sur les terrains non bâtis

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1230, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour lutter contre la rétention foncière et relancer la construction de logements en France, le Gouvernement, par la loi de finances pour 2013, a majoré la taxe foncière portant sur les terrains non bâtis, en l’appliquant de plein droit dans les zones tendues.

Après une révision excluant les terrains utilisés pour les besoins d’une exploitation agricole, la loi de finances rectificative pour 2014 a recentré la majoration de plein droit sur les zones géographiques marquées par un important déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, soit plus de six cents communes, dont vingt-six en Haute-Savoie.

Entré en vigueur en 2015, ce dispositif a entraîné de fortes hausses d’impôt pour un peu plus de 1 700 propriétaires de terrains à bâtir.

Je constate jour après jour, dans ma commune d’Arthaz-Pont-Notre-Dame, la crainte et la colère tant des contribuables soumis à cette majoration que des élus qui verraient les terrains à bâtir partir en construction et leurs possibilités de réaliser des infrastructures réduites. Je ne peux que comprendre et partager leur anxiété.

En effet, cette mesure vise à exercer une pression fiscale telle que les propriétaires de terrains constructibles non bâtis soient obligés de céder leurs biens immobiliers.

Ce dispositif, d’autant plus insoutenable pour le contribuable dans mon département que les valeurs vénales sont déjà très élevées et les impôts par conséquent difficiles à supporter, est clairement coercitif et met à mal le droit de propriété et la méritocratie, valeurs fondamentales de notre société.

Il est en outre inéquitable, puisque toutes les communes de Haute-Savoie ne sont pas visées ; le sont seulement celles qui sont prétendument marquées par un déséquilibre significatif entre l’offre et la demande de logements.

Enfin, cette mesure est économiquement inefficace, puisqu’elle ne fait que décourager les familles à acquérir des terrains immobiliers pour les années à venir et décourage les investissements. La coercition ne permet pas de mettre en œuvre une politique soutenable et profitable à long terme.

Madame la secrétaire d’État, il semble cependant que le Gouvernement ait réagi avant même que je vous interroge ce matin.

L’amendement au projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement vient de déposer tente enfin de remédier au problème. La surtaxe pourrait donc être modifiée en 2016, puis en 2017, afin d’empêcher les dérives apparues cette année.

L’amendement du Gouvernement change le calcul de la valeur locative de ces terrains, actuellement majorée de 25 %, puis de 5 euros par mètre carré. Le texte crée à partir de 2016 un abattement pour les 200 premiers mètres carrés. Au-delà, la majoration de 25 % sera maintenue, et celle de 5 euros par mètre carré sera supprimée.

En 2017, la règle des 25 % sera supprimée et une nouvelle majoration de 3 euros par mètre carré sera créée.

Les collectivités locales auront toutefois la possibilité d’en fixer le niveau entre 1 et 5 euros par mètre carré, ainsi que de supprimer l’abattement pour les 200 premiers mètres carrés. Cette dernière disposition est particulièrement nécessaire.

Madame la secrétaire d’État, je serai bien sûr attentif à cet amendement et aux débats qui se tiendront à l’Assemblée nationale ; mais pouvez-vous d’ores et déjà m’apporter des précisions sur ce dispositif ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de M. le secrétaire d’État chargé du budget sur la majoration de la valeur locative des terrains constructibles soumis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Le principe de cette majoration a été institué en 1980 sous une forme facultative. Puis, la loi de finances rectificative de 2012 a instauré une majoration de plein droit de 5 euros par mètre carré qui devait s’appliquer à compter du 1er janvier 2014 et passer à 10 euros par mètre carré au 1er janvier 2016.

Pour rendre cet instrument de lutte contre la rétention foncière compatible avec un aménagement durable du territoire, la loi de finances pour 2014 a ensuite exclu les terrains agricoles des deux majorations, facultative et obligatoire, et a reporté son application à 2015.

Enfin, la loi de finances rectificative pour 2014 a recentré la majoration obligatoire sur les zones tendues, marquées par un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements.

Malgré ces aménagements, cette majoration a pu avoir les effets excessifs que vous avez décrits. Soyez certain que le Gouvernement entend les corriger.

C’est dans cet esprit qu’il a déposé, conformément aux annonces du Premier ministre, un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015, en cours d’examen par l’Assemblée nationale, tendant, d’une part, à améliorer l’information des contribuables pour leur laisser le temps de s’adapter et, d’autre part, à permettre aux élus locaux de moduler la majoration de la valeur locative, sans abandonner son caractère obligatoire.

Je tiens, monsieur le sénateur, à vous apporter quelques précisions sur ce dispositif.

Pour les impositions dues au titre de 2016, seule la majoration proportionnelle de 25 % de la valeur locative sera maintenue, la majoration forfaitaire de 5 euros étant supprimée. De plus, afin d’exonérer les plus petits terrains, qui ne se prêtent pas à des projets de construction d’envergure, et de rendre la taxe progressive par rapport à la surface des terrains, un abattement de 200 mètres carrés par terrain sera appliqué. Enfin, pour laisser aux contribuables le temps de s’adapter, une mention sera portée sur leur avis d’imposition les informant que la taxation progressera en 2017 à défaut de cession du terrain ou d’obtention d’un permis de construire.

À compter de 2017, grâce aux aménagements que nous avons opérés, le dispositif tiendra mieux compte des situations locales : pour les impositions dues au titre de cette année-là et des suivantes, la majoration de 25 % sera supprimée, et le tarif de la majoration de plein droit fixé à 3 euros par mètre carré. Les élus locaux pourront faire varier ce tarif entre 1 euro et 5 euros par mètre carré ; ils pourront également supprimer l’abattement de 200 mètres carrés, en particulier lorsqu’ils souhaitent lutter contre le phénomène dit des « dents creuses ».

Ainsi réformée et assouplie, la majoration de la valeur locative des terrains non bâtis constructibles contribuera plus efficacement à la libération du foncier dans les zones où les tensions immobilières sont les plus fortes, ce qui est l’objectif du Gouvernement.