Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons la mission « Travail et Emploi », alors que 5,7 millions de personnes sont touchées par le chômage, toutes catégories confondues, selon l’INSEE. Les derniers chiffres du chômage parus en octobre ne peuvent laisser indifférent. Madame la ministre, nous ne pouvons pas laisser la situation se détériorer davantage !

Selon vous, cette mission bénéficierait d’un « budget ambitieux et volontariste pour la création d’emplois, la lutte contre le chômage et l’insertion professionnelle des plus fragiles ». Dans le bleu budgétaire, cette mission est présentée comme « le reflet d’une articulation entre la mobilisation renforcée en faveur de l’emploi et la promotion de la qualité au travail pour l’ensemble des salariés ».

Je souscrirais volontiers à cette déclaration d’intention, madame la ministre, mais les faits la contredisent : le budget de la mission est en baisse. Il est donc davantage le reflet du budget d’austérité que le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre cette année encore !

Dans le bleu budgétaire, il est également précisé que le ministère « participe à l’objectif gouvernemental d’amélioration de la qualité globale du service public tout en optimisant le pilotage des moyens ». C’est une manière plus élégante d’écrire que les crédits de la mission vont diminuer, que votre ministère va supprimer des emplois, notamment dans les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et qu’il va réduire les dotations des différents opérateurs de l’État, tout en augmentant les subventions accordées aux entreprises, en particulier celles qui embaucheront des salariés en contrats aidés.

D’ailleurs, vous allez élargir ces contrats aidés, sans avoir même pris le temps de faire le bilan du dispositif en place ! Les salariés privés d’emploi ont l’impression, tout comme nous, qu’il s’agit d’une multitude de contrats qui servent davantage à les ranger dans des cases qu’à leur garantir de trouver un emploi. Pendant ce temps-là, ces femmes et ces hommes à la recherche d’un emploi en CDI ne sont plus comptabilisés dans les chiffres du chômage.

Ainsi, en complet décalage avec vos engagements, tel que celui de lutter contre le travail illégal ou encore celui de garantir l’effectivité du droit au travail, 192 postes vont disparaître dans les DIRECCTE ! Comment faire plus et mieux avec moins de moyens humains ?

Madame la ministre, vous nous dites également vouloir relancer la politique des contrats aidés et vous créez la garantie jeunes. Or tant Pôle emploi que les missions locales, pourtant chargées de mettre en œuvre ces dispositifs, voient leurs budgets tout juste maintenus à leur niveau de 2015 ! Là encore, comment faire plus, améliorer les services rendus et innover sans moyens supplémentaires ? Tout ne peut pourtant pas résulter de la mutualisation des moyens et de la numérisation, madame la ministre et, encore moins, de la suppression de l’ouverture au public des sites de Pôle emploi l’après-midi, ainsi que le prévoit la réforme dont l’application est prévue dès le mois de janvier 2016 !

Quant aux jeunes, dont le Gouvernement avait pourtant fait sa priorité, vous leur proposez toujours plus d’emplois d’avenir ou de contrats aidés, bien que de tels contrats les maintiennent dans un statut d’extrême précarité et ne favorisent pas leur insertion durable sur le marché du travail.

Par ailleurs, vous imposez un gel de quatre mois des prestations chômage en reportant la date de leur revalorisation du 1er janvier au 1er avril, ce qui vous permet d’économiser 22 millions d’euros au passage ! Vous pénalisez ainsi les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi, ceux qui sont en fin de droits et bénéficient de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, de l’ATA, l’allocation temporaire d’attente ou encore de l’AER, l’allocation équivalent retraite.

La dotation en faveur de l’amélioration des conditions de travail et de la prévention en matière de santé au travail – qui constitue l’un des axes prioritaires de votre politique, d’après vos déclarations – diminue également, alors que le troisième plan Santé au travail est en cours de finalisation et met justement l’accent sur la prévention !

L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pourtant principales actrices de votre ministère dans ce domaine, verront également leur budget baisser.

Madame la ministre, vos réponses en matière d’emploi semblent se limiter à la poursuite des exonérations et des aides financières en faveur des employeurs qui recrutent des salariés en contrat précaire. Comme si les exonérations de cotisations sociales ne suffisaient pas, vous proposez d’offrir 4 000 euros pendant deux ans aux employeurs qui recrutent un salarié supplémentaire. Les dispositifs incitatifs en matière d’emploi, notamment le CICE, ont démontré leur inefficacité, mais vous persistez !

Vous le voyez, votre déclaration d’intention m’offre en définitive peu de raisons de me réjouir, tant elle est loin d’aboutir ! La seule exception à ce constat, que je tiens à souligner, est la création de 500 aides au poste supplémentaires en 2016, ce qui permettra une meilleure insertion des salariés handicapés – qui sont parmi les plus en difficulté – dans le monde du travail.

Une politique ambitieuse et volontariste vous aurait conduite à changer complètement d’orientation et à prendre enfin la mesure de la solidarité nationale qui est nécessaire pour que chaque salarié soit entendu avec la même attention que celle accordée aux employeurs !

Oui, madame la ministre, une autre politique en matière d’emploi est possible ! Le Gouvernement, même s’il n’est pas seul responsable en matière de création d’emplois, peut toujours inverser la courbe du chômage. Encore faudrait-il utiliser les bons leviers !

Il faudrait commencer par l’emploi public en mettant en œuvre, par exemple, la nécessaire modernisation de nos services publics : le départ des baby-boomers doit être l’occasion de recruter des jeunes en recherche d’avenir.

Il faudrait améliorer l’anticipation et la gestion des restructurations économiques dans nos territoires. Cela nécessite évidemment le maintien ou la hausse des crédits consacrés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, ce que je ne retrouve pas dans ce budget, ou encore le renforcement des maisons de l’emploi, afin d’élaborer une véritable GPEC et un véritable engagement de développement de l’emploi et des compétences, ou EDEC.

Il faudrait aussi développer la formation professionnelle et renforcer davantage l’AFPA, l’Association pour la formation professionnelle des adultes.

Parallèlement, il faudrait valoriser l’apprentissage : les seules aides financières aux entreprises ne résoudront pas les difficultés actuellement rencontrées par les apprentis. L’amélioration de leurs conditions de travail et de vie implique d’apporter des solutions aux problèmes du logement et du transport. À cela, il convient encore d’ajouter une véritable reconnaissance des maîtres d’apprentissage.

Telles sont les quelques pistes pour une politique ambitieuse et volontariste en faveur de l’insertion professionnelle des plus fragiles !

J’aimerais enfin évoquer les saisonniers, même si j’ai bien en tête, madame la ministre, que l’essentiel les concernant dépend du dialogue social et de la capacité des organisations syndicales à négocier. En effet, vous pourriez tout à fait jouer le rôle de facilitatrice et de médiatrice en leur faveur. De plus, si vous vouliez leur adresser un signe fort, vous auriez toute latitude pour soutenir leurs maisons des saisonnalités.

Pour conclure, madame la ministre, je regrette que votre déclaration d’intention ne soit suivie ni d’effets ni d’un budget en conséquence. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de cette mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Éric Jeansannetas. Madame la ministre, je tiens à vous rassurer : je ne vais pas suivre la position de Mme David, car je ne veux pas que vous pensiez que tout va mal ! (Mme la ministre sourit.)

Nous examinons les crédits de la mission « Travail et emploi » dans un contexte où la hausse du nombre des demandeurs d’emploi en octobre, après l’embellie de septembre, souligne l’aspect fluctuant de l’activité économique. On compte en effet 42 000 demandeurs d’emploi de catégorie A supplémentaires, alors qu’ils étaient 14 000 de moins le mois précédent.

M. Charles Revet. Oui, c’est un peu surprenant !

M. Éric Jeansannetas. Il convient cependant de noter la progression de 5,4 % de l’activité des chômeurs de catégorie B et de 11,6 % de l’activité de ceux de la catégorie C sur une période d’un an.

Selon l’UNEDIC, le nombre de chômeurs arrivant en fin de droits a baissé de 15 % au premier semestre 2015, grâce à l’instauration de droits rechargeables par la convention pluriannuelle entre l’État, l’UNEDIC et Pôle emploi signée en octobre 2014. Ces demandeurs d’emploi ne basculent donc plus vers l’ASS, allocation financée par l’État, et restent dans les catégories B et C. Ils peuvent ainsi continuer à percevoir une allocation chômage plus élevée.

La progression des catégories B et C peut être interprétée comme un signe – fragile – de reprise économique, car l’augmentation du nombre des missions d’intérim et des CDD précéderait toujours une hausse de l’emploi durable.

Bien que restant extrêmement prudents, les indicateurs nous conduisent à envisager des signes de reprise, madame la ministre. Premièrement, le taux de marge des entreprises se redresse à 31,1 % : il atteint ainsi son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2001. Deuxièmement, le chômage des jeunes est en baisse de 2,7 % sur un an. Troisièmement, la croissance devrait atteindre 1,5 % en 2016, ce qui nous laisse présager une stabilisation du chômage, voire espérer sa baisse !

En sanctuarisant les crédits de la mission « Travail et emploi », madame la ministre, vous affirmez la volonté du Gouvernement d’endiguer le chômage, de favoriser la création d’emplois, tout en luttant contre l’exclusion sociale. En léger recul par rapport à 2015, le budget de la mission, qui s’élèvera à 11,25 milliards d’euros en 2016, est toutefois en hausse de 15 % depuis 2012, malgré les contraintes budgétaires. Il vient donc conforter les réformes engagées depuis 2012 !

Conformément à la feuille de route issue de la conférence sociale pour l’emploi du 19 octobre dernier, ce budget met l’accent sur le droit à une nouvelle chance pour les jeunes, la mobilisation des moyens en faveur des chômeurs de longue durée, le soutien à l’apprentissage et le renforcement de l’efficacité du service public de l’emploi.

Le budget pour 2016 prévoit la création de 295 000 nouveaux contrats aidés pour un montant de 2,4 milliards d’euros. Il doit financer 200 000 contrats aidés non marchands, ainsi que 60 000 contrats aidés marchands.

Cette programmation cohérente et nécessaire est pourtant remise en cause par nos collègues de la droite sénatoriale. En commission, ceux-ci ont adopté un amendement visant à supprimer purement et simplement les 200 000 contrats aidés non marchands et à créer 40 000 contrats aidés marchands supplémentaires.

Il s’agit à mon sens d’une grave erreur. Pour la justifier, la majorité sénatoriale brandit une étude de la DARES, selon laquelle 66 % des personnes sorties d’un contrat initiative emploi, ou CIE, ont été embauchées après six mois, contre 36 % pour les personnes sorties d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou CAE. Ces chiffres, certes avérés, ne sont pas aussi significatifs que cela, et M. Jean-Marc Gabouty a d’ailleurs nuancé leur portée tout à l’heure.

Ainsi, d’après une autre étude, publiée le 6 août 2015 par la même DARES, 81 % des employeurs du secteur marchand indiquent qu’ils auraient recruté, même sans l’aide financière. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’utilité de ces contrats aidés : ils favorisent la stabilisation des parcours, en augmentant la durée, pour les emplois d’avenir, et en favorisant une embauche en CDI, plutôt qu’en CDD.

Pourtant, dans le secteur non marchand, il apparaît que 64 % des contrats n’auraient pas été signés sans l’aide, une proportion s’élevant à 87 % pour les établissements d’enseignement et à 62 % pour les associations.

Ces contrats permettent aux personnes les plus éloignées du monde du travail de retrouver le chemin de l’emploi. Les publics ciblés sont les chômeurs de longue durée, les seniors, les résidents des quartiers difficiles, les personnes peu ou pas qualifiées, les travailleurs en situation de handicap. Il s’agit notamment d’offrir une première expérience professionnelle à des jeunes issus de quartiers défavorisés, qui n’y auraient pas eu accès autrement.

Par ailleurs, une enquête menée en 2014 montrait que 80 % des sortants de CAE estimaient avoir acquis des compétences et de la confiance, preuve de l’efficacité de ces contrats dans la lutte contre la démobilisation, la désespérance et l’exclusion.

Alors oui, il faut continuer à mettre l’accent sur la qualité de la formation et l’allongement de la durée des contrats, et ce sera fait ! Mais il me semble parfaitement insensé de se priver d’un tel outil de remise en route vers l’emploi, dans le contexte que nous connaissons.

M. François Marc. Très bien !

M. Éric Jeansannetas. Maintenir ces 200 000 contrats dans le secteur non marchand apparaît nécessaire. Leur suppression serait totalement inadaptée à la situation actuelle.

Ce budget met l’accent sur l’insertion des jeunes, et je m’en félicite ! Un montant de 90 millions d’euros supplémentaires sera consacré au sujet, avec un accent mis sur les décrocheurs et les habitants de quartiers difficiles.

La garantie jeunes, lancée à titre expérimental sur 10 territoires pilotes à la fin de l’année 2013, élargie cette année à 72 départements, atteindra l’objectif de 50 000 jeunes à la fin de 2015. En 2016, elle sera généralisée à tout le territoire et concernera 100 000 jeunes à la fin de 2017.

Le public cible est constitué par les Français âgés de 18 ans à 25 ans, sans diplôme, sans formation, sans emploi. Ces jeunes pourront prétendre à une allocation minimale de ressources, moyennant l’engagement de se former en vue d’acquérir une première expérience professionnelle. La montée en charge de ce dispositif le porte à hauteur de 255 millions d’euros, contre 132,7 millions d’euros en 2015. La garantie jeunes, j’y insiste, donne des résultats sur les territoires.

Président de la mission locale de la Creuse, je me réjouis de l’adoption, à l’Assemblée nationale, de deux amendements de la rapporteur pour avis, Mme Chaynesse Khirouni, tendant à augmenter de 12 millions d’euros les crédits dédiés à ces établissements – 10 millions d’euros au titre de l’accompagnement des jeunes et 2 millions d’euros au titre du fonctionnement : 285,4 millions d’euros seront ainsi consacrés au financement des missions locales.

Pour rappel, en 2014, les missions locales accompagnaient 1,45 million de jeunes âgés de 16 ans à 25 ans. Elles jouent un rôle de premier plan dans le suivi et l’accompagnement des jeunes entrant dans le dispositif de la garantie jeunes ou dans celui des emplois d’avenir – d’ailleurs, pour ce dernier, elles auront aussi pour mission, cette année, d’accompagner la sortie des bénéficiaires.

La subvention à Pôle emploi est maintenue à 1,5 milliard d’euros, et les effectifs de l’agence stabilisés à 46 742 équivalents temps plein.

Le demandeur d’emploi est placé au cœur du dispositif, et vous faites bien d’agir ainsi, madame la ministre. Les orientations sont bien évidemment conformes à la convention tripartite : réalisation plus rapide du premier entretien, doublement de l’accompagnement intensif et, autre évolution positive, déploiement de 4 000 conseillers dédiés aux entreprises.

Le budget de l’Établissements pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE, qui a pu être évoqué dans le cadre d’autres missions, est également renforcé : 1 000 places supplémentaires seront créées afin d’héberger et accompagner vers l’emploi des jeunes en difficulté.

Dans le même temps, la dotation aux écoles de la deuxième chance est maintenue, avec 24 millions d’euros. Cela permettra à 15 000 jeunes d’être accueillis dans ces établissements.

Les crédits alloués aux maisons de l’emploi correspondront finalement aux crédits consommés en 2015, soit 21 millions d’euros. Si l’efficacité des maisons de l’emploi varie fortement d’un établissement à l’autre, une baisse brutale de leur financement aurait été préjudiciable. Ces structures devront être évaluées, mais ce sont des initiatives locales qui peuvent, et doivent, être salutaires.

Outil primordial pour l’insertion des jeunes, l’apprentissage sera financé à hauteur de 2,74 milliards d’euros par l’État en 2016. Le budget de l’emploi renforce cet effort financier, avec 110 millions d’euros supplémentaires. Ces dotations se traduiront, notamment, par la mise en place d’une aide au recrutement de jeunes apprentis par les TPE d’un montant de 4 400 euros pour la première année du contrat.

Afin de favoriser la création d’emplois, le projet de loi de finances pour 2016 tend également à instaurer une nouvelle aide en faveur des TPE et PME. Il s’agit de l’aide à l’embauche du premier salarié, une mesure annoncée en juin et déjà effective, qui, comme son nom l’indique, est destinée à soutenir les TPE embauchant un premier salarié.

Par ailleurs, l’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyait l’extinction de plusieurs dispositifs d’exonération de cotisations dans les zones de revitalisation rurale, les zones de restructuration de la défense et les bassins d’emploi à redynamiser. Cet article a été supprimé par les députés et le Gouvernement a décidé, en conséquence, d’abonder les crédits du programme 103 de 38,3 millions d’euros. Je m’en réjouis, madame la ministre, et je salue la capacité d’écoute du Gouvernement.

Enfin, le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les personnes en situation de handicap. Pour faire face à cette situation inacceptable, 802 millions d’euros sont inscrits dans le budget de 2016 pour le soutien à l’emploi dans les structures d’insertion. Avec 500 aides au poste supplémentaires, le Gouvernement concrétise son engagement d’un accroissement de 2 500 aides au poste dans les entreprises adaptées depuis 2012.

Le chômage de masse est un mal profond qui mine la société française. Le rôle d’amortisseur social joué par l’assurance chômage n’est plus à démontrer. Les partenaires sociaux s’apprêtent à renégocier la convention triennale, laquelle devrait être conclue en 2016. Comme vous, madame la ministre, nous nous fions à eux pour conserver le rôle protecteur de l’assurance chômage, l’adapter aux évolutions du marché du travail et pérenniser financièrement ce régime de protection.

C’est en luttant contre l’exclusion sociale que nous atténuerons les maux de la société ! Ce budget, sanctuarisé, va dans le bon sens et le groupe socialiste – qui ne votera pas l’amendement présenté par la majorité sénatoriale – vous soutiendra, madame la ministre, dans votre détermination et votre engagement à faire reculer le chômage.

La reprise économique pointe à l’horizon (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) ; nous devons poursuivre nos efforts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à chacun sa manière d’interpréter les chiffres !

Si, voilà encore quelques jours, nous pouvions être satisfaits de la baisse du nombre de chômeurs enregistrée au mois de septembre, force est de constater que cette embellie a été de courte durée. Les derniers chiffres font état d’une augmentation de 42 000 du nombre des demandeurs d’emploi au mois d’octobre ! Madame la ministre, vous jugez ces chiffres insatisfaisants ; c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’il s’agit là de la plus forte hausse du chômage depuis 2013 !

Bien sûr, nous savons que les chiffres peuvent varier d’un mois à l’autre, mais nous savons aussi qu’ils ne peuvent, en l’état, traduire une diminution durable du nombre de demandeurs d’emploi. Contrairement à ce que le Gouvernement espérait, la forte baisse constatée en septembre ne marquera pas – je le crains – le début d’une inversion crédible et durable de la courbe du chômage.

En incluant l’outre-mer, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et n’ayant pas du tout travaillé en octobre frôle la barre des 4 millions. Parmi elles, les plus de 50 ans sont particulièrement touchés.

La hausse du mois d’octobre a épargné les jeunes, dont le taux de chômage aurait baissé de 2,9 % sur les douze derniers mois. Pour autant, les chiffres restent élevés et inquiétants.

C’est une question à laquelle tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans n’ont pas su ou pas pu répondre de manière efficace. Malgré de nombreuses initiatives, les statistiques montrent que, jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi à combattre ce fléau. Ce constat est d’autant plus vrai chez les jeunes peu ou pas diplômés.

Voilà une semaine, un débat s’est tenu sur l’initiative du Cercle des économistes, en partenariat avec le journal Le Monde. Le thème était : « Ouvrons le marché du travail à la jeunesse ! » Plusieurs experts ont esquissé des pistes pour tenter d’apporter une réponse. À cette occasion, Natacha Valla, directrice adjointe du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, a dressé le constat suivant : en France, « nous sommes capables de former des élites très compétitives et très recherchées dans le monde de l’entreprise et, en même temps, nous laissons de nombreux jeunes sans diplôme. Il faut adapter le système éducatif aux évolutions de la société et outiller ces jeunes non qualifiés pour qu’ils aient quelque chose à proposer sur le marché du travail. »

L’apprentissage est en effet un formidable levier dans la lutte contre le chômage des jeunes. Il répond à la fois au besoin de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes et à la demande des entreprises de recruter des salariés qualifiés.

Votre prédécesseur, madame la ministre, avait tenu ces propos : « […] relancer l’apprentissage, c’est relancer l’emploi. C’est rapprocher la jeunesse des entreprises et rendre plus perméable la frontière de la première embauche. Relancer l’apprentissage, c’est aussi permettre la transmission des petites entreprises et le développement des plus grandes. Bref, c’est revaloriser le travail comme valeur républicaine. » Je ne peux qu’y souscrire ! Pour autant, l’apprentissage est encore aujourd’hui stigmatisé, dévalorisé et trop souvent considéré, à tort, comme un pis-aller de la formation par de nombreux parents.

Aussi, je déplore que le nombre d’entrées en apprentissage ait baissé de 8 % en 2013 et de 3,2 % en 2014. Je regrette surtout les différentes mesures prises par le Gouvernement en la matière : suppression de la prime à l’apprentissage pour les entreprises de plus de 10 salariés, restrictions apportées au crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage et réforme de la taxe d’apprentissage.

Je salue toutefois la mise en place de l’aide « TPE jeunes apprentis », mais je pense que beaucoup reste à faire, notamment au niveau de l’éducation nationale, pour changer les mentalités et faire en sorte que l’apprentissage soit considéré, non plus comme l’unique solution de repêchage des élèves en décrochage scolaire, mais comme une véritable voie de l’excellence.

Plusieurs de nos voisins l’ont bien compris, comme cela a été évoqué. Je pense notamment à l’Allemagne, qui compte moins de 8 % de ses jeunes au chômage.

M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, parmi les priorités de la mission « Travail et emploi » figure également l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Les crédits consacrés aux contrats aidés restent ainsi élevés, malgré une légère diminution. Je regrette toutefois que l’accent soit mis sur les contrats aidés du secteur non marchand, alors que nous savons pertinemment qu’ils ne permettent pas un retour durable à l’emploi, plus encore quand les collectivités locales et les associations connaissent – et vont continuer de connaître – de fortes diminutions de leurs dotations.

Notre rapporteur pour avis l’a rappelé, selon une étude de la DARES, six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d’un contrat unique d’insertion dans le secteur marchand sont en emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d’un contrat unique d’insertion du secteur non marchand.

Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer : les contrats aidés sont qualifiés par certains économistes de « patch transitoire », agissant comme un palliatif, et non comme un curatif efficace face au chômage des jeunes. Ces contrats aidés ne doivent donc pas nous exonérer de la mise en place d’une véritable politique de l’emploi, notamment à destination des jeunes. (Mme Mireille Jouve et M. Charles Revet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, il est bien difficile d’aborder cette mission « Travail et emploi » tant le constat que nous faisons est amer. Je n’ai, semble-t-il, pas les mêmes lunettes que notre collègue Éric Jeansannetas ; aussi, je ne porte pas forcément le même regard que lui sur ces chiffres.

Je passerai sur les fameuses promesses en matière d’emploi, alors que les chiffres du chômage ne cessent d’augmenter. À cet égard, les deux derniers mois sont à nouveau particulièrement catastrophiques, les orateurs précédents l’ont rappelé.

À cela, il faut ajouter toutes ces personnes qui ont « basculé » – pardonnez-moi l’expression – du statut de demandeur d’emploi vers les dispositifs d’accompagnement dans l’insertion. Il suffit de voir la progression des lignes budgétaires du revenu de solidarité active dans les conseils départementaux : c’est édifiant, pour ne pas dire effrayant.

Pour illustrer mon propos, je note que le budget de cette mission est quasi stable, alors même que le nombre de demandeurs d’emploi explose, avec une progression de 5,6 % cette année.

Je parlerai d’abord des fameux contrats en tout genre dont le Gouvernement se prévaut pour réduire le chômage : contrats aidés, contrats de génération ou encore emplois d’avenir.

S’agissant des contrats aidés, nous constatons une diminution de leur nombre dans le secteur marchand : 80 000 ont été signés en 2015 et seulement 60 000 nouveaux contrats sont prévus pour 2016 ! Parallèlement, faute de dotations budgétaires suffisantes, les collectivités locales ont, en grand nombre, décidé de mettre un terme à ces contrats aidés, qu’elles ne peuvent plus continuer à financer. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de la commission des finances, qui vise à soutenir les contrats aidés dans le secteur marchand, qui sont plus porteurs.

Par ailleurs, seuls 52 000 contrats de génération ont été signés au 20 septembre 2015, alors qu’il était prévu, à l’origine, d’atteindre 500 000 bénéficiaires, comme l’a rappelé Jean-Marc Gabouty. Là aussi, on est très loin du compte !

Enfin, pour les emplois d’avenir, les prévisions pour 2016 semblent en baisse.

Pour ce qui est de l’accompagnement, je parlerai de Pôle emploi et des maisons de l’emploi et de la formation, les MEF.

En ce qui concerne Pôle emploi, j’avais déjà appelé votre attention sur les inégalités de traitement dont sont victimes les demandeurs d’emploi.

Permettez-moi de prendre pour exemple ma région, Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Alors que la Cour des comptes, dans un rapport de 2013, préconisait un renforcement des agences dans le département de l’Aisne, les statistiques montrent que le nombre de conseillers par agence de Pôle emploi est inversement proportionnel au nombre d’inscrits ! Le taux de chômage y atteint 14,9 % de la population active et le nombre moyen de chômeurs suivis par un conseiller est de 175, contre une moyenne nationale de 116.

Parallèlement, je signale l’étonnante décision de la direction régionale de Pôle emploi Picardie de fermer ses agences chaque après-midi, depuis le 12 octobre 2015. Une telle initiative paraît incompréhensible, à la fois pour les demandeurs d’emploi, mais aussi pour les personnels. Notre collègue Annie David a évoqué la généralisation de cette mesure au 1er janvier 2016. Ainsi, la Picardie a essuyé les plâtres…

Dans ces conditions, il est difficile de pérenniser un service public dont les usagers – demandeurs d’emploi et entreprises – sont particulièrement fragiles : un contact facilité et permanent avec leur agence semble donc essentiel. J’ai entendu tout à l’heure que le chômeur était au centre du dispositif ; il faut croire que c’est uniquement le matin…

En ce qui concerne les maisons de l’emploi et de la formation, les MEF, si l’on peut se satisfaire d’une convention pluriannuelle sur trois ans, minimum vital pour une action dans la durée, qui correspond également au temps nécessaire pour monter les dossiers et obtenir les financements européens souhaités, tels que ceux du Fonds social européen pour lesquels une particulière pugnacité est requise, il apparaît aussi nécessaire de stabiliser les sources et la durée des financements de l’État, qui sont en déclin.

La MEF de ma ville de Laon, pour le même programme d’actions, recevait 400 000 euros de l’État en 2007 ; en 2016, ce financement s’élèvera à 80 000 euros. La baisse est vertigineuse !

Il importe de rendre possible, pour ces structures, l’anticipation de la couverture financière des programmes mis en place par l’État. À l’heure actuelle, les MEF ne disposent d’aucune visibilité sur le maintien ou non de la garantie jeunes après 2017, par exemple.

Pour une meilleure efficacité, ne peut-on envisager une mutualisation des bases de données entre les opérateurs du champ de l’emploi et de la formation ? Aujourd’hui, les MEF et Pôle emploi agissent en parallèle sur le même segment d’activité, mais sans avoir développé de véritables synergies. Certes, l’échange de bases de données est un levier d’amélioration, mais aussi un sujet de rivalité : Pôle emploi possède une meilleure base de données, mais souffre d’une moindre efficacité opérationnelle que les MEF. Il serait cependant utile de se pencher sur cette question et d’améliorer les partenariats.

Je souhaite maintenant parler de l’apprentissage, voie d’orientation prometteuse pour de nombreux jeunes.

Le Président de la République, cela a été rappelé, avait fixé un objectif de 500 000 jeunes en apprentissage en 2017. Or, de deux études publiées en février dernier, il ressort que le bilan est particulièrement négatif. En 2013, le nombre d’apprentis a fléchi de 3,1 % par rapport à 2012. Les entrées en apprentissage ont baissé de 6,5 %, alors même qu’il est unanimement reconnu que cette formation est synonyme d’insertion et d’emploi.

Son développement chez nos voisins membres de l’Union européenne, où les taux de chômage sont bien moindres, en est la preuve évidente. Il nous appartient de relancer cette voie d’orientation, en facilitant les garanties auprès des entreprises et en répandant ce dispositif au sein d’une fonction publique encore bien frileuse.

Un état des lieux devait être fait en septembre sur la mobilisation en faveur de l’apprentissage, décrétée en septembre 2014 par le Premier ministre, avec, le cas échéant, l’annonce de mesures complémentaires. Qu’en est-il, madame la ministre ? Je vous remercie de nous répondre sur ce point.

Enfin, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », a confirmé l’attribution aux nouvelles régions des compétences dans le domaine de l’emploi et de la formation professionnelle. Néanmoins, celles-ci n’auront pas la responsabilité de la politique de l’emploi, mais pourront obtenir de l’État une délégation de service public. Elles coordonneraient alors tous les acteurs, sauf Pôle emploi, qui garde son autonomie. L’apprentissage relèvera également de leur compétence.

Toujours dans ma région, les apprentis représentaient 19 % des effectifs du second cycle professionnel. Sur ce point, je suis obligé, à nouveau, d’évoquer la baisse des dotations aux collectivités territoriales et ses effets induits, notamment sur le secteur du BTP, dont les carnets de commandes se sont vidés, entraînant une diminution de 60 000 du nombre des apprentis dans cette branche d’activité depuis 2012.

Madame la ministre, comme je l’ai dit en introduction de mon propos, le constat est amer. Ce qui pourrait entraîner une création massive d’emplois, c’est, d’une part, une reprise économique, que nous voyons encore bien faible, et, d’autre part, une réforme du code du travail, dont les assouplissements nécessaires tardent à se manifester, puisqu’ils sont annoncés pour 2018 !

Vous comprendrez, madame la ministre, que les crédits de la mission ne peuvent nous satisfaire en l’état. Je les voterai néanmoins, si l’amendement de notre collègue rapporteur général sur les contrats aidés est adopté. Entre-temps, nous serons attentifs à vos réponses et à vos propositions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.