M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat pour le premier amendement et suggère le retrait des suivants.

L’amendement n° 320 vise à réécrire la séquence éviter-réduire-compenser en renforçant la qualité de la compensation écologique. Il tend à préciser que la compensation écologique doit être additionnelle et qu’elle doit respecter l’équivalence écologique. Toutefois, il ne définit pas ce qu’est l’additionnalité. D’où mon avis de sagesse.

Ce point, vous le savez, a été débattu au sein du comité pour l’économie verte et n’a pas été bien défini. M. Dantec a réalisé un travail important et fait des propositions afin de mieux encadrer la compensation écologique. J’aurai d’ailleurs l’occasion de soutenir certains de ses amendements tout à l’heure. Toutefois, l’article 2 portant sur les grands principes du droit de l’environnement, je ne pense pas qu’il faille détailler autant sa rédaction.

L’amendement n° 531 rectifié vise à supprimer l’exigence d’une atteinte « significative ». Or la rédaction actuelle a été proposée par la commission du Sénat. L’Assemblée nationale avait, pour sa part, retenu une autre rédaction et préféré parler d’« incidence notable sur l’environnement », mais c’est bien la même notion, qu’il convient de conserver. Je suggère donc le retrait de cet amendement.

Les amendements identiques nos 225 rectifié et 329 rectifié visent, eux aussi, à préciser que la compensation ne porte que sur les atteintes à la biodiversité pouvant être qualifiées de « notables » et qu’elle n’est mise en œuvre que lorsque cela est possible.

Il est louable de vouloir apporter des précisions, mais le code indiquant qu’il faut éviter les atteintes « significatives » à l’environnement, je pense qu’il existe un risque de confusion juridique entre atteinte « significative » à l’environnement et atteinte « notable ». C’est pourquoi je suggère également le retrait de ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je ne voterai pas ces amendements, mais je m’interroge sur le caractère normatif du terme « significatif », ajouté sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau.

Nous allons devoir attendre la jurisprudence pour savoir comment ce texte sera appliqué. Le risque est que les magistrats aient une interprétation très différente d’un endroit à l’autre du territoire. Certains d’entre eux considéreront que peut être qualifiée de « significative » une atteinte quasi totale, d’autres que peut l’être une atteinte à hauteur de 60 %, 70 % ou 80 %.

Je tenais à faire part de mon interrogation à la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 320.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 531 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 531 rectifié est retiré.

Madame Billon, l'amendement n° 225 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annick Billon. Oui, monsieur le président.

M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 329 rectifié est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 225 rectifié et 329 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 267 est présenté par M. Poher, Mme Bonnefoy, MM. Cornano et Filleul, Mme Herviaux, M. Miquel, Mme Tocqueville et M. Yung.

L'amendement n° 302 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9

Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :

2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité ; »

La parole est à M. Hervé Poher, pour présenter l’amendement n° 267.

M. Hervé Poher. Cet amendement est fondé uniquement sur l’interprétation logique de la langue française.

Tout d’abord, en acceptant le principe éviter-réduire-compenser, vous allez de facto valider la notion d’absence de perte nette. Si vous évitez les impacts sur la biodiversité, le capital de biodiversité reste le même. Si vous réduisez et compensez les impacts sur la biodiversité, le capital de biodiversité reste, dans ce cas aussi, le même.

En acceptant la démarche éviter-réduire-compenser, on officialise donc la notion « d’absence de perte nette ». Autant l’afficher clairement !

Ensuite, pourquoi ajouter la notion de gain, en la pondérant ? Tout simplement parce que, dès son intitulé, ce texte est « projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » et non un « projet de loi pour le déclin, le maintien ou le sauvetage de la biodiversité ».

Jusqu’à preuve du contraire, à la fin d’une reconquête, on en a plus qu’au début de la démarche, sauf à envisager d’emblée la reconquête comme un échec ou à avoir une conception très masochiste du mot « conquête »…

En toute logique, si l’on ne veut pas inclure les notions de perte nette ou de gain dans le texte, il faut refuser la démarche éviter-réduire-compenser et modifier l’intitulé du projet de loi. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 302.

M. Ronan Dantec. Notre collègue Hervé Poher a bien expliqué la situation. La question est de savoir si nous voulons faire preuve d’ambition en matière de biodiversité.

Nous le savons, les pertes de biodiversité sont considérables dans tous les domaines, dans les zones humides ou en termes d’espèces. Ne pouvant plus accepter de continuer de perdre de la biodiversité, nous optons aujourd'hui pour une démarche dynamique, ce qui signifie regagner de la biodiversité.

L’amendement, qui propose une rédaction extrêmement mesurée, vise à prévoir qu’il faut aujourd'hui, lorsqu’on intervient sur la nature, y compris pour des raisons économiques – ’il ne s’agit pas de mettre la nature sous cloche – se poser la question de la dynamique de gain de biodiversité.

Adopter cet amendement serait envoyer le signal collectif que nous avons tous pris acte du fait que nous ne pouvons plus accepter de pertes de biodiversité et qu’intervenir sur la nature, c’est se placer dans une perspective de création de gains. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 533 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :

2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de la biodiversité ; »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Comme nous l’avons précédemment évoqué, l’article 2 permet de préciser le contenu du principe de prévention des atteintes à l’environnement.

Dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, ce principe devait « viser un objectif d’absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité ». Cette précision a été supprimée par la commission, qui a considéré qu’elle était dépourvue de portée normative.

Pourtant, l’application du triptyque éviter-réduire- compenser les atteintes à l’environnement implique de se fixer un objectif d’absence de perte nette de biodiversité.

L’amendement que nous vous proposons vise à consacrer cette précision dans le texte, sans pour autant retenir l’objectif de gain de biodiversité, qui ne nous semble pas relever du principe de prévention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Les amendements identiques nos 267 et 302 tendent à réintroduire l’idée que le principe d’action préventive a pour objectif l’absence de perte nette, voire le gain de biodiversité, alinéa que nous avions supprimé en commission, sur l’initiative de Rémy Pointereau, de moi-même et de plusieurs autres collègues qui nous avaient soutenus.

Cette phrase, même si elle est intéressante, est floue et n’apporte pas de plus-value juridique justifiant qu’elle soit inscrite dans la loi. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ce soir à plusieurs reprises, les termes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement sont importants, puisqu’ils fondent les principes généraux du droit de l’environnement.

Nos travaux législatifs peuvent certes inspirer ceux qui auront à les commenter en les éclairant sur ce que certains législateurs avaient en tête. Toutefois, en cas de contentieux, on ne peut pas placer le juge devant la difficulté d’interpréter les concepts que vous proposez. Cela ne me paraît pas souhaitable juridiquement.

Les auteurs de l’amendement n° 533 rectifié ont limité l’objectif du principe en question à l’absence de perte nette de biodiversité. Comme pour les amendements précédents, cet objectif est trop flou pour être introduit dans le code de l’environnement, même si je comprends la perspective qu’il trace, qui peut servir d’indication pour ceux qui auront à se pencher sur ces dispositions et à les mettre en application.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment favorable à ces amendements identiques, un amendement analogue ayant été adopté à une large majorité à l’Assemblée nationale, à l’issue d’un vaste débat.

La reconquête de la biodiversité, ce n’est pas le recul de la biodiversité. L’absence de perte nette de biodiversité est un objectif global qui correspond complètement à l’esprit de la loi, qui n’en fait pas une obligation de résultat mètre carré par mètre carré.

Lors de la discussion générale, tout le monde a cité des exemples spectaculaires de la régression très dangereuse de la biodiversité, y compris pour les services qu’elle rend dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’agroalimentaire, du médicament, du biomimétisme, ainsi que les enjeux pour l’équilibre de l’air, des sols, des espèces animales et végétales. Ce recul est dramatique et il faut affirmer que l’objectif est bien l’absence de perte nette de biodiversité. Je le répète, ce n’est pas un calcul arithmétique, c’est un objectif global, un objectif civilisationnel de reconquête de la biodiversité.

Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à ces amendements identiques tendant, je le répète, à revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Peut-être y a-t-il eu un malentendu sur la portée de ces amendements, mais je pense qu’ils sont totalement cohérents.

Le fait de repousser de tels amendements laisse d’ailleurs peser un doute sur l’objectif même du texte dont nous débattons et que chacun a défendu ici, sur l’ensemble des travées. Il s’agit bien de reconquérir ce qui a été détruit, dans une démarche dynamique et non pas statique. Quand on sait que le réchauffement climatique accélère le recul de la biodiversité, il est très important que ces combats soient menés. Ils le sont d'ailleurs, y compris par le monde agricole, qui est la première victime de la régression de la biodiversité notamment végétale, ainsi que de l’appauvrissement des sols et de l’air.

Mais si cet objectif est pour moi sans ambiguïté, peut-être convient-il de lever un certain nombre d’incertitudes par rapport au rejet dont ces amendements ont fait l’objet en commission.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je voudrais tout d'abord faire remarquer à Mme la ministre que la disposition qu’elle vient de défendre ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement ; c’est un ajout de l’Assemblée nationale.

J’ajoute que nous avons adopté précédemment une disposition tendant à veiller à l’absence d’atteinte significative à l’environnement. Il convient de rester cohérent : nous ne pouvons pas dire que l’objectif est, d’un côté, de s’assurer de l’absence de perte nette de biodiversité et, de l’autre, d’éviter les atteintes significatives à l’environnement ; c’est l’un ou l’autre !

Il ne faut pas être maximaliste. La commission est cohérente en n’affichant pas un objectif d’absence de perte nette dès lors que la rédaction de l’alinéa précédent fait référence à des atteintes significatives à l’environnement. À défaut, il faudrait revoir la rédaction initiale, approuvée d’ailleurs par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. L’argumentaire qui vient d’être développé ne me semble pas du tout juste. Nous sommes dans un principe d’opérationnalité. S’il n’y a pas d’atteinte « significative », on ne va pas s’engager dans une machinerie relativement lourde de diagnostic, de définition puis d’application de différentes mesures. Nous en sommes tous conscients et il n’y a aucun dogmatisme de ce point de vue. Si ce n’est pas significatif, on ne fait rien.

En revanche, si c’est significatif, on s’engage dans une opération beaucoup plus lourde, en mobilisant des moyens publics, et l’on se place dans la reconquête.

Il y a donc une véritable cohérence entre les deux, contrairement à ce que vous souteniez, monsieur Vasselle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 267 et 302.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 533 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 172 rectifié, présenté par MM. Pellevat et D. Dubois, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. L’article 2 du projet de loi-cadre Biodiversité entend ajouter un principe de solidarité écologique aux principes énoncés à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Ce principe de solidarité écologique, qui introduit une solidarité entre les êtres vivants, dont l’homme, les écosystèmes et les milieux naturels ou aménagés, présente un caractère nébuleux propice à interprétations, le rendant juridiquement contestable et d’autant plus problématique qu’il est appelé à être pris en compte avant toute décision publique.

Tel qu’édicté, le principe de solidarité écologique ne répond pas aux objectifs de l’article L. 110-1, à savoir énoncer les principes directeurs du droit de l’environnement, dotés d’une portée juridique clairement identifiable et destinés, dans une visée opérationnelle, à inspirer les législations sectorielles qui en préciseront la portée.

Ce principe de solidarité écologique apparaît incantatoire ou déclaratoire et non pas à vocation normative, de sorte qu’il n’a pas sa place dans l’article visé.

D’ailleurs, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de la loi, le principe de solidarité écologique, en tant que grand principe d’interaction entre les activités humaines et la biodiversité, n’existe à ce jour dans aucune réglementation. La législation sur l’eau n’évoque que la solidarité financière ou territoriale des bassins. Quant à la solidarité écologique au sens de la législation des parcs nationaux, elle est évoquée en référence à deux espaces géographiques, ce qui correspond à une solidarité biologique qu’il est aisé d’appréhender.

En ce sens, le principe de solidarité écologique méconnaît aussi l’exigence constitutionnelle de normativité de la loi, de même que celle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

De plus, et surtout, si le principe de solidarité écologique a pour objet d’asseoir la nécessité de concilier le développement économique et la biodiversité, force est de constater qu’il serait dénué d’effet utile dès lors que préexiste à cet égard le principe de développement durable, figurant à la fois dans la Charte de l’environnement et à l’article L. 110-1.

Le principe de développement durable paraît en outre plus équilibré dans la prise en compte des trois piliers, économique, environnemental et social, tandis que la solidarité écologique sous-tend une primauté de l’écologie par rapport aux activités humaines et les enjeux socio-économiques.

Enfin, le principe de solidarité écologique est un facteur d’insécurité juridique pour les porteurs de projets : d’une part, ces derniers ne sont pas en mesure de déterminer les contraintes découlant de ce principe ; d’autre part, l’incertitude liée à cette notion fait peser un doute sur la validité des décisions dont ils bénéficient et qui sont supposées prendre en compte un tel principe. À cet égard, outre le risque, non négligeable, d’une multiplication des contentieux, cela revient à abandonner au juge le soin de définir a posteriori les contours de cette notion.

Par conséquent, il est proposé de supprimer l’introduction du principe de solidarité écologique à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 226 rectifié est présenté par Mme Billon, MM. Longeot, Roche et Lasserre, Mme Loisier et MM. L. Hervé, Guerriau, Cadic et Luche.

L'amendement n° 330 rectifié est présenté par M. Revet, Mme Lamure, M. Lenoir, Mme Canayer et M. D. Laurent.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

toute prise de décision publique

par les mots :

les plans et programmes publics

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 226 rectifié.

Mme Annick Billon. Toujours dans le souci d’une plus grande cohérence, le principe de solidarité écologique, qui fait l’objet de l’article 2, doit s’appliquer aux plans et programmes publics, qui sont connus et reconnus.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 330 rectifié.

Mme Élisabeth Lamure. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 268 est présenté par M. Poher, Mme Bonnefoy, MM. Madrelle, Bérit-Débat, Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mme Tocqueville, MM. Cabanel, Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 303 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 526 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Barbier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Supprimer le mot :

directement

La parole est à M. Hervé Poher, pour présenter l'amendement n° 268.

M. Hervé Poher. Il est précisé, à l’alinéa 11, que le principe de solidarité écologique « appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires directement concernés, ». Cet amendement vise à supprimer l’adverbe « directement ».

Tout d’abord, la notion de territoire est vague. Vous pouvez le concevoir comme un espace minimal ou, à l’opposé, comme une vaste étendue : territoire communal, intercommunal, bassin versant, territoire de parc, territoire cantonal, territoire départemental…

Ensuite, l’air, l’eau, les pollens, les insectes et la faune en général n’ont pas l’habitude de respecter les frontières ou les découpages administratifs. (Sourires.)

Enfin, tout projet, important ou non, d’ailleurs, peut avoir des répercussions ou des conséquences sur un autre territoire, qu’il soit voisin ou parfois très éloigné, territoire qui peut subir des effets négatifs sur sa biodiversité, sans bénéficier des « plus » ou des « moins » de l’aménagement, mais qui ne pourrait pas, si on laisse le texte en l’état, profiter éventuellement d’une certaine solidarité écologique.

À cet égard, je citerai simplement deux exemples.

Premier exemple, une intervention sur un cours d’eau peut avoir des conséquences sur les territoires en aval, parfois très en aval et quelquefois même en amont.

Second exemple, les aménagements autoroutiers et les lignes de TGV, qui s’apparentent à de véritables barrières, peuvent détruire des zones riches en biodiversité, mais aussi influer sur le fonctionnement de la faune et sur les équilibres des territoires voisins. Nous connaissons tous, sur nos territoires, des cas éloquents. Je pourrais vous parler longuement des sangliers de ma commune, qui ont changé leurs habitudes de promenade après la construction de la ligne de TGV et ont pris la fâcheuse manie d’aller chatouiller les agriculteurs de territoires voisins…

Tout cela pour réaffirmer que tout projet peut avoir une répercussion environnementale sur le territoire qui l’accueille, bien entendu, mais aussi sur des territoires parfois éloignés ! Pourquoi ces territoires touchés indirectement devraient-ils se sentir exclus de la notion de « solidarité écologique » ? C’est pourquoi nous vous proposons la suppression de l’adverbe « directement ».

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 303.

M. Ronan Dantec. Ici et là, on a le sentiment qu’il y a ceux qui défendent la nature et ceux qui défendent les humains. Pourtant, cet article est très humain. (Sourires.) Pour compléter ce qu’a dit notre collègue Poher, par exemple, à partir du moment où l’on imperméabilise les sols en amont, il y a de vraies conséquences en aval.

Réfléchir aux incidences de l’aménagement d’un territoire sur d’autres territoires, avoir une approche des interactions, tout cela constitue une vraie progression dans notre conception et notre appréhension, y compris de notre intervention humaine. Je trouverais dommage que l’on supprime les deux alinéas.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour présenter l'amendement n° 526 rectifié bis.

M. Raymond Vall. Même argumentation !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces six amendements en discussion commune relèvent de trois catégories.

Le premier, l'amendement n° 172 rectifié, est isolé ; il vise à supprimer le principe de solidarité écologique, revenant donc sur le dispositif qui a été adopté en commission.

Le principe de solidarité écologique me semble au contraire très intéressant, notamment pour repenser la question de la responsabilité environnementale.

En outre, la rédaction proposée par le texte est celle qu’a proposée le Conseil d’État, qui a considéré que le principe n’avait pas de portée immédiate, mais qu’il invitera le législateur et le pouvoir réglementaire à se poser la question, dans les textes qu’il prévoit, de la déclinaison ou non de ce principe de solidarité écologique, par exemple pour améliorer les études d’impact.

J’ajoute que ce principe existe déjà dans le code de l’environnement pour les parcs nationaux.

Enfin, l’amendement que nous avions adopté en commission avait permis de préciser ce principe et d’en limiter le caractère flou en supprimant, sur la suggestion de Mme Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, la notion de territoires « indirectement concernés ».

La commission émet donc un avis défavorable.

S’agissant de la deuxième catégorie, c'est-à-dire des amendements identiques nos 226 rectifié, présenté par Mme Billon, et 330 rectifié, présenté par Mme Lamure, le principe de solidarité écologique, défini à l’alinéa 11 de l’article 2, implique que l’on prend en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires directement concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés.

Ces deux amendements visent à préciser le champ d’application de ce principe en prévoyant qu’il s’appliquera aux plans et programmes publics qui ont une incidence notable sur l’environnement des territoires, et non pas à « toute prise de décision publique ».

Madame Billon, il me semble que le dispositif que vous prévoyez est contradictoire avec l’objet de votre amendement. Vous souhaitez en effet que le principe puisse être appliqué de manière plus large, et non pas seulement au moment de la prise de décision. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce que vous souhaitez réellement faire ? Je comprendrais, à la limite, que vous souhaitiez compléter les mots « toute prise de décision publique » par les mots « les plans et programmes publics », mais ces derniers pris isolément n’ont pas de sens.

Au final, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements, sauf s’ils venaient à être rectifiés dans le sens qu’elle propose.

S’agissant, troisième et dernière catégorie, des amendements identiques nos 268 de M. Poher, 303 de M. Dantec et 526 rectifié bis de M. Mézard, nous avions décidé en commission de préciser, notamment sur la proposition de Mme Primas, le principe de solidarité écologique, qui, à l’origine, visait les territoires « directement ou indirectement concernés ».

Notre collègue avait en effet alerté sur le caractère flou de la notion de territoires « indirectement concernés » par le principe de solidarité écologique ; nous avions donc supprimé cette précision, qui pouvait avoir de lourdes conséquences dans la mise en œuvre des études d’impact de certains projets.

Ces amendements visent à supprimer la précision « directement », ce qui va à l’encontre des résultats des travaux de la commission. Leur adoption reviendrait à soumettre tous les territoires concernés au principe de solidarité écologique, ce qui est bien trop large.

La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission sur les amendements nos 172 rectifié, 226 rectifié et 330 rectifié. En effet, ces amendements, qui visent à supprimer le principe de solidarité ou à le limiter aux seuls plans et programmes publics, ne sont pas en cohérence avec les objectifs du projet de loi, comme les travaux de votre commission l’ont montré. Par conséquent, j’en suggère le retrait.

Les amendements identiques nos 268, 303 et 526 rectifié bis tendent à en revenir au texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Par cohérence, j’y suis favorable.

À cet égard, je voudrais faire part d’une petite nuance à M. le rapporteur.

Dans le texte voté par l’Assemblée nationale, la solidarité écologique s’appliquait aux « territoires directement ou indirectement concernés ». Les deux adverbes étaient donc bien dans le texte, ce qui constituait une certaine souplesse. M. le rapporteur s’interrogeait à juste titre à cet égard. Il convient donc ici de supprimer la référence aux territoires « directement » concernés, car en restant dans l’implicite on met moins de rigueur dans le texte.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.