Mme Françoise Férat, rapporteur. Par cet amendement, il s’agit de respecter les prérogatives de l'échelon intercommunal en matière d'urbanisme, lorsque celui-ci est compétent.

M. le président. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 81, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou, lorsque le projet de classement concerne une zone située intégralement ou partiellement sur le territoire d’une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale, sur proposition ou après accord de l’autorité délibérante de cette commune

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Un problème a été soulevé de façon récurrente au cours des auditions : dans une communauté de communes compétente en matière d’urbanisme, comment une petite commune pourra-t-elle imposer sa protection patrimoniale ?

Bien qu’il soit sans doute difficile de répondre à cette question en termes juridiques, je tenais à l’évoquer. S’exprime ici la crainte que le niveau intercommunal ne partage pas nécessairement l’attrait de certaines de ses communes membres pour la protection du patrimoine.

Aussi nous paraît-il nécessaire de permettre à une commune membre d’un EPCI compétent en matière d’urbanisme de pouvoir proposer le classement en site patrimonial protégé de tout ou partie de son territoire, sans remettre en cause la compétence de l’EPCI, qui devra donner son accord.

M. le président. L'amendement n° 517, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 81

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette faculté est également ouverte aux communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale lorsque le projet de classement concerne une zone intégralement ou partiellement située sur son territoire.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement vise à permettre à une commune membre d'un EPCI de solliciter le classement au titre des sites patrimoniaux protégés. Il ne revient pas sur les compétences de l'EPCI, puisque ce dernier devra, en vertu de la procédure prévue à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 631-2 du code du patrimoine, donner son accord préalablement à la décision de classement, à moins que ce classement ne revête un intérêt tel qu'il justifie de passer outre cet accord en utilisant la procédure de classement par décret en Conseil d'État prévue au deuxième alinéa du même article.

M. le président. L'amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 83

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un diagnostic patrimonial de classement est joint à cet acte.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement prévoit que l’acte de classement du site patrimonial protégé sera transmis accompagné d’un diagnostic patrimonial.

L’établissement d’un tel document nous semble important. Il constituerait le pendant de la zone de présomption de prescription archéologique dans le cadre de l’établissement de la carte archéologique. Il permettrait ainsi de répertorier le patrimoine existant et autoriserait la Commission nationale à se prononcer en toute connaissance de cause sur les servitudes ou documents les mieux adaptés pour protéger telle ou telle partie du périmètre du site patrimonial protégé.

Au sein d’un même site, le patrimoine peut être très varié : ensemble de maisons typiques témoins d’une époque, paysages naturels, significatifs ou rares, immeubles à particularismes, ni classés ni inscrits.

Sans ce diagnostic, le site patrimonial protégé pourrait s’apparenter à une coquille vide. On classe, certes, mais quoi et pourquoi ? Un tel document permettrait de répondre à ces questions.

M. le président. L'amendement n° 512, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 84

Remplacer les mots :

dans les mêmes conditions

par les mots :

selon la procédure prévue aux deux premiers alinéas du présent article

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. L'amendement n° 274 rectifié, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 86

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 631-3. – I. – Le plan de sauvegarde et de mise en valeur est élaboré et révisable conjointement par l’État et l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme. La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, les architectes des Bâtiments de France et les associations dont l’objet et la compétence sont reconnus peuvent faire des prescriptions dans le cadre de l’élaboration ou la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Il est approuvé après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture mentionné à l’article L. 611-2 du présent code.

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Par cet amendement de repli, il s’agit de réécrire l’alinéa 86 de l’article 24, au cas, peu probable, où notre amendement n° 273 ne serait pas adopté…

Il convient d’associer, lorsque les plans de sauvegarde et de mise en valeur des sites patrimoniaux protégés seront mis en place, le maximum de parties prenantes : l’État, l’autorité compétente en matière d’urbanisme, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, les architectes des Bâtiments de France, qui sont effectivement utiles comme cela a été signalé, mais aussi des associations de citoyens reconnues en la matière. Notre collègue Michel Bouvard l’a dit tout à l’heure, il s’agit de favoriser une appropriation citoyenne de ces problématiques.

L’idée est donc d’introduire un maximum de collégialité et de dialogue dans les prises de décision.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants. La séance sera reprise à seize heures quarante-cinq, pour les questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 24 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Discussion générale

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Je voudrais saluer les nouveaux ministres et secrétaires d’État pour leur première séance de questions d’actualité dans notre assemblée. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours des échanges, qui doivent être directs, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

situation du tribunal de grande instance de bobigny

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme Aline Archimbaud. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

Le tribunal de grande instance de Bobigny, deuxième juridiction de France, se situe dans un département de plus de 1 500 000 habitants.

Hier, 15 février, rassemblés dans une mobilisation exceptionnelle, les magistrats, fonctionnaires et avocats y ont à nouveau lancé un cri d’alerte et ont souligné une pénurie alarmante et chronique de moyens matériels et humains. À ce jour, le tribunal est en effet en sous-effectif de 15 % concernant les procureurs et les substituts et de 20 % concernant les juges. En outre, 75 postes de fonctionnaires sur 367 ne sont pas occupés.

Cette situation a des conséquences très lourdes, à la fois pour les équipes, qui sont épuisées, et pour les justiciables.

Une justice sans moyens est en effet une justice cruelle pour les justiciables : les délais d’attente sont d’une longueur insupportable – plus d’un an pour une première audience devant le juge aux affaires familiales, le juge du surendettement ou le juge d’instance, ou encore pour la mise en place d’une mesure d’assistance éducative – ; quatre villes du département sont privées de juge des enfants ; il n’est pas rare que des affaires soient jugées cinq ou six ans après les faits ; enfin, la durée moyenne d’une audience au tribunal d’instance, plaidoirie comprise, est de six minutes.

Les magistrats se trouvant dans l’impossibilité de remplir leurs missions, une lourde décision a été prise en janvier : le report de 20 % des audiences civiles et pénales.

Monsieur le ministre, pendant combien de temps encore la population et les élus de Seine-Saint-Denis devront-ils protester contre cette rupture d’égalité insupportable au sein de la République ? Alors qu’une partie importante de la population connaît des situations difficiles, quelles mesures concrètes allez-vous prendre, à court terme, pour remédier à cette situation et rétablir l’égalité dans l’un des piliers de notre démocratie, l’accès à la justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, merci beaucoup pour votre question. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hubert Falco. C’est téléphoné, alors !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En effet, ce qui est accentué de façon spectaculaire à Bobigny dit beaucoup de toutes les juridictions françaises. Cette situation est également vraie à Chartres, où j’étais vendredi dernier.

Comment expliquer qu’une sanction pourrait avoir une vertu pédagogique quand elle intervient trois ans après la commission des faits ? Comment expliquer à une victime qu’elle doit attendre des années pour que son préjudice soit enfin reconnu ?

M. Gérard Cornu. Posez donc la question à Mme Taubira !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Vous avez donc évidemment raison, madame la sénatrice. Cependant, le Gouvernement agit. (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je vous remercie de votre sollicitude, mesdames, messieurs les sénateurs, et je suis certain que ce que je m’apprête à dire suscitera de votre part le même assentiment. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Cette année, nous avons accueilli à l’École nationale de la magistrature la plus grande promotion d’auditeurs depuis 1958 : 366 auditeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Simplement, il faut du temps pour les former. Or Bobigny ne peut pas attendre.

J’ai appelé ce matin le bâtonnier Campana ; je recevrai vendredi le président du tribunal de grande instance ainsi que la procureur de la République – vous comprendrez que j’éprouve le besoin de discuter directement avec eux – afin que nous prenions des mesures à la fois rapides et, surtout, visibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre écoute et de votre diligence. Vous l’aurez compris, je voulais simplement me faire ici le relais du profond sentiment d’injustice et, parfois, de mépris qui est ressenti à Bobigny. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

rentrée scolaire

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les cartes scolaires de la rentrée 2016 suscitent de vives inquiétudes parmi les équipes enseignantes et les parents d’élèves.

En Île-de-France, par exemple, des actions de tous ordres se multiplient dans les départements.

En Seine-et-Marne, 200 classes pourraient être fermées. Dans les Hauts-de-Seine, 50 postes seraient créés, mais 116 classes vont fermer pour seulement 77 ouvertures ; les trois quarts de ces créations de postes sont destinés à reconstituer les brigades de remplaçants. La question du remplacement est un casse-tête.

La réalité, c’est que la crise de recrutement des enseignants, sur laquelle nous lançons l’alerte depuis 2011, touche désormais aussi le premier degré, et ce à l’échelle nationale.

Pourquoi en sommes-nous là ?

Plus de 80 000 suppressions de postes ont eu lieu en cinq ans sous la mandature de Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or voici son programme pour 2017 : le retour du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et un plan de réduction de la dépense publique de 100 milliards d’euros en cinq ans ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Il est une autre raison, madame la ministre : votre atermoiement à mettre en place de véritables prérecrutements, ce que n’étaient pas les emplois d’avenir professeur, abandonnés en rase campagne.

Nous plaidons inlassablement pour l’instauration de véritables prérecrutements, seuls à même de recréer un vivier d’enseignants de qualité, en nombre suffisant et en possession d’une formation de haut niveau. Ces enseignants stagiaires ne doivent donc plus servir de variable d’ajustement. Sinon, comment l’ambition, affirmée par nous tous sur ces travées, de placer l’école au cœur d’une réponse républicaine forte, notamment face au terrorisme, peut-elle trouver sa plénitude ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, merci pour votre question. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les débats sur l’école sont souvent entourés d’un certain brouhaha qui nous éloigne de l’essentiel ; votre question nous y ramène… (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous évoquez les créations de postes et la rentrée scolaire prochaine. La rentrée scolaire 2015 s’est très bien passée, comme vous l’aurez remarqué. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains.) De même, nous préparons la rentrée 2016 pour qu’elle se passe au mieux.

De fait, madame Gonthier-Maurin, même si vous l’avez souligné, vous trouverez toujours sur le territoire national des classes qui ferment et d’autres qui ouvrent. Cela est lié à la démographie : il faut bien fermer des classes là où elle est en baisse et en ouvrir là où elle est en hausse.

M. Alain Néri. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. La réalité, c’est que la rentrée prochaine sera marquée par un nombre de créations de postes absolument inédit depuis des années dans ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne vous citerai que quelques exemples pour illustrer mon propos : 450 postes supplémentaires dans l’académie de Montpellier, 300 dans celle de Grenoble, 1 115 dans celle de Créteil. Je crois que l’on a rarement fait aussi bien !

M. Didier Guillaume. Du jamais vu !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. La réalité, c’est que le Gouvernement, depuis 2012, a tenu l’engagement de François Hollande de créer les 60 000 postes dans l’éducation et a ainsi réussi à résoudre un problème en effet criant, qui avait été creusé par la précédente majorité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez raison, madame la sénatrice, d’évoquer les 80 000 postes supprimés en une décennie et, surtout, les effets que ces suppressions ont eus sur notre vivier de remplaçants. Nous sommes pour notre part en train de le reconstituer. Ainsi, dans votre département des Hauts-de-Seine, ce sont 40 nouveaux postes de remplaçant qui seront créés pour la rentrée prochaine.

M. Roger Karoutchi. C’est tout ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous pouvons bien sûr toujours améliorer la donne. Néanmoins, avec la priorité redonnée au primaire, les efforts engagés et les postes créés dans l’éducation nationale, la situation aura rarement été aussi bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le solde négatif des postes d’enseignant et, plus largement, la politique d’austérité ne permettent pas de répondre aux difficultés et aux défis actuels. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Vous feriez pareil à droite !

Et je n’ai pas évoqué le second degré ! Sachez que plusieurs lycées et collèges de mon département sont en grève depuis le début de la semaine et le seront à nouveau jeudi prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

mesures européennes en faveur de l'agriculture

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Crise laitière, crise de l’élevage, épidémies de grippe aviaire, fièvre catarrhale ovine, sécheresse : la crise que connaît l’agriculture depuis quelques mois est complexe et dramatique. Elle se poursuit, comme en témoigne l’actualité, avec la mobilisation de nombreux agriculteurs, qui sont prêts à tout et même au pire.

En tant que parlementaire, je condamne ces actions dangereuses. En tant qu’agriculteur, je ne peux que comprendre le désarroi de ces entrepreneurs, travailleurs de la terre qui ne peuvent plus vivre dignement de leur travail et qui voient des exploitations parfois construites de génération en génération s’anéantir.

Les causes de cette crise, qui dépasse largement nos frontières françaises, sont multiples. Aux difficultés sanitaires propres à l’agriculture se sont ajoutés une surproduction, qui fait chuter les cours, l’embargo russe, qui nous prive de débouchés essentiels, ainsi que l’effondrement du marché chinois, pourtant prometteur. La suppression des outils de régulation du marché décidée dans le cadre de la politique libérale de l’Union européenne aggrave encore la situation. La seule stratégie qui en découle est la loi du marché : au vu des enjeux inhérents à l’agriculture, cela ne peut pas fonctionner !

Beaucoup d’efforts ont été faits par le Gouvernement, en particulier sous votre égide, monsieur le ministre, depuis le début de cette crise. Le 8 février dernier, avec le ministre de l’économie, vous avez encore indiqué aux entreprises de la distribution et de la transformation qu’il n’était pas acceptable que les négociations commerciales conduisent en 2016 à des baisses de prix pour les filières en difficulté. Ce sont ainsi plus de 4,6 milliards d’euros d’allégements et de baisses de charges sociales qui auront été consacrés à l’agriculture en 2017.

En outre, le 11 février dernier, le Président de la République a annoncé des mesures supplémentaires de baisse des charges sociales. Certains diront que ce n’est pas assez. Ils feront monter les enchères. Est-ce raisonnable ? Ne faut-il pas, pour redonner confiance aux agriculteurs, leur montrer que nous pouvons, sur la cause nationale qu’est l’agriculture, nous retrouver sur toutes les travées et construire ensemble, sans faire de politique politicienne ?

M. le président. Posez votre question !

M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, vous avez défendu hier les intérêts de la France au conseil européen des ministres de l’agriculture. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Votre question !

M. Henri Cabanel. Ma question est la suivante : pouvez-vous éclairer nos agriculteurs sur les pistes que vous avez ouvertes hier avec vos collègues européens ? Les avez-vous convaincus de la nécessité d’une véritable stratégie européenne pour sauver notre agriculture ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous êtes vous-même un exploitant agricole. Vous êtes familier d’une telle situation : il y a plusieurs années, la viticulture, que vous connaissez bien, a elle aussi subi des difficultés.

Nous sommes dans un moment extrêmement difficile. À la crise de l’élevage, que vous avez évoquée et qui touche plusieurs productions, s’ajoutent des problèmes sanitaires et la sécheresse – cela constitue ce qu’on peut appeler le lot commun.

La crise qui nous concerne est également liée à la situation des marchés internationaux. Je pense en particulier au lait et au porc, ainsi qu’à la situation spécifique de la viande bovine. Pour le lait, c’est très clair : alors que les prix sont bas, la production européenne ne cesse aujourd’hui de croître, et ce à un rythme extrêmement élevé, entre 5 % et 7 %. De ce fait, l’offre de lait dépasse aujourd’hui la demande, elle-même inférieure à ce qui avait été anticipé ; vous avez sur ce point évoqué le fameux marché chinois.

Dès lors, il faut mener une réflexion globale pour savoir comment freiner ce qui est en train de se passer. Tel était l’objet de la discussion européenne d’hier : que chacun prenne bien conscience de cette nécessité à l’échelle de l’Union européenne tout entière. Chacun des vingt-huit ministres présents a pris la parole sur ce sujet ; une douzaine d’entre eux ont clairement exprimé qu’ils partageaient l’analyse faite par la France – il fut un temps où le commissaire européen à l’agriculture considérait qu’il n’y avait pas réellement de crise…

Je rappelle que le sommet extraordinaire de septembre dernier s’est tenu à la demande de la France. Il a permis de débloquer 500 millions d’euros ; j’avais alors annoncé que ce montant ne suffirait pas.

M. le président. Il va falloir penser à conclure !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On est aujourd’hui à ce niveau.

Les États membres de l’Union européenne doivent mieux coopérer et mieux se coordonner pour éviter ce qui se passe aujourd’hui, à savoir une espèce de course à la production et à la concurrence entre pays européens, pour le plus grand désastre de l’agriculture et des agriculteurs en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Eh oui !

dotations aux collectivités pour l'accueil des réfugiés

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour le groupe Union des Démocrates et Indépendants -UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

À quelques semaines de la fin de l’hiver, nous approchons d’une recrudescence des migrations pour l’Europe via la Méditerranée. Nous savons ce que cela signifie : les flux migratoires de réfugiés, superposés aux flux migratoires économiques issus de territoires asiatiques ou africains, vont s’intensifier et charrier sur leur passage leur lot de drames humanitaires.

Cette situation n’a plus rien de conjoncturel, bien au contraire, comme l’a confirmé ce matin en commission des lois une communication consécutive au déplacement, la semaine dernière, de quelques-uns de nos collègues sur l’île de Lesbos. La crise en Irak et en Syrie perdure et pousse de plus en plus de personnes sur les routes terrestres ou maritimes vers l’Europe.

Face à cette tragique perspective, qui nous touche tous autant que nous sommes dans cet hémicycle, les collectivités territoriales et les élus locaux restent démunis. Le 12 septembre dernier, le ministre de l’intérieur s’est engagé à soutenir les territoires dans leur effort de prise en charge et d’accueil des réfugiés. Il a évoqué une aide de 1 000 euros par personne hébergée, parlé d’assistance administrative et d’aide à la construction ou à la mise en œuvre de solutions d’hébergement.

Près de six mois après ces annonces, force est de constater que ces paroles n’ont pas été suivies d’effet. Le bilan de cette assistance reste trop mince pour permettre de répondre aux actions déjà engagées dans nos communes et nos départements. Qu’en sera-t-il demain ?

L’urgence humanitaire place les élus locaux et les collectivités en position d’acteurs obligés d’une tragédie qui se joue invariablement chaque jour sous leurs yeux, alors qu’elles n’en ont pas les compétences, ni nécessairement les moyens. Cette situation est d’autant moins supportable que les flux à venir vont s’amplifier avec la mise en place du mécanisme européen de relocalisation, sans même parler de l’inévitable relocalisation des réfugiés de Calais.

Les territoires ne peuvent pas rester seuls face à ce phénomène, et ils ne peuvent pas non plus se satisfaire de l’inertie de l’État face à cette crise.

M. le président. Posez votre question, s’il vous plaît !

M. Yves Détraigne. Aussi ma question est-elle simple : qu’en est-il de l’effort financier, logistique et humain de l’État envers les collectivités face à l’amplification à venir de la crise migratoire ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. La France prend toute sa part dans l’accueil de ceux qui sollicitent sa protection ; c’est sa tradition. Elle a ainsi pris l’engagement d’accueillir 30 000 réfugiés, relocalisés depuis les hotspots ces deux dernières années.

Ainsi, dès le mois de septembre dernier, 600 relocalisés ont été accueillis, dans un premier temps dans les centres d’accueil d’Île-de-France. Le ministre de l’intérieur, retenu aujourd’hui à l’Assemblée nationale, a réuni le 12 septembre dernier les maires pour leur présenter la stratégie du Gouvernement et solliciter leur appui dans cette démarche d’accueil que la France a entendu mettre en place, en conformité avec ses valeurs et ce en quoi nous croyons.

Quel bilan tirer de ces premiers accueils ? Sur les 600 personnes accueillies, quasiment toutes ont aujourd’hui rejoint un logement pérenne grâce à la mobilisation des élus locaux, que je remercie et à qui je rends hommage. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je sais, monsieur le sénateur, que vous-même, en tant que maire de Witry-lès-Reims, avez accueilli une famille dans ce cadre. Je crois savoir que tout se passe bien, à la satisfaction générale.

Depuis le début de l’année, 135 personnes ont été accueillies en provenance des hotspots de Grèce et d’Italie. De nouvelles arrivées auront lieu au mois de mars prochain.

Comme le ministre de l’intérieur l’a indiqué aux maires, nous avons mis en place un dispositif d’accompagnement des communes qui accueillent des réfugiés. Ce dispositif est précisé dans une circulaire du 9 novembre 2015 et prévoit une aide de 1 000 euros par hébergement dans trois cas : une aide à la création de places d’hébergement, à hauteur de 1 000 euros par place dédiée à l’hébergement pour demandeurs d’asile en centres d’accueil de demandeurs d’asile ou en AT-SA, accueil temporaire-service de l’asile, ouverte entre le 1er septembre et le 31 décembre 2017 ;…