M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici parvenus, après une commission mixte paritaire conclusive, au terme de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue. Ce texte, porté par le député Arnaud Leroy, est l’aboutissement d’un travail approfondi mené par le Parlement afin de promouvoir la croissance bleue.

Cette volonté d’œuvrer pour une politique maritime ambitieuse au service de notre pays ne pouvait qu’être soutenue par le Gouvernement, puisque cette proposition de loi vient renforcer les différents textes consacrés, depuis 2012, aux activités maritimes : la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires ; la loi du 8 décembre 2015 tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes ; mais aussi le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, qui consacre un certain nombre de dispositions importantes à la mer.

Cette réponse législative était attendue par les acteurs. Elle vient s’insérer dans une démarche globale couvrant des dispositions variées – budgétaires, fiscales, contractuelles… – au service de l’économie maritime de notre pays. Je rappelle que le présent texte est le résultat de nombreux échanges conduits durant plusieurs mois avec l’État et les acteurs du monde maritime.

Le comité interministériel de la mer, ou CIMER, qui s’est tenu le 22 octobre dernier sous la présidence du Premier ministre, a permis d’avancer de manière concrète et opérationnelle sur un certain nombre de sujets importants et dans l’ensemble des secteurs qui constituent notre économie maritime.

Premièrement, le CIMER a assuré le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes français, en leur donnant de nouvelles perspectives de développement et d’attractivité.

Deuxièmement, il a mis en place des mesures assurant le renouvellement de la flotte de commerce pour l’adapter aux conditions du marché mondial.

Troisièmement, un soutien renforcé a été apporté à notre secteur de la pêche maritime, pilier de notre économie maritime particulièrement mis à l’honneur par le Premier ministre durant les visites menées en marge de ce comité, à Boulogne-sur-Mer. Ainsi pourrons-nous profiter de la conjoncture favorable pour préparer l’avenir et installer des jeunes.

Quatrièmement, le CIMER a permis d’affirmer une ambition aquacole pour la France, afin de réduire notre dépendance aux importations en produits de la mer en confortant les sites existants et de favoriser les implantations nouvelles.

Cinquièmement, il a garanti le renforcement de nos capacités de contrôle dans nos aires marines protégées, afin de préserver l’environnement marin de manière effective.

D’autres mesures ont été prises, permettant l’adaptation de nos outils de sûreté et de sécurité maritimes aux nouveaux enjeux. Le Gouvernement a notamment réaffirmé le caractère fondamental du principe de solidarité des gens de mer, en soutenant le programme d’investissement de la SNSM, la Société nationale de sauvetage en mer, pour le renouvellement de ses moyens.

Enfin, le CIMER a permis de souligner la nécessité de valoriser le potentiel considérable des espaces maritimes ultramarins, en renouvelant les moyens maritimes, en permettant leur surveillance et en soutenant le déploiement d’une stratégie spécifique pour nos ports d’outre-mer.

Plus récemment, ont été mises en place des missions parlementaires associant députés et sénateurs. Ces structures visent à développer le potentiel des axes situés dans l’hinterland de nos principaux ports maritimes. Nous en attendons les résultats dans quelques semaines. Il nous appartient collectivement de poursuivre la massification des flux, nécessaire pour que nos ports, forts de cette cohérence unique que procure notre littoral, le plus vaste d’Europe, retrouvent une place de premier plan dans le commerce mondial.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre de ces éléments trouvent logiquement une déclinaison législative dans le texte qui vous est soumis aujourd’hui. Cette proposition de loi s’est enrichie tout au long de la procédure parlementaire. À cet égard, je tiens à saluer M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, de l’important travail qu’il a accompli, ainsi que M. Michel Le Scouarnec, qui s’est penché sur les sujets liés à la pêche en bon Morbihannais. (Sourires.)

M. Loïc Hervé. Très beau département, le Morbihan !

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Avec plus de quatre-vingt-dix articles, le présent texte comporte désormais de nombreuses dispositions touchant au transport maritime, à la plaisance, à la pêche, à l’aquaculture, au domaine portuaire, à la sûreté et au droit du travail comme au fonctionnement des équipages. Il contient plusieurs mesures permettant des simplifications administratives. Il s’agit là, vous le savez, d’un sujet qui m’est cher.

Je ne reviendrai pas sur toutes ces dispositions. Je souhaite néanmoins en citer quelques-unes, en particulier celles qui ont été enrichies, voire introduites lors de l’examen au Sénat, grâce à vos travaux, qui sont toujours de grande qualité.

L’article 3 porte sur la gouvernance des ports. Il accorde notamment une place plus importante aux régions dans les instances de gouvernance des grands ports maritimes. Il prévoit également la création d’une commission des investissements au sein du conseil de développement, composée de deux collèges à parité, l’un public, l’autre privé, et présidée par le président du conseil régional ou par son délégué. Enfin, cet article prévoit l’extension de l’autoliquidation de la TVA à l’ensemble des personnes, physiques ou morales.

Les articles 5 quater A et 5 quater sont liés aux conditions de moralité exigées pour exercer certaines fonctions sur les navires de pêche. Ainsi, cette proposition de loi supprime toute condition de moralité pour les chefs mécaniciens à la pêche – ces professionnels n’auront pas moins de moralité pour autant (Sourires.). Elle supprime également les prérogatives de puissance publique des capitaines et suppléants des navires à la petite pêche et aux cultures marines.

L’article 8 étend les exonérations de charges patronales liées aux allocations familiales et à l’assurance chômage à tous les navires de commerce affectés à des activités de transport et soumis à la concurrence internationale. Jusqu’à présent, ces exonérations étaient réservées aux navires à passagers.

L’article 9 bis prévoit de confier au Conseil supérieur des gens de mer un rapport sur l’évolution de l’ENIM, l’Établissement national des invalides de la marine. Ce rapport associera les différents ministères concernés, à savoir les ministères en charge de la mer, de la santé et des finances. Ce sujet est extrêmement sensible pour les marins et pour les armateurs. Le Gouvernement suivra bien entendu ce travail avec le plus grand intérêt.

Je tiens également à ajouter que la proposition de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la question de la délimitation des espaces maritimes afin de moderniser notre droit en la matière – cette question me semble essentielle. Sans être directement chargé de la question maritime, comme vous le savez, j’ai souhaité l’organisation d’un colloque sur l’évaluation des politiques publiques, le 19 mai dernier, et la présentation de la politique maritime a permis de faire ressortir ce sujet, qui est aussi celui de la planification spatiale.

Enfin, le texte comporte des dispositions précieuses pour accompagner les secteurs de la pêche et de l’aquaculture ; je pense notamment à la modification du statut de la société de pêche artisanale, qui permettra de renforcer notre ambition partagée d’un renouvellement de notre flotte de pêche.

Pour terminer sur une tonalité plus sociale, j’aborderai une question importante, dont le Gouvernement avait été saisi, et que cette proposition de loi a permis de résoudre : les marins ayant liquidé leur pension avant le 19 octobre 1999 et ayant été soumis au feu pendant la guerre d’Algérie bénéficieront dorénavant d’un doublement de leur droit à retraite pour ces périodes.

Vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement pour suivre la mise en application des dispositions prévues dans cette proposition de loi.

Notre espace maritime représente une force considérable si nous savons le mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable, du respect de l’environnement et des énergies nouvelles. La mer, dans cette perspective de croissance bleue, est donc à la fois une ressource, un investissement et un domaine qu’il convient de protéger. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient pleinement l’adoption de cette proposition de loi. Nous saluons le travail accompli à l’Assemblée nationale et au Sénat, de même que le compromis trouvé en commission mixte paritaire, qui sera sans nul doute propice à la croissance bleue dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, examiner le texte d’une commission mixte paritaire conclusive est toujours gratifiant. Cela démontre, s’il le fallait encore, que nos deux assemblées savent réaliser des compromis constructifs.

Je remercie nos rapporteurs, tout particulièrement Didier Mandelli, pour les accords obtenus, qui permettent de répondre rapidement aux attentes des professionnels concernés. Nous espérons que les décrets d’application suivront très rapidement, monsieur le secrétaire d’État.

Cette première satisfaction ne doit pas occulter la déception de n’avoir abordé la croissance bleue qu’au travers d’une proposition de loi technique, sans véritable ambition stratégique, même si je reconnais à ses auteurs des efforts certains pour donner une cohérence à l’ensemble. Notre pays a en effet besoin d’une vision stratégique, audacieuse et cohérente, à la hauteur de son potentiel en matière d’économie maritime. On ne cesse de le répéter.

Les exemples sont là : quelle fierté, pour une élue vendéenne, de voir les chantiers de Saint-Nazaire obtenir encore et encore des contrats leur assurant des années de travail ! C’est bien une marque d’excellence, dont nous avons d’ailleurs davantage besoin en ces temps troublés par les blocages en tous genres. Mais ce n’est pas la seule : la croissance bleue est un formidable vivier de création d’emplois et d’attractivité.

Il est évident qu’il faudra désormais attendre le prochain quinquennat pour qu’une telle réforme voie le jour. Celle-ci devra permettre à nos grands ports maritimes de se positionner en tête des ports européens. Je rappelle que 50 % des biens à destination de la France sont débarqués dans un port étranger. Cette situation n’est pas acceptable !

Mme Annick Billon. Cette réforme devra aussi donner à nos pêcheurs les moyens de poursuivre la modernisation de leur profession et de leur outil de travail, au service d’une gestion durable des ressources halieutiques. Nous avons de formidables professionnels dans ce secteur, passionnés, désireux d’évoluer pour apporter aux consommateurs des produits de qualité, tout en ayant à cœur de préserver la ressource, qui, ne l’oublions pas, est leur avenir.

Elle devra en outre soutenir le développement d’une aquaculture de qualité, compétitive, respectueuse de l’environnement. N’est-ce pas frustrant de ne pas voir cette activité se développer, surtout quand on connaît le professionnalisme et l’expertise des aquaculteurs français ?

Elle devra enfin permettre aux élus d’assurer le développement des territoires littoraux dans le cadre d’une application équilibrée de la loi Littoral : il faut en revenir à l’esprit de la loi !

Je pourrais également citer le tourisme, les biotechnologies, les énergies marines renouvelables, la connaissance et l’exploitation des fonds marins, notamment des terres rares.

S’agissant de l’industrie nautique, toujours fleuron de l’économie vendéenne à la veille de la huitième édition du Vendée Globe, la mise en place d’une filière de déconstruction des bateaux en 2018 est l’échéance qui confirme l’engagement des professionnels, tout en laissant le temps indispensable pour créer un éco-organisme. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer de la collaboration de vos services sur ce dossier ? (M. le secrétaire d'État opine.)

La proposition de loi pour l’économie bleue n’est naturellement pas à la hauteur des ambitions que ses auteurs affichaient. Elle ne justifiait pas non plus l’urgence invoquée pour contraindre les sénateurs à travailler dans des délais aussi courts. Reconnaissons néanmoins qu’elle apporte un certain nombre d’ajustements juridiques dont ont besoin les acteurs de ces différents secteurs. Je ne reviendrai pas sur ces points dont nous avons déjà discuté.

Ce texte et les discussions qui l’ont accompagné ont enfin un mérite : celui de rappeler aux uns et aux autres que la France est une grande puissance maritime et que son avenir réside probablement dans l’économie bleue. Gageons que nous saurons à l’avenir nous tourner vers la mer. En attendant, le groupe UDI-UC votera la proposition de loi issue des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme de la navette parlementaire, le texte soumis au vote de notre assemblée est assez différent de la proposition de loi initiale déposée par les députés socialistes. En effet, son contenu a été enrichi par de nombreuses mesures, dont certaines n’ont que très peu à voir avec l’économie bleue.

L’examen en commission mixte paritaire est décevant. Tous les aspects les plus négatifs du texte ont été conservés, le seul point positif étant la suppression de l’amendement, déposé et adopté au Sénat, qui avait élargi le service minimum au domaine maritime.

Reste que les raisons qui nous avaient conduits à voter contre le texte sont encore d’actualité.

Ainsi, le Sénat avait, à l’article 22, transformé la possibilité d’indiquer la zone de capture ou de pêche dans les restaurants en obligation. La CMP a fait le choix de revenir à une simple faculté.

Le Sénat avait aussi, en adoptant un amendement que j’avais déposé, posé le principe de l’extension à la collecte des micro-déchets et des macro-déchets du rapport prévu par la loi sur l’élargissement des activités des pêcheurs. On se demande qui une telle mesure pouvait gêner ; elle a pourtant disparu.

Nous regrettons également, à l’article 19 bis AA, adopté au Sénat, que le texte de la CMP repousse à 2025, au lieu de 2020, l’interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués.

Par contre, la commission mixte paritaire a confirmé la remise en cause de la loi Littoral au nom de l’agriculture biologique, en permettant le maintien de structures en bois de 1 000 mètres carrés construites avant 2010 près du littoral.

Nous regrettons, enfin, le report de la mise en place de la filière REP de déconstruction des navires. Le problème se pose depuis bien longtemps ; tout le monde sait qu’il faut trouver une solution, et traîner ne sert à rien.

Autant de reculs qui montrent que la protection de notre environnement n’est pas toujours considérée comme une nécessité. De ce point de vue, les débats récents ne nous rendent pas très optimistes.

Par ailleurs, les objectifs initiaux du texte conservent une vision assez nettement libérale. Alors que nous avions supprimé le net wage au Sénat, celui-ci a été réinstauré. Ce dispositif repose sur l’idée fausse que, en abaissant les charges sociales et les droits des salariés, on relancerait l’emploi. Or la relance de l’emploi passe par bien d’autres facteurs comme le pouvoir d’achat, la formation, l’investissement et, surtout, un bon carnet de commandes ! Abaisser les charges sociales, c’est nier qu’elles sont un salaire différé ; cela revient à baisser les droits et les salaires. C’est avant tout une politique de régression sociale.

Autre régression : l’extension du RIF et la nouvelle définition de son application, qui veut que les critères soient définis par rapport à la flotte, et non navire par navire. Alors que ce pavillon a été déclaré pavillon de complaisance par la Fédération internationale des travailleurs, une telle disposition fait naître des risques en matière de sécurité et crée du dumping social et fiscal. Nous demandons, bien au contraire, un minimum de marins communautaires par navire, ce qui permettrait de garantir un niveau de formation et de qualification compatible avec les exigences de sécurité des navires et des personnels.

Dans un autre domaine, les ajouts concernant la lutte contre le terrorisme ont été maintenus et renforcés au fil des lectures. Ce texte permet ainsi le recours accru aux sociétés privées de protection des navires, ce que nous contestons.

Ajoutons que certains articles mélangent de manière indécente lutte contre le terrorisme et lutte contre l’immigration illégale, notamment dans les zones d’accès restreint des ports. Un article prévoit même une peine d’emprisonnement. Nous continuons de penser que légiférer de cette manière, sans avis du Conseil d’État, sans étude d’impact, n’est pas admissible. Ce texte n’est de toute façon pas le bon véhicule législatif.

Dernier point : nous avions été assez nombreux dans cet hémicycle à rappeler l’importance pour la défense nationale de la création et du renforcement de la flotte stratégique prévue dans la loi relative à la transition énergétique. Or, aujourd’hui, cette flotte est définie a minima. Il n’y a aucune exigence en termes de nombre de navires, de capacité de ces navires, de situation et de statut de l’équipage, notamment l’exigence de navires battant pavillon français. Toutes ces questions sont renvoyées au pouvoir réglementaire, alors qu’il s’agit de questions éminemment politiques et stratégiques. De plus, le texte ne fait plus mention d’une obligation de capacité de transport maritime de pétrole brut, mais d’une simple faculté.

Enfin, nous souhaitons de nouveau appeler l’attention du Gouvernement sur l’importance du renforcement des capacités multimodales des ports. Aujourd’hui, les politiques publiques sous-estiment ces aspects stratégiques, à l’inverse d’autres ports comme Rotterdam ou Anvers. Relancer l’économie maritime, cela passe aussi par un retour de la puissance publique au sein des ports, pour l’outillage, mais également en matière d’infrastructures de transports, notamment ferroviaires.

Pour toutes ces raisons, nous voterons une nouvelle fois contre ce texte, dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup de travail a été accompli depuis la publication, en 2013, du rapport d’Arnaud Leroy, Osons la mer, à l’origine de ce texte.

Souvent technique, cette proposition de loi a pour ambition de s’intéresser à toutes les composantes de l’économie maritime afin d’accompagner le potentiel exceptionnel de la croissance bleue. Elle vise à défendre l’économie maritime « au sens large », qui représente aujourd’hui pas moins de 340 000 emplois directs et 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Le Président de la République l’a rappelé, le 6 octobre 2015 : notre espace maritime « est une force considérable, si nous savons l’utiliser, si nous savons la mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable, du respect de l’environnement, de ces énergies nouvelles que nous pouvons trouver dans la mer. »

Je salue donc l’ambition transversale de ce texte, qui ne se limite pas à la seule question des transports maritimes. Bien sûr, il ne prétend pas apporter toutes les réponses, mais il en propose un nombre intéressant. D’ailleurs, je regrette les critiques de la majorité sénatoriale, qui a parfois, au cours du débat, minimisé la portée de ce texte, allant jusqu’à vouloir le rebaptiser.

Mme Évelyne Didier. C’est une manie !

Mme Nelly Tocqueville. S’il n’a pas toutes les vertus, ce texte s’inscrit cependant dans une dynamique et permet de franchir une nouvelle étape. De plus, il prolonge l’ambition affirmée du Gouvernement en faveur du secteur maritime. Le dernier comité interministériel de la mer, qui s’est tenu le 22 octobre 2015, a ainsi permis de tracer une feuille de route comprenant plusieurs sujets majeurs, notamment le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes.

En outre, récemment, plusieurs missions parlementaires de réflexion sur les axes portuaires ont été engagées. Ainsi, Valérie Fourneyron, députée de Rouen et notre collègue Charles Revet, sénateur de Seine-Maritime, ont été missionnés sur le devenir des ports du Havre et de Rouen. En effet, les enjeux sont grands pour le développement de notre territoire.

Pour être maire d’une commune située en bord de Seine, je connais la puissance économique des grands ports maritimes. Ainsi, le groupement d’intérêt économique HAROPA, Le Havre-Rouen-Paris, est devenu le premier port français, représentant 18 000 emplois pour le seul grand port maritime de Rouen.

Je veux saluer ici le travail considérable réalisé par Arnaud Leroy, qui a beaucoup enrichi son texte et su le faire évoluer, ainsi que celui de notre rapporteur, Bruno Mandelli. Je le remercie pour son sens du dialogue. C’est d’ailleurs cet esprit de compromis, partagé par tous, qui a permis de trouver un accord en commission mixte paritaire.

Bien sûr, certaines mesures préconisées par le texte faisaient consensus. Je pense particulièrement à l’autoliquidation de la TVA, proposition défendue de longue date par notre collègue Michel Delebarre.

Avec le système actuel de perception de la TVA, les entreprises importatrices donnent la priorité aux ports étrangers. Cela crée une distorsion, dans un contexte de très forte concurrence européenne, au détriment des ports français, particulièrement ceux du Nord, en raison de leur proximité avec les ports belges et néerlandais. Ce sont ainsi, chaque année, 2 millions de conteneurs qui ne sont pas pris en charge par nos ports nationaux.

En permettant l’autoliquidation à un grand nombre d’entreprises, nous supprimons une inégalité majeure pour les importations françaises et nous ouvrons des perspectives économiques considérables en termes de développement. Le rapatriement de ces flux perdus est en effet estimé à un gain d’environ 10 000 emplois et 1 milliard d’euros, et ce pour la seule filière portuaire. C’est d’ailleurs l’objectif de l’annonce faite par le Président de la République lors du Conseil stratégique de l’attractivité, le 22 mars 2016 : l’élargissement de l’autoliquidation de la TVA à plus de 8 000 opérateurs pour faciliter les opérations douanières.

S’agissant des conditions de moralité, entourant notamment la fonction de capitaine de navire, je me réjouis que l’Assemblée nationale et le Sénat aient, tour à tour, adopté des dispositions répondant à cette inquiétude forte du monde de la pêche. Ainsi, une solution a été trouvée pour les capitaines de petite pêche, comme pour les chefs mécaniciens embarqués à bord des navires de pêche. Le texte permettra, par ailleurs, au pouvoir réglementaire de revenir sur le décret du 2 juin 2015 et de préciser quelles infractions portées sur le bulletin n° 2 sont compatibles avec le plein exercice des fonctions de capitaine, d’officier en charge de sa suppléance, de chef mécanicien ou d’agent chargé de la sûreté du navire.

D’autres sujets devaient en revanche être tranchés par la CMP, notamment l’épineuse question de la gouvernance portuaire.

Les dispositions adoptées sur l’initiative de la majorité sénatoriale posaient de grandes difficultés. Elles mettaient à mal le caractère unifié de notre stratégie portuaire et entraînaient des bouleversements importants en matière de gestion des grands ports, dont personne ne pouvait réellement évaluer l’impact. En outre, les grands ports maritimes sont des établissements publics de l’État. Il n’était donc pas souhaitable de modifier leur nature juridique de cette manière.

Le retour au texte de l’Assemblée nationale sur la question du rôle de la région au sein du conseil de surveillance constitue donc, pour nous, une sage décision.

S’agissant de la commission des investissements, le texte adopté par la commission mixte paritaire est équilibré. Si la création de cette commission est évidemment légitime, afin de mieux intégrer les investisseurs privés dans le processus décisionnel portuaire, il n’était pas souhaitable d’inverser la hiérarchie institutionnelle existante des grands ports maritimes. Un avis conforme de la commission des investissements, de surcroît pris à la majorité des trois cinquièmes, aurait sans nul doute entraîné un risque de blocage dans les ports. Par conséquent, la suppression du caractère conforme de l’avis était nécessaire.

Je note cependant la reprise d’une partie des propositions du Sénat, témoignant de cet esprit de compromis que j’ai évoqué précédemment. Ainsi, l’avis de la commission des investissements est étendu aux projets d’investissements publics d’infrastructures d’intérêt général. De plus, la CMP a prévu que, si le conseil de surveillance décide de passer outre un avis défavorable de la commission des investissements, celui-ci doit motiver sa décision.

S’agissant des exonérations de cotisations sociales pour les employeurs de gens de mer, le fameux système net wage, le texte adopté par la commission mixte paritaire permet également d’aboutir à une rédaction équilibrée.

Les exonérations prévues pour le pavillon RIF sont élargies au pavillon du premier registre. C’est une mesure très importante pour la compétitivité et l’emploi de l’armement français.

Concernant la flotte stratégique, la commission mixte paritaire a reconnu aux armateurs la possibilité de se regrouper. Par ailleurs, le texte n’impose plus d’obligation de souscrire des contrats de couverture portant à la fois sur le pétrole brut et raffiné. Cette faculté est toutefois prévue dans le cadre de la capacité de transport, de même que la possibilité de recourir à des navires de moins de 20 000 tonnes. À cet égard, j’ai en mémoire la mise en garde du Gouvernement portant sur les difficultés juridiques posées par ce dispositif. Cette rédaction, moins stricte, nous permettra, me semble-t-il, de passer sous les fourches caudines de la Commission européenne.

Pour ce qui concerne l’extension des activités privées de protection des navires, le texte de la CMP autorise le recours aux sociétés privées de protection de navires au-delà de la mer territoriale s’il y a une menace d’actes de terrorisme. Là encore, j’observe une manifestation de la volonté de compromis de la CMP. Ainsi, le zonage encadrant le dispositif en matière d’actes terroristes est supprimé. Toutefois un décret déterminera les types de navires non éligibles ; il faudra donc attendre pour pouvoir juger du caractère opérant du dispositif.

Enfin, je me félicite de la suppression de la mesure relative au service minimum dans les transports maritimes. Il n’était absolument pas opportun de la mettre en place de cette manière. Si l’on souhaite vraiment faire une comparaison avec les transports terrestres, il faut aller jusqu’au bout ; le service minimum dans ce domaine avait été mis en place à la suite d’accords d’entreprise, le terrain avait donc été préparé. Ce n’est pas du tout le cas en matière maritime.

Sécurité maritime, gouvernance portuaire, infractions de pêche, exonérations de charge, je n’ai évoqué que les principaux points de ce texte, qui en comportent beaucoup d’autres. Monsieur le secrétaire d'État, nous savons que nous pouvons compter sur l’engagement du Gouvernement pour suivre la mise en application des dispositions prévues dans ce texte, qui est essentiel pour la construction concrète de la croissance bleue.

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe socialiste et républicain votera en faveur de ce texte équilibré, qui contribue au renforcement de la compétitivité de notre économie maritime. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)