M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, il ne vous aura pas échappé que nous n’avons pas déposé d’amendement. Il nous semble inutile d’essayer de modifier ce texte qui, évidemment, ne nous convient pas. Nous espérons que le travail de l’Assemblée nationale permettra de rétablir la version qui était importante pour nous.

La discussion générale était très intéressante. La position défendue par M. Dassault a montré qu’à l’évidence la majorité n’a pas opéré une véritable conversion. Elle a simplement essayé de masquer le caractère complètement archaïque de sa position initiale… Cela relève davantage d’un positionnement politique.

En tout état de cause, nous avons dit ce que nous avions à dire lors de la première lecture. Aujourd’hui, nous avons réaffirmé certains points lors de la discussion générale. Nous voterons malgré tout les amendements de nos collègues, parce qu’ils essaient de changer les choses, mais je dois avouer qu’il serait préférable d’en finir rapidement, car il n’y a pas grand-chose à attendre de notre débat, et de renvoyer le texte à l’Assemblée nationale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Marie, Durain, Cabanel, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer la référence :

L. 225-102-1

par la référence :

L. 225-102-3

et la référence :

L. 225-102-1-1

par la référence :

L. 225-102-4

II. – Alinéas 2 à 12

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 225-102-4. I. – Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger, établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance.

« Ce plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier et à prévenir la réalisation de risques d’atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires résultant des activités de la société et des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités de leurs sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie. Les mesures du plan visent également à prévenir les comportements de corruption active ou passive au sein de la société et des sociétés qu’elle contrôle.

« Le plan de vigilance est rendu public et inclus dans le rapport mentionné à l’article L. 225-102.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de présentation et d’application du plan de vigilance, ainsi que les conditions du suivi de sa mise en œuvre effective, le cas échéant dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale.

« II – Toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut demander à la juridiction compétente d’enjoindre à la société, le cas échéant sous astreinte, d’établir le plan de vigilance, d’en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en œuvre conformément au I.

« Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins. »

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Cet amendement ne satisfera vraisemblablement pas le président de la commission des lois, puisqu’il vise à rétablir le texte initial et, en particulier, l’obligation faite aux grandes sociétés – je rappelle qu’elles doivent avoir plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 salariés si l’on intègre leurs filiales à l’étranger – de prévoir un plan de vigilance, qui constitue en réalité le cœur du dispositif.

Contrairement à ce qui a été dit précédemment, l’article 1er définit le contenu de ce plan : il s’agit des « mesures de vigilance raisonnable propres à identifier et à prévenir la réalisation de risques d’atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales ». Or nous savons bien ce que sont les droits de l’homme et les libertés fondamentales !

Il doit également contenir des mesures pour prévenir les dommages corporels ou environnementaux graves, les risques sanitaires ou la corruption active ou passive : autant de faits que nous savons aussi déterminer.

Nous souhaitons restaurer toute l’originalité et la force de ce dispositif qui établit une vigilance à trois cent soixante degrés, car la commission des lois n’a pas seulement changé les modalités du dispositif d’origine, elle en a modifié la nature même. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables au texte de la commission et proposons de revenir au texte initial.

Par ailleurs, l’amendement tend à rétablir le mécanisme d’injonction sous astreinte. Sous couvert de clarification, la commission a restreint substantiellement la portée de ce mécanisme : dans son texte, il s’agit d’une simple injonction de communiquer des informations, alors que, dans la version initiale, il s’agissait d’une véritable injonction de faire, c’est-à-dire de communiquer, mais aussi de mettre en œuvre. C’est donc l’effectivité du dispositif qui est en jeu.

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 225-102-1-1. – Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et qui, à la clôture de deux exercices consécutifs, avec leurs filiales directes et indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, réalisent…

II. – Alinéa 3

Supprimer les deuxième, troisième et quatrième occurrences du mot :

risques

III. – Alinéa 10, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas tenues de rendre compte des informations prévues au présent article dès lors que ces informations sont publiées de façon consolidée par la société qui les contrôle au sens de l’article L. 233-3.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Gabouty, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

qui

insérer les mots :

, au vu de leurs états financiers consolidés

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement de précision vise à introduire la notion d’états financiers consolidés, qui existe déjà ailleurs dans le texte. Pour la définition du périmètre financier des entreprises, le terme « consolidé » ne figurait pas.

La consolidation peut être obligatoire : si le chiffre d’affaires est de 40 millions d’euros, les entreprises y sont tenues. En revanche, ce n’est pas le cas si le chiffre d’affaires est de 20 millions d’euros.

Cette notion d’états financiers consolidés est préférable à celle de chiffre d’affaires net, dont je ne connais pas la signification. Mon amendement suivant est un amendement de repli, qui prévoit une autre formulation.

Cette précision rédactionnelle ne change pas le sens du texte.

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Gabouty, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. – Supprimer les mots :

total de

II. – Après le mot :

bilan

insérer le mot :

consolidé

III. – Supprimer le mot :

net

IV. – Après le mot :

affaire

insérer le mot :

consolidé

Cet amendement a été précédemment défendu.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Collin et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

affaire

par le mot :

affaires

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. L’article 1er, qui est le cœur de la proposition de loi, suscite un véritable débat sur le fond, et c’est bien compréhensible.

Toutefois, pour reprendre la formule de Victor Hugo, la forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Cet amendement vise à corriger un point de détail qui a échappé à la sagacité de mes collègues. En effet, en français, le mot affaire soit se mettre au pluriel dans l’expression « chiffre d’affaires ». Je ne doute pas que cet amendement recevra un avis favorable de la commission !

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique également aux établissements de crédit, aux entreprises d’assurance et de réassurance, aux institutions de prévoyance et à leurs unions et aux mutuelles et à leurs unions mentionnés aux 1° à 4° du III de l’article L. 820-1 lorsqu’ils dépassent, à la clôture de deux exercices consécutifs, les seuils prévus au premier alinéa du présent article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à compléter le périmètre des « entités d’intérêt public » soumises à l’obligation de publier des informations sur les principaux risques sociaux et environnementaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Puisque l’amendement n° 2 rectifié est contraire à la position de la commission, celle-ci a émis un avis défavorable, les mêmes causes engendrant les mêmes effets.

Pour ce qui concerne les amendements nos 10 et 11 rectifié de M. Gabouty, qui sont liés – le premier vise à insérer la mention de la notion de comptes consolidés dans la vérification des sociétés concernées par l’obligation de vigilance et le second à préciser cette notion –, je ferai une réponse commune. Cette mention ne me paraît pas utile pour cerner le périmètre des sociétés cotées concernées par l’obligation de vigilance, puisque le texte, conformément à la directive européenne 2014/95/UE du 22 octobre 2014, fixe déjà des seuils précis incluant des filiales directes et indirectes françaises et étrangères.

De plus, la notion juridique de comptes consolidés englobe, outre la société mère, d’autres sociétés que les seules filiales – je vous renvoie notamment à l’article L. 233-16 du code de commerce. Cette précision serait donc en réalité une source de confusion sur le périmètre des sociétés soumises à cette nouvelle obligation.

Enfin, l’amendement n° 12, que je viens de défendre, contribue déjà à clarifier un dispositif dont je reconnais qu’il n’est pas aisément lisible…

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer ces deux amendements, monsieur Gabouty.

En ce qui concerne l’amendement n° 7 de M. Collin, j’émets un avis évidemment très favorable, car il vise à corriger une faute d’orthographe qui s’est glissée dans le texte de la commission. La division des lois l’aurait directement corrigée, mais, puisqu’il s’agit du seul amendement du groupe du RDSE…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Faut-il d’ailleurs en déduire que mes collègues du groupe du RDSE soutiennent le texte de la commission ? (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Comme le dit très bien M. le rapporteur, les mêmes causes ont les mêmes effets, et cela se vérifie dans l’autre sens. (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Étonnant !

M. Michel Sapin, ministre. Chacun sa logique…

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 2, qui tend à rétablir le texte initial, et défavorable à l’ensemble des amendements qui visent à améliorer le texte de la commission.

Cela étant, je peux évidemment avoir une indulgence particulière pour la correction orthographique de M. Collin ; je suis donc favorable à cet amendement,…

M. Henri de Raincourt. Il y a des privilégiés !

M. Michel Sapin, ministre. … même si je suis défavorable aux mots ainsi corrigés.

Enfin, je suis également défavorable à l’amendement n° 13.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Estonie, Lituanie, Slovaquie, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, Grèce : cette liste est celle des pays dont les parlements ont lancé, en mai dernier, une initiative demandant à la Commission européenne de légiférer sur un devoir de vigilance des entreprises européennes. Leur objectif est de prévenir et de réparer les dommages graves aux droits humains et sociaux et à l’environnement causés par les activités directes ou indirectes des entreprises.

Depuis l’effondrement du Rana Plaza, nombreuses sont les voix qui demandent que l’éthique prenne le dessus par rapport à l’économie ; la recherche effrénée de la rentabilité a trouvé ses limites.

Dans cette optique, le dispositif adopté en commission, du fait de sa souplesse et de son absence de caractère contraignant, fait perdre tout sens au texte initial.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la responsabilité sociale et environnementale des entreprises résulte d’une démarche née au sein des grandes entreprises elles-mêmes. Les premières firmes concernées au début des années 1990 étaient Levi’s, Nike, Reebok.

Je vous rappelle également le scandale qui a touché Nestlé à la suite de la révélation de la présence d’enfants dans ses plantations de cacao en Côte d’Ivoire. Cette société a dû organiser une campagne de communication affirmant que le recours à l’utilisation du travail des enfants dans sa chaîne d’approvisionnement du cacao allait à l’encontre de l’ensemble de ses valeurs.

Pour une grande entreprise, l’enjeu de la RSE est donc tout d’abord la compétitivité. Je vous renvoie d’ailleurs à l’étude du Conseil d’État de 2013, qui en fait le constat : « Il serait cependant réducteur de ne voir dans la RSE qu’un mécanisme défensif de réaction à des scandales. Ces démarches sont également sous-tendues par l’idée qu’une entreprise respectueuse des droits fondamentaux des travailleurs et de l’environnement aura une performance économique plus durable. Elles sont porteuses d’avancées. »

C’est l’économie qui doit être au service de l’humain et non l’inverse. Je voterai évidemment pour l’amendement de mon collègue Didier Marie.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 10 n’a plus d’objet.

Monsieur Gabouty, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Gabouty. Non, monsieur le président, je le retire.

En termes comptables, je le répète, je ne sais pas ce qu’est un chiffre d’affaires « net » mais, dans ce contexte, cela n’a pas grande importance.

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Marie, Durain, Cabanel, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge peut prononcer une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d’euros. Cette amende n’est pas une charge déductible du résultat fiscal. »

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Le présent amendement vise également à rétablir le texte initial pour offrir au juge la possibilité d’infliger une amende civile à une société négligente qui aurait omis d’établir son plan de vigilance. Le montant de cette amende civile ne pourrait être supérieur à 10 millions d’euros. En pratique, le juge vérifiera si l’entreprise a bien établi son plan, si elle en a assuré la communication et si elle a rendu compte de sa mise en œuvre.

La commission des lois a supprimé l’amende civile en invoquant notamment son caractère disproportionné. Rappelons toutefois que cela concerne des entreprises qui emploient au moins 5 000 salariés, directement ou par l’intermédiaire de filiales directes ou indirectes, donc de très grands groupes dont la pérennité ne devrait pas être remise en cause par une amende de cette nature si, par malheur, ils devaient en être frappés. Par ailleurs, le texte fixe certes un plafond, mais il appartiendra au juge de fixer le montant de chaque amende, qui a une fonction de prévention des infractions au regard des objectifs d’intérêt général du texte.

Autre argument invoqué par la commission à l’appui de la suppression de l’amende civile : le mécanisme de l’injonction suffirait. Néanmoins, je le disais précédemment, ce mécanisme a été restreint et sa portée amoindrie. En outre, notre objectif consiste à créer un dispositif complet instaurant des obligations claires et intelligibles pour les entreprises avec, parallèlement, un dispositif de sanctions qui, pour être efficace, doit être gradué. Cette amende ne doit donc pas être opposée au mécanisme d’injonction ; au contraire, les deux sanctions forment un tout pouvant être mis en œuvre par le juge.

Les craintes exprimées par la commission des lois nous paraissent donc infondées, d’autant qu’il sera toujours possible, M. le ministre l’indiquait, de préciser dans la suite de la discussion, notamment à l’Assemblée nationale, les modalités de mise en œuvre de cette amende.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de rétablir le texte dans sa version initiale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Outre qu’elle va à l’encontre la position de la commission, cette amende civile posera – le Gouvernement ne pourra pas prétendre le contraire – des problèmes constitutionnels.

L’avis de la commission sur cet amendement est évidemment défavorable.

Je m’en tiendrai là, mais je précise que c’est votre conception même du dispositif qui est viciée. En effet, comment peut-on faire de la prévention avec des amendes ? Il s’agit de deux conceptions qui s’opposent, au-delà même de ce que les uns et les autres peuvent penser.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce sont deux conceptions différentes ! Vous avez la vôtre, j’ai la mienne, et je ne les discute pas sur le fond.

Mme Évelyne Didier. Il n’y aurait pas de sanction pour ceux qui se conduisent mal, alors ?

M. le président. Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’appelle faire de la prévention, dans ce cas ! On peut créer des sanctions, mais il ne faut pas dire, comme je l’entends partout depuis ce matin, que l’on fait de la prévention. Dites que vous faites un texte coercitif !

Mme Évelyne Didier. Un plan de vigilance, c’est de la prévention !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La vigilance ne relève pas de la sanction. Soyez coercitifs, mais ne déguisez pas vos propositions en plan de vigilance.

Mme Évelyne Didier. La RSE ne relève pas de la sanction.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. N’appelez pas cela la « responsabilité » sociale et environnementale ; ayez le courage de votre opinion et allez au bout de la démarche. Faites un plan de sanctions des entreprises, un plan coercitif, mais n’invoquez pas une vertu qui n’en est pas une.

Mme Évelyne Didier. Caricature !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne vais pas relancer le débat, mais il est vrai qu’il vaut mieux éviter de caricaturer les positions des uns et des autres sur ce sujet.

En ce qui concerne cet amendement, j’émets, respectant la logique que j’ai invoquée précédemment, un avis favorable, puisqu’il s’agit de rétablir le texte initial. Néanmoins, je ne le dissimule pas, il y a effectivement un problème de constitutionnalité lié à la proportionnalité de la peine. Il faudra donc que l’Assemblée nationale adopte un certain nombre de modifications qui n’amoindriront pas le texte, mais qui lui conféreront toutes les garanties juridiques et constitutionnelles nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Je ne veux pas allonger excessivement le débat mais, le rapporteur donnant un peu dans la caricature, on ne peut laisser passer les propos qu’il a tenus.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. C’est cette proposition de loi qui est une caricature !

M. Didier Marie. Ce dispositif est bien une mesure de prévention. Vous l’avez souligné vous-même en commission, près de 80 % des entreprises du CAC 40 se sont déjà engagées dans des mesures proches de celles que nous souhaitons instaurer pour l’ensemble des entreprises. Pour celles qui ont déjà adopté une démarche de RSE, il n’y aura aucune difficulté à aller un peu plus loin et à mettre en œuvre le plan que nous souhaitons.

Il reste néanmoins 20 % des entreprises qui n’ont rien fait. Nous supposons que, une fois ce texte adopté, et il le sera, bon nombre d’entre elles franchiront le pas. Il en demeurera toujours, vraisemblablement, quelques-unes qui, pour des raisons diverses, notamment la volonté de privilégier la rentabilité par rapport à l’humanité, essaieront d’y échapper. Certes, elles pourront peut-être édicter un plan et communiquer à son sujet, mais elles ne le mettront pas en œuvre. La sanction est donc là pour ces sociétés.

Les entreprises, dans leur grande majorité, sont responsables, mais certaines ne le sont pas, l’actualité le démontre malheureusement chaque jour. C’est contre cela, contre cette forme d’esclavage moderne, que nous nous battons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre
Article 3

Article 2

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5, présenté par MM. Marie, Durain, Cabanel, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 225-102-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-102-5 Le non-respect des obligations définies à l’article L. 225-102-4 du présent code engage la responsabilité de son auteur dans les conditions fixées aux articles 1382 et 1383 du code civil.

« L’action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne mentionnée au II de l’article L. 225-102-4 du présent code.

« Outre la réparation du préjudice causé, le juge peut prononcer une amende civile définie au III du même article L. 225-102-4. Cette amende n’est pas une charge déductible du résultat fiscal.

« La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.

« La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte. »

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Le présent amendement vise à rétablir l’article 2 de la proposition de loi dans sa rédaction initiale. Pour justifier la suppression de cet article, la commission des lois a considéré que sa portée juridique posait problème.

De quoi s’agit-il ? L’article 2 du texte introduit un régime de responsabilité civile fondé sur les anciens articles 1382 et 1383 du code civil, désormais numérotés 1240 et 1241. En pratique, il reviendrait au juge d’établir l’existence d’une faute, consistant dans le défaut d’établissement d’un plan de vigilance, dans l’absence de publication ou dans la mise en œuvre imparfaite de ce plan. Il devrait aussi établir l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité.

En conséquence, il n’y a pas lieu de penser que les entreprises concernées par cette obligation seraient exposées à un risque important de contentieux. Il reviendrait en effet aux sociétés, pour satisfaire à leur obligation, d’édicter un plan contenant des mesures raisonnables et de le mettre effectivement en œuvre.

Pour en revenir à la critique du rapporteur, l’article ainsi rédigé ne contredit pas le juge constitutionnel, lequel a posé une double condition : que chaque personne consente à ce qu’une organisation représentative introduise une action pour son compte et qu’elle conserve la liberté de conduire la défense de ses intérêts et de mettre un terme à cette action.

Ainsi, ces doutes nous paraissant excessifs, nous demandons le rétablissement de cet article 2.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Labbé, Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 225-102-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-102-5. – Le non-respect des obligations définies à l’article L. 225-102-4 du présent code engage la responsabilité de son auteur dans les conditions fixées aux articles 1240 et 1241 du code civil.

« L’action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne mentionnée au II de l’article L. 225-102-4 du présent code.

« Outre la réparation du préjudice causé, le juge peut prononcer une amende civile définie au III du même article L. 225-102-4. Cette amende n’est pas une charge déductible du résultat fiscal.

« La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.

« La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement est défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements sont quasi identiques et tendent à rétablir le texte de l’article 2 issu de l’Assemblée nationale portant sur le régime de responsabilité. Faisons court…