Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si les principes de la prescription en matière pénale ont été consacrés dans le code d’instruction criminelle de 1808, ses fondements remontent à l’ancien droit et s’enracinent dans le droit écrit héritier du droit romain.

De tout temps, la prescription aura voulu assurer la sécurité juridique et, en matière pénale, répondre à la nécessité de la répression autant qu’à des exigences sociales. La jurisprudence et la volonté du législateur n’auront cessé de répondre au mieux à ce double défi.

L’évolution des techniques pousse continuellement à renforcer l’action et, par conséquent, à desserrer la contrainte des délais. Dans le même temps, la société se satisfait de moins en moins de règles susceptibles de freiner ou d’éteindre l’action pénale.

La jurisprudence aura fortement contribué à cette évolution, en posant des principes comme la règle contra non valentem agere non currit praescriptio : la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l’impossibilité d’agir. S’y ajoute la pression de l’opinion, par exemple en matière de violences sexuelles.

Ces règles devenues inadaptées aux attentes de la société exigent un travail législatif. Celui-ci fut entrepris dès 2007, avec la mise en place, par la commission des lois du Sénat, d’une mission confiée à nos collègues Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung, qui formulèrent dix-sept recommandations visant à créer « un droit de la prescription moderne et cohérent ».

Si la réforme du 17 juin 2008 a exprimé cette réactualisation des règles de prescription en matière civile, en revanche, en matière pénale, les recommandations étaient restées lettre morte jusqu’à ce jour.

C’est donc cette réponse que nous apportons aujourd’hui en légiférant sur ces prescriptions en matière pénale. Je salue les adaptations et orientations adoptées sur l’initiative de notre rapporteur, François-Noël Buffet, qui nous propose un texte regroupant des mesures rénovées et équilibrées.

Il était en effet indispensable de nous donner le temps d’auditionner, de comparer et de réfléchir. Aussi le renvoi en commission décidé le 2 juin dernier a-t-il été hautement bénéfique.

Sans vouloir polémiquer sur l’actualité des déclarations présidentielles, monsieur le garde des sceaux, moderniser nos institutions, ce n’est pas légiférer plus rapidement, c’est légiférer moins et mieux.

Les fondements de la prescription de l’action publique et de la peine sont en partie communs. M. le rapporteur nous l’a rappelé et nous y sommes attachés.

Ainsi, la commission des lois, sur la proposition de son rapporteur, et à une très forte majorité, a prévu un allongement des délais de prescription en matière pénale et un encadrement des règles relatives à leur computation, ce afin d’éviter de créer de nouvelles imprescriptibilités, de droit ou de fait.

Il est donc important de répondre à la double nécessité d’améliorer la répression des infractions tout en préservant les principes fondateurs de la prescription sous un regard toujours plus attentif et sensible de l’opinion.

S’agissant des délais de prescription de droit commun, nous souscrivons à l’allongement des délais de prescription de l’action publique en matière criminelle et délictuelle.

En réalité, l’allongement des délais de prescription répond à l’hypothèse d’un signalement tardif des faits aux autorités, plusieurs années après leur commission. Ce doublement permettra donc d’accorder plus de temps aux victimes pour porter plainte. De surcroît, ces nouveaux délais de prescription se rapprocheront des délais prévus dans les autres pays de l’Union européenne, en particulier pour les délits.

S’agissant de l’imprescriptibilité des crimes de guerre, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette disposition nouvelle, issue d’un amendement de compromis adopté par l’Assemblée nationale, n’est juridiquement imposée ni par le statut de la Cour pénale internationale ni par aucun engagement international de la France. L’objectif visé est d’ores et déjà satisfait par la jurisprudence. Pour les crimes de guerre connexes à des crimes contre l’humanité, ceux-ci se trouvent déjà bénéficier de l’imprescriptibilité.

Il s’est donc fortement imposé de ne pouvoir déroger au caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité reconnu aux seuls crimes contre l’humanité. Je salue donc la suppression de ce qui a été qualifié d’« OVNI pénal », et j’y souscris pleinement.

Enfin, il est apparu nécessaire, du fait de l’évolution de la jurisprudence, et pour éviter le sentiment d’arbitraire, de clarifier le report du point de départ des délais de prescription à l’égard de délits « occultes » ou « dissimulés », sans que la détermination des infractions répondant à ces qualifications puisse être dégagée avec une réelle certitude.

Ainsi, il nous est apparu tout à fait pertinent, en premier lieu, pour certaines infractions commises sur les mineurs, de conserver le report du point de départ jusqu’à leur majorité, permettant ainsi l’engagement de l’action publique jusqu’à ce que les victimes atteignent l’âge de 28 ou 38 ans.

Nous avons choisi, en deuxième lieu, de consacrer législativement la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la définition et au report du point de départ du délai de prescription de l’action publique des infractions occultes.

Enfin, en troisième lieu, nous avons voulu fixer un délai butoir pour le report du point de départ des délais de prescription de ces infractions, délai qui ne pourrait excéder dix ans, en matière délictuelle, et vingt ans, en matière criminelle, à compter de la commission de l’infraction.

En revanche, nous ne pouvions souscrire à la position de l’Assemblée nationale quant à la définition des infractions dissimulées. La formulation retenue par les députés est en effet autant imprécise que trop vaste.

S’agissant des actes interruptifs de prescription, qui ont pour effet l’anéantissement rétroactif du délai ayant déjà couru par l’effet d’un événement de la procédure marquant le point de départ d’un nouveau délai, il nous est apparu nécessaire de donner une base légale aux solutions jurisprudentielles reconnaissant cet effet interruptif aux actes d’enquête, ainsi qu’aux actes d’instruction ou de poursuite émanant de la personne exerçant l’action civile.

Pour autant, comment accepter que les plaintes simples puissent avoir un effet interruptif ? La jurisprudence a d’ailleurs toujours refusé de consacrer ce principe, notamment parce que cela risquerait d’être source de manœuvres abusives. Pour notre part, nous recherchons une sécurité juridique optimale pour les procédures pénales.

Pour conclure, vous me permettrez de rappeler, comme l’évoquait le président Bertrand Louvel, les règles de prescription qui figuraient dans la charte d’Aigues-Mortes de 1246. Celles-ci prévoyaient, aux côtés des délais de la prescription de l’action, un délai de prescription du procès, qui devait être achevé en moins d’un an à compter du début de l’enquête, à moins qu’il n’y ait appel, auquel cas la procédure d’appel devait être achevée en moins de six mois. Bien que tombé dans l’oubli, le droit international rappelle avec insistance comme principe le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

Vous comprendrez, mes chers collègues, par ce rappel à l’histoire et à ceux qui voudraient en douter, que le principe de prescription est une notion plus moderne qu’il peut y paraître.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale
Article 2

Article 1er

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les articles 7 à 9 sont ainsi rédigés :

« Art. 7. – L’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.

« L’action publique des crimes mentionnés aux articles 706-16, 706-26 et 706-167 du présent code, aux articles 214-1 à 214-4 et 221-12 du code pénal et au livre IV bis du même code se prescrit par trente années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.

« L’action publique des crimes mentionnés aux articles 211-1 à 212-3 du code pénal est imprescriptible.

« Art. 8. – L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.

« L’action publique des délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, à l’exception de ceux mentionnés aux articles 222-29-1 et 227-26 du code pénal, se prescrit par dix années révolues à compter de la majorité de ces derniers.

« L’action publique des délits mentionnés aux articles 222-12, 222-29-1 et 227-26 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par vingt années révolues à compter de la majorité de ces derniers.

« L’action publique des délits mentionnés à l’article 706-16 du présent code, des délits mentionnés à l’article 706-26 du même code, des délits mentionnés à l’article 706-167 dudit code, lorsqu’ils sont punis de dix ans d’emprisonnement, ainsi que de ceux mentionnés au livre IV bis du code pénal se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.

« Art. 9. – L’action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise. » ;

2° Après l’article 9, sont insérés des articles 9-1 A à 9-3 ainsi rédigés :

« Art. 9–1 A. – Par dérogation aux premiers alinéas des articles 7 et 8, le délai de prescription de l’action publique des crimes et délits mentionnés à l’article 706-47 et aux articles 222-10 et 222-12 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, et du crime prévu à l’article 214-2 du même code, lorsqu’il a conduit à la naissance d’un enfant, court à compter de la majorité du mineur.

« Par dérogation aux articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, et au plus tard dix ans, pour les délits, et trente ans, pour les crimes, à compter du jour où l’infraction a été commise.

« Est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire.

« Art. 9–1. – Le délai de prescription de l’action publique est interrompu par :

« 1° Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l’action publique, prévu aux articles 80, 82, 87, 88, 388, 531, 532 et à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

« 2° Tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;

« 3° Tout acte d’instruction prévu par les articles 79 à 230 du présent code, accompli par un juge d’instruction, une chambre de l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaires par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;

« 4° Tout jugement ou arrêt, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité.

« Tout acte, jugement ou arrêt mentionné aux 1° à 4° fait courir un délai de prescription d’une durée égale au délai initial.

« Le présent article est applicable aux infractions connexes ainsi qu’aux auteurs ou complices non visés par l'un de ces mêmes acte, jugement ou arrêt.

« Art. 9-2. – (Supprimé)

« Art. 9–3. – Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique suspend la prescription. » ;

3° (nouveau) La première phrase du second alinéa de l’article 15-3 est complétée par les mots : « , qui mentionne les délais de prescription de l’action publique définis aux articles 7 à 9 ainsi que la possibilité d’interrompre le délai de prescription par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, en application de l’article 85 ».

Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L’amendement n° 9, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Nous demandons la suppression des alinéas 2 à 10 de cet article. Nous avons pour objectif de maintenir les délais actuels de prescription de l’action publique. En effet, nous considérons que, avant de proposer un doublement de ces délais, il serait opportun de mieux en évaluer les conséquences pour les justiciables et pour la cohérence globale de notre système pénal.

Je ne reviendrai pas sur les explications que j’ai données dans la discussion générale ; je répéterai néanmoins qu’il ne nous paraît pas opportun de doubler ainsi les délais de prescription sans avoir procédé à une étude d’impact suffisante et sans que nous ayons eu une réflexion globale, à la fois sur l’adéquation de ces changements avec l’échelle des peines et sur une véritable réforme de notre procédure pénale.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Houpert, Cadic, Médevielle et Cigolotti, Mmes Férat, Gatel et Létard, M. Bockel et Mme Billon, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique des crimes mentionnés à l’article 706-47 du présent code et à l’article 222-10 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, est imprescriptible. »

II. – Alinéa 7

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

III. – Alinéa 8

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

trente

IV. – Alinéa 12

Supprimer les mots :

crimes et

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement, de même que le suivant, que je présenterai à la suite de celui-ci, porte sur la prescription des crimes sexuels. C’est un sujet dont nous avons très largement débattu au sein de cet hémicycle, notamment en 2014 lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Muguette Dini.

Je tiens tout d’abord à rappeler quelques chiffres. En effet, peut-être parce qu’ils sont assez méconnus, les viols sont souvent considérés comme un phénomène anecdotique. À cet égard, le Haut Conseil à l’égalité vient de publier un rapport sur ce phénomène. Selon lui, 84 000 femmes, chaque année, sont victimes de viol ou de tentative de viol, et 14 000 hommes, ce qui représente un phénomène assez méconnu. En outre, moins de 10 % de ces actes sont déclarés, que les victimes soient des adultes ou des enfants.

Or le droit existant prévoit, pour les viols et autres crimes sexuels commis sur des mineurs, un délai de prescription de vingt ans à compter de la majorité de la victime, qui court donc jusqu’à ce qu’elle ait trente-huit ans. Cette proposition de loi ne prévoit pas, à ce stade, de changer ces dispositions.

Pourtant, comme nous en avons largement discuté lors de notre précédent débat, l’amnésie post-traumatique n’est pas contestée scientifiquement. Elle existe, cela a été prouvé par la recherche médicale. Je vous invite sur ce point, mes chers collègues, à vous rapprocher des différents scientifiques qui travaillent sur ce sujet ou encore à travailler avec une association comme Stop aux violences sexuelles, qui connaît très bien ces sujets.

Ce phénomène amène parfois à des prises de conscience très tardives – bien après l’âge de trente-huit ans – de viols subis quand on était mineur. Or les délais de prescription sont alors écoulés. De fait, certains pays et territoires, comme, tout récemment, la Californie, ont décidé de rendre ces crimes imprescriptibles, ce qui est l’objet de l’amendement n° 6 rectifié bis. Cet amendement comporte également des dispositions visant à augmenter les délais de prescription pour les cas de traite ou de proxénétisme sur des mineurs.

L’amendement n° 7 rectifié bis, quant à lui, est un amendement de repli qui reprend très exactement les dispositions que nous avions votées dans cet hémicycle en 2014. Il vise à allonger à trente ans le délai de prescription de l’action publique des crimes sexuels commis sur des mineurs, à compter de la majorité de ceux-ci.

En effet, la présente proposition de loi, telle qu’issue des travaux de la commission, ne fait plus de différence, en termes de délais de prescription, suivant que les crimes soient commis contre des mineurs ou des majeurs : dans les deux cas, ce délai est fixé à vingt ans. Auparavant, il existait une différence : le délai était de dix ans pour les crimes sur personnes majeures ; de vingt ans, pour les crimes sexuels sur mineurs. Cela me pose quelques problèmes, puisqu’on tend désormais à considérer que ce n’est pas plus grave si ces crimes ont été commis sur des mineurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Houpert, Cadic, Médevielle, Cigolotti et Roche, Mmes Férat et Gatel, M. Bockel et Mmes Létard et Billon, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique des crimes mentionnés à l’article 706-47 du présent code et à l’article 222-10 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers. »

II. – Alinéa 7

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

III. – Alinéa 8

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

trente

Cet amendement a été précédemment défendu.

L’amendement n° 1 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, M. Botrel, Mme Campion, MM. Carvounas, Courteau et Duran, Mme E. Giraud, MM. Lalande et Masseret, Mme Perol-Dumont, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, M. F. Marc, Mme Génisson, M. D. Bailly et Mme Monier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique du délit mentionné à l’article 434-3 du code pénal, lorsqu’il est commis sur des mineurs, se prescrit par six années pour les délits et vingt années révolues pour les crimes à compter de la majorité de ces derniers.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. J’ai déposé sur cet article, en compagnie de vingt-sept autres membres du groupe socialiste et républicain, quatre amendements – nos 1 rectifié quater, 5 rectifié quater, 4 rectifié quater et 3 rectifié quater – qui, globalement, visent à allonger le délai de prescription lorsque l’on a affaire à des crimes sexuels commis sur des mineurs. Je ferai dès à présent une présentation d’ensemble de ces amendements.

Malheureusement, beaucoup trop de mineurs, encore aujourd’hui, sont victimes de crimes sexuels. Cela les marque pour très longtemps. Par ailleurs, bien souvent, comme ces crimes ont été commis par des personnes de leur entourage – parents, membres de la famille, éducateurs –, leur souvenir met très longtemps à ressortir. La mémoire ne revient souvent que bien après la majorité et même le délai de prescription actuel, qui est de vingt ans après la majorité.

Lorsque j’ai été nommé rapporteur de la proposition de loi de Mmes Dini et Jouanno, j’ai eu l’occasion de rencontrer des médecins, et notamment Mme Guérin, qui a bien analysé ce phénomène d’amnésie traumatique, qui fait que les victimes ne se remémorent ce qui s’est passé que bien après et souvent, d’ailleurs, lorsqu’elles ont elles-mêmes des enfants qui parviennent à l’âge où elles ont été elles-mêmes victimes de ces crimes sexuels. Il est donc clair que, en reportant de dix ans ce délai de prescription, on arrivera à couvrir beaucoup plus les possibilités liées à cette amnésie traumatique.

C’est pourquoi, voilà deux ans et demi, lors du débat de la proposition de loi de Mmes Dini et Jouanno, en tant que rapporteur, j’avais écarté la demande d’imprescriptibilité pour me rabattre sur cette demande de prolongation de vingt à trente ans du délai. J’avais d’ailleurs été suivi par une large majorité sur toutes les travées de cet hémicycle.

Cette proposition de loi, malheureusement, n’a pas prospéré à l’Assemblée nationale. Voilà pourquoi je saisis le véhicule que nous fournit cette proposition de loi consacrée à l’augmentation des délais de prescription pour revenir sur un sujet qui est, à mon sens, aujourd’hui essentiel.

En effet, beaucoup trop d’enfants sont victimes de ces crimes et beaucoup trop d’adultes vivent très mal d’avoir été victimes quand ils étaient enfants. J’ai rencontré des victimes qui, vingt ou trente ans plus tard, continuent de souffrir de ce qu’elles ont subi dans leur enfance. Je crois que nous leur devons justice. J’ai entendu des orateurs, à cette tribune, parler au nom des victimes, mais je dois dire que je ne me suis pas reconnu dans leur discours. En effet, les victimes que j’ai rencontrées m’ont toutes expliqué que, même si, après vingt ou trente ans, les preuves seront difficiles à trouver, ce qu’elles demandent, c’est que l’affaire soit traitée, qu’elles soient entendues et qu’un juge se prononce ; s’il risque d’y avoir acquittement, du moins on ne laisse pas d’incertitude.

Voilà pourquoi nous avons déposé ces amendements visant à allonger ce délai de vingt à trente ans. Notre assemblée a voté cet allongement il y a deux ans. Aujourd’hui, nous allons allonger le délai de prescription de tous les crimes de dix à vingt ans. Le parallélisme des formes voudrait donc que l’on allonge ce délai de vingt à trente ans pour les crimes sexuels sur mineurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Tourenne, Courteau et Botrel, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt

Cet amendement a été précédemment défendu.

L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Tourenne, Courteau et Botrel, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

trente

Cet amendement a été précédemment défendu.

L’amendement n° 13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’action publique des délits mentionnés à l’article 706–167 du présent code, lorsqu’ils sont punis de dix ans d’emprisonnement, ainsi que celle des délits mentionnés aux articles 706–16 et 706–26 du même code et au livre IV bis du code pénal se prescrivent par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 17 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 13, alinéa 3

Remplacer la référence :

et 706–26 du même code

par les mots :

du présent code, à l’exclusion de ceux définis aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du code pénal, et 706-26 du présent code

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ce sous-amendement a pour objet d’écarter l’application des délais de prescription allongés en matière terroriste aux délits d’apologie du terrorisme et de consultation habituelle de site terroriste.

D’une moindre gravité et sans lien direct avec la réalisation d’un acte terroriste, ces infractions ont en effet déjà un régime répressif distinct des autres, ainsi que l’a notamment décidé le législateur, dans la récente loi du 21 juillet 2016 prolongeant l’état d’urgence, en interdisant les aménagements de peines aux personnes condamnées pour une infraction terroriste autre que l’apologie du terrorisme ou la consultation habituelle de site terroriste.

Le nouveau délai délictuel de droit commun de six ans sera donc applicable à ces délits, et non le délai de vingt ans.

Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 9–1 A. – Le délai de prescription de l’action publique des crimes et délits mentionnés à l’article 706–47 et aux articles 222–10 et 222–12 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, court à compter de la majorité de ce dernier.

« Le délai de prescription de l’action publique du crime prévu à l’article 214–2 du même code, lorsqu’il a conduit à la naissance d’un enfant, court à compter de la majorité de ce dernier.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est, lui aussi, rédactionnel.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier et Tasca, M. Botrel, Mme Lepage, MM. Duran, Tourenne et Courteau, Mme Perol-Dumont, M. Carvounas, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard, Roux et Masseret, Mmes Campion et E. Giraud, M. Lalande, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, M. F. Marc, Mme Génisson, M. D. Bailly et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce délai de prescription est de trente années révolues.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de ceux qu’elle a elle-même présentés ?