M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame Malherbe, je vous remercie de votre précision sur la directive phytosanitaire : le sujet était important, et nous y avons répondu.

Nous avons tout à fait conscience des difficultés que peuvent rencontrer les viticulteurs, notamment après cette période de sécheresse, en particulier dans votre département, les Pyrénées-Orientales.

Comme vous le savez, des dispositifs existent déjà, en particulier si les viticulteurs veulent réinvestir ou rééchelonner les dettes relatives aux investissements qu’ils ont pu réaliser, par le biais, notamment, de Bpifrance et de la fameuse Société interprofessionnelle artisanale de garantie d’investissements, la SIAGI. Bien évidemment, les viticulteurs des Pyrénées-Orientales peuvent bénéficier de ces mesures facilitant le refinancement de leurs exploitations.

S’agissant des dispositifs d’accompagnement social, les viticulteurs, comme les autres agriculteurs, peuvent faire le choix de l’année n-1 pour le calcul de l’assiette de leurs cotisations sociales.

Pour les agriculteurs qui rencontreraient des difficultés absolument insurmontables, des dispositions ont été prises afin de les aider à arrêter leur activité agricole et à se former à une autre activité, au travers du versement d’une aide individuelle de formation tout à fait exceptionnelle et du soutien de l’État, du fonds formation VIVEA et de Pôle emploi.

Enfin, quant au fameux pacte annoncé par le Gouvernement, les dégrèvements d’office de la taxe sur le foncier non bâti ne concernent que les terres arables, non les terres viticoles, et sont liés aux inondations exceptionnelles du printemps, non à la sécheresse. Pour autant, les maraîchers, arboriculteurs ou autres viticulteurs peuvent aussi obtenir des remises sur leurs impôts en présentant des demandes de dégrèvement individuel à la hauteur des pertes qu’ils ont subies. Je vous garantis que leurs dossiers seront traités avec sérieux et célérité par les services fiscaux.

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour la réplique.

Mme Hermeline Malherbe. Au-delà des mesures existantes dont les viticulteurs peuvent déjà profiter, il est important de pouvoir satisfaire la demande de ceux-ci de bénéficier du pacte, car la viticulture est aussi honorable que la culture céréalière ou l’élevage.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Hermeline Malherbe. La collectivité départementale que j’ai l’honneur de présider est d’ores et déjà prête à y prendre toute sa part.

scandale fiscal de basf

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.

Mme Leila Aïchi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

Près d’un milliard d’euros pour l’Europe, de 40 millions pour la France, voilà les montants d’impôts astronomiques évités par BASF grâce à des méthodes qui flirtent avec la légalité.

Un récent rapport de députés européens s’est penché sur les pratiques fiscales agressives de cet industriel chimique allemand, mondialement connu, implanté dans plusieurs pays européens et qui exporte, notamment, des pesticides reconnus comme cancérigènes et interdits à l’usage dans l’Union européenne et en France.

Ce rapport édifiant a révélé l’étendue du système mis en place par l’entreprise pour alléger de manière spectaculaire sa facture fiscale. Aucune parade d’optimisation fiscale – je dis bien aucune – n’a été oubliée : boîtes à brevets, produits hybrides, prix de transfert… Et j’en passe !

Devant de telles sommes, certainement sous-estimées, devant une stratégie d’évitement aussi complexe qui lèse les contribuables français et l’État, il paraît difficile de ne pas s’interroger ! N’est-ce pas une évasion fiscale, monsieur le ministre ?

Comment expliquer la différence abyssale entre les 2 milliards d’euros de ventes réalisés par la filiale de BASF en France et les ridicules 9 millions d’euros de profits déclarés ?

Comment justifier qu’une entreprise qui déclare près de 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires ne soit imposée qu’à hauteur de 0,31 % ?

Enfin, comment accepter qu’une entreprise déclare vingt-deux filiales aux Pays-Bas sans aucun employé ?

Au-delà de la simple question comptable, vous admettrez qu’il y a bien là un problème éthique et moral qui porte le populisme en France et en Europe.

En pleine crise, au moment où l’on demande sans cesse des sacrifices aux Français, où l’État peine à boucler ses budgets et où nos PME sont étouffées par la pression fiscale, comment pouvons-nous tolérer de telles pratiques, qui ne sont malheureusement pas l’apanage de BASF ?

Pourtant, les solutions existent ! Mais face au manque de volonté des institutions européennes, face au manque de courage et au détriment de la justice sociale tant réclamée par nos concitoyens, ces solutions peinent à émerger.

Alors, monsieur le ministre, comment a-t-on pu laisser faire ? Le Gouvernement va-t-il réagir devant un tel scandale ? La France va-t-elle se doter de règles suffisantes pour éviter ces pratiques déloyales et honteuses ? Compte-t-elle impulser un élan européen en ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, à partir d’un cas particulier, qui a été soulevé et analysé dans un rapport réalisé par le Parlement européen, vous posez la question décisive de la lutte contre l’évasion fiscale.

Évidemment, nous n’avons pas attendu aujourd’hui pour agir et je vais vous donner quelques éléments sur l’efficacité des politiques que nous menons depuis quelques années.

Je souhaite d’abord vous dire que, sur ce dossier comme sur tous les autres, je suis naturellement tenu par le secret fiscal. (Exclamations sur différentes travées.) S’exclamer ne change rien au fait que la loi s’applique à tous, à vous comme à moi, mesdames, messieurs les sénateurs !

Je peux toutefois vous dire, madame Aïchi, que, si la moindre faute est avérée, elle a été ou est en train d’être redressée par les services de mon ministère.

Pour ce qui concerne la lutte contre l’évasion fiscale de manière générale, je voudrais vous donner deux chiffres. Vous les connaissez, puisque vous êtes bien informée de ces sujets. Avant 2012, le redressement annuel lié à des évasions fiscales s’élevait à environ 16 milliards d’euros ; en 2015, dernière année pour laquelle les chiffres sont connus, ce montant atteint près de 22 milliards d’euros. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) En quatre ans, nous avons donc rétabli un montant de base imposable de l’ordre de 6 milliards d’euros.

Cela n’est pas uniquement le résultat du hasard, de l’affirmation d’une volonté – la nôtre ou la vôtre – ou du travail extrêmement méritoire des services du ministère.

Cela provient aussi de l’adoption, en France, de nouvelles règles, qui permettent notamment de mieux appréhender la notion d’établissement stable ou de lutter contre les transferts abusifs liés à la rémunération de prétendus brevets.

Les progrès viennent aussi du fait que la coordination internationale est bien meilleure. Je pense en particulier au projet BEPS, qui est devenu une réalité et qui permet de lutter, à l’échelon international, contre toutes les formes d’érosion fiscale. Ce progrès est considérable et nous sommes passés dans un autre monde.

Vous l’avez dit, les mécanismes d’évasion fiscale ne sont pas acceptables, en particulier dans un monde où des efforts sont demandés à chacun, entreprises comme particuliers.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Nous avons agi pour que ce qui a pu exister à une époque ne puisse plus advenir et la lutte contre l’évasion fiscale permet, aujourd’hui, de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roger Karoutchi. Et qu’est-ce que vous faites de cet argent ?

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour la réplique.

Mme Leila Aïchi. Sur ce dossier, l’action du Gouvernement doit être exemplaire et sans concession. Vous le devez aux Français, qui croulent sous les impôts ! Vous le devez aux PME et aux artisans, qui croulent sous les charges sociales et finissent par disparaître ! Enfin, monsieur le ministre, vous le devez à vous-même, qui avez du mal à boucler votre budget ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe de l'UDI-UC et sur les travées du groupe Les Républicains .)

situation en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Catherine Tasca. Ma question s’adresse à Mme la ministre des outre-mer.

Le 29 octobre, lors d’un contrôle routier effectué par la gendarmerie sur la commune du Mont-Dore dans la périphérie de Nouméa, le conducteur d’un véhicule a tenté d’échapper au contrôle et opéré une manœuvre menaçant la vie d’un gendarme. Le chef de patrouille a réagi par un tir, qui, malheureusement, a tué le conducteur. Il s’agissait d’un jeune homme âgé de vingt-trois ans ayant fait l’objet de multiples condamnations et évadé de prison depuis le mois de juin 2015.

La mort d’un homme dans de telles circonstances est un drame familial et collectif.

Dès le lendemain, des gendarmes ont subi, sur la route qui longe la tribu de Saint-Louis à laquelle appartenait le jeune mort, des jets de projectiles et des tirs d’armes à feu.

Le jour même, les autorités coutumières, le maire de la commune, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le haut-commissaire se sont concertés pour engager une médiation et tenter d’éteindre le feu. Je veux saluer le sang-froid de toutes les autorités et de la famille de la victime. Depuis lors, les troubles se sont malheureusement répétés.

Au-delà de la compassion exprimée à l’égard de la famille, de l’enquête en cours et des mesures annoncées pour renforcer les forces de sécurité, ces événements nous alertent sur deux plans.

D’abord, sur le désenchantement, le désœuvrement, la désespérance, là-bas comme ici, d’une partie de la jeunesse sans formation ou perspective d’activité qui cherche dans la violence et l’agression des forces de l’ordre un exutoire à son mal-être.

Ensuite, sur le sort à venir de la Nouvelle-Calédonie et sur le processus institutionnel en cours engagé par Michel Rocard, Lionel Jospin et les responsables politiques néocalédoniens.

Et 2018, c’est demain. Alors, madame la ministre, quelle réponse le Gouvernement peut-il apporter à cette jeunesse ? Quel effet ces événements graves peuvent-ils avoir sur le processus institutionnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Les événements récents qui viennent d’être évoqués sont extrêmement graves. Je les suis en personne, en lien constant avec le haut-commissaire et les élus du territoire.

Trois axes guident notre mobilisation.

D’abord, la répression. Il faut sanctionner ceux qui portent atteinte au vivre ensemble calédonien. Le 5 octobre dernier, le ministre de l’intérieur, celui de la justice et moi-même avons annoncé des efforts importants en matière d’effectifs : 53 policiers et gendarmes seront déployés et une brigade de prévention de la délinquance juvénile sera créée.

Ensuite, la prévention en faveur de la jeunesse calédonienne. Le renforcement du service militaire adapté va se poursuivre. Les prochains contrats de développement comporteront onze opérations en faveur de la jeunesse pour un total de 15 millions d’euros octroyés par l’État. Je souhaite signer ces contrats lors d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie à la fin du mois.

Enfin, l’innovation. Face aux événements que nous connaissons, il nous faut, avec tous les responsables calédoniens, aller plus loin.

Je veux notamment que nous nous penchions sur les addictions, que ce soit à l’alcool ou au cannabis, qui font des ravages considérables sur ce territoire.

Je veux également accompagner les projets calédoniens en matière de prévention de la délinquance et je réitère mon engagement à expertiser les possibilités de créer un EPIDE, établissement pour l’insertion dans l’emploi, ou de mettre en place un service civique calédonien.

Ces trois axes illustrent notre détermination à prévenir la délinquance, car la paix sociale est l’une des conditions de la poursuite du processus institutionnel en cours. Nous œuvrons depuis trente ans à construire ensemble l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, dans la concertation et le dialogue. Rien ne doit remettre en cause les réalisations immenses que nous avons obtenues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

situation au gabon

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe UDI-UC.

M. Jean-Marie Bockel. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le Gabon connaît, depuis presque trois mois, des troubles graves, tant pour ses institutions que pour sa population. L’origine en est connue, l’élection présidentielle du 27 août dernier n’a pu consacrer la victoire d’Ali Bongo qu’au prix de la mobilisation de 95 % des électeurs d’une des huit provinces du pays – la sienne – qui auraient voté presque unanimement pour le président candidat.

Personne ne saurait être dupe d’un tel résultat. D’ailleurs, la France, l’Union européenne – elle doit rendre un nouveau rapport dans quelques jours –, les États-Unis et l’Union africaine ont émis des doutes sérieux sur la défaite proclamée de Jean Ping, qui, en réalité, a largement gagné cette élection.

Depuis, la violence se répand dans le pays. Le siège de campagne de Jean Ping a été attaqué à l’arme lourde. Des arrestations ont eu lieu ; elles se poursuivent encore. On dénombre des dizaines de morts et autant de disparus. Cette situation n’est tolérable pour personne.

La décision de la Cour constitutionnelle gabonaise, présidée par une proche du pouvoir en place, n’a pas permis de ramener l’ordre et le calme à Libreville et dans l’ensemble du pays.

Par-delà la crise gabonaise, on peut dire que c’est un coin enfoncé dans la fragile et patiente construction démocratique des pays africains.

Nous entretenons une relation privilégiée avec le Gabon, qui est notre allié et avec qui nous partageons une histoire commune. Autant il ne nous revient pas d’arbitrer un conflit politique interne à un État indépendant, autant, monsieur le ministre, la France ne peut rester passive devant un tel déni démocratique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. La France est liée au Gabon par une longue amitié. Une communauté française importante y réside. Notre pays, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, ne peut pas rester indifférent à ce qui s’y passe.

Mais il faut être clair : concernant l’élection présidentielle, la France n’avait pas à choisir entre l’un ou l’autre des candidats. Tout au long du processus, nous avons été attentifs au respect de la sincérité du scrutin et au règlement de la contestation des résultats par les voies juridictionnelles.

De nombreux observateurs de l’Union européenne étaient présents à toutes les étapes du scrutin et le rapport de cette mission qui sera prochainement publié devrait permettre une clarification des conditions dans lesquelles l’élection s’est déroulée.

Nous avons également soutenu les efforts des Nations unies et de l’Union africaine en faveur de l’apaisement. Il s’agissait avant tout d’éviter de nouvelles violences, dont la population aurait été la première victime.

Nous devons enfin rester particulièrement vigilants, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression, en particulier de la presse.

Aujourd’hui, il reste à organiser des élections législatives, dont la date n’est toujours pas fixée. Je souhaite que cette nouvelle phase de consultation du peuple gabonais soit l’occasion de sortir de la crise politique actuelle. La France l’appelle de ses vœux et c’est le sens des échanges que nous avons avec l’Union africaine. Il est d’ailleurs souhaitable que celle-ci continue de s’engager, comme elle a déjà eu l’occasion de le faire.

Pendant des années, monsieur le sénateur, la Françafrique a symbolisé une absence de transparence. Récemment, certains personnages troubles ont d’ailleurs resurgi et nous ne sommes pas étonnés que quelques-uns restent nostalgiques de cette période, qui, pour ce qui nous concerne, est terminée.

Les relations entre la France et ses partenaires africains doivent s’inscrire dans la clarté, l’amitié et la solidarité, mais aussi dans le respect de l’intégrité et de l’indépendance de chacun de ces pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

M. Jean-Marie Bockel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse diplomatique. (Sourires sur des travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Par le passé, la France a consacré tant d’efforts à soutenir un régime à bout de souffle. Puisse-t-elle aujourd’hui, dans le respect de la souveraineté du Gabon, mettre une petite partie de cette énergie pour faire en sorte que ce pays, ami et allié de longue date, retrouve la démocratie et la paix civile ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

drogues

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Mes interrogations portent sur les symptômes d’une certaine schizophrénie qui touche, semble-t-il, le Gouvernement.

D’un côté, vous mettez en œuvre une politique de lutte contre la consommation de drogue – c’est heureux ! –, notamment le cannabis, à travers la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

Mais, d’un autre côté, et en même temps, une partie de votre majorité et, quelquefois, des ministres dévoient ce message, en prônant la dépénalisation ou la légalisation du cannabis. Ces prises de position très médiatiques n’ont pour effet que d’en dédramatiser la consommation aux yeux de la jeunesse.

Pourtant, cette drogue est aujourd’hui un véritable fléau. Sur le site de la mission interministérielle précitée, nous pouvons voir qu’il existe des risques de cancer précoce du poumon, d’altération du cerveau, de diminution des capacités de mémoire et de vigilance.

À ce danger sanitaire s’ajoute bien sûr celui du trafic, qui nourrit la délinquance, la violence et parfois même le terrorisme et qui, en cas de dépénalisation, se reporterait sur des drogues plus dures.

Aussi, il n’est pas étonnant que cette politique de signaux contradictoires au plus haut niveau de l’État conduise à une banalisation du phénomène. Les chiffres de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies sont cruels ; ils indiquent que, après un fort recul entre 2002 et 2011, le niveau d’expérimentation du cannabis chez les jeunes a progressé de 17 %.

Dans ce contexte, pourriez-vous nous indiquer si, de manière unanime, le Gouvernement va, enfin, cesser de considérer ce problème comme une fatalité et agir avec détermination et surtout cohérence ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous abordez une question extrêmement grave : la consommation de cannabis, en particulier de la part des jeunes.

La France interdit la consommation de cannabis, et cela pour une raison très simple : elle comporte en effet des risques extrêmement graves pour la santé. Vous en avez cité quelques-uns, il en existe d’autres : les risques cardio-vasculaires, qui ne sont jamais évoqués et sont pourtant très importants ; les risques psychiatriques en termes de décompensation ou de déclaration de pathologies diverses et variées ; les risques de troubles cérébraux…

Je le répète, la consommation de cannabis comporte des risques extrêmement graves. C’est pourquoi nous poursuivons un objectif de santé publique, et la position de la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, n’a jamais varié. Comme pour l’ensemble des drogues, notre objectif est la prévention et la diminution de la consommation.

Ainsi, une enveloppe de 320 millions d’euros est destinée, chaque année, à financer plus de cinq cents lieux de consultations spécifiques sur toute la France. Je vous invite à faire connaître ces dispositifs de prévention pour les jeunes qui sont notamment destinés à accueillir les parents, souvent désemparés face à une éventuelle consommation de la part de leurs enfants.

C’est grâce à ces moyens de prévention que nous réussirons à diminuer ce fléau. Selon certains signes d’ailleurs, la consommation pourrait commencer à baisser. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Une étude récente montre que, entre 2011 et 2015, la consommation dans les lycées français a diminué.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Dans les établissements recensés par l’étude, la consommation est passée de 49 % à 44 %. C’est encore beaucoup trop, mais il pourrait y avoir un début de diminution. Il nous faut poursuivre pour arrêter ce fléau ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Françoise Laborde et Hermeline Malherbe applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, je ne peux pas être d’accord avec vos chiffres et le rapport de mon collègue Gilbert Barbier me le confirme. Je suis élue du nord des Yvelines et je connais bien les méfaits de la consommation de cannabis dans les lycées et les collèges. Pour un gouvernement qui avait dit qu’il ferait de la jeunesse sa priorité, nous sommes, ici, face à un échec cinglant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation migratoire en guyane

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Antoine Karam. Ma question s’adresse à Mme la ministre des outre-mer.

La société guyanaise traverse actuellement une période de tension extrême. Voilà une semaine, c’est un ancien conseiller général apprécié de tous qui a été assassiné, tué par balle lors d’un cambriolage à son domicile.

Ce nouveau drame nous rappelle douloureusement la spirale de violence dans laquelle la Guyane est plongée depuis plusieurs mois. Les chiffres de la délinquance sont en effet alarmants : 38 homicides en 2015 et 39 cette année ; 13 fois plus de vols avec armes que dans l’Hexagone.

Parallèlement, la Guyane doit faire face à une crise migratoire sans précédent. Alors que 2 700 demandes d’asile avaient été enregistrées en 2015, nous devrions en compter entre 9 000 et 10 000 à la fin de cette année. Cette augmentation exceptionnelle fait de Cayenne le deuxième guichet de France, après Paris, et met à mal un dispositif d’accueil déjà au bord de l’asphyxie.

Pour faire face à ces deux phénomènes, le ministre de l’intérieur a annoncé un plan de sécurité publique déployant des moyens matériels et humains importants.

Néanmoins, nous savons que cela ne suffira pas. La société guyanaise souffre de nombreux maux économiques et sociaux, qui alimentent un sentiment de frustration et de rejet.

Excédée par la situation, la population descend dans la rue pour crier son exaspération.

Je veux être clair, il est question pour moi non pas de faire l’amalgame entre insécurité et immigration, mais de vous relayer l’émotion, la fragilité et la colère légitime de la population guyanaise.

L’insécurité et l’immigration sont devenues les deux principales préoccupations de celle-ci. Elles risquent, si des réponses fortes et adaptées au territoire ne sont pas apportées, de causer des troubles graves dans la société.

Depuis 2013, la Guyane attend désespérément un pacte d’avenir, dont l’un des axes est justement d’affirmer la souveraineté de l’État et de maîtriser ses frontières.

Alors, je vous le demande, madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il réaffirmer les pouvoirs régaliens de l’État en Guyane ? Quelles mesures pouvons-nous mettre en place pour rassurer nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Ericka Bareigts, ministre des outre-mer. Je veux tout d’abord, au nom du Gouvernement, renouveler à la famille et aux proches de Patrice Clet nos condoléances les plus attristées.

Vous le savez, monsieur le sénateur, au lendemain de ce crime crapuleux, j’ai reçu l’ensemble des parlementaires guyanais pour échanger sur ce fait extrêmement douloureux.

Dans le cadre du plan sécurité outre-mer, que j’ai cosigné avec le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, nous avons confirmé l’envoi de matériel aux forces de sécurité et 55 policiers et gendarmes supplémentaires ont été déployés au 1er janvier. Bernard Cazeneuve a également annoncé la création d’une zone de sécurité prioritaire à Saint-Laurent-du-Maroni. Enfin, un escadron de gendarmes mobiles est arrivé, voilà deux jours, en Guyane.

D’autres moyens d’action doivent être mis en œuvre.

Pour ce qui concerne les armes, j’ai annoncé, hier soir à l’Assemblée nationale, une concertation locale pour proposer des mesures adaptées.

Quant à la prévention de la délinquance, je souhaite une large implication des élus afin de parvenir à une plus grande efficacité. Le ministre de l’intérieur et moi-même sommes parfaitement conscients de la situation et nous y apportons des réponses fortes et lucides.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, il n’est absolument pas question de faire l’amalgame entre insécurité et immigration. Nous devons aborder la question essentielle du développement économique et social.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Ericka Bareigts, ministre. Le pacte d’avenir pour la Guyane est un enjeu très important et je vous annonce qu’il sera transmis aux élus très prochainement. Nous aurons l’occasion d’en parler lors de mon prochain déplacement en Guyane, qui aura lieu la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

zones agricoles défavorisées

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)